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CA NANCY (1re ch. civ.), 20 septembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (1re ch. civ.), 20 septembre 2021
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 1re ch. civ.
Demande : 20/00318
Date : 20/09/2021
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 1/10/2018
Décision antérieure : CA NANCY (1re ch. civ.), 22 octobre 2019
Référence bibliographique : 5721 (obligation de relevé d’office)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9170

CA NANCY (1re ch. civ.), 20 septembre 2021 : RG n° 20/00318

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il y a lieu de rappeler que la question tirée de la validité du contrat d'assurance pour cause de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assurée sur son état de santé, a d'ores et déjà été tranchée par l'arrêt du 22 octobre 2019 ;

De plus s'agissant de la régularité formelle de la clause conventionnelle exclusive de garantie la cour a, dans sa décision du 8 juin 2021 considéré que le formalisme de la clause d'exclusion de garantie était régulier et que Madame X. a bénéficié de l'information conforme par la délivrance des divers documents en sa possession (pièces 2 et 3) ;

ces motifs non démentis seront repris et de ce chef, le moyen de nullité développé par Madame X. étant écarté comme non fondé. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/00318. N° Portalis DBVR-V-B7E-ERC4. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de BRIEY, R.G. n° 17/00135, en date du 20 septembre 2018,

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], domiciliée [adresse], Représentée par Maître Barbara V. de la SCP V. P., avocat au barreau de NANCY, avocat postulant, et par Maître Gerard K., avocat au barreau de BRIEY, avocat plaidant

 

INTIMÉE :

SA ALLIANZ VIE

prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social sis [adresse], Représentée par Maître Valérie B.-W., avocat au barreau de NANCY

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 7 juin 2021, en audience publique devant la Cour composée de : Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport, Madame Véronique GEOFFROY, Conseiller, Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller, qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2021, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 20 septembre 2021.

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 20 septembre 2021, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Madame X. a contracté, le 28 avril 2014, une assurance auprès de la compagnie d'assurances SA Allianz Vie afin de couvrir deux prêts octroyés par le Crédit Foncier et une garantie pour perte totale et irréversible d'autonomie était prévue.

En 2014, Madame X. a présenté les symptômes d'une sclérose en plaque et a demandé la prise en charge par la SA Allianz Vie de ses prêts, par lettre du 23 juin 2015.

Par acte d'huissier du 17 janvier 2017, Madame X. a assigné devant le tribunal de grande instance de Briey, la compagnie d'assurances Allianz Vie aux fins de la voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à rembourser les échéances de deux emprunts immobiliers contractés auprès du Crédit Foncier rétroactivement à compter du mois de mai 2014, lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les frais et dépens.

Par jugement contradictoire du 20 septembre 2018, le tribunal ainsi saisi a :

- donné acte à la SA Allianz Vie de sa dénomination sociale exacte en lieu et place de compagnie d'assurances Allianz ;

- déclaré la demande d'adhésion à l'assurance en date du 26 avril 2014 nulle ;

- dit n'y avoir lieu à garantie ;

- débouté Madame X. de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Madame X. aux entiers dépens de la procédure.

Dans ses motifs, le tribunal a considéré, au visa des articles L. 113-8 et L. 132-26 du code des assurances que Madame X. aurait dû signaler au moment de la souscription du contrat d'assurances qu'elle était sous surveillance médicale à la suite du diagnostic du nystagmus et que des séances de kinésithérapie lui ont été prescrites et qu'il importe peu que cette pathologie soit ou non en rapport avec la déclaration de la sclérose en plaque. Le tribunal a estimé que la fausse déclaration réside dans la dissimulation faite au moment de la souscription de la surveillance médicale dont elle faisait l'objet ; le tribunal a, par exemple, précisé que l'IRM nécessaire au diagnostic avait été évoqué dès le début de l'année 2014 mais dont la réalisation a été repoussée en raison de son état de grossesse.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 28 septembre 2018 et enregistrée le 1er octobre 2018, Madame X. a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt mixte du 22 octobre 2019, la cour d'appel de Nancy a :

