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CA COLMAR (1re ch. civ. A), 27 septembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. A), 27 septembre 2021
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 19/02651
Décision : 506/21
Date : 27/09/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 6/06/2019
Numéro de la décision : 506
Référence bibliographique : 5705 (imprescriptibilité de l’action), 5734 (clause réputée non écrite), 9742 (prêt en francs suisses)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9154

CA COLMAR (1re ch. civ. A), 27 septembre 2021 : RG n° 19/02651 ; arrêt n° 506/21

Publication : Jurica

 

Extrait : 1/ « A titre liminaire, il sera rappelé que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, une clause abusive n'est pas sanctionnée par la nullité ».

2/ « Contrairement à ce que soutient la banque, aucune prescription ne s'oppose au moyen tiré du caractère abusif d'une clause. »

3/ « En l'espèce, M. et Mme X. ont souscrit un prêt d'une somme en francs suisses, remboursables en 360 mensualités de 1.736,70 CHF, comme le mentionne d'ailleurs le tableau d'amortissement. Selon la clause précitée 4.3.2, le remboursement des échéances devait s'effectuer en francs suisses, M. et Mme X. ayant cependant toujours la possibilité de payer les échéances en euros. S'ils ne réglaient pas les échéances en CHF, la banque pouvait prélever les échéances en euros. Il en résulte que le paiement des échéances pouvait s'effectuer, au choix de l'emprunteur, soit à hauteur de la somme de 1 736,70 CHF soit d'une somme en euros indexée sur cette somme en CHF. En cas de défaut de paiement de l'échéance en CHF, la banque était en droit de prélever l'échéance correspondante en euros. Ainsi, il résulte de cette clause, qu'en cas de paiement de l'échéance en euros, celle-ci est indexée sur le CHF.

Cette clause fixe un élément essentiel caractérisant ledit contrat puisqu'elle a trait aux modalités de remboursement du capital prêté en francs suisses et des intérêts dus à la banque par l'emprunteur, les sommes dont le paiement est dû au prêteur - lorsqu'il s'effectue en euros - étant susceptible de varier en fonction de l'évolution du cours du franc suisse dans lequel sont libellées les échéances de remboursement.

L'appréciation du caractère abusif ne peut dès lors porter sur de telles clauses, qui portent sur l'objet principal du contrat, sauf si elles ne sont pas rédigées de manière claire et compréhensible.

La clause précitée est susceptible de faire peser un risque de change sur l'emprunteur qui paie en euros la mensualité libellée en CHF. La clause 9 intitulée « dispositions propres aux crédits en devises » précise en son point 9. 4 que « il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt ».

En outre, le contrat prévoyait la garantie du prêteur par une « hypothèque couvrant une provision pour risque de change évaluée sous toutes réserves à 20 % du montant en principal du prêt », ce qui permettait aux emprunteurs de prendre conscience qu'ils pouvaient être amenés à supporter un risque de change pouvant être relativement important et dont ils acceptaient de garantir la banque.

Au surplus, avant la conclusion du contrat de prêt, M. et Mme X. ont signé, le 12 juin 2009, un document indiquant qu'ils reconnaissent que « la CCM Lutterbach nous a rendus attentifs au risque de change encouru pour le prêt immobilier n°27878822 que nous avons souscrit en ses livres pour un montant de CHF 464 190 ne disposant pas nous-mêmes de revenus en francs suisses. Nous avons également été informés que la transformation du prêt en devises en prêt en euros pourra se faire à tout moment, au cours interbancaire du jour de la transaction et au taux en vigueur au jour de la transformation. Nous acceptons d'en assurer la pleine responsabilité ».

De telles informations permettaient à M. et Mme X. d'être informés de l'existence d'un risque d'évolution défavorable du cours du franc suisse par rapport à l'euro et du fait qu'ils devraient en supporter les conséquences lorsqu'ils paieraient en euros, et ce alors qu'ils ne percevaient pas de revenus en franc suisse et n'invoquaient pas détenir de fonds en franc suisse.

Le caractère de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de M. et Mme X. sera retenu, en l'absence de toute preuve contraire, leur profession ou les courriels échangés et invoqués par la banque ne suffisant pas à considérer qu'ils avaient des connaissances ou compétences supérieures à celui d'un tel consommateur, outre que la banque ne démontre pas que, comme elle le soutient, ils avaient déjà souscrit par le passé un prêt en devises étrangères.

Les clauses de l'acte, au demeurant éclairées par les mentions de l'attestation précitées, permettent d'expliquer dans un vocabulaire aisément compréhensible l'existence d'un risque de change supporté par les emprunteurs. Par ces éléments, le prêteur a fourni à M. et Mme X. des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat. Ainsi, a été remplie l'exigence de transparence des clauses de ce contrat faisant peser, en cas de paiement en euros de la mensualité libellée en CHF, le risque de change sur l'emprunteur.

Dès lors, ces clauses sont claires et suffisamment compréhensibles. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'apprécier si elles ont un caractère abusif. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1 A 19/02651. Arrêt n° 506/21. N° Portalis DBVW-V-B7D-HDL4. Décision déférée à la Cour : 14 mai 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MULHOUSE.

 

APPELANTS :

Monsieur X.

[...], [...]

Madame Y. épouse X.

[...], [...]

Représentés par Maître Raphaël R., avocat à la Cour

 

INTIMÉE :

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE LUTTERBACH

prise en la personne de son représentant légal [...], [...], Représentée par Maître Laurence F., avocat à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 mars 2021, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, chargée du rapport, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 6 juillet 2009, M. et Mme X. ont souscrit une offre de prêt immobilier auprès du Crédit mutuel de Lutterbach (la banque) en vue de financer l'acquisition de leur habitation principale, d'un montant de 464.190 CHF.

