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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 4 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 4 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 1 - 9
Demande : 18/16945
Date : 4/11/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 24/10/2018
Référence bibliographique : 5872 (domaine, contrat entrant dans l’objet social), 5940 (domaine, cautionnement)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9228

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 4 novembre 2021 : RG n° 18/16945 

Publication : Jurica

 

Extrait : « 1. Le Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale est le texte applicable pour savoir qu'elle est la juridiction compétente par rapport à Madame X. et Monsieur X., les deux cautions.

L'article 18.2 dudit Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 énonce que l'action intentée contre le consommateur par l'autre partie au contrat ne peut être portée que devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur.

Pour conclure à l'incompétence du tribunal de commerce de Nice au bénéfice des juridictions espagnoles, Madame X. et Monsieur X. soutiennent s'être portés caution en qualité de consommateur.

Ils soulignent la définition de consommateur donnée par l'article 17 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 :

1. En matière de contrats conclus par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6 et de l'article 7, point 5) :

a) lorsqu'il s'agit d'une vente à tempérament d'objets mobiliers corporels,

b) lorsqu'il s'agit d'un prêt à tempérament ou d'une autre opération de crédit lié au financement d'une vente de tels objets, ou

c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur à son domicile qui, par tous moyens, dirige ses activités vers cet État membre vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. »

Les deux engagements de caution sont effectivement souscrits par des personnes physiques, et il n'est pas mentionné dans ces deux conventions, que Madame X. et Monsieur X. agissent en qualité de dirigeant de la société Essentium Grupo SL.

Une location avec option d'achat est considérée comme une opération de crédit, et un navire, même s'il a un statut particulier relevant du droit maritime, est un meuble.

Cette opération de location avec option d'achat était destinée à refinancer l'achat du navire N., ce qui n'avait rien à voir avec l'objet social de la société Essentium Grupo SL dont la sphère d'activité était le BTP.

Aucune des pièces produites ne permet de dire que ce navire a été utilisé à des fins promotionnelles pour la société ou pour les autres sociétés du groupe. Par contre, il est démontré par les appelants que le N. a été utilisé à des fins personnelles dites récréatives par la famille X.

Toutefois, la banque a sollicité l'engagement de caution de Madame X. et Monsieur X. parce qu'ils étaient dirigeants et seuls actionnaires de la société Essentium Grupo SL. Dans la mesure où ils se sont portés caution d'une obligation de la société qu'ils dirigent et détiennent, même si cet engagement est contraire à l'objet social, compte tenu de leurs liens professionnels avec cette société, Madame X. et Monsieur X. ne peuvent prétendre avoir la qualité de consommateur au regard de la législation européenne.

L'article 18 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ne s'appliquant pas, il convient d'appliquer les autres dispositions de ce texte. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-4

ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/16945. N° Portalis DBVB-V-B7C-BDHWM. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 24 juillet 2018 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 2017/00760.

 

APPELANTS :

Madame X.

née le [date] à [ville] de nationalité Espagnole, demeurant [adresse], [...], représentée par Maître Maud D.-G., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Maître Maria V., avocat au barreau de PARIS substituant Maître Delphine E., avocat au barreau de PARIS.

Monsieur X.

né le [date] à [ville] de nationalité Espagnole, demeurant [adresse], représenté par Maître Maud D.-G., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assisté de Maître Maria V., avocat au barreau de PARIS substituant Me Delphine E., avocat au barreau de PARIS.

