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CA AMIENS (ch. écon.), 28 octobre 2021

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (ch. écon.), 28 octobre 2021
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), ch. econom
Demande : 19/05383
Date : 28/10/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/07/2019
Référence bibliographique : 5997 (portée d’une recommandation)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9211

CA AMIENS (ch. écon.), 28 octobre 2021 : RG n° 19/05383 

Publication : Jurica

 

Extrait : « La recommandation n° 05-02 du 14 mai 2005 de la commission des clauses abusives invoquée par les appelants concerne les clauses de calcul d'intérêts dans les conventions de compte de dépôt en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement, et non pas les crédits immobiliers remboursables par échéances mensuelles, de sorte qu'elle ne saurait faire présumer le caractère abusif de la clause d'intérêts dans le contrat litigieux.

Afin de déterminer si la clause critiquée entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, il y a lieu d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit (Cour cass. 21/10/2020, n° 19-18.038), cette clause n'étant pas, en soi, de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

Or, s'agissant d'un prêt remboursé à échéances constantes et selon une périodicité mensuelle, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours, soit un douzième d'année par mois, revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé de 30,4166, permis par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, qui s'applique au crédit immobilier. Les calculs effectués par la banque dans ses conclusions (page 9/20) sur la base d'une année civile de 365 jours et du mois normalisé de 30,4166 jours et sur la base d'une année de 360 jours et du mois de 30 jours, ou encore en utilisant le rapport 1/12ème, appliqués à différentes échéances permettent en effet d'obtenir exactement le même montant d'intérêts.

Seules les premières échéances présentent une anomalie à raison du calcul sur la base d'une année de 360 jours. Cette méthode a en effet entraîné un surplus d'intérêts évalué à 1,34 € pour le premier prêt et 9,21 € pour le second, lequel ne suffit pas à caractériser un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

En conséquence, la clause litigieuse n'est pas abusive au sens des dispositions de l'article L.132-1 du code de la consommation, et il convient de débouter M.et Mme X. de leurs demandes à ce titre. Il est ajouté au jugement sur ce point. »

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

 

R.G. n° 19/05383. N° Portalis DBV4-V-B7D-HM7L. Jugement du tribunal de grande instance de Senlis en date du 21 mai 2019.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS :

Monsieur X.

[...], [...], Représenté par Maître Patrick P. de la SCP M. - P., avocat postulant au barreau d'AMIENS, vestiaire : 82, et ayant pour avocat plaidant Maître Véronique V., avocat au barreau de PARIS

Madame X.

[...], [...], Représentée par Maître Patrick P. de la SCP M. - P., avocat postulant au barreau d'AMIENS, vestiaire : 82, et ayant pour avocat plaidant Maître Véronique V., avocat au barreau de PARIS

 

ET :

INTIMÉE :

SA CRÉDIT LYONNAIS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Fabrice C. de la SELARL C.-S., avocat postulant au barreau d'AMIENS, vestiaire : 92, et ayant pour avocat plaidant Maître André C., avocat au barreau de PARIS

 

DÉBATS : A l'audience publique du 1er juillet 2021 devant : Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre, Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère, et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 octobre 2021. Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Vanessa IKHLEF

PRONONCÉ : Le 28 octobre 2021 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Vanessa IKHLEF, Greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Suivant offre acceptée le 5 novembre 2010, la SA Crédit Lyonnais a consenti à M. X. et Mme Y. épouse X., un prêt immobilier destiné à financer l'acquisition d'un appartement situé à Toulouse, d'un montant de 150.310 € au taux de 3,30 % hors assurance et au TEG de 3,88 % remboursable en une première mensualité de 904,31 € et 276 mensualités de 891,45 €.

Selon offre du 26 décembre 2010, la SA Crédit Lyonnais a également consenti à M. X. et Mme Y. épouse X., dans le cadre d'un rachat de prêt externe destiné au financement d'une résidence principale, un prêt d'un montant de 152.232,31 € au taux de 3 % hors assurance et TEG de 4,5 % remboursable en une première mensualité de 1.404,28 € et 143 mensualités de 1.354,05 €.

