CASS. CIV. 1re, 4 novembre 2003
CERCLAB - DOCUMENT N° 2017
CASS. CIV. 1re, 4 novembre 2003 : pourvoi n° 00-22030 ; arrêt n° 1425
Extraits : 1/ « Attendu que les époux X. ne sont pas fondés à faire grief à la cour d'appel d'avoir considéré que même si ses conditions d'application étaient très restrictives, la clause définissant le risque invalidité permanente absolue ne présentait pas un caractère abusif, dès lors qu'ils n'avaient pas tenté de démontrer aux juges du fond que cette clause leur avait été imposée par un abus de la puissance économique de l'assureur et conférait à ce dernier un avantage excessif au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi n° 95-96 du 1er février 1995 applicable au litige ».
2/ « Attendu qu'en se déterminant ainsi après avoir relevé que la police ne garantissait que le risque décès et invalidité permanente absolue et alors qu'elle constatait que dans le contrat de prêt, l'emprunteur déclarait adhérer au contrat d'assurance groupe que la banque avait souscrit en vue de couvrir ses emprunteurs, non seulement contre les risques décès et invalidité permanente et absolue mais aussi le risque d'incapacité temporaire totale, de sorte qu'il appartenait au souscripteur de rapporter la preuve qu'il avait informé l'assuré de l'insuffisance de la garantie souscrite et de l'opportunité de l'étendre au risque ITT, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard » de l’article 1147 du Code civil.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 00-22030. Arrêt n° 1425.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur et Madame X.
DÉFENDEUR à la cassation : CNP-Assurances
Président : M. LEMONTEY.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que par acte notarié du 27 février 1991, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France (la banque) a consenti à la société Financière d'informatique représentée par M. X. un prêt de 600.000 francs ; que les époux X. se sont portés dans l'acte cautions solidaires du remboursement de ce prêt, en adhérant au contrat d'assurance groupe souscrit par la banque auprès de la CNP-Assurances ; que par suite de la défaillance de l'emprunteur, la banque a sollicité les cautions ; que M. X. a fait valoir qu'il avait été classé par la sécurité sociale en deuxième catégorie d'invalidité et qu'il souhaitait bénéficier de l'assurance de groupe à laquelle il avait adhéré ; qu'un refus lui a été opposé, le contrat d'assurance garantissant exclusivement les risques de décès et d'invalidité permanente et absolue, de sorte que le risque incapacité temporaire de travail n'était pas couvert ; que l'arrêt attaqué a condamné les deux cautions au paiement des sommes dues ;
Sur le deuxième moyen tel qu'énoncé au mémoire et annexé au présent arrêt :
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que les époux X. ne sont pas fondés à faire grief à la cour d'appel d'avoir considéré que même si ses conditions d'application étaient très restrictives, la clause définissant le risque invalidité permanente absolue ne présentait pas un caractère abusif, dès lors qu'ils n'avaient pas tenté de démontrer aux juges du fond que cette clause leur avait été imposée par un abus de la puissance économique de l'assureur et conférait à ce dernier un avantage excessif au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi n° 95-96 du 1er février 1995 applicable au litige ; que dès lors, le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le premier moyen :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu les articles 1324 du Code civil, 287 et 288 du nouveau Code de procédure civile ;
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu'il résulte de ces textes que, dans le cas où la partie à qui on oppose un acte sous seing privé en dénie son écriture, il appartient au juge de vérifier l'écrit contesté, à moins qu'il puisse statuer sans en tenir compte ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour retenir que M. X. n'avait adhéré qu'à la garantie décès-IPA, et rejeter sa contestation, l'arrêt retient que « sur la demande d'adhésion, la mention couverture du décès et de l'invalidité permanente et absolue est suivie de deux cases intitulées la première « avec ITT », la seconde « sans ITT » ; qu'une croix est apposée dans la seconde ; que M. X. ne démontre pas avoir signé cette demande en blanc, et encore moins qu'il y aurait eu falsification ; qu'il en résulte que la CNP-Assurances ne garantit pas le risque invalidité temporaire totale » ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait, en présence de la dénégation par M. X. de son écriture, fut-elle limitée à l'apposition d'une croix sur les garanties proposées, de procéder à la vérification de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen pris en ses deux branches :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article 1147 du Code civil ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que pour débouter les époux X. de leur demande tendant à voir retenir la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de conseil sur l'insuffisance et le caractère trop restrictif de la garantie souscrite, l'arrêt attaqué retient que « les époux X. ne peuvent valablement reprocher à la banque de leur avoir fait souscrire une police d'assurance illusoire alors que cette police garantit le risque décès et le risque invalidité permanente absolue selon les conditions contractuelles et que dans l'acte de prêt ils ont reconnu avoir eu connaissance des modalités de l'assurance par la notice d'information qui leur a été remise par le prêteur ; qu'ils ne démontraient aucun manquement de la banque à son devoir d'information et de conseil » ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu'en se déterminant ainsi après avoir relevé que la police ne garantissait que le risque décès et invalidité permanente absolue et alors qu'elle constatait que dans le contrat de prêt, l'emprunteur déclarait adhérer au contrat d'assurance groupe que la banque avait souscrit en vue de couvrir ses emprunteurs, non seulement contre les risques décès et invalidité permanente et absolue mais aussi le risque d'incapacité temporaire totale, de sorte qu'il appartenait au souscripteur de rapporter la preuve qu'il avait informé l'assuré de l'insuffisance de la garantie souscrite et de l'opportunité de l'étendre au risque ITT, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions rejetant les demandes en contestation d'écriture et mise en jeu de la responsabilité de l'établissement de crédit, l'arrêt rendu le 19 septembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France et la Caisse nationale de prévoyance assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France et de la Caisse nationale de prévoyance assurances ; condamne la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France à payer aux époux X. la somme de 2.500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille trois.