Monsieur Y. Administrateur Judiciaire de la Sté ESSENTIUM GRUPO SL

demeurant [adresse], représenté par Maître Maud D.-G. de la SCP C. G. M. D. G., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Société ESSENTIUM GRUPO SL

Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, Dont le siège est sis [adresse], représentée par Maître Maud D.-G. de la SCP C. G. M. D. G., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

INTIMÉES :

SA BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR

Prise en la personne de son représentant légal en exercice, Dont le siège est sis [adresse], représentée par Maître Joseph M., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Société BANQUE POPULAIRE MEDITERRANEE Venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE COTE D'AZUR

Prise en la personne de son représentant légal en exercice, Dont le siège est sis [adresse], représentée par Maître Joseph M., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 septembre 2021 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Laure BOURREL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Madame Laure BOURREL, Président, Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, Madame Florence ALQUIE-VUILLOZ, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2021.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 4 novembre 2021, Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 18 octobre 2010, la Banque Populaire Côte d'Azur aux droits de laquelle vient la Banque Populaire Méditerranée, a signé avec la société Essentium Grupo SL, de droit espagnol, un contrat de location avec option d'achat en vue de l'acquisition du navire N., un voilier de 40 m, au prix de 8.500.000 € hors-taxes, comprenant un premier versement de 2.975.000 € hors-taxes et 83 mensualités de 61.978,97 € hors-taxes. L'option d'achat était fixée à 1.275.000 € HT.

Le même jour, le 18 octobre 2010, Madame X., présidente de la société Essentium Grupo SL et Monsieur X., son frère, également dirigeant de la société, par actes séparés, se sont portés caution personnelle et solidaire de la société Essentium Grupo SL au bénéfice de la Banque Populaire Méditerranée pour un montant de 6.173.106 €, pour une période de 9 ans, sans bénéfice de division et de discussion.

À compter d'avril 2015, les échéances du plan de financement non plus été payées.

Par courriers du 23 juillet 2015, la Banque Populaire Méditerranée a mis en demeure la société Essentium Grupo SL de payer les échéances impayées dans les 8 jours, le défaut de paiement entraînant la résiliation du contrat et l'obligation de restitution du navire, et en a informé les cautions.

Par courriers du 2 décembre 2015, la locataire et les cautions ont été informées de la suspension de la procédure de résiliation eu égard à la négociation de la vente du navire en cours. Il était mentionné dans ce courrier qu'à défaut de vente avant le 31 décembre 2015 et de réception de la somme de 511 809,84 ‘à cette date, le contrat serait résilié de plein droit sans autre formalité en application des dispositions de l'article 8 et le navire récupéré.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 janvier 2016, la banque a résilié le contrat de location avec option d'achat en indiquant que sa créance s'élevait à la somme de 4.502.956,32 €, et que le navire N. devait être immédiatement restitué.

Entre-temps, le 18 décembre 2015, la société Rybovitch Boat Company LLC a fait pratiquer une saisie conservatoire du navire pour non-paiement de redevances portuaires en Floride. Le 30 décembre 2015, la Banque Populaire Méditerranée aurait réglé les frais réclamés par cette société pour un montant de 142.986,36 $ US.

En mai 2016, la Banque Populaire Méditerranée a procédé à la vente du navire à Zelmon Global Ltd, et le lui a livré le 17 juin 2016.

Le 16 mai 2017, la société Essentiel Grupo SL a été déclarée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce n°9 de Madrid, décision publiée le 27 mai 2017 au Boletín Oficial del Estado.

Antérieurement, par exploit du 22 avril 2016, la Banque Populaire Méditerranée a fait assigner la société Essentium Grupo SL, Madame X. et Monsieur X. en paiement de la somme de 4.502.956,32 € au titre du contrat de location du 18 octobre 2010, la somme de 200.000 $ US au titre de la procédure de saisie du navire aux États-Unis avec intérêts au taux légal, en restitution du navire sous astreinte 10.000 € par jour, et en paiement de la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec exécution provisoire.

Par exploit du 22 novembre 2017, la banque a appelé en intervention forcée, Monsieur Y., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Essentium Grupo SL.

Dans ses dernières écritures et à l'audience, la Banque Populaire Méditerranée a conclu au rejet des exceptions soulevées par les intimés, et au fond, a sollicité la condamnation de la société Essentium Grupo SL et de Monsieur et Madame X. au paiement de la somme de 3.321.562,52 €, avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2016, et au paiement de la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du CPC, avec exécution provisoire.

