CA FORT-DE-FRANCE (ch. civ.), 12 octobre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9213
CA FORT-DE-FRANCE (ch. civ.), 12 octobre 2021 : RG n° 20/00160
Publication : Jurica
Extrait : « Les conditions particulières du contrat du 10 mai 2013 prévoient une garantie intitulée « protection du conducteur » d'un montant plafonné à 30.000 euros, ainsi qu'une franchise libellée comme suit : « invalidité 10 % ».
Les modalités de calcul de l'indemnité due à l'assuré figurent dans les conditions générales, dont Monsieur X. a reconnu, à la signature du contrat, en avoir reçu un exemplaire : « Chapitre 2 « garantie invalidité permanente totale ou partielle consécutive à un accident de la circulation » Lorsqu'un assuré est victime d'un accident de la circulation et qu'il est établi qu'il reste invalide de ses suites, partiellement ou totalement, l'assureur verse à l'assuré la somme indiquée aux conditions particulières, multipliée par le taux d'invalidité tel que défini dans le guide du barème européen d'évaluation des atteintes à l'intégrité physique et psychique. Cette garantie est assortie d'une franchise absolue de dix pour cent (10 %) ».
Les conditions générales définissent la franchise absolue de 10 % de la façon suivante : « Tout accident garanti au titre du présent contrat entraînant une invalidité permanente totale ou partielle donnera lieu à une réduction de l'indemnité fixée égale à 10 % ».
Ces stipulations, dépourvues de toute ambiguïté, permettent de déterminer le montant de l'indemnité qui doit être mis à la charge de l'assureur. La somme indiquée aux conditions particulières est 30.000 euros, et non le montant de l'évaluation globale du préjudice de la victime comme l'a retenu le premier juge. En application des stipulations contractuelles, il y a lieu d'appliquer à cette somme le taux d'incapacité de Monsieur X., évalué à 28 %, soit une indemnité de 8.400 euros, puis de déduire le montant de la franchise de 10 %, qui s'applique sur le montant de l'indemnité fixée, soit sur la somme de 8.400 euros, le montant de la franchise s'établissant donc à la somme de 840 euros. La somme due à Monsieur X. par CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, au titre de la garantie conducteur, est donc de 30.000 x 28 % - (30.000 x 28 %) x 10 % = 7.560 euros.
Monsieur X. soulève subsidiairement le caractère abusif de la clause relative à la protection du conducteur, soutenant d'une part ne pas avoir été informé que les modalités de calcul de la garantie prévue dans les conditions particulières étaient précisées dans les conditions générales, et d'autre part que les clauses contractuelles sont rédigées de manière incompréhensible pour un profane.
Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu L. 212-1, «'dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
En premier lieu, il est constant que les conditions particulières comportent un renvoi explicite aux conditions générales, en ce qu'il est stipulé, au dernier paragraphe des conditions particulières intitulé « signatures », lequel est suivi de la mention « lu et approuvé » et de la signature de l'assuré, que « le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire des conditions générales (réf. CG- AUTO/01/09/2012) et protection du conducteur (réf. ModAH-CG-AMA-IA-12.01) régissant les garanties proposées ».
En second lieu, les clauses contractuelles précédemment citées sont dénuées de complexité dès lors que les conditions générales comportent les définitions nécessaires et suffisantes à la compréhension et au calcul des garanties dues à l'assuré au titre de l'invalidité.
Enfin, aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat n'est démontré par Monsieur X. Le moyen tiré du caractère abusif de la clause de garantie conducteur sera dès lors écarté. »
COUR D’APPEL DE FORT-DE-FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/00160. N° Portalis DBWA-V-B7E-CET5. Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Fort de France, en date du 5 mai 2020, enregistré sous le R.G. n° 18/01588.
APPELANTE :
LA COMPAGNIE CHUBB EUROPEAN GROUP SE anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED
prise en la personne de son représentant légal [...], [...], [...], Représentée par Maître Alberte R.-M. de la SELARL M.-B. & R. -M., avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE, Maître Nathalie R. de la SELARL R. & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur X.