Par acte d'huissier signifié le 21 juillet 2016, ils ont assigné la banque afin d'obtenir, principalement, le prononcé de la nullité du prêt, à titre subsidiaire, de certaines clauses du prêt, la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels, de voir dire qu'ils sont libérés de toutes dettes, ainsi que le paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 14 mai 2019, le tribunal de grande instance de Mulhouse a :

- dit que l'action en nullité du contrat de prêt, en ce qu'elle est fondée sur une contravention à l'article L. 122-12 du code monétaire et financier et sur le libellé du prêt en devises suisses, est irrecevable pour être prescrite ;

- rejeté l'action en nullité du contrat de prêt en ce qu'elle est fondée sur une erreur sur la substance ;

- dit que l'action en nullité absolue de la clause d'indexation est irrecevable pour être prescrite ;

- rejeté l'action en nullité en ce qu'elle est fondée sur le caractère abusif des clauses relatives au recours à la devise suisse ;

- dit que l'action en nullité absolue de la stipulation d'intérêt conventionnel fondée sur une irrégularité du taux effectif global est irrecevable pour être prescrite, à l'exception du chef d'une erreur mathématique affectant le calcul de ce taux ;

- rejeté cette action en nullité absolue de la stipulation d'intérêt conventionnel ;

- dit que les actions subsidiaires en déchéance, respectivement en totalité et partiellement, du droit du prêteur aux intérêts contractuels, fondée sur une irrégularité du taux effectif global est irrecevable pour être prescrite, à l'exception du chef d'une erreur mathématique affectant le calcul de ce taux ;

- rejeté ces actions en déchéance, en totalité ou partiellement, du droit du prêteur aux intérêts contractuels ;

- dit que l'action en responsabilité de la Caisse de Crédit Mutuel de Lutterbach est irrecevable pour être prescrite, y compris l'action en dommages-intérêts complémentaires à hauteur de 40.000 euros ;

- En conséquence :

- rejeté la demande tendant à voir dire et juger que M. X. et Mme Y. épouse X. ne sont redevables vis à vis de la Caisse de Crédit Mutuel Lutterbach que d'un montant de 305.344,55 euros ;

- rejeté la demande tendant à voir dire et juger que viendront en compensation les montants versés par M. X. et Mme Y. épouse X. au jour du jugement ;

- rejeté la demande tendant à voir dire et juger qu'en septembre 2016, M. X. et Mme Y. épouse X. ont réglé la somme de 412.601,95 euros ;

- rejeté la demande tendant à voir dire et juger que M. X. et Mme Y. épouse X. sont libérés de toutes dettes vis à vis de la banque ;

- rejeté la demande tendant à voir ordonner à la Caisse de Crédit Mutuel Lutterbach d'établir un nouveau tableau d'amortissement des intérêts jusqu'à la dernière échéance d'intérêt du prêt, sur la base d'un capital de 305.344,55 euros et du taux d'intérêt de 2,09 % soit un total d'intérêts de 106.664,17 euros ;

- rejeté la demande tendant à voir ordonner la réouverture des débats avec injonction au prêteur de deniers de produire un tableau d'amortissement du crédit accordé rémunéré au taux de l'intérêt de 2,09 % en vigueur à la date de la décision à intervenir et voir dire que les paiements effectués s'imputeront sur le capital emprunté selon ledit tableau et que, le cas échéant, tous les montants réglés en sus par M. X. et Mme Y. épouse X. devront être remboursés par la banque ;

- rejeté la demande tendant à voir ordonner la substitution du taux de l'intérêt légal au taux contractuel à compter de la souscription de l'offre de crédit ;

- rejeté la demande tendant à voir ordonner la réouverture des débats avec injonction au prêteur de deniers de produire un tableau d'amortissement du crédit accordé rémunéré au taux de l'intérêt légal en vigueur à la date de la décision à intervenir, et dire que les paiements effectués s'imputeront sur le capital emprunté selon ledit tableau ;

- condamné in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Lutterbach la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande formée par M. X. et Mme Y. épouse X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens ;

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.

Le 6 juin 2019, M. et Mme X. ont, par voie électronique, interjeté appel de cette décision.

[*]

Par leurs dernières conclusions du 9 août 2019, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, M. et Mme X. demandent à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et bien fondé.

- faire droit à l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions,

- débouter l'intimée de l'ensemble de ses moyens fins et conclusions y compris s'agissant d'un éventuel appel incident,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- et, statuant à nouveau,

- à titre principal :

dire et juger que le contrat de prêt est entaché d'une nullité absolue ;

à titre subsidiaire :

- dire et juger que la clause d'indexation est entachée d'une nullité absolue

- dire et juger que la clause d'intérêt conventionnel est entachée d'une nullité absolue pour erreur du taux effectif global ;

à titre infiniment subsidiaire :

- déchoir la Caisse du Crédit Mutuel de Lutterbach de son droit à intérêts conventionnels ;

à titre encore plus subsidiaire :

- déchoir partiellement la Caisse du Crédit Mutuel de Lutterbach de son droit à intérêts conventionnels ;

- en tout état de cause :

- dire et juger que la Caisse du Crédit Mutuel de Lutterbach a engagé sa responsabilité à leur égard,

En conséquence :

à titre principal :

- déchoir la Caisse du Crédit Mutuel de Lutterbach de son droit à intérêts conventionnels

- dire et juger qu'ils ne sont redevables vis-à-vis de la CCM que d'un montant de 305.344,55 €.

- dire et juger que viendront en compensation les montants qu'ils ont versés au jour du jugement

- dire et juger qu'en septembre 2019 qu'ils ont réglé la somme de 426.183,89 €.

- dire et juger qu'ils sont libérés de toutes dettes vis-à-vis de la banque.

à titre subsidiaire :

- ordonner à la Caisse du Crédit Mutuel de Lutterbach d'établir un nouveau tableau d'amortissement des intérêts jusqu'à la dernière échéance d'intérêt du prêt, sur la base d'un capital de 305.344.55 € et du taux d'intérêt de 2, 09 % soit un total d'intérêt de 106.664,17 € ;

- ordonner la réouverture des débats avec injonction au prêteur de deniers de produire un tableau d'amortissement du crédit accordé rémunéré au taux de l'intérêt de 2,09 % en vigueur à la date de la décision à intervenir, dire que les paiements effectués s'imputeront sur le capital emprunté selon ledit tableau et dire que le cas échéant tous les montants réglés en sus par eux devront être remboursé par la Banque.

à titre infiniment subsidiaire :

- ordonner la substitution du taux de l'intérêt légal au taux contractuel à compter de la souscription de l'offre de crédit ;

- ordonner la réouverture des débats avec injonction au prêteur de deniers de produire un tableau d'amortissement du crédit accordé rémunéré au taux de l'intérêt légal en vigueur à la date de la décision à intervenir, dire que les paiements effectués s'imputeront sur le capital emprunté selon ledit tableau.

