CA PARIS (15e ch. sect. A), 19 septembre 2000
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 922
CA PARIS (15e ch. sect. A), 19 septembre 2000 : RG n° 1998/12730 et 1998/17471 ; arrêt n° 428
(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 4 novembre 2003 : pourvoi n° 00-22030)
Extrait : « Considérant que Monsieur X. expose que la définition par l'assureur du risque invalidité permanente absolue est tellement restrictive qu'elle équivaut pour lui à percevoir une prime sans probabilité sinon rarissime de réalisation du risque ; qu'il souligne que l'invalidité doit placer l'assuré dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation ou à toute activité rémunérée, et lui imposer le recours constant à l'assistance d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie, la survenance de cet état devant s'accomplir avant l'âge limite de 60 ou 65 ans ; qu'il en déduit que la clause doit être déclarée non écrite en raison de son caractère léonin ; mais considérant que cette clause, même si ses conditions d'application sont très restrictives, ne présente pas un caractère abusif ; que Monsieur X. ne rapporte pas la preuve qu'il se trouve en invalidité permanente absolue au sens des dispositions contractuelles ».
COUR D’APPEL DE PARIS
QUINZIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/12730 et 1998/17471. Décision dont appel : Jugement rendu le 19 février 1998 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de EVRY 8ème Ch. RG n° : 1997/03473.
Date ordonnance de clôture : 13 juin 2000. Nature de la décision : Contradictoire. Décision : Réformation.
APPELANTE ET INTIMÉE :
LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP FANET-SERRA, avoué, assistée de Maître J.P HAUSSMANN, Avocat au Barreau de ESSONNE,
APPELANTE :
LA CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE - ASSURANCES dite CNP-ASSURANCES SA
prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège [adresse] représentée par Maître BETTINGER, avoué, [minute page 2] assistée de Maître ISABELLE NOACHOVITCH, Avocat au Barreau de ESSONNE, pl. p. la SCP FLOQUET-NOACHOVITCH
INTIMÉ :
Monsieur X.
demeurant [adresse] représenté par la SCP NARRAT-PEYTAVI, avoué
INTIMÉE :
Madame X. née Y.
demeurant [adresse] représentée par la SCP NARRAT-PEYTAVI, avoué, assistés de Maître ASSOUN MICHEL, Toque B91, Avocat au Barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré : Présidente : Madame CHAGNY - Conseiller : Monsieur LE FEVRE - Conseillère : Madame GIROUD.
DÉBATS : A l'audience publique du 27 juin 2000.
GREFFIÈRE : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt, Mademoiselle HOUDIN
[minute page 3] ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par Madame GIROUD, Conseillère, Signé par Madame CHAGNY, Présidente, et par Mademoiselle HOUDIN, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par jugement du 19 février 1998, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure, le tribunal de grande instance d'Evry a dit que le contrat d'assurance garantit à concurrence de 50 % le paiement des mensualités de remboursement du prêt du 27 février 1991, que le CRÉDIT AGRICOLE bénéficie de cette garantie, et que 50 % des mensualités reçues par cette banque du 1er mars 1995 au 1er mai 1996 seront affectées au paiement des sommes dont les époux X. sont solidairement redevables ; le tribunal a débouté le CRÉDIT AGRICOLE de ses demandes et l'a condamné à verser l'indemnité de 5.000 Francs à Monsieur X. ; il a constaté que la demande en garantie formée par Monsieur X. contre la CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE (CNP-ASSURANCES) était sans objet.
La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE (CRCAM), appelante, fait valoir que le contrat d'assurance ne garantit pas l'incapacité temporaire totale et que les mensualités du prêt sont impayées depuis mai 1996 ; elle demande l'infirmation du jugement, et la condamnation solidaire des époux X. à lui payer la somme de 237.356,95 Francs représentant le solde dû en principal et intérêts au titre du prêt, outre l'indemnité contractuelle de 23.735,69 Francs, le surplus de son exploit introductif d'instance auquel elle se réfère n'étant pas repris dans ses écritures d'appel.
