CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 21 septembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 21 septembre 2021
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 2e ch. civ.
Demande : 18/04177
Date : 21/09/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/05/2017
Référence bibliographique : 6047 (indice, délai imposé au consommateur), 6053 (indice, fraude), 6384 (assurance habitation, indemnisation valeur à neuf)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 9142

CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 21 septembre 2021 : RG n° 18/04177

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « L'article L.212-1 du code de la consommation définit comme abusives les clauses insérées à un contrat d'adhésion n'ayant pu faire l'objet d'une négociation individuelle qui créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

En l'espèce, il n'est aucunement abusif d'imposer à la victime de l'incendie d'un bien immobilier assuré pour ce risque de consacrer l'indemnité d'assurance à la reconstruction du bien pour un usage identique, cette disposition ayant pour objet de prévenir tout risque d'abus, voire de fraude.

L'assuré peut être relevé de l'obligation de reconstruire dans les deux ans s'il justifie de circonstances de force majeure conformément au droit commun.

En conséquence, la clause en question ne crée pas entre les parties un déséquilibre justifiant qu'elle soit considérée comme abusive et déclarée non écrite. »

2/ « Les appelants invoquent la suspension du délai contractuel de deux ans qu'ils considèrent être un délai de prescription tel que prévu par l'article L. 114-1 du code des assurances. Toutefois, la clause contractuelle litigieuse porte sur les conditions de la garantie et la prescription biennale n'est pas applicable.

Sur la demande subsidiaire aux fins de voir retenir la responsabilité contractuelle de l'assureur qui par son attitude et, notamment, son refus de leur verser les fonds nécessaires à la reconstruction, n'aurait pas permis aux assurés de respecter leur obligation de reconstruction de l'immeuble dans les deux ans de la date du sinistre :

Les appelants n'étaient en mesure de respecter leur obligation de reconstruire l'immeuble dans les deux ans de la date du sinistre qu'à condition de disposer du financement, ce qui dépendait soit de l'accord de l'assureur, soit d'une décision de justice exécutoire leur procurant des fonds suffisants pour financer les travaux.

En l'espèce, l'assureur s'est dessaisi amiablement au profit des appelants de 5.000 euros puis de 35.000 euros, puis, à la suite d'une ordonnance de référé du 3 juillet 2013, d'une somme de 290.000 euros qu'il avait été condamné à leur verser. Ces fonds ne permettaient pas aux consorts X. d'envisager la passation des marchés de travaux pour la reconstruction de l'immeuble, ni a fortiori de terminer la reconstruction dans les deux ans de la date du sinistre.

Ce n'est que par ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Valence du 24 septembre 2015 que la société Generali a été condamnée à verser aux consorts X. une provision complémentaire fixée à 548.902 euros, qui leur permettait d'envisager de commencer les travaux de reconstruction. Il ressort de la pièce n° 7 de la société Generali que cette provision a été versée à l'avocat des consorts X. par chèque du 4 décembre 2015. A cette date, cependant le délai de deux ans à compter de la date du sinistre pour terminer la reconstruction et en justifier était déjà expiré.

Par conséquent, les consorts X. ont été dans l'impossibilité absolue, en l'absence de financement et faute de savoir quelle serait le montant dont ils pourraient disposer à l'issue des instances successives, de terminer la reconstruction de l'immeuble dans les deux ans de la date du sinistre.

Le jeu de la clause sera donc écarté, compte tenu de ces circonstances. Les consorts X. ont droit à être indemnisés dans les conditions contractuelles du coût de reconstruction en valeur à neuf. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/04177. N° Portalis DBVM-V-B7C-JWW7. Appel d'un Jugement (R.G. n° 15/01178) rendu par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE en date du 20 avril 2017 suivant déclaration d'appel du 12 mai 2017.

 

APPELANTS :

Mme Y. veuve J.-C. X.

de nationalité Française, [...], [...]

M. N. X.

de nationalité Française, [...], [...]