[...], [...], [...], Représenté par Maître Margaret T. de la SELEURL T. AVOCATS, avocat au barreau de MARTINIQUE
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO)
[...], [...], Représentée par Maître Valérie V. de la SELARL V. & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCES MALADIE DE MARTINIQUE
[...], [...], Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 mai 2021, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Claire DONNIZAUX, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :
Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre
Assesseur : Mme Marjorie LACASSAGNE, Conseillère
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée le 28 septembre 2021 puis, prorogée au 12 octobre 2021 ;
ARRÊT : Réputé contradictoire ; Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 24 décembre 2014, Monsieur X., assuré auprès de la compagnie ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, a été victime d'un accident de la circulation. Alors qu'il circulait à Fort-de-France au volant de son véhicule, celui-ci a été accroché par un véhicule venant en sens inverse, qui a enfoncé sa portière et son aile avant gauche. Lors de cet accrochage, le rétroviseur extérieur gauche a été arraché et projeté dans l'habitacle du véhicule, sur le visage de Monsieur X. Il en est résulté une cécité complète de l'œil gauche. L'enquête n'a pas permis d'identifier le conducteur et le véhicule circulant dans la voie opposée.
Le 25 juillet 2018, Monsieur X. a assigné la compagnie d'assurance ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO) et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MARTINIQUE, bureau CGSS, aux fins de faire fixer son préjudice à hauteur de :
- 2.811,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 5.000 euros au titre des souffrances endurées,
- 6.000 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels,
- 56.500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 4.500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
- 50.000 euros au titre de l'incidence professionnelle,
et d'obtenir, avec exécution provisoire :
- la condamnation de la société ACE EUROPEAN GROUP à lui payer la somme de 30.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au titre du contrat d'assurance automobile n° A8187773,
- la condamnation du FGAO à lui payer la somme de 94.811,25 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement étant donné que le responsable de l'accident n'a pas été identifié,
- leur condamnation à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 5 mai 2020, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a :
- condamné la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, à verser à Monsieur X. la somme de 29.296,575 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES à verser à Monsieur X. la somme de 86 959,675 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, et le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES aux entiers dépens de l'espèce,
- condamné le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES à verser à la somme de euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (sic),
- condamné la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, à verser à Monsieur X. la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES à verser à Monsieur X. la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration électronique du 2 juin 2020, la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- condamné la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, à verser à Monsieur X. la somme de 29'296,575 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES à verser à Monsieur X. la somme de 86.959,675 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, et le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES aux entiers dépens de l'espèce,
- condamné la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, à verser à Monsieur X. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES à verser à Monsieur X. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Aux termes de ses conclusions en réponse et récapitulatives notifiées par voie électronique le 19 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la compagnie CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, demande à la cour d'infirmer le jugement querellé et de :
- débouter Monsieur X. de sa demande à hauteur de 30.000 euros dirigée contre la compagnie ACE devenue CHUBB EUROPEAN GROUP SE,
- dire et juger que les limitations de la garantie « protection conducteur » sont opposables à Monsieur X.,
- dire et juger que Monsieur X. n'établit pas l'existence d'une clause abusive,
- débouter le FGAO de sa demande dirigée contre la compagnie CHUBB, tendant à voir condamner cette dernière au versement de la somme de 29.296,575 euros au titre de la garantie conducteur,
- dire que l'indemnité susceptible d'être allouée à Monsieur X. en exécution des stipulations contractuelles ne saurait excéder la somme de 5.400 euros,
- dire que le montant de l'indemnité à déduire des sommes dues par le FGAO s'élève à la somme de 5.400 euros au titre de la garantie du conducteur,
- dire la provision versée à Monsieur X. à hauteur de 3.000 euros ;
- en conséquence, dire que l'indemnité due par la compagnie ACE devenue CHUBB EUROPEAN GROUP SE ne saurait excéder la somme de 2.400 euros,
- subsidiairement, dire que l'indemnité due par la compagnie ACE devenue CHUBB EUROPEAN GROUP SE ne saurait excéder la somme de 4.560 euros,
- débouter Monsieur X. et le fonds de garantie du surplus de leurs demandes,
- statuer ce que de droit sur les frais irrépétibles et sur les dépens.