Les consorts X. ont conclu in limine litis à l'incompétence du tribunal de commerce de Nice, au profit du tribunal civil de Madrid, au sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure pénale introduite à Madrid, et dans l'hypothèse où le tribunal de commerce se déclarerait compétent, qu'ils soient invités à conclure au fond.

Maître Y. a conclu à l'incompétence du tribunal de commerce de Nice, et à titre subsidiaire au sursis à statuer, et encore plus subsidiairement, qu'il soit invité à conclure au fond.

Par jugement du 24 juillet 2018, le tribunal de commerce de Nice :

- a ordonné la jonction des deux procédures,

- s'est déclaré compétent,

- a dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,

- a condamné solidairement Madame X., Monsieur X. et la société Essentium Grupo SL à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 3.321.562,52 € outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 5 janvier 2016,

- a débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,

- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- a condamné solidairement Madame X., Monsieur X. et la société Essentium Grupo SL à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné solidairement Madame X., Monsieur X. et la société Essentium Grupo SL aux dépens.

Madame X., Monsieur X., la société Essentium Grupo SL et Maître Y. ès qualités de liquidateur de la société Essentium Grupo SL, ont relevé appel de cette décision par déclaration du 24 octobre 2018.

[*]

Par conclusions du 2 septembre 2021, qui sont tenues pour entièrement reprises, les consorts X. demandent à la cour de :

« Vu le Règlement (UE) n° 1215/2012 du conseil du 12 décembre 2012,

Vu la loi n° 95-96 du 1er février 1995 de transposition de la Directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993,

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation,

Vu l'article L. 341- 4 du code de la consommation (ancien),

Vu l'article 2313 du Code civil,

Vu l'article 2290 du Code civil,

Vu l'article 1152 du Code civil (ancien),

Vu l'article 1134 du Code civil (ancien) ancien,

Vu l'article L. 341-1 du code de la consommation (ancien),

- Dire Monsieur X. et Madame X. recevables et bien fondés dans leur appel.

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 24 juillet 2018.

Statuant à nouveau,

1. In limine litis, sur l'incompétence des juridictions françaises

- Dire que Madame X. et Monsieur X. ont conclu les actes de caution en tant que consommateur au sens du droit européen.

- Dire et juger que les clauses attributives de juridiction contenues dans les actes de cautionnement sont réputées sans effet au sens du Règlement Bruxelles 1 bis.

- Dire et juger que la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat principal est inopposable aux cautions.

- Dire et juger que les clauses attributives de juridiction contenues dans les actes de cautionnement seront réputées non écrites car étant abusives.

En toute hypothèse,

- Dire et juger que Madame X. et Monsieur X. ne peuvent être attraits devant les juridictions françaises en application de la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat de location avec option d'achat ni de la clause attributive de juridiction contenue dans les actes de caution.

En conséquence,

- Dire et juger que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître de l'action de la Banque Populaire Méditerranée (Banque Populaire Côte d'Azur).

- Constater que les juridictions espagnoles sont exclusivement compétentes pour connaître de cette action.

- Renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

2. À titre principal, sur l'inefficacité du cautionnement,

- Dire que les engagements souscrits par Madame X. et Monsieur X. au titre des actes de cautionnement en date du 18 octobre 2010 étaient disproportionnés par rapport à leur patrimoine au jour de la signature de l'acte.

- Dire que, au vu de leur patrimoine respectif, Madame X. et Monsieur X. ne peuvent faire face aux engagements souscrits dans les actes de cautionnement en date du 18 octobre 2010.

En conséquence,

- Dire et juger que les actes de caution sont inefficaces.

- Rejeter toutes les demandes de la banque à l'égard des cautions.

3. À titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considère que les actes de caution sont efficaces : le rejet des demandes de la BPCA.

3.1. Sur le caractère manifestement excessif des indemnités réclamées au titre de l'indemnité de résiliation et de la clause pénale

- Dire que les clauses 8- 4 et 8- 4-1 du contrat de location avec option d'achat conclu le 18 octobre 2010 sont des clauses pénales susceptibles de révision.