M. J.-B. X.

de nationalité Française, [...], [...]

représentée par Maître Alexis G. de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Maître Fabrice G. de la SELARL G. & ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE, plaidant

 

INTIMÉE :

SA GENERALI IARD

agissant par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège [...],[...], représentée par Maître Josette D. de la SELARL D. ET M., avocat au barreau de GRENOBLE postulant, et par Maître Clémentine A., avocat au barreau de LYON, plaidant

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Emmanuèle CARDONA, Présidente, Mme Agnès DENJOY, Conseillère, Mme Anne-Laure PLISKINE, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 14 juin 2021 ; Mme Agnès DENJOY, Conseiller, a été entendue en son rapport, assistée lors des débats de Frédéric STICKER, Greffier. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

M. et Mme X. étaient propriétaires à [...], d'un immeuble comprenant leur domicile et des appartements locatifs, assurés auprès de la société Generali IARD suivant deux contrats n° 561XX07 G et n° AH 68YY3, l'un garantissant l'immeuble, l'autre son contenu.

Le 25 mars 2012, un incendie a détruit la quasi-totalité du bâtiment.

Les époux X. ont déclaré le sinistre à leur assureur.

Ce dernier a obtenu l'instauration d'une première expertise judiciaire afin de déterminer l'origine du sinistre.

A l'issue de ses opérations, l'expert désigné n'a pas formellement conclu mais a estimé que l'incident était probablement dû à un court-circuit.

L'assureur a fait parvenir en novembre 2012 aux époux X. deux offres d'indemnisation des postes de préjudice garantis par chacun de leurs deux contrats, offres qu'ils ont estimées insuffisantes.

Les époux X. ont fait assigner la société d'assurance devant le juge des référés aux fins d'expertise en vue de l'évaluation de leur préjudice.

L'expert désigné, M. G., a déposé son rapport le 20 mars 2014, sans qu'y figure une évaluation des postes de préjudice des assurés.

M. J.-C. X. est décédé brutalement le 28 mai 2014.

Par acte d'huissier du 17 mars 2015, Mme X. et ses enfants, propriétaires indivis, ont fait assigner la société Generali devant le tribunal de grande instance de Valence aux fins d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice sur la base contractuelle de la reconstruction de l'immeuble en « valeur à neuf ».

L'assureur leur a opposé une clause insérée au contrat selon laquelle la reconstruction devait avoir été réalisée dans les deux ans de la date du sinistre pour que l'assuré soit indemnisé à hauteur de la reconstruction en valeur à neuf, sauf à n'être indemnisé que sur la base de la valeur d'usage du bien.

Par jugement du 20 avril 2017, le tribunal de grande instance de Valence, après avoir notamment déclaré applicable la clause précitée, a condamné la société Generali assurances IARD à verser aux consorts X. les sommes suivantes :

- 350.000 euros représentant la valeur vénale du bien avant sinistre,

- 20.484,76 euros au titre du coût de démolition,

- 36.205 euros au titre des honoraires de maîtrise d'œuvre, contractuellement limités à 5 % des dommages matériels au bâtiment,

- 68.677 euros et 3.434 euros, soit au total 72.111 euros, au titre du mobilier et des honoraires d'expertise pour l'évaluation du mobilier, contractuellement limités à 5 % de cette valeur,

- 3.000 euros au titre de leurs frais de relogement après sinistre,

- 16.750 euros au titre de l'assurance dommage-ouvrage,

- 36.205 euros au titre des honoraires de la société Expertises G.,

- 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les dépens des instances en référé et les frais d'expertise.

Le tribunal a débouté les consorts X. de leur demande au titre de leur perte locative et les a condamnés à rembourser à la société Generali le trop-perçu après prise en compte des provisions qui leur avaient été allouées.

Les consorts X. ont interjeté appel de cette décision, le 12 mai 2017.

[*]

Suivant dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2021, les consorts X. demandent à la cour de les accueillir en leurs demandes sur le fondement de la responsabilité contractuelle et des articles 1134, 1147 et 1178 anciens du code civil ainsi que de l'article L 114-2 du code des assurances.