Se prévalant du caractère erroné du calcul du taux conventionnel des deux prêts, M. X. et Mme Y. épouse X. ont attrait, par acte d’huissier du 21 juin 2016, la SA Crédit Lyonnais devant le tribunal de grande instance de Senlis qui par jugement du 21 mai 2019 a :

- rejeté la fin de non-recevoir invoquée par la SA Crédit Lyonnais tenant à l'irrecevabilité de la demande de prononcé de la stipulation d'intérêts au motif que la sanction civile d'une erreur affectant le taux d'intérêt est la déchéance du droit aux intérêts ;

- déclaré irrecevable comme prescrites les demandes de M. X. et Mme Y. épouse X. tendant à l'annulation de la stipulation des intérêts conventionnels des contrats de prêt qu'ils ont souscrits avec la SA Crédit Lyonnais le 5 novembre 2010 et le 26 décembre 2010 ;

- condamné M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la SA Crédit Lyonnais la somme de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus de la demande de la SA Crédit Lyonnais au titre des frais irrépétibles ;

- débouté M. X. et Mme Y. épouse X. de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

- condamné M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens dont distraction au profit de maître G. ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration en date du 9 juillet 2019, M. X. et Mme Y. épouse X. ont interjeté appel de ce jugement.

[*]

Par dernières conclusions remises le 23 décembre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, M. X. et Mme Y. épouse X. demandent à la cour, au visa des articles 1144 et 1907 alinéa 2 du code civil, 1103 du code civil (article 1134 ancien), L. 313- 1, L. 313- 2 (devenus L. 314-1 du code de la consommation), R. 313-1 et son annexe du code de la consommation (devenu R. 314-1 du code de la consommation) de :

- dire les demandes de M. et Mme X. recevables et bien fondées ;

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Senlis du 18 juin 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir invoquée par la SA Crédit Lyonnais

Statuant à nouveau :

- juger que les intérêts conventionnels des prêts qu'ils ont conclus avec la banque SA Crédit Lyonnais les 23 octobres 2010 et 9 décembre 2010 sont calculés sur la base d'une année de 360 jours et non sur une année civile de 365 jours ;

- prononcer en conséquence la nullité des stipulations contractuelles relatives aux intérêts conventionnels des contrats de prêt et avenants conclus entre la SA Crédit Lyonnais et M. et Mme X. ;

- ordonner la substitution de l'intérêt légal au taux conventionnel à compter de la date des offres respectives jusqu'à leur terme ;

- dire que le taux d'intérêt légal ainsi substitué est celui fixé par la loi en vigueur au moment où il est acquis et qu'il doit en conséquence subir les modifications successives que la loi lui apporte

- condamner le Crédit Lyonnais à émettre et communiquer à M. et Mme X. de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte du taux légal ;

- condamner la SA Crédit Lyonnais pour les intérêts échus déjà réglés sur chacun des prêts, à restituer à M. et Mme X. la différence entre les intérêts conventionnels perçus et ceux calculés au taux légal applicable, selon décompte à établir par la banque dans les 2 mois de la signification de la décision à intervenir puis sous astreinte de 300 € par jour de retard pendant un délai de 3 mois à l'issue duquel il sera à nouveau statué ;

- juger que la somme ainsi obtenue sera productive d'intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2016 date de la mise en demeure, pour ceux des intérêts échus, et à compter de la date de leur perception pour ceux échus à compter du 21 mai 2016 ;

- condamner la banque LCL, pour les intérêts à échoir, à émettre et communiquer à M. et Mme X. un nouveau tableau d'amortissement tenant compte du taux légal appliqué avec, le cas échéant, actualisation en fonction des variations semestrielles de ce taux ;

- dire qu'en cas de contestation sur les comptes et le montant des sommes à restituer par la banque, l'une ou l'autre partie pourra saisir à nouveau la cour par simple demande de remise au rôle.

Subsidiairement :

- ordonner dans le cas où le prêt est à taux fixe, la substitution aux intérêts conventionnels, de l'intérêt légal au taux en vigueur au jour de la signature des prêts puis, le cas échéant, à la date des avenants et ce, pour la durée des prêts sans révision en fonction de l'évolution du taux légal

- déchoir la banque SA Crédit Lyonnais de son droit aux intérêts.

À titre infiniment subsidiaire :

- juger que la clause de calcul sur 360 jours est non écrite comme abusive ;

- ordonner en conséquence la nullité des stipulations contractuelles relatives aux intérêts conventionnels ;

- ordonner la substitution de l'intérêt au taux légal au taux conventionnel annulé à compter de la date du prêt.

