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CA DOUAI (8e ch. 1), 9 septembre 2021

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CERCLAB - DOCUMENT N° 9116

CA DOUAI (8e ch. 1), 9 septembre 2021 : RG n° 19/02238 ; arrêt n° 21/901 

Publication : Jurica

 

Extraits : « Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit. »

2/ « La recommandation n° 05-02 du 14 mai 2005 de la commission des clauses abusives invoquée par l'appelant concerne les clauses de calcul d'intérêts dans les conventions de compte de dépôt en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement, et non pas les crédits immobiliers remboursables par échéances mensuelles, de sorte qu'elle ne saurait faire présumer le caractère abusif de la clause d'intérêts dans le contrat litigieux.

Afin de déterminer si la clause critiquée entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, il y a lieu d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit (Cour cass., 21/10/2020 : n° 19-18.038), cette clause n'étant pas, en soi, de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

Or, s'agissant d'un prêt remboursé à échéances constantes et selon une périodicité mensuelle, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours, soit un douzième d'année par mois, revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé de 30,4166, permis par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, qui s'applique au crédit immobilier. Les calculs effectués par la banque dans ses conclusions sur la base d'une année civile de 365 jours et du mois normalisé de 30,4166 jours et sur la base d'une année de 360 jours et du mois de 30 jours, ou encore en utilisant le rapport 1/12ème, appliqués à différentes échéances permettent en effet d'obtenir exactement le même montant d'intérêts.

Seule la première échéance du 5 juin 2011, correspondant à 45 jours entre le déblocage des fonds et son règlement, présente une anomalie à raison du calcul sur la base d'une année de 360 jours. Cette méthode a en effet entraîné un surplus d'intérêts évalué à 4,60 euros par l'appelant lui-même (l'appelant ayant réglé 335,92 euros d'intérêts au lieu de 331,90 euros), lequel ne suffit pas toutefois à caractériser un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

En conséquence, la clause litigieuse n'est pas abusive au sens des dispositions de l'article L.132-1 du code de la consommation, et il convient de débouter M. X. de ses demandes à ce titre. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

HUITIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 9 SEPTEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/02238. Arrêt n° 21/901. N° Portalis DBVT-V-B7D-SJMR. Jugement (R.G. n° 18/01154) rendu le 5 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Lille.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville] - de nationalité française, [...], Représenté par Maître Jérémie B., avocat au barreau de Douai substitué par Maître Pauline N., avocat au barreau de Douai

 

INTIMÉE :

SA LCL Crédit Lyonnais SA

ayant son siège [...], immatriculée au rcs de Lyon sous le n° YYY, agissant poursuite et diligences de son représentant légal domicilié audit siège, [...], [...], Représentée par Maître Patrick D.-T., avocat au barreau de Lille et Maître André C., avocat au barreau de Paris

 

DÉBATS à l'audience publique du 19 mai 2021 tenue par Dominique Duperrier magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Dominique Duperrier, président de chambre, Madame Pauline Mimiague, conseiller, Madame Catherine Menegaire, conseiller.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 9 septembre 2021 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Duperrier, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 19 mai 2021.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suivant offre préalable de prêt émise le 19 février 2011 et acceptée le 18 mars 2011, le Crédit Lyonnais a consenti à M. X. le rachat d'un prêt immobilier consenti par un autre établissement de crédit, à hauteur de 90.484,32 euros remboursable en 240 mensualités, au taux d'intérêt de 2,97 % l'an et au TEG de 3,37 % l'an, destiné à financer l'acquisition d'un appartement à usage d'habitation principale à [ville L.] (Nord).

Reprochant à la banque un calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, M. X., par acte d'huissier délivré le 28 décembre 2017, a assigné le Crédit Lyonnais à comparaître devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins de voir :

- prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels du prêt,

- ordonné la substitution du taux d'intérêt légal depuis la souscription du contrat,

- enjoindre le Crédit Lyonnais d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement,

- condamner le Crédit Lyonnais à lui restituer le trop-perçu d'intérêts, soit la somme de 12.842,41 euros, arrêtée au 4 octobre 2017, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 3.600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- ordonner l'exécution provisoire.