Ils sollicitent en premier lieu la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'assureur à leur verser :

- au titre du mobilier et des frais d'expertise, la somme de 72.111 euros,

- au titre de l'assurance dommage- ouvrage : « 18.299,62 euros TTC »,

Ils demandent l'infirmation du jugement pour le surplus, statuant à nouveau, de :

- sur le fondement des articles L. 212-1 et R. 212-2 du code de la consommation, déclarer nulle la clause contractuelle qui leur est opposée par la société Generali selon laquelle la reconstruction de l'immeuble doit intervenir dans un délai de deux ans pour le versement de l'indemnité dite différée,

- condamner la société Generali à leur verser :

- au titre du contrat « immeuble » :

- la somme de 938.762,30 euros TTC au titre de la démolition et reconstruction du bâtiment avec indexation sur l'indice INSEE du coût de la construction à compter du sinistre,

- subsidiairement, en cas de limitation de la garantie à la valeur économique du bâtiment, dire que la société d'assurance engage sa responsabilité contractuelle à leur égard et la condamner à leur verser à titre de dommages-intérêts la somme de 552.043 euros correspondant à la différence entre les provisions perçues et l'indemnité minorée accordée,

- au titre de leurs frais de relogement : 19.200 euros,

- au titre des honoraires de maîtrise d'œuvre : 66.000 euros TTC,

- au titre des honoraires de la société G. Expertises : 47.648 euros TTC,

- au titre du contrat d'assurance de propriétaire non occupant : la somme de 16.800 euros TTC en deniers ou quittances, au regard des provisions versées, au titre de leur perte locative,

- débouter la société Generali de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à leur verser ensemble la somme de 10.941,60 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

- la condamner aux dépens de première instance, comprenant ceux de l'instance en référé y compris les honoraires de l'expert judiciaire, et dire qu'ils pourront être recouvrés par la SELARL Lexavoué conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner la société Generali à leur verser la somme de 10.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles à hauteur d'appel,

- condamner la société Generali aux dépens de l'instance d'appel dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Sur la clause contractuelle imposant une reconstruction du bien dans les deux ans de la date du sinistre sauf à ce que l'indemnisation soit limitée à la valeur économique ou à la valeur d'usage du bâtiment, les appelants estiment que ce délai a été suspendu à différentes reprises, s'agissant d'un délai de prescription, et, en particulier, par les mesures d'expertise qui ont été instaurées.

Ils estiment donc que les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que le délai contractuel de deux ans imposé à l'assuré pour reconstruire son bâtiment s'analysait en une limitation de la garantie et non en une prescription extinctive.

Ils ajoutent que si le défaut de reconstruction dans le délai de deux ans est imputable à une faute de l'assureur, la clause ne peut pas être opposée par ce dernier à l'assuré.

Or, ils rappellent que ce n'est que le 26 novembre 2013 que l'expert judiciaire a conclu sur la solution technique à adopter pour l'immeuble soit de sa démolition pour construire un immeuble neuf, soit du confortement de l'existant.

Ils estiment donc qu'entre le 26 novembre 2013 et le 24 mars 2014, soit 2 ans à compter du sinistre, il était matériellement impossible de reconstruire le bâtiment.

Sur un autre plan, les appelants affirment que la société d'assurance a renoncé à se prévaloir de cette clause, au moins en l'état d'un procès-verbal d'accord conclu entre les parties (leur pièce 32) selon lequel le coût de la reconstruction avait été arrêté à 911.037 euros en valeur à neuf et affirment que ce procès-verbal vaut reconnaissance par l'assureur du montant de leur créance.

Ensuite, les appelants estiment que la clause en question est abusive et crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations du consommateur et ceux du professionnel, rappelant qu'ils ne disposaient pas des fonds nécessaires pour procéder aux travaux.

Subsidiairement, ils invoquent la responsabilité contractuelle de l'assureur à leur égard pour comportement de mauvaise foi et manquement au devoir de loyauté, soutenant que l'assureur a attendu des années avant d'invoquer les dispositions contractuelles relatives à la limitation de la garantie.