[*]
Aux termes de ses conclusions récapitulatives et responsives notifiées par voie électronique le 9 mars 2021, comportant appel incident et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur X. demande à la cour de :
- débouter SCHUBB EUROPEAN GROUP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en appel,
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP à verser à M. X. la somme de 29.296,575 € et le FGAO à payer au même la somme de 86.959,675 ;
y ajoutant,
A titre principal :
- dire que les limitations de la garantie « protection du conducteur » prévues dans les conditions particulières et générales du contrat souscrit le 31/12/2013, sont inopposables à l'assuré faute pour lui d'en avoir eu connaissance, de les avoir acceptées et signées, et fixer à 30.000 euros les sommes dues au titre de la garantie contractuelle ;
Subsidiairement :
- déclarer abusives les clauses relatives à la garantie
« protection du conducteur » prévues dans les conditions particulières et générales des contrats d'assurance souscrits le 10/05/2013 et le 31/12/2013, et dire que lesdites clauses doivent être interprétées comme garantissant à l'assuré de percevoir le montant l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent, déduction faite de la franchise de 10 %, soit 50.904 € (56.560-10 %), limité à 30.000 € compte tenu du plafond,
- condamner la SCHUBB EUROPEAN GROUP à payer à la victime la somme de 30.000 euros, déduction faite de la provision déjà versée, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
- condamner le FGAO a payé à la victime la somme de 86.256,25 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision.
Plus subsidiairement encore, et si la cour ne condamnait l'assureur qu'à hauteur de 5.400 euros :
- condamner le FGAO à verser à M. X. la somme totale de 110.856,25 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision, déduction faite de sommes déjà versées en exécution du jugement ;
En tout état de cause :
- confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions,
- condamner la SCHUBB EUROPEAN GROUP aux entiers dépens de l'appel, ainsi qu'à la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Aux termes de ses conclusions d'intimé et de motivation d'appel incident notifiées par voie électronique le 24 novembre 2020, comportant appel incident et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) demande à la cour de :
- déclarer le FGAO recevable et bien fondée ses écritures ;
À titre principal :
- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une incidence professionnelle à hauteur de 50.000 euros et en ce que le FGAO a été condamné à verser cette somme,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Fort-de-France pour le surplus ;
ce faisant,
- fixer le montant à régler par le FGAO à la somme de 36.959,675 euros ;
- condamner la compagnie d'assurances CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, à verser à Monsieur X. la somme de 29.296,575 euros ;
À titre subsidiaire :
- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une incidence professionnelle à hauteur de la somme de 50'000 euros et en ce que le FGAO a été condamné à verser cette somme,
- fixer l'incidence professionnelle à la somme de 10.000 euros,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Fort-de-France pour le surplus,
ce faisant,
- fixer le montant à régler par le FGAO à la somme de 46.959,675 euros,
- condamner la compagnie d'assurances CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED à verser à Monsieur X. la somme de 29.296,575 euros ;
En tout état de cause :
- déclaré opposable au FGAO l'arrêt à intervenir, cet organisme ne pouvant être tenu à garantie,
- condamner la compagnie d'assurances à régler au FGAO la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dépens comme le droit.
[*]
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA MARTINIQUE, bureau CGSS, ne s'est pas constituée.
[*]
L'instruction a été clôturée le 15 avril 2021. L'affaire a été appelée à l'audience du 21 mai 2021 et mise en délibéré au 28 septembre 2021, prorogé au 12 octobre 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur l'évaluation du préjudice :
Seul le poste de préjudice relative à l'incidence professionnelle est contesté.
L'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l'obligation de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste de préjudice permet également d'indemniser la perte de chance de bénéficier d'une promotion, la perte de gains espérés à l'issue d'une formation scolaire et professionnelle, si celle-ci n'est pas indemnisée au titre du préjudice de formation, ainsi que les frais nécessaires à un retour de la victime à la vie professionnelle. Il permet également d'indemniser la perte de chance de percevoir des droits à la retraite si celle-ci n'a pas été indemnisée au titre de la perte de gain professionnels futurs.