En tout état de cause :

- condamner la SA Crédit Lyonnais à verser à M. et Mme X. la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de 1re instance et la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- la condamner aux dépens dont distraction au profit de la SCP M.P..

[*]

Par dernières conclusions remises le 27 octobre 2020, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA Crédit Lyonnais demande à la cour au visa des articles 6,9 et 122 du code de procédure civile, 1315 devenus 1353 du code civil, 1134 devenu 1103 et 1104, 1907 alinéa 2 du même code, L. 110- 4 du code de commerce, L. 312-1, L. 312- 8, L. 312- 33, L. 313- 1 et R. 313- 1 du code de la consommation et l'annexe, dans leur rédaction applicable en la cause, la directive du Parlement européen et du conseil n° 2014/17/UE du 4 février 2014, notamment en son article 38 et l'ordonnance de transposition du 25 mars 2016, de :

- dire et juger M. X. et Mme X. sans fondement en leur appel et en toutes leurs contestations, prétentions et demandes ;

- les en déboutant, confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Senlis le 21 mai 2019 ;

- condamner in solidum M. X. et Mme X. à payer au Crédit Lyonnais 1 indemnité de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur la demande principale de nullité des stipulations contractuelles relatives aux intérêts conventionnels des contrats :

M. et Mme X. soutiennent que leur action est recevable comme non prescrite au motif qu'ils n'ont eu connaissance du caractère erroné du calcul des intérêts conventionnels des prêts souscrits qu’à compter du jour où ils ont consulté un avocat soit le 12 mai 2016 et qu'il convient de retenir cette date comme point de départ du délai pour agir.

Ils expliquent qu'ils ont été alertés sur les pratiques illégales de la SA Crédit Lyonnais à l'occasion de la lecture d'un article de presse en 2015 et que c'est dans ces circonstances qu’ils ont décidé de consulter un professionnel. Ils précisent qu'une simple lecture des offres de prêt ne leur permettait pas de déceler les erreurs contenues dans les calculs des taux conventionnels stipulés.

Ils développent que l'usage du diviseur 360 par le prêteur a pour conséquence d'augmenter de manière occulte le taux d'intérêts conventionnels et que cette majoration n'est pas décelable et nécessite des compétences mathématiques particulières.

La SA Crédit Lyonnais soutient que l'action de M.et Mme X. est irrecevable comme prescrite à défaut d'avoir été engagée dans le délai de cinq ans de la signature des offres dans la mesure où ils étaient en mesure lors de leur signature de prendre connaissance des informations qu'ils considèrent erronées ou illégales.

Elle explique que M. et Mme X. ne rapportent pas la preuve qui leur incombe, que la simple lecture de l'acte ne leur permettait pas de déceler les modalités de calcul des taux conventionnels. Elle fait remarquer que l'irrégularité qu'ils allèguent se trouve dans une clause claire (se trouvant dans les deux contrats) prévoyant le mode de calcul des intérêts et qu'ils adoptent une position très contradictoire en soutenant d'une part que la stipulation serait nulle du seul fait de la présence de la clause et d'autre part que l'existence de cette clause elle-même ne serait pas suffisante à faire courir le délai de prescription.

Pour dire irrecevable comme prescrite l'action de M. et Mme X., les premiers juges, rappelant le contenu de la clause stipulant le mode de calcul des intérêts au taux conventionnel, retiennent que les emprunteurs étaient en mesure, dès l'acceptation des offres de prêt, de vérifier par eux-mêmes ou en s'en remettant à un tiers, l'exactitude du taux conventionnel ou plus exactement, les conséquences sur le coût du crédit du mode de calcul des intérêts du prêt et par conséquent d'agir dans le délai de cinq ans de l'acceptation des offres.

[*]

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans et le point de départ de cette action engagée par l'emprunteur à raison d'une erreur affectant le taux conventionnel mentionné dans l'écrit constatant le contrat de prêt, est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou lorsque tel n'est pas le cas la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.

Il est admis que pour fixer au jour de la convention le point de départ du délai pour agir, il convient d'évaluer si l'emprunteur non-professionnel, pouvait être en mesure de déceler l'erreur à cette date.

En outre le point de départ du délai de prescription ne peut résulter de la seule volonté des emprunteurs de faire vérifier leur offre de prêt par un analyste financier sous peine de rendre imprescriptible ce type d'action.