[*]

Suivant dernières conclusions notifiées le 21 août 2019, la société d'assurance Generali IARD demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts X. de leurs demandes au titre de la perte de loyers et les a condamnés à lui rembourser le trop-perçu après déduction des condamnations prononcées des provisions qui leur ont été allouées,

- l'infirmer en ce qu'il a alloué aux consorts X. les sommes de 350.000 euros outre intérêts au titre de l'indemnité sur le bâtiment sinistré, 3.434 euros au titre des frais d'expertise sur mobilier, 3.000 euros au titre des frais de relogement, 36.205 euros au titre des honoraires de maîtrise d’œuvre, 16.750,90 euros au titre de l'assurance dommages ouvrage, 36.205 euros au titre des honoraires de l'expert G., 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens comprenant ceux des instances en référé et les frais d'expertise judiciaire,

Statuant à nouveau,

- valider la clause contractuelle imposant la reconstruction dans les deux ans de la date du sinistre pour bénéficier du complément d'indemnisation,

- allouer dès lors aux consorts X. les sommes suivantes :

-au titre du contrat immeuble n° AH 68YY43 :

- pour la perte du bâtiment : 330.000 euros,

- pour les frais de démolition : 20.484,76 euros,

- pour les honoraires de maîtrise d'œuvre : 12.200 euros,

- pour les honoraires de l'expert : sursis à statuer ou rejet,

- pour la cotisation d'assurance dommages-ouvrage : rejet,

- pour les pertes de loyers : à titre principal : rejet, à titre subsidiaire : 8.400 euros,

- au titre du contrat « domicile » n° 561XX07 G :

- pour le mobilier : 68.677 euros,

- pour les honoraire d'expertise pour les meubles : sursis à statuer ou rejet,

- pour les frais de relogement : à titre principal : 400 euros, à titre subsidiaire 3.000 euros, à titre infiniment subsidiaire : 14.400 euros,

- déduire des condamnations prononcées les provisions versées et condamner en tant que de besoin les consorts X. à lui restituer le trop-perçu,

- débouter les consorts X. de toute demande plus ample ou contraire,

- les débouter de leur demande subsidiaire de dommages-intérêts,

- les débouter de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner à la somme de 5.000 euros de ce chef,

- les condamner aux dépens, distraits au profit de la SELARL D.-M. sur son affirmation de droit.

[*]

Vu l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions respectives des parties pour le détail de leur argumentation.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les époux X. étaient assurés auprès de la société Generali dans le cadre de deux contrats :

- un contrat multirisque « immeuble » AH 68YY3 au titre duquel les époux X. étaient assurés pour l'incendie du bâtiment en reconstruction « valeur à neuf » dans les conditions contractuelles, comprenant les frais de maîtrise d'œuvre et d'assurance dommage-ouvrage, leur perte locative éventuelle et leurs frais de relogement après sinistre, le tout dans certaines limites,

- un contrat multirisque « domicile » référence 561XX07 G au titre duquel les époux X. étaient assurés au titre de la perte du contenu, remplacement du mobilier, honoraires d'expert pour l'évaluation des meubles.

 

Sur la demande d'indemnisation pour l'incendie de l'immeuble et sa reconstruction :

Les conditions générales du contrat énoncent en page 39 :

« Le bâtiment sinistré est évalué en valeur à neuf en cas de reconstruction achevée dans les deux ans à compter de la date de sinistre sur l'emplacement d'origine du bâtiment sinistré et pour un usage d'habitation privée.

« L'indemnité est versée en deux temps : dans un premier temps, indemnité correspondant à la valeur d'usage définie comme étant la valeur à neuf moins la vétusté dans la limite de sa valeur économique et dans un second temps le complément dans la limite des factures acquittées justifiant de l'achèvement des travaux sans que l'indemnité totale ne puisse excéder la valeur d'usage, majorée de 25 % de la valeur à neuf. »

Au stade de l'appel, puisque la reconstruction de l'immeuble est désormais achevée, suivant déclaration d'achèvement des travaux établie par Mme X. le 28 mars 2017, ni l'indemnisation en deux temps ni les débats qui avaient prévalu devant le tribunal sur l'évaluation du coût de la reconstruction ne sont plus d'actualité.

Sur l'application au litige de la clause contractuelle selon laquelle pour bénéficier de l'indemnisation en « valeur à neuf » dans les conditions contractuelles, la reconstruction aurait dû être achevée dans les deux ans à compter de la date du sinistre sur l'emplacement d'origine du bâtiment sinistré et pour un usage d'habitation privée :

Les appelants invoquent principalement la nullité de cette clause, qu'ils dénoncent pour être une clause abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation.