Le FGAO soutient qu'aucune somme n'est due au titre de l'incidence professionnelle, dès lors que Monsieur X. était sans emploi au moment de l'accident, le 24 décembre 2014, et que le docteur Y., médecin conseil du FGAO, a écarté l'existence d'un retentissement professionnel pour ce motif.
Le docteur Z., mandaté par la compagnie ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, a lui-même conclu que l'état de santé de Monsieur X. ne lui paraissait pas incompatible avec la poursuite de son travail de maçon.
Pour autant, si Monsieur X. ne travaillait pas au moment des faits, il justifie d'activités professionnelles variées au cours des années qui ont précédé l'accident, même si ces expériences professionnelles ont été entrecoupées de périodes d'inactivité. Il expose ensuite les difficultés qu'il rencontre désormais pour trouver et garder un emploi en raison de sa cécité partielle.
Il démontre ainsi avoir travaillé :
- en qualité d'agent d'entretien du 17 août 2005 au 16 février 2006 pour l'entreprise TREMPLIN'S SARL,
- en qualité d'agent en espaces verts du 1er novembre 2007 au 31 octobre 2009 dans le cadre d'un contrat d'insertion,
- en qualité d'agent d'entretien espaces verts du 1er février 2010 au 31 janvier 2011 dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi pour les services municipaux de la ville de Schoelcher,
- en qualité de maçon polyvalent du 18 février 2013 au 31 octobre 2013 pour l'entreprise ECOMAR, au titre d'un contrat qui s'est interrompu en raison de la fin de chantier pour lequel il avait été recruté, période au cours de laquelle il a perçu la somme totale de 10.798,76 euros, soit un revenu brut mensuel de 1.739,80 euros pendant 9 mois.
Produisant un curriculum vitae ancien, il établit également avoir effectué auparavant des travaux de peinture chez des particuliers en 2001, des travaux de maçonnerie de 2002 à 2003 pour l'entreprise TRAPARENTER à Pointe-à-Pitre, et l'entretien des espaces verts à l'hôtel MERIDIEN des Trois Ilets en 2004.
Sa dernière activité professionnelle avant l'accident, en 2013, lui a ensuite permis de percevoir l'allocation de retour à l'emploi du 15 novembre 2013 au 30 juillet 2014, à raison de 32,95 euros par jour, soit environ 988,50 euros par mois pendant 8 mois et demi.
Monsieur X. explique ne plus pouvoir travailler de la même façon qu'avant son accident en raison de sa cécité de l'œil gauche, qui le prive d'une partie de ses capacités, altère sa réactivité et sa dextérité, entraîne une réticence des employeurs à le laisser accomplir les travaux manuels qu'il faisait auparavant et sont susceptibles d'être dangereux pour lui-même ou pour les autres salariés, mais aussi en raison de sa propre appréhension et de sa crainte de perdre son unique l'œil valide.
Il justifie ainsi n'avoir pu travailler, depuis le 24 décembre 2014, que dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 10 juillet 2017 au 30 septembre 2017 en qualité d'agent technique dans les espaces verts pour la CACEM ainsi qu'en contrat à durée déterminée du 5 octobre 2017 au 4 novembre 2017 en tant que monteur câbleur pour la société JM COM. Il déplore la non reconduction de ces contrats, qu'il impute à son handicap, et explique avoir ensuite dû renoncer à travailler dans les espaces verts.
Les pièces produites par Monsieur X. sont suffisantes pour établir que le handicap dont il est désormais porteur, et qui résulte directement de l'accident dont il a été victime le 24 décembre 2014, entraîne pour lui une dévalorisation sur le marché du travail, la perte de chance d'occuper les emplois qu'il exerçait auparavant et une perte de chance de cotiser utilement au régime vieillesse au cours des quelques années qui le séparent de l'âge de la retraite. Il est de même incontestable que son handicap visuel entraîne une fatigabilité accrue dans le travail en raison de l'effort supplémentaire demandé à l'œil valide.
Au regard des activités professionnelles exercées de manière intermittente avant les faits, de l'âge de Monsieur X. à la date de la consolidation (57 ans), et de la nature de son handicap, qui affecte de manière incontestable son employabilité dans les secteurs faiblement qualifiés qui sont les siens, son préjudice au titre de l'incidence professionnelle sera justement évalué par l'allocation de la somme de 30.000 euros.