- en tout état de cause :

- condamner la Caisse du Crédit Mutuel de Lutterbach à leur verser la somme de 40.000 € à titre de dommage intérêts complémentaires ;

- condamner la Caisse du Crédit Mutuel de Lutterbach à leur verser la somme de 40.000 € à titre de dommage intérêts en indemnisation du préjudice moral causé ;

- condamner la Caisse du Crédit Mutuel de Lutterbach au versement d'une indemnité de procédure de 5.000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers frais et dépens de 1ère instance et d'appel.

En substance, M. et Mme X. soutiennent avoir souscrit une offre de prêt immobilier d'un montant de 464 190 CHF, moyennant des intérêts de 162.152,89 CHF, avec un taux d'intérêt annuel révisable de 2,090 %, le taux d'intérêt du prêt étant indexé, et dont le remboursement était prévu sur 30 années avec des mensualités de 1.736,70 euros.

Ils font valoir qu'ils ne disposaient pas de revenus en francs suisses, que s'agissant d'une opération immobilière, le prêt devait être remboursé par le règlement des loyers, par définition en euros, le bien étant situé en France et que la banque leur avait certifié que le franc suisse était stable et sans risque, mais que cela n'a pas été le cas et que les mensualités sont passées de 1.150 euros à 1.650 euros, voire 1.736 euros lorsque le franc suisse était au plus haut. Ils précisent avoir alors souscrit un avenant réduisant les mensualités à 900 CHF, puis avoir procédé à des remboursements anticipés.

Ils soutiennent que la clause d'indexation viole les dispositions de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, considérant qu'elle n'a aucun rapport avec l'objet du contrat, à savoir le financement de l'acquisition d'un bien immobilier en France par des personnes vivant en France et percevant tous leurs revenus en euros, la banque ayant son siège en France et le contrat ne faisant pas mention d'un quelconque aspect international. Ils contestent avoir travaillé en Suisse lors de la souscription du prêt. Ils en déduisent la nullité de la clause.

Ils invoquent également la violation des dispositions de l'article L. 312-3-1 du code de la consommation et soutiennent qu'il s'agit d'une clause abusive devant être sanctionnée par la nullité.

Ils ajoutent que la clause « francs suisses » du contrat est frappée de nullité absolue, ce qui induit la nullité de l'ensemble du prêt, précisant agir sur le fondement des deux articles précités.

A titre subsidiaire, pour le cas où le prêt ne serait pas annulé, ils demandent le prononcé de la nullité de la clause d'indexation.

Ils invoquent également une erreur sur la substance, que les termes de l'offre et de ses annexes ne font pas clairement apparaître qu'ils supportaient le risque lié à l'évolution du taux et que ce risque n'est apparu qu'avec sa concrétisation et le courrier d'avertissement de la banque.

Ils soutiennent, en outre, que la clause d'indexation est abusive, en application des articles 1171 et 1168 du code civil, créant un déséquilibre entre les parties, la banque s'étant elle-même assurée vis-à-vis du risque lié au taux de change alors que leur a été « vendu » un produit présenté comme une bonne affaire financière, sans risque particulier.

Ils reprochent à la banque un manquement à l'obligation d'information, de conseil et de mise en garde, ainsi qu'à une obligation contractuelle essentielle du contrat de prêt et l'application de taux d'intérêts erronés caractérisent l'abus de la banque, qui engage sa responsabilité contractuelle. Ils ajoutent que consciente des dangers liés à la variabilité du taux de change, la banque leur a accordé un prêt en devise suisse alors qu'elle n'a pas de relation directe avec l'objet de la convention ou l'activité des parties, de sorte qu'elle les a exposés à un risque anormal et n'a ainsi pas respecté son obligation de prudence, qui leur a causé un surcoût ou une perte de plus de 100.000 euros. Ils ajoutent que la faute de la banque doit même être considérée comme dolosive.

Ils ajoutent que le taux de période et le taux effectif global ne sont pas mentionnés sur tous les documents contractuels et que le TEG indiqué est arithmétiquement faux, s'élevant à 4,35 % et cela sans inclure le taux de change suisse, l'erreur étant supérieure à une décimale au sens de l'article R. 313-1 du code de la consommation. Ils en déduisent la nullité de la clause d'intérêt conventionnel pour erreur du TEG mentionnée dans le contrat de prêts, qu'ils n'étaient pas en mesure de déceler par eux même à la lecture de l'acte de prêt, ou à titre subsidiaire la déchéance totale ou partielle des intérêts.

Ils contestent toute prescription, soutenant qu'ils n'avaient pas la possibilité de comprendre, lors de l'émission de l'offre, quels risques de change elle faisait peser sur eux, ni qu'il existait une erreur de TEG, qu'en tant qu'emprunteurs profanes, ils sont dépourvus de connaissance du marché financier et en droit bancaire, que le délai de prescription court à compter de l'assignation de 2016. Ils ajoutent que l'action en nullité de la demande tendant à faire constater le caractère abusif d'une clause n'est soumise à aucun délai de prescription.

Enfin, ils récapitulent leurs demandes.

[*]

Le 20 juin 2019, la Caisse de Crédit mutuel de Lutterbach s'est constituée intimée.

Par conclusions du 8 décembre 2020, transmises par voie électronique le même jour, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la Caisse de Crédit mutuel de Lutterbach demande à la cour de :

- dire et juger les époux X. mal fondée en ses demandes,

- confirmer le jugement,

- débouter les époux X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

Si par extraordinaire la Cour jugeait l'action des époux X. recevable :

* Sur la licéité du contrat de prêt,

à titre principal :

- dire et juger qu'il ressort du contrat de prêt que le franc suisse est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement ;

- dire et juger en conséquence que la clause de remboursement constitue une clause d'indexation valable ;

- dire et juger en conséquence que le contrat de prêt est licite ;

à titre subsidiaire s'il devait être jugé que la monnaie de paiement est le franc suisse,

- dire et juger que le prêt n'impose pas à l'emprunteur de rembourser les échéances en francs suisse ;

- dire et juger, par conséquent, que le prêt n'est pas contraire à l'ordre public qui interdit uniquement d'imposer à l'emprunteur un remboursement dans une devise autre que l'euro ;