La CNP-ASSURANCES, appelante, soutient que les développements des époux X. sur sa falsification de l'imprimé d'adhésion à l'assurance sont diffamatoires ; elle demande que les paragraphes s'y rapportant dans les conclusions du 2 mars 1999 soient bâtonnés, et réclame la somme de 50.000 Francs à titre de dommages-intérêts ; au fond elle expose que Monsieur X. a renoncé à souscrire la garantie incapacité temporaire totale pour laquelle il n'a pas payé les primes correspondantes, que la définition du contrat d'assurance reprise dans l'acte notarié de prêt lui est inopposable, et que Monsieur X. ne remplit pas les conditions lui permettant de bénéficier des garanties incapacité temporaire totale et incapacité permanente absolue ; la compagnie d'assurances conclut au rejet des prétentions des époux X. et leur réclame solidairement ou in solidum l'indemnité de 5.000 Francs pour frais irrépétibles ; subsidiairement, elle déclare ne pas s'opposer à une expertise aux frais de Monsieur X., pour déterminer s'il se trouve en état d'invalidité permanente absolue au sens des dispositions contractuelles ; à titre encore plus subsidiaire, si une condamnation était prononcée à son [minute page 4] encontre, la CNP-ASSURANCES demande qu'elle soit prononcée dans les termes et limites du contrat d’assurance.
Les époux X. prétendent que « la liasse » d'adhésion au contrat d'assurance groupe annexée à l'acte notarié de prêt, que leur oppose la CRCAM et qui exclurait la garantie de l'incapacité temporaire totale, est un faux ; ils exposent que Monsieur X. a signé cette liasse en blanc lors de la demande de prêt, qu'il n'a jamais reçu l'exemplaire emprunteur, celui-ci étant annexé à l'acte notarié, et que la rature qu'il comporte le rend encore plus inopposable aux assurés ; ils font valoir que l'acte notarié du 27 février 1991 stipule que Monsieur X. est garanti pour les risques décès, invalidité permanente absolue et incapacité temporaire totale, et que vu la divergence avec la liasse d'adhésion à l'assurance, c'est l'acte authentique qui doit prévaloir ; subsidiairement, Monsieur X. allègue que l'exclusion de la garantie incapacité temporaire totale au profit de la seule garantie invalidité permanente absolue constitue une clause abusive qui doit être réputée non écrite ; il souligne que si une expertise était ordonnée, elle devrait l'être aux frais avancés par la CNP-ASSURANCES qui conteste son état d'invalidité ; les époux X. concluent à la confirmation du jugement, et réclamant la condamnation solidaire des appelantes à leur verser l'indemnité de 30.000 Francs pour frais irrépétibles ; dans l'hypothèse où ils seraient condamnés à paiement envers la CRCAM, ils lui demandent des dommages-intérêts d'un montant équivalent, lui reprochant d'avoir négocié une police d'assurance-groupe inopérante et d'avoir manqué à son devoir de conseil à leur égard ; ils lui réclament en ce cas l'indemnité de 30.000 Francs pour frais irrépétibles.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Considérant que dans leurs conclusions du 2 mars 1999, les époux X. affirment que « le CRÉDIT AGRICOLE ou la CNP ont falsifié, complété, modifié ladite liasse d'adhésion à la police » ; que la falsification alléguée, qui n'est en aucune façon démontrée, est de nature à porter atteinte à la réputation de la CNP-ASSURANCES ; que par application de l'article 24 du nouveau code de procédure civile, il convient d'ordonner la suppression de ce passage des écritures des époux X., sans faire droit à la demande en dommages-intérêts de la CNP-ASSURANCES qui ne démontre pas le préjudice invoqué ;
Considérant en fait que par acte notarié du 27 février 1991, la CRCAM de PARIS ET D'ILE DE FRANCE a consenti à la SOCIÉTÉ FINANCIÈRE D'INFORMATIQUE, aujourd'hui en liquidation amiable, un prêt de 600.000 Francs remboursable en 84 mensualités de 10.736,57 Francs du 1er mai 1991 au 1er avril 1998 ; que les époux X. se sont portés cautions solidaires du remboursement de ce prêt, en adhérant au contrat d'assurance groupe souscrit par la banque auprès de la CNP-ASSURANCES ;
[minute page 5] que Monsieur X., en arrêt de maladie du 18 mars 1992 jusqu'au 27 février 1995, a été classé dans la deuxième catégorie d'invalidité prévue par le code de la sécurité sociale à compter du 1er mars 1995 ; que se substituant à la débitrice principale, il a réglé les échéances du prêt d'avril 1994 à mai 1996 inclus et a vainement demandé la prise en charge par l'assureur ; que c'est dans ces conditions que la banque a fait assigner les cautions en paiement ;