Subsidiairement, ils estiment que le délai contractuel de deux ans imparti par cette clause est un délai de prescription et qu'en l'espèce, ce délai a été interrompu à différentes reprises par les décisions ayant ordonné des mesures d'expertise.

Encore subsidiairement, ils demandent que la responsabilité contractuelle de l'assureur pour faute soit reconnue, leur préjudice étant constituée par la différence entre l'indemnité qui leur aurait été due en vertu du contrat en cas de reconstruction dans les deux ans en valeur à neuf et la somme dont ils sont éventuellement privés du fait de la résistance abusive de l'assureur à déférer à leurs demandes.

 

Sur la demande de nullité de la clause de reconstruction dans les deux ans :

L'article L.212-1 du code de la consommation définit comme abusives les clauses insérées à un contrat d'adhésion n'ayant pu faire l'objet d'une négociation individuelle qui créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

En l'espèce, il n'est aucunement abusif d'imposer à la victime de l'incendie d'un bien immobilier assuré pour ce risque de consacrer l'indemnité d'assurance à la reconstruction du bien pour un usage identique, cette disposition ayant pour objet de prévenir tout risque d'abus, voire de fraude.

L'assuré peut être relevé de l'obligation de reconstruire dans les deux ans s'il justifie de circonstances de force majeure conformément au droit commun.

En conséquence, la clause en question ne crée pas entre les parties un déséquilibre justifiant qu'elle soit considérée comme abusive et déclarée non écrite.

 

Sur la suspension ou l'interruption du délai de reconstruction de deux ans en l'état des mesures d'expertise ordonnées :

Les appelants invoquent la suspension du délai contractuel de deux ans qu'ils considèrent être un délai de prescription tel que prévu par l'article L. 114-1 du code des assurances.

Toutefois, la clause contractuelle litigieuse porte sur les conditions de la garantie et la prescription biennale n'est pas applicable.

Sur la demande subsidiaire aux fins de voir retenir la responsabilité contractuelle de l'assureur qui par son attitude et, notamment, son refus de leur verser les fonds nécessaires à la reconstruction, n'aurait pas permis aux assurés de respecter leur obligation de reconstruction de l'immeuble dans les deux ans de la date du sinistre :

Les appelants n'étaient en mesure de respecter leur obligation de reconstruire l'immeuble dans les deux ans de la date du sinistre qu'à condition de disposer du financement, ce qui dépendait soit de l'accord de l'assureur, soit d'une décision de justice exécutoire leur procurant des fonds suffisants pour financer les travaux.

En l'espèce, l'assureur s'est dessaisi amiablement au profit des appelants de 5.000 euros puis de 35.000 euros, puis, à la suite d'une ordonnance de référé du 3 juillet 2013, d'une somme de 290.000 euros qu'il avait été condamné à leur verser.

Ces fonds ne permettaient pas aux consorts X. d'envisager la passation des marchés de travaux pour la reconstruction de l'immeuble, ni a fortiori de terminer la reconstruction dans les deux ans de la date du sinistre.

Ce n'est que par ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Valence du 24 septembre 2015 que la société Generali a été condamnée à verser aux consorts X. une provision complémentaire fixée à 548.902 euros, qui leur permettait d'envisager de commencer les travaux de reconstruction.

Il ressort de la pièce n° 7 de la société Generali que cette provision a été versée à l'avocat des consorts X. par chèque du 4 décembre 2015.

A cette date, cependant le délai de deux ans à compter de la date du sinistre pour terminer la reconstruction et en justifier était déjà expiré.

Par conséquent, les consorts X. ont été dans l'impossibilité absolue, en l'absence de financement et faute de savoir quelle serait le montant dont ils pourraient disposer à l'issue des instances successives, de terminer la reconstruction de l'immeuble dans les deux ans de la date du sinistre.

Le jeu de la clause sera donc écarté, compte tenu de ces circonstances.

Les consorts X. ont droit à être indemnisés dans les conditions contractuelles du coût de reconstruction en valeur à neuf.