- infirmé la décision déférée en ce qu'elle a déclaré nulle la demande d'adhésion à l'assurance en date du 26 avril 2014 ;

- débouté la société Allianz Vie de son rejet de garantie sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances ;

- ordonné la réouverture des débats au surplus ;

- invité les parties à conclure d'une part, sur l'application des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation, d'autre part, sur le respect des dispositions de l'article L. 112-2 du code des assurances et enfin sur la validité formelle de la clause en litige ;

- ordonné le sursis à statuer ;

- réservé les dépens.

Pour statuer ainsi, la cour d'appel a, après analyse des multiples comptes-rendus médicaux versés aux débats, a estimé qu'aucun élément médical ne justifie l'antériorité des symptômes de Madame X. par rapport aux renseignements mentionnés dans le questionnaire médical rempli lors de la souscription du contrat d'assurance le 26 avril 2014 ; elle a considéré que cette dernière a justement rempli le questionnaire en n'indiquant pas la prise d'un traitement médical, ce qui exclut l'application de l'article L. 113-8 du code des assurances. La cour a, en outre, précisé que le rapport d'expertise amiable du Docteur B., non corroboré par d'autres éléments probatoires, ne démontre pas de l'antériorité de la pathologie de Madame X. et de sa connaissance de cet état d'autant plus que la prescription de l'IRM ne date que du 9 août 2014, soit après la conclusion du contrat ; la cour a alors jugé que Madame X. n'avait pas effectué une fausse déclaration permettant à la compagnie d'assurances de lui opposer un refus.

Par arrêt avant dire droit du 8 juin 2020, la cour de ce siège a, après avoir retenu dans ses motifs la régularité formelle de la clause d'exclusion de garantie de l'article 14 du contrat conclu entre les parties, a ordonné une expertise médicale confiée au Docteur C., avec pour mission les questions suivantes :

1 - déterminer la date à laquelle se situe la première constatation de la pathologie de Mme X. liée au litige, tenant au refus de garantie de la société Allianz Vie au titre du contrat n° 5280,

2 - dire si l'état de santé de Mme X. peut être considéré comme la plaçant en situation de 'perte totale et irréversible d'autonomie' au sens de l'article 10 du contrat,

3 - déterminer le ou les taux d'incapacité en relation avec la ou les maladies en cause et se prononcer sur leur point de départ respectif,

4 - donner tous les éléments d'ordre médical permettant d'apprécier la date de la survenance de la pathologie, de ses symptômes afin que la juridiction puisse se prononcer sur la préexistence au contrat, ainsi que sur la connaissance qu'en a pu avoir Mme X. ;

L'expert a déposé son rapport au greffe le 16 février 2021.

[*]

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 22 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Madame X. demande à la cour de :

- Infirmer la décision dont appel,

- Rappeler que par arrêt mixte du 22 octobre 2019, la cour a jugé que Madame X. n'avait pas formulé de fausse déclaration lors de la souscription du contrat et a débouté Allianz Vie de son rejet de garantie sur le fondement de l'article L. 113-8 du code des assurances, et a ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à conclure sur le respect des dispositions de l'article L. 212-1 et L 112-2 du code des assurances soit à expliquer la nullité des clauses d'exclusion opposées,

- Dire et juger nulle les clauses d'exclusion de la garantie invoquées par la société Allianz Vie à l'article 14 de la notice relative au contrat d'assurance collective n° 5280 souscrit auprès de Allianz Vie (Emprunvals 2) ;

- Dire et juger que Allianz Vie est tenue de la garantie pour perte totale et irréversible d'autonomie du fait d'une affection survenue postérieurement à la prise d'effet de la police d'assurance est par conséquent due dès juillet 2014 et subsidiairement septembre 2014,