Par jugement rendu le 5 mars 2019, le tribunal de grande instance de Lille a :

- écarté les conclusions de M. X. notifiées le 13 décembre 2018,

- déclaré irrecevables (car prescrites) les demandes formées par M. X.,

- condamné M. X. à payer au Crédit Lyonnais la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. X. aux dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Suivant déclaration reçue au greffe de la cour le 12 avril 2019, M. X. a relevé appel afin d'obtenir l'annulation ou la réformation de l'intégralité des dispositions de ce jugement.

[*]

Aux termes de ses conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 7 mai 2021, M. X. demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

- constater que les intérêts périodiques du prêt conclu suivant offre de prêt du 19 février 2021 émise par le Crédit Lyonnais, ont été calculés sur une année de 360 jours, soit sur une base autre qu'une année civile,

- dire et juger que de telles modalités de calcul des intérêts procèdent d'une clause abusive et en écarter l'application,

- ordonner la substitution du taux d'intérêts légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial conclu entre le Crédit Lyonnais et lui-même,

- enjoindre au Crédit Lyonnais d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant trimestre par trimestre,

- condamner le Crédit Lyonnais à lui restituer le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel et les intérêts au taux légal, et notamment la somme à parfaire de 12.842,41 euros, arrêtée au 4 octobre 2017, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- dire et juger que lesdites sommes devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par le Crédit Lyonnais, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat,

* à titre subsidiaire, de :

- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts,

* en tout état de cause de :

- condamner le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter l'intégralité des demandes du Crédit Lyonnais,

- condamner le Crédit Lyonnais aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

Au terme de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 16 avril 2021 le Crédit Lyonnais demande à la cour de dire et juger M. X. sans fondement en son appel et en toutes ses actions, contestations, prétentions et demandes, l'en débouter, confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, condamner l'appelant à lui payer la somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles égale à ses propres prétentions de ce chef, et en outre le condamner aux dépens dont distraction au profit de Maître Patrick D.-T., avocat.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 mai 2021, et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 9 juin 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit.

 

Sur la demande aux fins de voir déclarer abusive et non-écrite la clause de calcul des intérêts :

En cause d'appel, l'appelant dénonce le caractère abusif de la clause d'intérêt insérée à l'acte de prêt selon laquelle les intérêts sont calculés sur la base d'une année de 360 jours et demande à la cour d'en écarter l'application, d'ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial conclu entre le Crédit Lyonnais et lui-même.

Il soutient que la clause contenue dans l'offre de prêt qui stipule : ... « Les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an. En cas de remboursement anticipé les intérêts courus depuis la dernière échéance seront calculés sur la base du nombre de jours exact de la période écoulée, rapportés à 360 jours l'an. Nous vous précisons que le taux effectif global des prêts est indiqué sur la base du montant exact des intérêts rapportés à 365 jours l'an. »..., est prohibée, le calcul des intérêts devant s'effectuer sur une année de 365 jours.

En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La recommandation n° 05-02 du 14 mai 2005 de la commission des clauses abusives invoquée par l'appelant concerne les clauses de calcul d'intérêts dans les conventions de compte de dépôt en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement, et non pas les crédits immobiliers remboursables par échéances mensuelles, de sorte qu'elle ne saurait faire présumer le caractère abusif de la clause d'intérêts dans le contrat litigieux.

Afin de déterminer si la clause critiquée entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, il y a lieu d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit (Cour cass., 21/10/2020 : n° 19-18.038), cette clause n'étant pas, en soi, de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

Or, s'agissant d'un prêt remboursé à échéances constantes et selon une périodicité mensuelle, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours, soit un douzième d'année par mois, revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé de 30,4166, permis par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, qui s'applique au crédit immobilier. Les calculs effectués par la banque dans ses conclusions sur la base d'une année civile de 365 jours et du mois normalisé de 30,4166 jours et sur la base d'une année de 360 jours et du mois de 30 jours, ou encore en utilisant le rapport 1/12ème, appliqués à différentes échéances permettent en effet d'obtenir exactement le même montant d'intérêts.