 

Sur le montant de l'indemnité au titre de la reconstruction :

Les consorts X. invoquent leur pièce 32 qui est intitulée « procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages ». Ce document mentionne qu'il a pour fonction de donner aux assureurs les éléments objectifs nécessaires à la gestion du sinistre et ne peut être considéré comme une reconnaissance de garantie ou acceptation des responsabilités éventuelles ni n'implique la prise en charge par les assureurs des indemnités qui leur sont réclamées.

Par conséquent, ce document n'a pas valeur transactionnelle et ne peut être invoqué par les consorts X. à l'appui de leurs prétentions financières.

Sur les éléments contractuels d'évaluation de l'indemnité due par l'assureur, il est indiqué en page 27 des conditions générales du contrat que le bâtiment est évalué en valeur de reconstruction à neuf sur la base de la présentation de factures acquittées sans que l'indemnité totale ne puisse excéder la valeur d'usage, majorée de 25 % de la valeur à neuf.

La valeur d'usage du bâtiment est définie contractuellement comme étant la valeur de reconstruction à neuf, vétusté déduite.

Les appelants ne s'expliquent pas sur le taux de vétusté applicable à leur bâtiment.

L'expert de la société Cunningham Lindsey mandaté par la société Generali pour évaluer la valeur d'usage majorée de 25 % de la valeur à neuf, avait appliqué différents taux de vétusté sur le montant des postes de reconstruction, s'agissant d'un immeuble ancien.

L'expert de la société G. mandaté par les époux X. a appliqué des taux de vétusté similaires.

Pour l'expert de la société Cunningham Lindsey, la valeur d'usage du bien se montait à 542.904 euros et la valeur à neuf à 742.979 euros, soit un plafond d'indemnisation devant être chiffré à 728 648 euros.

L'expert de la société G. a chiffré la valeur d'usage sur ces bases à 542.905 euros et il résulte de son rapport que la valeur d'usage augmentée de 25 % de la valeur à neuf représentait selon son appréciation 728.650 euros.

Au jour de l'arrêt, en fonction des dispositions précitées, l'indemnisation des consorts X. doit aujourd'hui intervenir sur la base de factures et ne peut excéder un maximum de 728.649 euros en fonction de la moyenne des évaluations par ces deux experts du plafond d'indemnisation contractuel, à défaut de meilleure évaluation dont il appartenait aux appelants de justifier.

Les consorts X. qui appuient toujours leur demande d'indemnisation pour la reconstruction sur la base d'évaluations à dire d'expert qui ne sont plus d'actualité, produisent cependant des factures d'artisans dans le cadre de la reconstruction de leur bien.

Il incombait aux appelants de justifier en appel de manière exhaustive du coût des travaux sur la base de factures puisque la reconstruction de l'immeuble a été achevée.

Au vu des justificatifs des dépenses engagées pour la reconstruction de l'immeuble qui sont produits par les appelants (les factures pièces n° 74 à 83, 87 à 93, 98 et 101), le coût des travaux de reconstruction dont il est justifié se monte à un total de 641.605,13 euros TTC.

Le coût de la reconstruction sera donc fixé à ce montant qui est inférieur au plafond de 728.649 euros, et dont les appelants sont créanciers envers l'assureur sauf à déduire les provisions versées.

 

Sur l'indemnisation au titre de la démolition :

Le montant qui a été alloué n'est pas contesté par les parties et se monte, selon facture, à 20484,76 euros TTC.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

 

Sur le préjudice mobilier et le coût de l'expertise pour l'évaluation du mobilier :

Les parties sont d'accord sur l'évaluation de la perte du mobilier à 68.677 euros. Les consorts X. y ajoutent 5 % pour l'expertise du mobilier mais n'en justifient pas.

Cette demande sera donc rejetée et ce chef de préjudice ramené à 68.677 euros, le jugement étant infirmé sur ce point.

 

Sur le coût de l'assurance dommages-ouvrage :

Les consorts X. demandent « la confirmation du jugement » en ce qu'il a condamné l'assureur à leur verser la somme de « 18 299,62 euros TTC » de ce chef mais les premiers juges ont alloué aux consorts X. une somme de 16.750,90 euros sur la base de la quittance de l'assureur et de l'attestation d'assurance correspondante (leur pièce n° 70)

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

 

Sur les frais de relogement après le sinistre : les conditions générales du contrat d'assurance limitent l'indemnisation pour les frais de relogement à une durée de 24 mois.