- Condamner la société Allianz Vie à prendre en charge le remboursement des deux crédits immobiliers, soit 855,49 euros par mois à rembourser à la concluante depuis le 11 septembre 2014 jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, puis en versant directement à Allianz Vie les mensualités, soit à payer à Madame X. :

- la somme de 4.633,63 euros pour les assurances et

- la somme de 70.150,18 (855,49 x 82) euros pour les crédits,

soit 74.783,81 euros,

outre les mensualités et primes d'assurance jusqu'à l'arrêt à intervenir, 917,01 euros par mois à compter de juillet 2021 au jour de l'arrêt,

- à compter de l'arrêt, de condamner Allianz Vie à rembourser directement auprès du Crédit Foncier les échéances des crédits et à prendre en charge les primes d'assurance, subsidiairement de verser 917,76 euros par mois à Mme X.,

- dire et juger qu'à défaut de s'exécuter dès la signification de l'arrêt, la société Allianz Vie sera condamnée à une astreinte de 250 euros par jour,

- Condamner la société Allianz Vie à verser à Madame X. la somme de 15.000,00 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- Condamner la S.A. Allianz Vie à régler à Madame X. la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En tout état de cause,

- Condamner la société Allianz Vie en tous les dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de sa demande Mme X. fait valoir que la clause d'exclusion de garantie est nulle comme abusive, au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation ;

subsidiairement elle réfute avoir une sclérose en plaque au moment de la souscription du contrat, celle-ci ayant été diagnostiquée plusieurs semaines plus tard après des premiers symptômes survenus le 14 juillet 2014 ; elle conteste ainsi les affirmations du Docteur B. médecin mandaté par l'assureur, portant sur l'apparition de symptômes dès 2013 ainsi que sur la consultation d'un ophtalmologue ; elle affirme que les symptômes de sa maladie sont apparus brutalement durant l'été 2014 (vertiges et troubles de l'équilibre), alors qu'elle était en parfaite santé lors de sa grossesse, ce qui justifie qu'elle ait sollicité par erreur, la prise en charge de la maladie dès son accouchement ; elle rappelle que la sclérose en plaque diagnostiquée le 11 septembre 2014 était précédemment passée inaperçue, et a été aggravée par sa dernière grossesse tel que cela résulte des éléments médicaux qu'elle produit ; elle se réfère aux éléments de l'expertise du Docteur C. quant à l'historique de son dossier médical et relève que les vérifications opérées, tant au sein de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie en France qu'au Luxembourg, excluent toute consultation ophtalmique au cours de l'année 2013 ;

[*]

Par conclusions communiquées par voie électronique le 7 avril 2021, la société Allianz Vie demande à la cour de :

* à titre principal,

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016,

Vu la définition de la garantie PTIA fixant parmi les conditions d'application le fait que « la maladie soit apparue postérieurement à la date d'effet des garanties »,

Vu la date d'effet des garanties au 15 juin 2014,

Vu les conclusions de l'expert C. suivant lesquelles si le diagnostic sclérose en plaque « évoluée » a été posé le 11 septembre 2014 mais que « la date à laquelle le diagnostic a été posé et la date à laquelle la pathologie est apparue sont deux notions distinctes » et que « nous ne connaissons pas la date de survenance de la pathologie puisqu'elle était cliniquement silencieuse »

Vu la jurisprudence constante selon laquelle la preuve de la garantie incombe à l'assuré,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame X. de l'intégralité de ses demandes,

* à titre subsidiaire

Si par impossible la Cour devait estimer la garantie PTIA mobilisable,

Vu les articles 6 et 10 de la notice d'assurance,

Dire que l'indemnisation sera évaluée dans le respect des conditions contractuelles et versée entre les mains de l'organisme prêteur, bénéficiaire de la garantie,

* en tout état de cause,

- débouter Madame X. de sa demande en dommages et intérêts au titre de la prétendue résistance abusive de la société Allianz Vie dont le refus de garantie n'est pas de nature à relever un abus de droit,

- condamner Madame X. au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et frais d'expertise.