* Sur les clauses abusives,

- dire et juger que le caractère abusif des clauses relatives au CHF ne peut être examiné dans la mesure où elles constituent l'objet principal du contrat et sont rédigées de manière claire et compréhensible,

- dire et juger que le prêt ne comporte pas de clauses abusives ;

' Sur le manquement au devoir de mise en garde et d'information

- dire et juger qu'elle n'a pas manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de l'emprunteur ;

- dire et juger que les époux X. ont été avertis des risques induits par le contrat litigieux ;

- dire et juger en conséquence qu'elle n'a commis aucune faute ;

- dire et juger que les époux X. n'ont subi aucun préjudice ;

- débouter les époux X. de leurs demandes d'indemnisation au titre des préjudices subis ;

* Sur le TEG : dire et juger que la mention du TEG est conforme aux dispositions du Code de la consommation ;

En tout état de cause,

- débouter les époux X. de toutes leurs fins et conclusions,

- condamner les époux X. à lui verser à la CCM MULHOUSE EUROPE la somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner les époux X. aux entiers frais et dépens de la procédure ;

En substance, elle invoque l'irrecevabilité de l'action des époux X.

S'agissant de la demande en nullité absolue de la clause d'indexation, elle soutient que le contrôle du caractère abusif d'une clause doit être écarté dès lors qu'elle définit l'objet du contrat et qu'elle est claire et compréhensible, qu'en l'espèce, la monnaie de compte est le CHF et la monnaie de paiement est l'euro, tandis qu'il est clairement indiqué que les emprunteurs assument les conséquences du risque de change, mais que le bénéfice de change lui profitera. Elle fait valoir que l'acte de prêt prévoyant que l'hypothèque est prise sur la somme empruntée au principal, augmentée d'une provision pour risque de change de 20 %, qui est également reprise dans l'acte notarié, de sorte que les emprunteurs ont été avertis de la possibilité d'un accroissement du capital à rembourser en cas de dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse.

Elle invoque la prescription de :

- l'action en responsabilité, qui devait être engagée dans les cinq ans à compter de la date de la conclusion du prêt et que selon la réforme du droit de la prescription, elle était acquise au 6 juillet 2014. Elle ajoute qu'ils ne peuvent prétendre n'avoir pu comprendre les enjeux lors de la souscription du prêt, dès lors que l'ensemble des informations sur le principe et le mécanisme du prêt en devise leur ont été transmis préalablement, ainsi que l'illustre l'attestation du 12 juin 2009. Elle fait aussi valoir qu'ils pouvaient mesurer l'incidence du taux de change sur les échéances lors de chaque prélèvement dans la mesure où le contrat de prêt prévoyait leur prélèvement sur un compte ouvert en CHF que les époux X. devaient alimenter en euros. Elle ajoute qu'ils ont souscrit un avenant le 12 avril 2011 pour augmenter la durée du prêt et diminuer le montant des échéances.

- l'action en nullité du contrat de prêt et de la clause d'indexation, la prescription courant à compter du jour où l'acte irrégulier a été passé. Elle fait valoir que le contenu de la clause d'indexation est connu des emprunteurs dès la signature du prêt.

- l'action tendant à voir déclarée abusive la clause 'valeur monnaie étrangère', n'ayant pas été introduite dans les cinq ans de la conclusion du prêt. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'il s'agit en réalité d'une action en nullité, dont le délai de prescription a pour point de départ le jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître la clause manifestement illicite, et qu'ils étaient en mesure de constater la prétendue nullité de la clause d'indexation dès l'acceptation de l'offre de prêt en 2009.

- l'action en nullité et déchéance du droit aux intérêts fondée sur une prétendue erreur dans le TEG, le point de départ de la prescription courant à compter de la date de la conclusion du prêt. Elle ajoute que la lecture du contrat de prêt permettait aux emprunteurs de prendre conscience de l'erreur de calcul du TEG et que les clauses de l'offre et de l'acte notarié mentionnaient le TEG. Elle critique le jugement ayant retenu que l'erreur arithmétique affectant le TEG alléguée n'était pas décelable à la seule lecture de l'acte, dès lors que l'opération ne requiert aucune compétence mathématique particulière et qu'un seul coup d'œil permet d'identifier les coûts non pris en compte, tels que l'assurance optionnelle.

A titre subsidiaire, sur la validité du prêt et de la clause d'indexation, elle fait valoir que la monnaie de paiement est l'euro et que la clause d'indexation est valable dès lors qu'elle a une relation directe avec l'activité de la CCM.

Si par extraordinaire, la cour devait juger que le contrat de prêt institue le franc suisse tant comme monnaie de compte que comme monnaie de paiement, elle soutient également la validité de la clause, soutenant que si seul l'euro peut être imposé comme monnaie de paiement en France et s'il n'est pas permis au prêteur d'imposer à l'emprunteur de régler les échéances en CHF, il n'est pas interdit à un débiteur d'offrir de payer en monnaie étrangère, ce paiement étant valable et libératoire si le créancier l'accepte. Elle fait valoir qu'en l'espèce, la clause litigieuse n'interdit pas à l'emprunteur de rembourser les échéances en euros.

Elle conteste l'existence d'une erreur sur la substance, les dispositions contractuelles précisant que les emprunteurs devront supporter le risque de change, ainsi que cela figurait dans l'attestation du 12 juin 2019.

Elle conteste également le caractère abusif de la clause d'indexation, les emprunteurs ayant été parfaitement informés sur le mécanisme de change, n'ont pas exprimé de difficulté de compréhension pendant près de 10 ans. Elle ajoute que le risque de change pesait également sur la banque.

Sur la mention du TEG, elle soutient que les emprunteurs ne démontrent pas qu'il serait résulté de l'absence de mention du taux de période une erreur dans le calcul du TEG, que s'agissant d'un prêt pour l'achat d'un terrain et de la construction d'une maison individuelle, les dispositions invoquées par les emprunteurs ainsi que la jurisprudence, qui ne s'appliquent que pour les prêts accordés pour les besoins d'une activité professionnelle, sont inopérantes.