Il incombe aux appelants de justifier de leurs frais de relogement.

Il ressort des pièces produites qu'après le sinistre, les consorts X. se sont relogés en gîte rural pendant 10 jours pour un coût dont ils justifient de 400 euros, puis en location à Romans-sur-Isère pour un loyer de 800 euros par mois à compter d'avril 2012, et dernier lieu, en location pour un loyer mensuel de 530 euros à compter d'octobre 2014. Dans l'intervalle ils ont été logés par leur famille mais les consorts X. ne justifient pas de la durée durant laquelle ils sont restés locataires à Romans.

En l'absence de toute pièce justificative sur ce point, cette durée doit être évaluée à un mois.

S'agissant de la troisième location, les consorts X. l'ont occupée entre octobre 2014 et janvier 2017.

Le préjudice de relogement des consorts X. sera dès lors fixé :

- à 400 euros pour la première période d'une durée de 10 jours

- à 800 euros pour la seconde période d'une durée d'un mois

- à 530 euros par mois pour la troisième période limitée à 22 mois et 20 jours soit 530/30 x 20 = 353,33 + 11 660 = 12 013,33 euros

soit un chef de préjudice fixé à un total de 12 013,33 + 800 + 400 = 13 213,33 euros.

 

Sur le coût des honoraires de maîtrise d'œuvre :

Ce montant est plafonné par le contrat à 5 % du montant de l'indemnité due au titre des dommages matériels au bâtiment.

En l'espèce ce plafond s'établit dès lors à 5 % de l'indemnité de reconstruction soit à 32.080,25 euros.

Il ressort des pièces n° 41, 69, 71 et 72 des appelants que ces derniers ont supporté des honoraires de maîtrise d'oeuvre d'au moins 47.840 euros.

Leur indemnisation sera dès lors fixée à 32.080,25 euros.

 

Sur les honoraires de la société Expertises G. :

Le montant des honoraires de cet expert qui était chargé d'évaluer le coût de la reconstruction pour le compte des consorts X. était contractuellement plafonné à 5 % du montant total des dommages.

L'expert a facturé son intervention à la somme de 47.648,40 euros TTC.

L'indemnité due aux consorts X. sera dès lors fixée à 32 080,25 euros.

 

Sur la perte locative :

Les consorts X. demandent l'infirmation du jugement qui les a déboutés sur ce point et sollicitent 16.800 euros.

Toutefois, ils ne produisent en appel à l'appui de leur demande aucune pièce justificative.

Le rejet de la demande sera donc confirmé.

Le total de la créance des consorts X. se monte en définitive à 824.891,62 euros.

Les provisions qui ont été versées par l'assureur devront être déduites de ce montant.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- validé la clause du contrat imposant la reconstruction dans les deux ans à compter de la date du sinistre sauf à voir l'indemnité être ramenée à la valeur d'usage du bien,

- condamné la société Générali IARD à verser aux consorts X. les sommes suivantes :

- 20.484,76 euros au titre du coût de démolition,

- 68.677 euros au titre de la perte du mobilier,

- 16.750,90 euros au titre de l'assurance dommages-ouvrage,

- 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les dépens des instances en référé et les frais d'expertises,

L'infirme pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme et MM. X. de leur demande au titre des frais d'expertise du mobilier se montant à 3/434 euros,

Condamne, la société Generali IARD à verser à Mme Y. veuve X. et à MM. N. et J.-B. X. pris ensemble les sommes de :

- 641.605,13 euros au titre des frais de reconstruction de l'immeuble,

- 13.213,33 euros au titre de leurs frais de relogement après le sinistre,

- 32.080,25 euros au titre des honoraires de maîtrise d'œuvre,

- 32.080,25 euros au titre des honoraires de la société Expertises G.,

Dit qu'il conviendra de déduire les provisions déjà payées par la société Generali,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Generali assurances IARD à payer à Mme Y. veuve X. et à MM. N. et J.-B. X. la somme de 5.000 euros au titre de l'instance d'appel,

Condamne la société d'assurances Generali IARD aux dépens de l'instance d'appel dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile,

Rejette tout autre demande.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière, Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE,                            LA PRÉSIDENTE,