Le point de départ du délai de prescription est donc susceptible de varier selon les éléments sur lesquels porte l'erreur et notamment selon qu'ils étaient facilement contrôlables par tout profane ou qu'ils impliquaient un calcul complexe et une expertise renforcée.

En l'espèce les conditions générales des deux contrats sont identiques.

L'article 2 s'y trouvant est rédigé comme suit : « les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour trente jours rapportés à 360 jours l'an. En cas de remboursement anticipé les intérêts courus depuis la dernière échéance seront calculés sur la base du nombre de jours exacts de la période écoulée, rapportée à 360 jours l'an. La première échéance du prêt est toujours calculée en nombre de jours exacts. »

Dans ces circonstances, à supposer même que M.et Mme X. soient profanes ce qu'ils ne démontrent pas, ils étaient à même de déceler dès l'acceptation des offres, par une simple lecture des articles 2 des conditions générales, que les intérêts étaient calculés sur la base de 360 jours l'an, aucune volonté de dissimulation de la banque n'étant établie. Ils ne peuvent sérieusement soutenir qu'ils n'ont pas lu les conditions générales du contrat avant de les accepter et qu'ils se sont contentés d'avoir connaissance d'un article de journal en 2015 pour les lire et les soumettre à un conseil, alors qu'ils exécutaient les contrats depuis au moins cinq années. Ils ne peuvent pas plus soutenir que la clause n'était pas claire ou noyée dans la mesure où elle se situe au deuxième article des conditions générales et qu'ils ne démontrent pas en quoi elle serait complexe à comprendre, aucune compétence mathématique n'étant indispensable pour lire le chiffre 360 au lieu de 365.

Dans ces circonstances et à supposer qu'ils aient eu un doute lors de la souscription ou durant les cinq premières années d'exécution des contrats, sur le mode de calcul des intérêts, dans la mesure où l'article 2 est intitulé « modalités et lieux de paiement - ajustement du montant de la première échéance » alors qu'il prévoit le mode de calcul des intérêts au taux conventionnel, ils disposaient d'un délai suffisant à compter de l'acceptation pour la soumettre à un professionnel ou demander des explications ce qu'ils n'ont pas fait dans ce délai et faire le cas échéant calculer l'incidence de ce mode de calcul sur les mensualités prévues.

Partant c'est pas de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont décidé que, le délai de prescription ayant commencé à courir à la date d'acceptation de l'offre soit le 5 novembre 2010 pour le premier contrat et le 26 décembre 2010 pour le second, la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels fondés sur l'erreur affectant le taux conventionnel mentionné dans l'écrit constatant le contrat de prêt, initiée par l'assignation du 21 juin 2016, soit plus de cinq ans après la conclusion de ces contrats, est irrecevable car prescrite.

 

Sur la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts :

L'action tirée du caractère erroné du taux d'intérêt conventionnel étant irrecevable il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande subsidiaire tirée de la déchéance du droit aux intérêts.

Il est utile de rappeler que la sanction du caractère erroné du taux d'intérêt conventionnel n'est pas la nullité de la stipulation le prévoyant, mais la déchéance du droit aux intérêts de la banque. Ceci étant dit, pour les mêmes motifs que ci-avant, la demande subsidiaire de déchéance du droit aux intérêts est également prescrite.

 

Sur la demande à titre infiniment subsidiaire, tirée du caractère abusif de la clause :

En cause d'appel M. et Mme X. soutiennent que la clause litigieuse est une clause abusive qui doit être réputée non écrite.

Ils affirment que leur demande tirée du caractère abusif de la clause litigieuse est recevable à défaut d'être soumise à la prescription quinquennale, ce que ne conteste pas la SA Crédit Lyonnais qui n'oppose aucune fin de non-recevoir.

Se fondant sur la recommandation du 14 avril 2005 de la commission des clauses abusives suggérant la suppression des clauses permettant à l'établissement de crédit de calculer les intérêts sur une année de 360 jours dans la mesure où le consommateur ne peut en apprécier l'incidence financière, M. X. et Mme X. soutiennent que la clause de stipulation des intérêts conventionnels se trouvant dans les deux prêts (article 2) est abusive et doit être réputée non écrite au motif que cette clause qui ne tient pas compte de la durée réelle de l'année civile, ne permet pas au consommateur d'évaluer le surcoût qui est susceptible de résulter à son détriment et est par conséquent de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur. Ils précisent que cette clause les prive de la possibilité de calculer le sucoût qu'induit cette référence à l'année lombarde.