Elle ajoute qu'ils ne démontrent pas l'existence d'une erreur arithmétique du calcul du TEG et que celui qu'elle a calculé est exact. Elle fait également valoir ne pas comprendre le reproche consistant à ne pas avoir pris en compte dans le calcul du TEG le taux de change suisse, dès lors que les différents coûts du crédit pris en charge sont exprimés en CHF puis reportés en pourcentage.

A titre subsidiaire, elle soutient que la sanction d'un TEG erroné est soit la nullité du taux conventionnel lorsque l'erreur affecte le TEG mentionné dans le contrat de prêt, soit la déchéance partielle du droit aux intérêts lorsque l'erreur affecte le TEG mentionné dans l'offre de prêt, et ne peut pas être cumulativement la déchéance du droit aux intérêts et la nullité de la stipulation d'intérêt et sa substitution du taux de l'intérêt légal au taux contractuel.

Sur l'action en responsabilité, elle fait valoir que la faute du banquier doit s'apprécier au moment de l'octroi du crédit et que le banquier n'est tenu que d'une obligation de mise en garde contre le risque d'endettement qu'à la condition qu'il existe un risque d'endettement pour l'emprunteur et que celui-ci ne soit pas averti, conditions qui ne sont pas réunies en l'espèce. Elle en déduit ne pas avoir été tenue d'un devoir de mise en garde.

Elle ajoute avoir rempli son devoir d'information et de mise en garde et qu'à l'époque il n'existait pas d'obligation spécifique d'information en cas de souscription d'un prêt en monnaies étrangères. Elle ajoute n'avoir aucune prise sur l'évolution de la parité entre le CHF et l'euro, de sorte qu'il n'est pas raisonnable de vouloir supporter faire le risque de change uniquement à la banque, qui ne pouvait être en mesure d'anticiper la survenance d'un événement tel que la brusque appréciation du franc suisse. Elle fait aussi valoir que tout emprunteur qui contracte un prêt en devises étrangères n'est pas sans savoir qu'il existe nécessairement un risque lié au taux de change. Elle ajoute avoir clairement averti les emprunteurs des risques découlant d'un changement de parité et avoir attiré à plusieurs reprises leur attention sur ces risques, eu égard aux mentions figurant dans l'offre, rappelées oralement lors de la réitération de l'acte par le notaire et qui figurent dans l'acte notarié de prêt. Elle soutient, en outre, qu'en cours de prêt, ils pouvaient demander la modulation des conditions de remboursement du prêt, ce qui leur a été d'emblée précisé dans l'attestation du 12 juin 2009, mais aussi demander la conversion du prêt en euros en application de l'article 9.3 du contrat. Elle fait valoir qu'ils espéraient tirer avantage d'un éventuel changement de conjoncture monétaire et avaient parfaitement appréhendé les mécanismes liés aux effets du change. Elle ajoute ne pas avoir d'obligation de conseil et qu'elle ne disposait pas d'information dont ils ne disposaient pas eux-mêmes. Elle souligne qu'en présence d'un prêt en devises étrangères, il existe nécessairement un aléa s'agissant du taux de change applicable.

A titre subsidiaire, elle soutient que le préjudice résultant d'un manquement au devoir de mise en garde est la perte d'une chance de ne pas contracter et qu'en l'espèce, le risque d'une variation du taux de change étant aléatoire, il n'est pas certain qu'ils auraient refusé la conclusion du prêt, ce d'autant que la souscription d'un prêt en francs suisses leur permettait de bénéficier d'un taux d'intérêt plus faible que celui qui aurait été appliqué pour un prêt libellé en euros, de sorte qu'aucun préjudice n'est établi. Elle conteste en outre pouvoir être tenue pour responsable des préjudices invoqués et discute le calcul du préjudice et notamment du trop versé invoqué par les appelants.

Elle ajoute ne pas être tenue de fournir un tableau d'amortissement, l'article L. 312-8 (actuel L. 313-25) du code de la consommation ne le prévoyant que pour les offres de prêt dont le taux d'intérêt est fixe.

[*]

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 janvier 2021.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur l'action en nullité de la clause d'indexation et du contrat de prêt :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

M. et Mme X. demandent, à titre principal, la nullité du contrat et, à titre subsidiaire, la nullité de la clause d'indexation.

Dans leurs conclusions, ils invoquent, d'abord, la nullité de la « clause d'indexation » fondée sur l'application des articles L. 112-2 du code monétaire et financier, soutenant qu'elle n'a pas de relation directe avec l'objet du contrat, invoquant également les dispositions de l'article L. 312-3-1 du code de la consommation, qui limite la possibilité d'emprunter en francs suisses, tout en précisant que ce texte n'est pas rétroactif et soutenant qu'il convient de tenir compte de l'évolution doctrinale, législative et jurisprudentielle dans l'appréhension des prêts en devise étrangère.

Ils concluent, ensuite, à la nullité du contrat de prêt, en soutenant que la clause 'francs suisses' est frappée de nullité absolue, ce qui induit la nullité de l'ensemble des contrats de prêts, la nullité étant invoquée sur le fondement des deux textes précités.

Bien qu'ils ne citent pas la clause dont ils demandent l'annulation, évoquant tantôt une « clause d'indexation », tantôt une clause « francs suisses », ils invoquent une clause contenue dans l'offre de prêt souscrite le 6 juillet 2009.

Ils étaient ainsi, dès la souscription de cette offre, en mesure d'invoquer l'absence des conditions posées par les articles qu'ils invoquent au soutien de leur action introduite en 2016.

Au surplus, pour répondre à la fin de non-recevoir tirée de la prescription, ils font valoir qu'ils n'étaient pas en mesure de comprendre lors de l'émission de l'offre de crédit quels risques de change cette clause faisait peser sur eux.