Considérant que Monsieur X. soutient que la CNP ASSURANCES doit le garantir à compter du 1er mars 1995, au titre du risque incapacité temporaire totale ; qu'il se fonde sur les clauses de l'acte notarié de prêt mentionnant en son article 13, intitulé assurance décès invalidité, qu'il déclare adhérer au contrat d'assurance groupe souscrit par le prêteur en vue de couvrir ses emprunteurs « contre les risques décès et invalidité permanente et absolue. et incapacité temporaire totale » ; mais considérant que la teneur de cet acte n'est pas opposable à la CNP-ASSURANCES qui n'y était pas partie ; que la convention liant l'assureur et l'assuré est constituée par la demande d'adhésion qui a été acceptée par la CNP-ASSURANCES ainsi que par les conditions générales et particulière du contrat d'assurances qui ont été portées à la connaissance comme l'indique l'acte notarié ; que sur la demande d'adhésion, la mention couverture du décès et de l'invalidité permanente et absolue est suivie de deux cases intitulées la première « avec ITT », la seconde « sans ITT » ; qu'une croix est apposée dans la seconde ; que Monsieur X. ne démontre pas avoir signé cette demande en blanc, et encore moins qu'il y aurait eu falsification ; qu'il en résulte que la CNP-ASSURANCES ne garantit pas le risque invalidité temporaire totale ;
Considérant que Monsieur X. expose que la définition par l'assureur du risque invalidité permanente absolue est tellement restrictive qu'elle équivaut pour lui à percevoir une prime sans probabilité sinon rarissime de réalisation du risque ; qu'il souligne que l'invalidité doit placer l'assuré dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation ou à toute activité rémunérée, et lui imposer le recours constant à l'assistance d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie, la survenance de cet état devant s'accomplir avant l'âge limite de 60 ou 65 ans ; qu'il en déduit que la clause doit être déclarée non écrite en raison de son caractère léonin ; mais considérant que cette clause, même si ses conditions d'application sont très restrictives, ne présente pas un caractère abusif ; que Monsieur X. ne rapporte pas la preuve qu'il se trouve en invalidité permanente absolue au sens des dispositions contractuelles ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise médicale pour déterminer s'il le serait, alors qu'il ne produit aucune pièce pouvant laisser croire que son état serait de nature à le faire bénéficier de la garantie invalidité ; que les demandes des époux X. contre la CNPASSURANCES doivent donc être rejetées ; qu'en équité, il n'y a pas lieu d'allouer à cette appelante une indemnité pour frais irrépétibles ;
[minute page 6] Considérant que les échéances du prêt étant restées impayées à partir de juin 1996, la CRCAM est bien fondée en sa demande en paiement contre les cautions, qui ne discutent pas le montant même de la créance ; que les époux X. ne peuvent valablement reprocher à la banque de leur avoir fait souscrire une police d'assurance illusoire, alors que cette police garantit le risque décès et le risque invalidité permanente absolue selon les conditions contractuelles ; que dans l'acte notarié de prêt, ils ont reconnu avoir eu connaissance des modalités de l'assurance par la notice d'information qui leur a été remise par le prêteur ; qu'ils ne démontrent aucun manquement de la banque à son devoir d'information et à son devoir de conseil ; que toutes leurs demandes contre la CRCAM seront donc rejetées ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Ordonne le retrait des conclusions des époux X. du passage dans lequel ils imputent à la CNP-ASSURANCES une falsification de la demande d'adhésion à l'assurance groupe,
Réforme le jugement,
Statuant à nouveau :
Condamne solidairement les époux X. à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE les sommes de 237.356,95 Francs et 23.735,69 Francs,
Déboute les époux X. de toutes leurs demandes à l'encontre de la CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE et de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D'ILE DE FRANCE,
Rejette la demande de la CAISSE NATIONALE DE PRÉVOYANCE au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Condamne les époux X. aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
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