Seule la première échéance du 5 juin 2011, correspondant à 45 jours entre le déblocage des fonds et son règlement, présente une anomalie à raison du calcul sur la base d'une année de 360 jours. Cette méthode a en effet entraîné un surplus d'intérêts évalué à 4,60 euros par l'appelant lui-même (l'appelant ayant réglé 335,92 euros d'intérêts au lieu de 331,90 euros), lequel ne suffit pas toutefois à caractériser un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

En conséquence, la clause litigieuse n'est pas abusive au sens des dispositions de l'article L.132-1 du code de la consommation, et il convient de débouter M. X. de ses demandes à ce titre.

Il est ajouté au jugement sur ce point.

 

Sur la prescription de l'action prononcée par le premier juge :

Si, dans ses conclusions, l'appelant évoque la nullité de la clause critiquée, il n'en demande pas l'annulation dans son dispositif.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la prescription de son action.

 

Sur la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts :

L'appelant ne soutient pas que le calcul du TEG figurant dans l'acte de prêt est erroné, il soutient que la clause, rappelée ci-dessus, contenue dans l'offre constitue une anomalie qui doit être sanctionnée par la déchéance du droit du banquier aux intérêts conventionnels.

Il résulte des articles L. 312-33 et R. 313-1 du code de la consommation que la mention dans l'offre de prêt d'un TEG erroné, est sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, et ce, uniquement lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale venant au détriment de l'emprunteur (puisque le TEG est calculé par rapport au taux de période avec une précision d'au moins une décimale selon l'article R. 313-1), inexactitude qu'il appartient à l'emprunteur de démontrer, en application de l'article 9 du code de procédure civile (en ce sens, par exemple : Civ. 1re, 5 juin 2019, pourvoi n° 18-11.459, 18-23.497, Civ. 1re, 11 mars 2020, pourvoi n° 19-10.875).

Dès lors, contrairement à ce que soutient l'appelant, la seule stipulation au contrat d'une clause prévoyant le calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours ne peut justifier à elle seule la déchéance du droit aux intérêts et en application de l'article 9 du code de procédure civile, il appartient aux emprunteurs de démontrer que les intérêts ont été calculés sur la base de 360 jours et que ce calcul a généré à leur détriment un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prescrite par l'article R.313-1 du code de la consommation.

Or, l'appelant ne démontre pas que le calcul des intérêts sur la base de l'année bancaire de 360 jours, aurait entraîné une erreur dans la détermination du TEG de plus d'une décimale.

En conséquence, ajoutant au jugement déféré, il convient de débouter M. X. de sa demande de déchéance du créancier de son droit aux intérêts conventionnels.

Enfin, l'appelant évoque un manque de loyauté de la part du banquier mais n'en tire aucune conséquence puisqu'il ne sollicite pas de dommages et intérêts.

En conséquence, il n'y a pas lieu de répondre à ce moyen.

 

Sur les demandes accessoires :

Le jugement déféré est confirmé en sa disposition relative aux dépens.

M. X., partie perdante, est condamné aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Patrick D.-T., avocat, qui l'a requise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Néanmoins, au vu la disparité économique entre les parties et en équité, le jugement est infirmé en sa disposition relative aux frais irrépétibles et M. X. est condamné à payer au Crédit Lyonnais la somme globale de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en celle relative à l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant ;

Déboute M. X. de sa demande visant à voir déclarer abusive la clause de calcul des intérêts insérée à l'offre du 19 février 2011 ;

Déboute M. X. de sa demande de déchéance du droit aux intérêts,

Condamne M. X. à payer au Crédit Lyonnais la somme globale de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Condamne M. X. aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Patrick D.-T., avocat, qui l'a requise, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,                            Le président,

G. Przedlacki                        D. Duperrier