L'interprétation de leurs conclusions conduit à considérer qu'ils demandent plus précisément l'annulation de clause suivante, relative aux conditions d'amortissement du prêt d'une somme consentie en francs suisses : 4.3.2 : « Echéances : payables le 5 du mois. Amortissement du prêt : en 360 termes successifs de CHF 1.736,70 chacun. Les modalités de remboursement et la composition des échéances en capital et intérêts ressortent des Conditions générales et au tableau d'amortissement ci-joint. La date de la première échéance sera communiquée par le prêteur. Tous remboursements en capital, paiement des intérêts et des commissions et cotisations d'assurance auront lieu dans la devise empruntée. La monnaie de paiement est l'euro, l'emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement. Les échéances seront débitées sur tout compte en devises (ou le cas échéant en euros) ouvert au nom de l'un quelconque des emprunteurs dans les livres du prêteur. Les frais de garantie sont payables en euros. Si le compte en devises ne présente pas la provision suffisante au jour de l'échéance, le prêteur est en droit de convertir le montant de l'échéance impayée en euros, et de prélever ce montant sur tout compte en euros ouvert dans les livres du prêteur, au nom de l'emprunteur ou du co-emprunteur. Le cours du change appliqué sera le cours du change tiré. Cotisation d'assurance à rajouter au terme de remboursement : 184,75 CHF (sous réserve de l'agrément de la compagnie d'assurance). »

Cependant, l'article de l'offre intitulé « dispositions propres aux crédits en devises », indique en son point 4 : « il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt ».

En outre, M. et Mme X. précisent que suite à la variation du taux de change, ils n'arrivaient plus à rembourser les échéances et que face à cette situation, ils ont signé un avenant au contrat augmentant la durée du prêt et réduisant le montant des échéances à 900 CHF. La banque produit un tel avenant signé le 12 avril 2011.

Ainsi, dès la signature de l'offre le 6 juillet 2009, et en tout état de cause le 12 avril 2011, ils étaient ainsi en mesure de comprendre que la clause litigieuse faisait peser le risque de change sur eux et, dès lors, de contester la validité de ladite clause dans le délai quinquennal de prescription, lequel était expiré avant l'introduction de leur action par acte d'huissier délivré le 21 juillet 2016 après le dépôt d'un acte introductif d'instance reçu au greffe le 5 juillet 2016. En conséquence, leur action est prescrite, comme l'a retenu le premier juge dont le jugement sera confirmé.

 

2. Sur la nullité du contrat pour erreur sur la substance :

Dans leurs conclusions, M. et Mme X. invoquent la nullité du prêt en raison d'une erreur sur la substance qu'ils ont commise, qu'à aucun moment les termes de l'offre et de ses annexes ne font clairement apparaître que les emprunteurs supportaient le risque lié à l'évolution du taux. Ils considèrent qu'il ne peut être considéré, comme l'a fait le premier juge, que la lecture des dispositions contractuelles excluait une absence d'information sur le risque de change. Ils font valoir que ce risque n'est apparu qu'avec sa concrétisation et le courrier d'avertissement de la banque. Ils invoquent à cet égard le courriel du 3 septembre 2015 par lequel ils demandaient une diminution des mensualités, un document relatif à l'évolution du cours du franc suisse par rapport à l'euro et des documents relatifs au changement d'affectation de M. X.

Outre le fait que la nullité ainsi invoquée constitue une nullité relative et non une nullité absolue dont ils demandent le prononcé, les pièces produites ne sont pas de nature à démontrer qu'ils ont commis l'erreur sur la substance qu'ils invoquent lors de la souscription du prêt, ce d'autant plus en présence des informations contenues dans les clauses précitées de l'acte, mais également dans le document qu'ils ont signé le 12 juin 2009 dans lequel ils reconnaissent que « la CCM Lutterbach nous a rendus attentifs au risque de change encouru pour le prêt immobilier n°27878822 que nous avons souscrit en ses livres pour un montant de CHF 464 190 ne disposant pas nous-mêmes de revenus en francs suisses. Nous avons également été informés que la transformation du prêt en devises en prêt en euros pourra se faire à tout moment, au cours interbancaire du jour de la transaction et au taux en vigueur au jour de la transformation. Nous acceptons d'en assurer la pleine responsabilité ». A cet égard, s'ils soutiennent ne pas se rappeler avoir signé ce document du 12 juin 2009, ils ne contestent pas pour autant l'avoir signé. Alors qu'ils soutiennent que ce document est nul, ils n'invoquent ni ne démontrent aucune cause de nullité.

En outre, à supposer qu'ils invoquent une erreur sur la substance liée à la variation du taux d'intérêt prévu par le prêt, ils n'expliquent pas en quoi ils n'auraient pas compris les conditions et modalités de la variation du taux d'intérêt en fonction de l'évolution de l'index Libor, tels d'ailleurs prévues par les clauses 4.2. et 5 de l'offre de prêt.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'action en nullité fondée sur une erreur sur la substance.

 

3. Sur le caractère abusif de la clause d'indexation :

A titre liminaire, il sera rappelé que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, une clause abusive n'est pas sanctionnée par la nullité.

Le premier juge a vérifié d'office le caractère abusif des clauses « relatives au recours à la devise suisse ». Après avoir retenu qu'elles fixent une prestation essentielle du contrat de sorte qu'elles définissent l'objet principal du contrat, puis que les dispositions précitées outre celles relatives aux conditions et modalités de variation du taux d'intérêt en fonction de l'index Libor sont claires, non équivoques et parfaitement compréhensibles par tout lecteur raisonnablement diligent, il en a conclu que le contrôle du caractère abusif doit être écarté.

Dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme X. soutiennent le caractère abusif de la « clause d'indexation » en application des articles 1171 et 1168 du code civil. Ils ajoutent qu'il conviendra de faire application de la jurisprudence constante de la CJCE selon laquelle il appartient au juge d'examiner le caractère abusif d'une clause contractuelle. Ils critiquent le jugement ayant retenu que les clauses du contrat étaient rédigées de manière claire et compréhensible et qu'elles ne présentaient pas un déséquilibre significatif en faveur du prêteur, en soutenant que la banque avait conscience du risque lié au taux de change, qu'elle s'est assurée à l'égard de ce risque et qu'ainsi était prévue une inscription hypothécaire pour la somme empruntée au principal, augmentée de 20 % pour couverture du risque de change, de sorte qu'elle avait bien conscience du risque, et qu'ils se « sont fait vendre » un produit qui leur a été présenté sans risque particulier comme une bonne affaire financière, de sorte que le déséquilibre créé est évident.