Pour justifier sa position la société Allianz Vie fait valoir que la charge de la preuve de la réunion des conditions d'application de la garantie PTIA souscrite, incombe à l'assurée, s'agissant une condition de sa mise en œuvre et non d'une exclusion de garantie ;

Se référant à la définition de la garantie résultant de l'article 10 du contrat, elle relève que l'apparition de la maladie doit être postérieure à la souscription du contrat, pour être prise en charge ; en l'espèce le contrat a été souscrit le 15 juin 2014 et si le diagnostic a été posé le 11 septembre 2014, l'expert a reconnu que la date de survenance de la pathologie n'est pas connue car « cliniquement silencieuse » ;

Elle considère que la survenance de la pathologie étant indéterminée, l'assurée ne démontre pas que les conditions de garantie sont réunies ce qui justifie le débouté de ses prétentions ; en dernier lieu elle relève que si la garantie était mobilisée, elle induirait le paiement direct entre les mains de l'organisme prêteur, le Crédit Foncier ;

[*]

L'affaire a été évoquée à l'audience du 7 juin 2021 et mise en délibéré au 13 septembre 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu l'arrêt mixte du 22 octobre 2019,

Vu l'arrêt avant dire droit du 8 juin 2020,

Vu les écritures communiquées par voie électronique le 22 mars 2021 par Madame X. et le 7 avril 2021 par la société Allianz Vie, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 11 mai 2021 ;

 

Sur le principe de la garantie de l'assureur :

Il y a lieu de rappeler que la question tirée de la validité du contrat d'assurance pour cause de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assurée sur son état de santé, a d'ores et déjà été tranchée par l'arrêt du 22 octobre 2019 ;

De plus s'agissant de la régularité formelle de la clause conventionnelle exclusive de garantie la cour a, dans sa décision du 8 juin 2021 considéré que le formalisme de la clause d'exclusion de garantie était régulier et que Madame X. a bénéficié de l'information conforme par la délivrance des divers documents en sa possession (pièces 2 et 3) ;

ces motifs non démentis seront repris et de ce chef, le moyen de nullité développé par Madame X. étant écarté comme non fondé ;

Reste par conséquent à statuer sur le principe de la garantie de la société Allianz Vie au titre du contrat n° 5280, cette dernière considérant en effet, que les conditions prévues au contrat ne sont pas réunies en l'espèce, dès lors que l'assurée ne démontre pas qu'elle n'était pas affectée d'une maladie au sens de l'article 14 du contrat, lors de sa souscription soit le 28 avril 2014 ;

La société Allianz Vie relève dans ses conclusions que le contrat n° 5280 liant les parties, comprend une mention aux termes de laquelle le souscripteur indique : « je reconnais avoir reçu ce jour une notice d'information du contrat n° 5280 et avoir pris connaissance, notamment de l'objet du contrat, des conditions et exclusions de garanties, et des limites d'indemnisation et en accepter tous les termes » ;

Ainsi se fondant sur les dispositions des articles 10 et 14 du contrat Emprunval 2 produit par l'appelante, la société Allianz Vie conclut à la non application de la garantie « perte totale et irréversible d'autonomie » du fait de l'antériorité de la maladie de Madame X. à la signature du contrat ;

en effet le dernier article exclut de la garantie spécialement, « les maladies en évolution ou chronique, les infirmités dont l'assuré était atteint au moment de son affiliation, sauf si elles ont été déclarées à l'assureur et n'ont pas donné lieu à restriction ou exclusion de garantie » ;