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour les époux Lxxxx.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné solidairement les époux Lxxxx à payer à la CRCAM de PARIS les sommes de 237.356,95 francs et de 23.735,69 francs et de les avoir déboutés de toutes leurs demandes à l'encontre de la CNP et de la CRCAM ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE dans leurs écritures du 2 mars 1999, les époux Lxxxx affirment que le Crédit agricole ou la CNP ont falsifié, complété, modifié la liasse d'adhésion à la police d'assurance ; que la falsification alléguée n'est en aucune façon démontrée ; que sur la demande d'adhésion, la mention couverture du décès et de l'invalidité permanente et absolue est suivie de deux cases intitulées la première ''avec ITT'', la seconde ''sans ITT'' ; qu'une croix est apposée dans la seconde ; que Monsieur Lxxxx ne démontre pas avoir signé cette demande en blanc, et encore moins qu'il y aurait eu falsification ; qu'il en résulte que la CNP ne garantit pas le risque incapacité temporaire totale ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE dans le cas où la partie à qui l'on oppose un acte sous seing privé en dénie l'écriture, il appartient au juge de procéder lui-même à l'examen de l'écrit litigieux à moins qu'il ne puisse statuer autrement ; que si cette vérification ne lui permet pas de conclure à la sincérité de l'acte, la partie qui fonde ses prétentions sur cet acte doit en être déboutée ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 287 et 288 du nouveau Code de procédure civile et les articles 1315 et 1324 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné solidairement les époux Lxxxx à payer à la CRCAM de PARIS les sommes de 237.356,95 francs et de 23.735,69 francs et de les avoir déboutés de toutes leurs demandes à l'encontre de la CNP ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE Monsieur Lxxxx expose que la définition par l'assureur du risque invalidité permanente absolue est tellement restrictive qu'elle équivaut pour lui à payer une cotisation sans probabilité sinon rarissime de réalisation du risque ; qu'il souligne que l'invalidité doit placer l'assuré dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation ou toute activité rémunérée et lui imposer le recours constant à l'assistance totale d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie, la survenance de cet état devant s'accomplir avant l'âge limite de 60 ou de 65 ans ; que cette clause ne présente pas un caractère abusif ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QU'est abusive la clause en question qui prévoit qu'''un assuré est en état d'IPA lorsque les trois conditions suivantes sont remplie cumulativement : 1º l'invalidité dont il est atteint le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, 2º elle le met définitivement dans l'obligation de recourir de façon constante à l'assistance totale d'une tierce personne pour l'ensemble des actes ordinaires de la vie (se laver, s'habiller, se nourrir, se déplacer), 3º la date de réalisation du risque reconnue par l'assureur se situe avant l'âge limite de couverture stipulé aux conditions particulières'' ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du Code de la consommation .
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné solidairement les époux Lxxxx à payer à la CRCAM de PARIS les sommes de 237.356,95 francs et 23.735,69 francs et de les avoir déboutés de leur demande de dommages et intérêts à l'encontre de la banque ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE les époux Lxxxx ne peuvent valablement reprocher à la banque de leur avoir fait souscrire une police d'assurance illusoire, alors que cette police garantit le risque décès et le risque invalidité permanente et absolue selon les conditions contractuelles ; que dans l'acte notarié de prêt, ils ont reconnu avoir eu connaissance des modalités de l'assurance par la notice d'information qui leur a été remise par le prêteur ; qu'ils ne démontrent aucun manquement de la banque à son devoir d'information et à son devoir de conseil ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS, D'UNE PART, QUE manque à son devoir d'information et de conseil l'établissement souscripteur du contrat d'assurance de groupe qui induit l'adhérent en erreur sur l'étendue des garanties souscrites ; qu'aux termes de l'acte notarié de prêt (article 13, p 7), postérieur à la demande d'adhésion, Monsieur Lxxxx a déclaré adhérer au contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur auprès de la CNP en vue d'être garanti contre les risques ''décès et invalidité permanente et absolue et incapacité temporaire totale, par la signature d'une liasse d'adhésion qui lui a été remise'' ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas induit en erreur Monsieur Lxxxx sur l'étendue de la garantie souscrite en lui faisant signer des documents contradictoires sur l'existence d'une garantie incapacité temporaire totale à son profit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE manque à son devoir d'information et de conseil l'établissement souscripteur du contrat d'assurance de groupe qui n'attire pas l'attention de l'adhérent sur le caractère restrictif de la garantie d'invalidité octroyée ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas manqué à son devoir d'information et de conseil en n'attirant pas l'attention de Monsieur Lxxxx sur le caractère extrêmement restrictif de la définition du risque invalidité permanente et absolue donnée par le contrat d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
- 5751 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Autres effets - Réparation des préjudices - Consommateur - Clause imposée par un tiers
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 5833 - Code de la consommation - Domaine d’application - Règles de preuve
- 5984 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Règles de preuve
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