Ils soutiennent que cette recommandation, rendue en matière de dépôts à vue est transposable au cas des crédits immobiliers et que la commission des clauses abusives a également reconnu que la clause lombarde crée un déséquilibre significatif.

Enfin, ils affirment que la SA Crédit Lyonnais ne peut prétendre que la stipulation du taux conventionnel est distincte et détachable de la clause de calcul sur 360 dans la mesure où le taux conventionnel constitue le mode de détermination du prix qui est fixé par l'articulation du taux conventionnel avec la clause de calcul.

La SA Crédit Lyonnais soutient que la demande aux fins de voir juger la clause de stipulation d'intérêts d'un écrit est mal fondée au motif que la recommandation de la commission des clauses abusives en date du 20 septembre 2005 a été prise au sujet des découverts en compte qui se caractérisent par des durées de prêt variables et irrégulières (les intérêts sur les périodes effectives de découverts étant calculés selon le nombre de jours avec le risque d'apparition d'un surcoût ) et non pas au sujet des prêts immobiliers qui sont par principe remboursés mensuellement.

Elle explique dans ces conditions que c'est précisément l'apparition du mois normalisé qui évite tout déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Elle ajoute que de déclarer non écrite la clause n'aurait aucun sens ni aucun effet puisque le mode de calcul des intérêts qu'elle institue pour les mensualités de remboursement du prêt est strictement équivalent à celui institué par le « C » à l'annexe de l'article R313-1 de sorte que retourner au droit commun aboutirait au même résultat.

[*]

En application de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La recommandation n° 05-02 du 14 mai 2005 de la commission des clauses abusives invoquée par les appelants concerne les clauses de calcul d'intérêts dans les conventions de compte de dépôt en application desquelles les intérêts sont calculés quotidiennement, et non pas les crédits immobiliers remboursables par échéances mensuelles, de sorte qu'elle ne saurait faire présumer le caractère abusif de la clause d'intérêts dans le contrat litigieux.

Afin de déterminer si la clause critiquée entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, il y a lieu d'apprécier quels sont ses effets sur le coût du crédit (Cour cass. 21/10/2020, n° 19-18.038), cette clause n'étant pas, en soi, de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

Or, s'agissant d'un prêt remboursé à échéances constantes et selon une périodicité mensuelle, le calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours rapportée à 30 jours, soit un douzième d'année par mois, revient arithmétiquement à un résultat équivalent au calcul des intérêts effectué sur la base d'une année civile de 365 jours rapportée au mois normalisé de 30,4166, permis par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, qui s'applique au crédit immobilier. Les calculs effectués par la banque dans ses conclusions (page 9/20) sur la base d'une année civile de 365 jours et du mois normalisé de 30,4166 jours et sur la base d'une année de 360 jours et du mois de 30 jours, ou encore en utilisant le rapport 1/12ème, appliqués à différentes échéances permettent en effet d'obtenir exactement le même montant d'intérêts.

Seules les premières échéances présentent une anomalie à raison du calcul sur la base d'une année de 360 jours. Cette méthode a en effet entraîné un surplus d'intérêts évalué à 1,34 € pour le premier prêt et 9,21 € pour le second, lequel ne suffit pas à caractériser un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

En conséquence, la clause litigieuse n'est pas abusive au sens des dispositions de l'article L.132-1 du code de la consommation, et il convient de débouter M.et Mme X. de leurs demandes à ce titre.

Il est ajouté au jugement sur ce point.

 

Sur les demandes accessoires :

M. X. et Mme X. qui succombent supportent les dépens d'appel et sont condamnés à payer à la SA Crédit Lyonnais une somme de 3 000 ‘en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

- confirme le jugement entrepris ;

y ajoutant :

- déclare M. X. et Mme Y. épouse X. irrecevables en leur demande aux fins de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;

- déboute M. X. et Mme Y. épouse X. visant à voir déclarer abusive la clause de calcul des intérêts insérée à l'offre du 5 novembre 2010 et du 26 décembre 2010 ;

- condamne in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la SA Crédit Lyonnais la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne in solidum M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens d'appel.

Le Greffier,                                       La Présidente,