Ainsi, la question de l'antériorité de l'affection de sclérose en plaques dénoncée à son assureur le 23 juin 2015 par Madame X. (pièce 7), au regard de la souscription du contrat le 28 avril 2014 se pose ;

de plus, eu égard aux termes mêmes de l'article 14 sus visé, il y a lieu de s'interroger sur la connaissance par l'assurée de son état de santé lors de la souscription du contrat, non pas sous l'angle de la fausse déclaration intentionnelle, mais sous celui qui lui permettrait dans cette hypothèse d'obtenir une garantie ; en effet la déclaration de l'affection à l'assureur suppose qu'elle soit connue ; ainsi elle serait à même de bénéficier d'une garantie partielle, après exclusion par l'assureur de l'affection connue et déclarée ;

Sur ce point et faisant référence aux développements de l'arrêt mixte prononcé le 22 octobre 2019, il sera rappelé que le diagnostic de « SEP - sclérose en plaques- évoluée » a été posé concernant Madame X. après réalisation d'une IRM cérébrale avec injection le 11 septembre 2014, quelques mois après la naissance de son troisième enfant, le 25 mai 2014 ;

L'opposition de la société Allianz Vie portant sur la prise en charge des mensualités du crédit immobilier souscrit au titre de « la perte totale et irréversible d'autonomie », se fonde sur les conclusions du Docteur B., médecin mandaté par la société Allianz Vie, lequel indique dans son rapport (pièce 23) que « nous sommes en présence d'une personne qui est entrée dans l'assurance le 15 juin 2014, a présenté le 11 septembre 2014 une SEP dont les troubles remontent au mois de mai 2014, date de son accouchement de son troisième enfant, avec une symptomatologie ayant débuté lors de sa grossesse voire antérieurement » ; il conclut par conséquent que « le jour de la signature du contrat le 15 juin 2014, Mme L. ne pouvait pas se considérer en bonne santé (...) » ;

Ces éléments sont contredits par les certificats médicaux du médecin traitant le Docteur S., ainsi que par l'historique du diagnostic ;

ainsi l'analyse médicale effectuée par l'expert désigné judiciairement, le Docteur C. dans sa réponse à la question 4 de sa mission, rappelle les divers éléments de diagnostic que sont :

- début de grossesse en août 2013, accouchement sans difficultés le 25 mai 2014 selon certificat du Docteur B., gynécologue à T. (30 septembre 2020) et grossesse sans problèmes neurologiques ;

- suivi ophtalmologique par le Docteur G., tous les deux ans depuis 2010 ; pas de consultations en 2013 (après vérification des décomptes des caisses françaises et luxembourgeoises) ;

- le 14 juillet 2014 Madame X. a présenté des vertiges rotatoires lors du feu d'artifice ; le traitement du vertige paroxystique positionnel béni est intervenu par kinésithérapie sans succès,

- un examen IRM a été ordonné le 9 août 2014 par le Docteur S. généraliste, compte-tenu de la persistance des vertiges et des acouphènes ; l'examen a été réalisé le 11 septembre 2014 ; le diagnostic est « aspect compatible avec une S.E.P. évoluée » ;

- le neurologue qui l'a prise en charge initialement, a délivré un certificat le 18 novembre 2014 portant mention de « Je soussigné Docteur A., médecin spécialiste en neurologie, certifie que Madame X. née le [date] (... présente) une S.E.P (sclérose en plaque) passée jusqu'ici inaperçue et aggravée après la dernière grossesse de son troisième enfant né le 25 mai 2014 ;

il ajoute dans un certificat du 29 février 2016, que « Madame X. (...) depuis le mois d'octobre 2014 suite à une découverte aigue, dans le cadre d'un syndrome pyramidal du post Partum, (présente) de nombreux hypersignaux de la substance blanche mais également médullaires révélant une S.E.P. sévèrement active » ;

- enfin le Docteur M., deuxième neurologue en charge de son suivi, a écrit le 23 novembre 2020 : « Je soussigné M., docteur en neurologue, neurologue traitant de Madame X. née le 21/10/1979, certifie qu'elle présente le diagnostic de sclérose en plaques. Diagnostic qui a été porté par un autre neurologue que moi en septembre 2014, à l'issue d'une IRM cérébrale qui permet de poser ce diagnostic. Il lui a été annoncé à ce moment-là » ;