Le jugement sera réformé sur ce point, l'indemnité totale due à Monsieur X. devant être fixée comme suit au regard des postes de préjudice fixés par le tribunal et non remis en cause :
- Incidence professionnelle : 30.000 euros
- Déficit fonctionnel temporaire : 696,25 euros
- Souffrances endurées : 5.000 euros
- Déficit fonctionnel permanent : 56.560 euros
- Préjudice esthétique permanent : 4.000 euros
- Total : 96.256,25 euros
Sur le montant contractuellement dû par l'assureur :
En application de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Les parties produisent deux contrats d'assurance : un contrat signé le 10 mai 2013, et un contrat non signé daté au 1er janvier 2014, dont Monsieur X. prétend qu'il est le seul contrat applicable à l'espèce, mais dont les conditions générales ne lui seraient pas applicables dès lors que la compagnie d'assurance ne démontrerait pas qu'elle les lui aurait communiquées. Il soutient en effet avoir, sur les conseils de l'assureur lui-même, laissé courir les échéances impayées du contrat du 10 mai 2013 en raison de l'immobilisation de son véhicule en panne, pour provoquer la résiliation, et avoir souscrit un nouveau contrat le 1er janvier 2014 après remise en circulation de son véhicule. Outre qu'il ne prouve pas cette allégation, ce moyen conduirait à le priver de toute couverture dès lors que le contrat du 1er janvier 2014 n'est signé par aucune des parties. Il n'est justifié qu'aucune formalité contractuelle de résiliation, ni de la part de l'assuré, ni de la part de l'assureur, de sorte qu'il doit être considéré que la source de l'obligation est bien le contrat du 10 mai 2013 signé par les deux parties.
Les conditions particulières du contrat du 10 mai 2013 prévoient une garantie intitulée « protection du conducteur » d'un montant plafonné à 30.000 euros, ainsi qu'une franchise libellée comme suit : « invalidité 10 % ».
Les modalités de calcul de l'indemnité due à l'assuré figurent dans les conditions générales, dont Monsieur X. a reconnu, à la signature du contrat, en avoir reçu un exemplaire :
« Chapitre 2 « garantie invalidité permanente totale ou partielle consécutive à un accident de la circulation »
Lorsqu'un assuré est victime d'un accident de la circulation et qu'il est établi qu'il reste invalide de ses suites, partiellement ou totalement, l'assureur verse à l'assuré la somme indiquée aux conditions particulières, multipliée par le taux d'invalidité tel que défini dans le guide du barème européen d'évaluation des atteintes à l'intégrité physique et psychique.
Cette garantie est assortie d'une franchise absolue de dix pour cent (10 %) ».
Les conditions générales définissent la franchise absolue de 10 % de la façon suivante :
« Tout accident garanti au titre du présent contrat entraînant une invalidité permanente totale ou partielle donnera lieu à une réduction de l'indemnité fixée égale à 10 % ».
Ces stipulations, dépourvues de toute ambiguïté, permettent de déterminer le montant de l'indemnité qui doit être mis à la charge de l'assureur.
La somme indiquée aux conditions particulières est 30.000 euros, et non le montant de l'évaluation globale du préjudice de la victime comme l'a retenu le premier juge. En application des stipulations contractuelles, il y a lieu d'appliquer à cette somme le taux d'incapacité de Monsieur X., évalué à 28 %, soit une indemnité de 8.400 euros, puis de déduire le montant de la franchise de 10 %, qui s'applique sur le montant de l'indemnité fixée, soit sur la somme de 8.400 euros, le montant de la franchise s'établissant donc à la somme de 840 euros.
La somme due à Monsieur X. par CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement dénommée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, au titre de la garantie conducteur, est donc de 30.000 x 28 % - (30.000 x 28 %) x 10 % = 7.560 euros.
Monsieur X. soulève subsidiairement le caractère abusif de la clause relative à la protection du conducteur, soutenant d'une part ne pas avoir été informé que les modalités de calcul de la garantie prévue dans les conditions particulières étaient précisées dans les conditions générales, et d'autre part que les clauses contractuelles sont rédigées de manière incompréhensible pour un profane.
Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, devenu L. 212-1, «'dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
En premier lieu, il est constant que les conditions particulières comportent un renvoi explicite aux conditions générales, en ce qu'il est stipulé, au dernier paragraphe des conditions particulières intitulé « signatures », lequel est suivi de la mention « lu et approuvé » et de la signature de l'assuré, que « le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire des conditions générales (réf. CG- AUTO/01/09/2012) et protection du conducteur (réf. ModAH-CG-AMA-IA-12.01) régissant les garanties proposées ».
En second lieu, les clauses contractuelles précédemment citées sont dénuées de complexité dès lors que les conditions générales comportent les définitions nécessaires et suffisantes à la compréhension et au calcul des garanties dues à l'assuré au titre de l'invalidité.
Enfin, aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat n'est démontré par Monsieur X.
Le moyen tiré du caractère abusif de la clause de garantie conducteur sera dès lors écarté.
Au regard de ces développements, le jugement sera infirmé sur le montant de la condamnation prononcée à l'égard de la compagnie d'assurance.
Celle-ci sollicite que soit retranchée de l'indemnité due à Monsieur X. la somme de 3'000 euros qu'elle indique avoir versée à titre d'acompte, produisant la lettre d'acceptation de cet acompte par l'assuré, qui ne conteste pas avoir reçu cette somme.
La compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GOUP SE, anciennement ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, sera donc condamnée à verser à Monsieur X. la somme de 4 560 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, déduction faite de la provision de 3000 euros déjà versée.
Sur le montant restant à la charge du FGAO :
Au regard du montant de l'indemnité totale due à la victime au titre de ses préjudices (96'256,25 euros) et de la garantie contractuellement due par l'assureur (7'560 euros), la somme restant subsidiairement à la charge du FGAO doit être fixée à 88'696,25 euros.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur les demandes accessoires :
Le caractère subsidiaire de l'obligation de paiement du FGAO a pour corollaire l'impossibilité de mettre à sa charge des sommes non expressément prévue par les articles L. 421-1, III, et R. 421-1 du code des assurances. Il en résulte qu'il ne peut être condamné aux dépens.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné le FGAO, conjointement avec la compagnie d'assurance, à payer les dépens.
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la compagnie d'assurance, qui succombe globalement au litige, nonobstant le caractère partiellement fondé de son appel principal.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné le FGAO et la compagnie d'assurance à payer chacun la somme de 1000 euros à Monsieur X. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La compagnie d'assurance et le FGAO seront en outre condamnés à verser chacun la somme supplémentaire de 1000 euros à Monsieur X. en raison des frais irrépétibles engagés en appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement querellé en toutes ses dispositions frappées d'appel, sauf en ce qu'il a :
- condamné la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement appelée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, à verser à Monsieur X. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGE à verser à Monsieur X. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
FIXE le montant de l'indemnité due à Monsieur X. en réparation de l'ensemble de ses préjudices résultant de l'accident dont il a été victime le 24 décembre 2014 à la somme de 96'256,25 euros;
CONDAMNE la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement appelée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, à verser à Monsieur X. la somme de 4'560 euros au titre de la garantie conducteur, déduction faite de la provision de 3.000 euros déjà versée ;
DECLARE la condamnation de la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement appelée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED opposable au FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES ;
DIT que la somme de 88'696,25 euros sera versée par le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES ;
CONDAMNE la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement appelée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED aux dépens de première instance ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement appelée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, à verser à Monsieur X. la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles engagés en appel ;
CONDAMNE le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES à verser à Monsieur X. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles engagés en appel ;
CONDAMNE la compagnie d'assurance CHUBB EUROPEAN GROUP SE, anciennement appelée ACE EUROPEAN GROUP LIMITED aux dépens d'appel.
Signé par Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère, conformément à l'article 456 du code de procédure civile, en remplacement de la Présidente empêchée et Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA CONSEILLERE,
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
- 6374 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Obligations de l’assureur - Dommages au conducteur