La banque soutient que les clauses litigieuses prévoient que la monnaie de compte est le franc suisse, la monnaie de paiement est l'euro et que le risque de change pèse sur l'emprunteur qui peut aussi en bénéficier, qu'elles définissent l'objet principal du contrat et sont claires et compréhensibles, de sorte que l'examen de leur prétendu caractère abusif doit être écarté. Elle fait également valoir que l'action tendant à voir déclarer une action réputée non écrite au motif qu'elle est abusive n'est pas imprescriptible, et qu'en l'espèce, l'offre de prêt ayant été acceptée le 6 juillet 2009, la prescription était acquise depuis le 6 juillet 2014. Elle soutient, en outre, l'absence de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties dès lors que le risque de change ne pesait pas exclusivement sur les emprunteurs mais également sur la banque.

 

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Contrairement à ce que soutient la banque, aucune prescription ne s'oppose au moyen tiré du caractère abusif d'une clause.

 

Sur l'appréciation du caractère abusif de la clause :

L'article 3 paragraphe 1 de la directive 93/13 prévoit qu’« une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat ».

L'article 4 paragraphe 2 de la même directive prévoit que l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat (...) pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

En application de l'article L. 132-1, devenu l'article L. 212-1 du code de la consommation dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; l'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

En l'espèce, M. et Mme X. ont souscrit un prêt d'une somme en francs suisses, remboursables en 360 mensualités de 1.736,70 CHF, comme le mentionne d'ailleurs le tableau d'amortissement.

Selon la clause précitée 4.3.2, le remboursement des échéances devait s'effectuer en francs suisses, M. et Mme X. ayant cependant toujours la possibilité de payer les échéances en euros. S'ils ne réglaient pas les échéances en CHF, la banque pouvait prélever les échéances en euros.

Il en résulte que le paiement des échéances pouvait s'effectuer, au choix de l'emprunteur, soit à hauteur de la somme de 1 736,70 CHF soit d'une somme en euros indexée sur cette somme en CHF. En cas de défaut de paiement de l'échéance en CHF, la banque était en droit de prélever l'échéance correspondante en euros.

Ainsi, il résulte de cette clause, qu'en cas de paiement de l'échéance en euros, celle-ci est indexée sur le CHF.

Cette clause fixe un élément essentiel caractérisant ledit contrat puisqu'elle a trait aux modalités de remboursement du capital prêté en francs suisses et des intérêts dus à la banque par l'emprunteur, les sommes dont le paiement est dû au prêteur - lorsqu'il s'effectue en euros - étant susceptible de varier en fonction de l'évolution du cours du franc suisse dans lequel sont libellées les échéances de remboursement.

L'appréciation du caractère abusif ne peut dès lors porter sur de telles clauses, qui portent sur l'objet principal du contrat, sauf si elles ne sont pas rédigées de manière claire et compréhensible.

La clause précitée est susceptible de faire peser un risque de change sur l'emprunteur qui paie en euros la mensualité libellée en CHF.

La clause 9 intitulée « dispositions propres aux crédits en devises » précise en son point 9. 4 que « il est expressément convenu que l'emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l'euro, qui pourrait intervenir jusqu'au complet remboursement du prêt ».

En outre, le contrat prévoyait la garantie du prêteur par une « hypothèque couvrant une provision pour risque de change évaluée sous toutes réserves à 20 % du montant en principal du prêt », ce qui permettait aux emprunteurs de prendre conscience qu'ils pouvaient être amenés à supporter un risque de change pouvant être relativement important et dont ils acceptaient de garantir la banque.

Au surplus, avant la conclusion du contrat de prêt, M. et Mme X. ont signé, le 12 juin 2009, un document indiquant qu'ils reconnaissent que « la CCM Lutterbach nous a rendus attentifs au risque de change encouru pour le prêt immobilier n°27878822 que nous avons souscrit en ses livres pour un montant de CHF 464 190 ne disposant pas nous-mêmes de revenus en francs suisses. Nous avons également été informés que la transformation du prêt en devises en prêt en euros pourra se faire à tout moment, au cours interbancaire du jour de la transaction et au taux en vigueur au jour de la transformation. Nous acceptons d'en assurer la pleine responsabilité ».

De telles informations permettaient à M. et Mme X. d'être informés de l'existence d'un risque d'évolution défavorable du cours du franc suisse par rapport à l'euro et du fait qu'ils devraient en supporter les conséquences lorsqu'ils paieraient en euros, et ce alors qu'ils ne percevaient pas de revenus en franc suisse et n'invoquaient pas détenir de fonds en franc suisse.

Le caractère de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de M. et Mme X. sera retenu, en l'absence de toute preuve contraire, leur profession ou les courriels échangés et invoqués par la banque ne suffisant pas à considérer qu'ils avaient des connaissances ou compétences supérieures à celui d'un tel consommateur, outre que la banque ne démontre pas que, comme elle le soutient, ils avaient déjà souscrit par le passé un prêt en devises étrangères.

Les clauses de l'acte, au demeurant éclairées par les mentions de l'attestation précitées, permettent d'expliquer dans un vocabulaire aisément compréhensible l'existence d'un risque de change supporté par les emprunteurs. Par ces éléments, le prêteur a fourni à M. et Mme X. des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat. Ainsi, a été remplie l'exigence de transparence des clauses de ce contrat faisant peser, en cas de paiement en euros de la mensualité libellée en CHF, le risque de change sur l'emprunteur.

Dès lors, ces clauses sont claires et suffisamment compréhensibles.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'apprécier si elles ont un caractère abusif.

 

4. Sur l'action en nullité et l'action en déchéance de la clause d'intérêt conventionnel pour erreur du taux effectif global :

Le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe, comme celui de l'exception de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux effectif global.

M. et Mme X. invoquent l'omission du taux de période, soutenant qu'il doit figurer dans tout écrit constatant un contrat de prêt et que le TEG ne figure pas sur tous les documents contractuels.

Leur action est ainsi fondée sur une omission d'une mention dans le contrat de prêt et l'ensemble des documents contractuels. Or, les emprunteurs étaient en mesure, dès la signature des documents contractuels en 2009, de constater une telle omission, de sorte que leur action, introduite en 2016, est prescrite, le jugement étant confirmé.

M. et Mme X. invoquent, en outre, le fait que le TEG mentionné dans l'acte est arithmétiquement faux, celui-ci s'élevant en réalité à 4,35 % et cela sans inclure le taux de change suisse.