En conclusion l'expert dans son rapport, en réponse à un dire du conseil de la société Allianz Vie reprend les termes du certificat du Docteur P., pour affirmer le caractère « inaperçu » jusqu'à l'IRM de la sclérose en plaque de Madame X., « aggravée par la grossesse de son 3ème enfant » ;

Il indique que les premiers signes cliniques lui sont apparus le 14 juillet 2014 et ajoute que la date de survenance de la pathologie est inconnue dès lors qu'elle était 'silencieuse' ;

elle ajoute sur interpellation, que Madame X. réfute avoir dit lors de l'expertise de l'assureur, réalisée non contradictoirement par le Docteur B., qu'elle présentait des signes suspects avant le 14 juillet 2014 ;

Il est constant que les conditions conventionnelles de prise en charge notamment de la « perte totale et irréversible d'autonomie de l'assuré », sont énoncées dans la notice d'information en possession de Madame X. dans son article 10 ;

De plus l'article 14 du même document énonce au titre des 'risques exclus' notamment au titre « des exclusions spécifiques aux garanties incapacité temporaire totale, invalidité permanente partielle et invalidité spécifique AREAS' que 'ne sont pas garanties les maladies en évolution ou chroniques ainsi que les infirmités dont l'assuré était atteint au moment de son adhésion, sauf si elles ont été déclarées à l'assureur et n'ont pas donné lieu à exclusion ou restriction de garantie » ;

La société Allianz Vie se fonde sur cette disposition pour conclure à l'absence de mise en jeu de la garantie PTIA au bénéfice de l'assurée, cette dernière ne démontrant pas qu'elle était exempte de toute maladie en évolution ou chronique au moment de sa souscription ;

Il est constant que la charge de la preuve du bien-fondé de la mise en œuvre de la garantie conventionnelle, incombe à celui qui en réclame le bénéfice, soit l'assuré ;

Cependant, à supposer que les dispositions sus énoncées soient applicables à la garantie « perte totale et irréversible d'autonomie » (PTIA), il ressort des développements précédents que le 28 avril 2014, date de souscription du contrat, un mois avant de donner naissance à son troisième enfant, Madame X. ne connaissait pas la pathologie qu'elle a développé ;

en effet le diagnostic de la sclérose en plaques a été posé le 11 septembre 2014, à la suite d'un IRM ordonnée par son médecin traitant le 9 août 2014, au vu de la persistance de vertiges, dont les premiers symptômes ont été ressentis le 14 juillet 2014 ;

Ainsi s'il appartient à l'assurée de prouver que les conditions du contrat dont elle se prévaut sont réunies, celle-ci ne peut rapporter la preuve que des faits dont elle a connaissance ;

or, en l'espèce, il est établi que Madame X. a développé une sclérose en plaques diagnostiquée le 11 septembre 2014, qui était asymptomatique jusqu'au 14 juillet 2014 ;

cette affirmation repose tant sur les éléments médicaux réunis par l'expert judiciaire, que sur l'absence d'actes de diagnostic ou de soins, établis au cours de sa grossesse, qui s'est déroulée sans pathologie notamment neurologique, selon le certificat médical du gynécologue (certificat médical du Dr. B. gynécologue du 25 mai 2014) ;

à cet égard, les mentions par le médecin commis par la société Allianz Vie, le Docteur B. d'un diagnostic ophtalmologique en 2013, sont contredites par les vérifications effectuées par l'expert C. ;

Ainsi et tel que mentionné par le Docteur M., la pathologie de sclérose en plaques a été révélée le 11 septembre 2014 à Madame X. ;

en l'absence de manifestations symptomatiques avérées avant la souscription du contrat, la S.E.P. n'avait développé aucun symptôme pour l'assurée au 28 avril 2014 ;

dès lors, ne présentant à cette date, aucune maladie chronique ou en évolution connue, Madame X. est bien fondée à réclamer la mise en jeu des garanties d'assurance à la société Allianz Vie ;