- Dire que la BPCA a manqué à ses obligations contractuelles en revendant le navire au prix de 2.060.000 €.

En conséquence,

- Dire et juger que les indemnités réclamées par la Banque Populaire Méditerranée (Banque Populaire Côte d'Azur) doivent être révisées et réduites de la somme de 5.700.000 € qui correspond à la valeur de marché du N. au moment de la résiliation.

3.2. En tout état de cause, sur le caractère indu des sommes réclamées

Sur les sommes réclamées à la société Essentium,

- Dire que la Banque Populaire Méditerranée (Banque Populaire Côte d'Azur) est tenue de restituer le dépôt de garantie de 1.275.000 €.

- Dire et juger que la somme afférente au dépôt de garantie sera compensée avec les sommes réclamées par la banque.

- Dire que les sommes réclamées par la Banque Populaire Méditerranée (Banque Populaire Côte d'Azur) doivent être exonérées de TVA.

- Dire et juger que la somme de 927.446,13 €, réclamée au titre de la TVA devra être déduite de l'ensemble des sommes réclamées par la banque.

- Dire que les sommes réclamées par la Banque Populaire Méditerranée (Banque Populaire Côte d'Azur) postérieures à la résiliation du contrat de leasing, pour une somme de 573.821,05 € ne sont fondées sur aucune stipulation contractuelle contenue dans le contrat de leasing.

- Constater qu'après déduction de ces montants, le décompte des sommes dues par la société Essentium affiche un solde négatif à hauteur de 3.094.704,66 €.

En conséquence,

- Rejeter toutes les demandes de la Banque Populaire Méditerranée (Banque Populaire Côte d'Azur) à cette fin.

Sur les sommes qui doivent être déduites compte tenu des manquements de la banque à ses obligations à l'égard des cautions

- Dire que la Banque Populaire Méditerranée (Banque Populaire Côte d'Azur) a manqué à son obligation d'information à l'égard des cautions du premier incident de paiement de la société Essentiel.

En conséquence,

- Dire et juger que, en toute hypothèse, doit être déduite des montants réclamés aux cautions la somme de 243.607,24 € afférente aux pénalités prévues par le contrat.

- Constater qu'après déduction de ces montants le décompte des sommes dues par les cautions affiche un solde négatif de 3.338.311,90 €.

En conséquence,

- Rejeter toutes les demandes de la Banque Populaire Méditerranée (Banque Populaire Côte d'Azur) à cette fin.

4. Sur l'article 700 et les dépens d'appel

- Condamner la Banque Populaire Méditerranée (Banque Populaire Côte d'Azur) au paiement de la somme de 20'000 ‘au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la Banque Populaire Méditerranée (Banque Populaire Côte d'Azur) aux entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP C. G. M. D.-G., sur son offre de droit. »

[*]

Par conclusions du 25 mars 2019, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur Y., administrateur judiciaire de la société Essentium Grupo SL, et la société Essentium Grupo SL demandent à la cour de :

« - Admettre l'appel interjeté par M. Y., agissant en sa qualité d'administrateur liquidateur de la société de droit espagnol Essentium Grupo SL.

- En tant que de besoin, admettre l'appel diligenté par la société Essentium Grupo SL représentée par Maître M. en sa qualité d'administrateur liquidateur.

- Réformer totalement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nice en date du 24 juillet 2018.

Pour ce faire :

- Constater en premier lieu que les premiers juges n'ont apporté strictement aucune réponse aux arguments qui avaient été développés à la défense des intérêts de Maître M. ès qualités.

- Faire droit en conséquence à l'appel interjeté.

À titre principal :

- Dire et juger que le tribunal de commerce de Nice et les juridictions françaises sont incompétentes ratione loci pour connaître d'une procédure collective introduite par devant la chambre commerciale près le tribunal de Madrid.