Si la banque conclut dans le corps de ses conclusions à l'infirmation du jugement n'ayant pas retenu la prescription, elle ne demande pas dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation dudit jugement, ni que cette action soit déclarée prescrite comme irrecevable.

M. et Mme X. n'apportent aucun élément permettant d'établir que le taux effectif global qu'ils affirment s'élever à 4,35 % est arithmétiquement exact et que celui mentionné sur l'offre de prêt est inexact. En outre, en ce qu'ils invoquent la non-prise en compte du taux de change suisse, ils n'indiquent pas le taux qui aurait, en réalité, été appliqué. En tout état de cause, ils ne démontrent pas l'existence d'une erreur supérieure à la décimale, de sorte que la demande tendant à obtenir, pour ce motif, la déchéance du droit aux intérêts sera rejetée. En outre, la sanction d'une éventuelle erreur affectant le taux effectif global n'est pas la nullité de la clause d'intérêt conventionnel, de sorte que la demande tendant à obtenir sur ce fondement, la nullité de ladite clause sera également rejetée, le jugement étant confirmé.

 

5. Sur l'action en responsabilité dirigée contre la Caisse :

D'une part, M. et Mme X. invoquent la responsabilité de la Caisse pour manquement de la banque à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde. D'autre part, ils invoquent sa responsabilité contractuelle, soutenant qu'elle a commis une faute contractuelle au sens des articles 1134 et 1147 du code civil et que cette faute doit même être considéré comme dolosive.

Dans les deux cas, ils soutiennent que la banque a manqué à ses obligations contractuelles de base, que ce manquement à une obligation essentielle du contrat de prêt et l'application de taux d'intérêts erronés à ses clients achèvent de caractériser l'abus de la banque et qu'en leur accordant un prêt en devises suisse, qui n'a pas de rapport avec l'objet de la convention ou l'activité de l'une des parties et alors qu'elle était consciente des dangers liés à la variation du taux de change, la banque les a exposés à un risque anormal et n'a pas respecté son obligation de prudence.

La Caisse conclut à la confirmation du jugement ayant jugé irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité, y compris l'action en dommages-intérêts complémentaires à hauteur de 40.000 euros.

Il résulte de ce qui précède qu'eu égard aux clauses de l'acte, les emprunteurs étaient, dès la signature de l'acte, pleinement informés qu'ils supportaient un risque de change.

Au surplus, comme l'a retenu le premier juge, sans que les époux X. ne critiquent ces motifs, ils étaient en mesure d'apprécier les conséquences de l'éventuel manquement de la banque à son devoir d'information, de conseil ou de mise en garde au plus tard au moment de l'acceptation de l'avenant le 12 avril 2011, la cour rappelant que, dans leurs conclusions, M. et Mme X. précisent que suite à la variation du taux de change, ils n'arrivaient plus à rembourser les échéances et que face à cette situation, ils ont signé un avenant au contrat augmentant la durée du prêt et réduisant le montant des échéances à 900 CHF, et que cette situation correspond à l'avenant souscrit du 12 avril 2011 invoqué par la Caisse.

Leur action en responsabilité, engagée en 2016, fondée sur un manquement de la banque à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde quant à un tel risque ou exposition à un risque anormal est dès lors prescrite.

En outre, s'agissant de l'action fondée sur une faute de la banque fondée sur des intérêts erronés, il a été dit que M. et Mme X. étaient, dès la souscription de l'offre de prêt et des documents contractuels en 2009, en mesure de déceler les erreurs relatives au taux effectif global qu'ils invoquent, et, dès lors, de déterminer le préjudice qu'ils auraient subi du fait de l'abus de la banque qu'ils invoquent, de sorte que leur action en réparation d'un préjudice subi en conséquence, introduite en 2016, est également prescrite, à l'exception toutefois de l'action en réparation fondée sur l'erreur arithmétique du TEG incluant la non prise en compte du taux de change suisse, dont ils ne démontrent toutefois pas l'existence, de sorte que leur action en réparation d'un préjudice subi sera rejetée.

Il convient dès lors de confirmer le jugement ayant jugé irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité, y compris l'action en dommages-intérêts complémentaires à hauteur de 40.000 euros, sauf en ce qui concerne l'action en responsabilité fondée sur une faute de la banque tirée d'une erreur arithmétique du taux effectif global incluant la non prise en compte du taux de change suisse. Statuant à nouveau, cette action fondée sur ledit grief sera déclarée recevable, mais rejetée.

La demande de dommages-intérêts d'un montant de 40/000 euros en réparation d'un préjudice moral formée à hauteur de cour sera rejetée, dès lors que les époux X. ne caractérisent pas dans leurs conclusions (p. 26) la faute de la Caisse qui serait à l'origine du préjudice moral dont ils demandent réparation.

Il résulte de ce qui précède que le jugement sera confirmé pour le surplus, y compris en ce qu'il a statue sur les frais et dépens.

 

6. Sur les frais et dépens :

M. et Mme X. succombant, ils supporteront les dépens d'appel et seront condamnés à payer à l'intimée la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, leur demande de ce chef étant rejetée, ainsi que le commande l'équité.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse du 14 mai 2019, sauf en ce qu'il a dit irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité et l'action en dommages-intérêts complémentaires à hauteur de 40.000 euros, mais seulement en ce que celles-ci sont fondées sur une faute de la banque tirée d'une erreur arithmétique de calcul du taux effectif global, y compris en ce qu'il ne tient pas compte du taux de change,

Statuant à nouveau du seul chef infirmé,

Déclare recevable l'action en responsabilité et l'action en dommages-intérêts complémentaires à hauteur de 40.000 euros, mais seulement en ce que celles-ci sont fondées sur une faute de la banque tirée d'une erreur du taux effectif global y compris en ce qu'il ne tient pas compte du taux de change,

Rejette l'action en responsabilité et l'action en dommages-intérêts complémentaires à hauteur de 40.000 euros, mais seulement en ce que celles-ci sont fondées sur une faute de la banque tirée d'une erreur du taux effectif global y compris en ce qu'il ne tient pas compte du taux de change,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages-intérêts à hauteur de 40.000 euros pour préjudice moral,

Condamne M. et Mme X. à supporter les dépens d'appel,

Condamne M. et Mme X. à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Lutterbach la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette leur demande de ce chef.

La Greffière :                                               la Présidente :