Surabondemment, il y a lieu de relever, que les termes de la garantie PTIA (perte totale irréversible d'autonomie) ne comportent comme « exclusion spécifique » uniquement « les conséquences de maladie ou d'accident qui sont le fait volontaire de la personne garantie, de mutilations volontaires ou d'une tentative de suicide » - article 14 - éléments totalement étrangers au cas d'espèce ;

Dès lors la demande de Madame X. sera reçue dans son principe, les conditions conventionnelles de garantie étant réunies la concernant ;

le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;

 

Sur les demandes financières :

Le contrat en litige prévoit que la garantie PTIA est prise en charge aux conditions suivantes : « perte totale et irréversible d'autonomie de l'assuré avant son 70ème anniversaire, par la suite d'une maladie ou d'un accident (...qui) ne peut plus définitivement se livrer à aucune activité lui procurant gain ou profit et doit avoir recours à l'assistance d'une tierce-personne pour effectuer les actes de la vie courante » (article 10) ;

L'expertise déposée par le Docteur C. permet d'apprécier ces conditions, dès lors que dans le point 2 elle précise, que « Madame X. ne peut plus définitivement se livrer à aucune activité lui procurant un gain ou profit. Son état de santé peut être considéré comme la plaçant en situation de « perte totale et irréversible d'autonomie ». Elle doit avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie courante » ;

cette analyse n'est au demeurant pas valablement contredite, comme avancé par la partie intimée, par les mentions portées par Madame X. au questionnaire « Tierce Personne » annexé au rapport (page 22) ; en effet si l'intéressée indique qu'elle peut enfiler des vêtements, ce n'est que pour le haut du corps, si elle peut se déplacer dans son appartement c'est en fauteuil roulant ; enfin tous les « transferts » sont réalisés avec l'assistance de son mari ou de sa famille ;

Pour conclure, Madame X. avait 34 ans lors de la découverte de la sclérose en plaques qui l'affecte ; dès lors les conditions de l'indemnisation au titre du PTIA sont réunies ;

S'agissant des sommes exigibles, l'intimée indique que les dispositions contractuelles prévoient que l'indemnisation est versée entre les mains de l'organisme prêteur bénéficiaire de la garantie (article 6.1) ;

L'article 10 du contrat prévoit que « l'assureur verse par anticipation le montant du capital prévu en cas de décès calculé à la date de la reconnaissance de la perte totale et irréversible d'autonomie. Les cotisations cessent d'être dues à compter du jour où le capital est réglé et l'assuré cesse de bénéficier des garanties de l'assurance. L'adhésion prend fin au versement par anticipation » ;

Ainsi les demandes formées par Madame X. concernant la charge des prêts immobiliers ainsi que de l'assurance mensuelle, seront à compter de la présente décision, directement assumées par la société Allianz Vie auprès de l'organisme prêteur le Crédit Foncier dans les termes de l'article 10 sus mentionné ;

Au surplus, les demandes indemnitaires formées par Mme X. pour les mensualités de prêts échues et honorées, sont fondées dans leur principe et non contestées dans leur montant ;

en effet s'il est constant que les obligations contractuelles de la société Allianz Vie justifient sa condamnation au paiement du capital restant dû auprès de l'organisme prêteur, la demande de l'appelante en remboursement des mensualités échues et honorées, est justifiée comme conforme aux obligations de l'intimée, devant répéter auprès de l'assurée les sommes dont elle s'est indûment acquittée depuis le 11 septembre 2014, date de la déclaration de son affection ;

Par conséquent, il sera fait droit à la demande de remboursement des échéances échues payées ainsi que des primes d'assurances accessoires, qui n'étaient plus exigibles, pour la période du 11 septembre 2014 au 13 septembre 2021, ventilées comme suit :

- 70.150,18 euros au titre des mensualités de prêt au 1er juillet 2021,

- 4.633,63 euros au titre de l'assurance-crédit, somme arrêtée à la même date ;

- 1.835,52 euros (917,76 x 2) au titre des mensualités des prêts immobiliers et assurances pour les mois d'août et septembre 2021 ;

En revanche s'agissant d'une condamnation au paiement pour laquelle l'appelante dispose d'un titre exécutoire, il n'apparaît pas indiqué de prononcer en outre, une astreinte ; cette demande sera par conséquent écartée ;

 

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :

Mme X. considère que l'attitude de la société Allianz Vie est constitutive d'une résistance abusive ;

s'il est constant qu'elle a déclaré à l'assureur sa maladie dès le 23 juin 2015 et que son conseil a mis en demeure le 18 octobre 2016 la société Allianz Vie, de prendre position quant à la garantie souscrite, après expertise du Docteur B. du 26 mars 2016 qu'elle avait mandaté, l'intimé entendait opposer à sa garantie l'absence de déclaration d'affection préexistante par l'assurée ainsi que la non garantie au titre des affections chroniques ou évolutives ;

Il y a lieu de relever à cet égard, que l'attitude de la société Allianz Vie dans l'instruction de son dossier, a certes empêché la prise en charge rapide des prêts immobiliers garantis, cependant la position de l'assureur, ne peut être qualifiée d'obstructive et abusive alors qu'il a fallu une instance judiciaire longue conditionnée par une expertise judiciaire pour arrêter une position ;

dès lors la demande de dommages et intérêts n'est pas fondée car non justifiée par une attitude fautive de l'assureur ;

par conséquent elle sera écartée ;

 

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

La société Allianz Vie partie perdante, devra supporter les dépens de première instance et d'appel en ce compris le frais de l'expertise judiciaire ; en outre il est équitable qu'elle soit condamnée à verser à Madame X. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

en revanche la société Allianz Vie sera déboutée de sa propre demande de ce chef ;

Enfin, il n'appartient pas à la cour de statuer sur les demandes de 'constatation' ou de 'donner acte' qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt mixte du 22 octobre 2019,

Vu l'arrêt avant dire droit du 8 juin 2020,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Déboute Madame X. de sa demande de nullité de la clause d'exclusion de garantie du contrat n° 5280 souscrit le 28 avril 2014 auprès de la société Allianz Vie (article 14) ;

Fait droit à la demande de Madame X. du chef de l'indemnisation de la perte totale et irréversible d'autonomie, pour l'affection survenue le 11 septembre 2014 ;

Dit que les conditions de prise en charge des sommes garanties sont réunies à effet du 11 septembre 2014 ;

Condamne la société Allianz Vie à prendre en charge le remboursement des deux crédits immobiliers souscrits auprès du Crédit Foncier emportant paiement de la somme mensuelle de 855,49 euros au titre des prêts, arrêtée à 70.150,18 euros (soixante-dix mille cent cinquante euros et dix-huit centimes) au 1er juillet 2021 et de 4.633,63 euros (quatre mille six cent trente-trois euros et soixante-trois centimes) au titre de l'assurance-crédit, somme arrêtée à la même date ;

Condamne la société Allianz Vie à rembourser à Madame X. les mensualités des prêts immobiliers et assurances pour les mois d'août et septembre 2021, soit la somme de (917,76 x 2) 1.835,52 euros (mille huit cent trente-cinq euros et cinquante-deux centimes) ;

Condamne la société Allianz Vie à prendre en charge le coût des prêts immobiliers et des assurances, en s'acquittant du paiement du capital restant exigible directement auprès de l'organisme prêteur, le Crédit Foncier ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte ;

Déboute Mme X. de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamne la société Allianz Vie à payer à Madame X. la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société Allianz Vie de ce chef ainsi que de ses autres demandes ;

Condamne la société Allianz Vie aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise judiciaire.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.-                                               Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en douze pages.