À titre principal :

- Faire application des dispositions des articles 8 et 55-1 et 2 de la loi du 9 juillet 2003 réglementant les procédures collectives en Espagne.

- Faire application des dispositions des articles 7, 19 et 20 du Règlement de la Communauté Européenne du 20 mai 2015 (2015/848).

- Se déclarer incompétente en faveur de la chambre commerciale du tribunal de Madrid.

- Ordonner le renvoi de la procédure par devant ladite chambre.

À titre subsidiaire sur le fond :

- Réformer intégralement le jugement déféré à la censure de la cour.

En premier lieu, dire et juger que le tribunal de commerce de Nice ne pouvait prononcer une condamnation à l'encontre de la société Essentium Grupo SL dans la mesure où cette dernière fait l'objet d'une décision ordonnant sa liquidation judiciaire et se trouve en conséquence dessaisie.

Sur le fond du dossier :

- Rejeter totalement les demandes, fins et conclusions de la banque.

- Dire et juger que les clauses pénales, dont la banque se prévaut, sont manifestement excessives au sens des dispositions de l'article 1152 du Code civil, alors applicable.

- Rejeter l'application de telles clauses, et au minimum les réduire à un montant symbolique.

En toute hypothèse :

- Dire et juger que la banque n'a pas respecté de bonne foi le contrat qui avait été établi entre elle-même et la société Essentium Grupo SL.

- Que la banque n'a pas respecté le contrat dont elle est le rédacteur, s'agissant à l'évidence d'un contrat d'adhésion.

- Dire et juger que la banque a commis une faute en procédant à la vente du navire N., pour un montant de 2.060.000 €, alors qu'au minimum, la valeur de ce navire représentait la somme de 5.700.000 €.

- Dire et juger que la banque doit indemniser dès lors le préjudice qu'elle a occasionné à la société Essentium Grupo SL.

- Rejeter certaines des demandes de la banque comme étant totalement infondées.

- Rejeter la demande à hauteur de 927.446,13 € au titre de la TVA.

- Dire et juger que le contrat qui avait été établi prévoyait l'exonération de toute imposition au titre de la TVA.

- Rejeter également comme étant infondées, toutes les demandes de la banque présentées après la résiliation du contrat à hauteur de 523.206,20 €.

- Faire droit aux demandes de Maître M. ès qualités.

- Condamner la Banque Populaire Méditerranée SA venant aux droits de la Banque Populaire Côte d'Azur à payer à Maître M. ès qualités :

* La somme de 3.640.000 € en réparation du préjudice occasionné par la vente à vil prix du navire N.

* La somme de 1.275.000 € montant du dépôt de garantie qui avait été versé.

* La somme de 102.000 € valeur du bateau accessoire (Jet Tender Castoldi 18) qui n'a pas été restitué.

Au total, condamner la banque à payer 3.640.000 € + 1.275.000 € + 102.000 ‘égale 5.017.000 €.

- La condamner également à payer la contre-valeur en euros de la somme de 11'064,66 livres, correspondant au coût du matériel de plongée qui n'a jamais été restitué.

- Dire et juger que toutes sommes pouvant être éventuellement attribuées à la banque se compensera et viendra en déduction des sommes auxquelles celle-ci sera condamnée.

- Condamner la banque à payer la somme de 8.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC.

- La condamner à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Maud D.- G., sous sa due affirmation. »

[*]

Par conclusions du 6 septembre 2021, qui sont tenues pour entièrement reprises, la Banque Populaire Méditerranée SA, venant aux droits de la société Banque Populaire Côte d'Azur, demande à la cour de :

« Vu notamment :

- le contrat de location avec option d'achat conclu le 18 octobre 2010,

- les actes de caution en date du 18 octobre 2010,

- le Règlement (CE) n° 1215/2012,

- les articles 2288 et suivants du Code civil,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 24 juillet 2018.

Débouter les appelantes de l'intégralité de leurs demandes, exceptions et fins de non-recevoir.

Condamner solidairement tout succombant à payer à la Banque Populaire Méditerranée la somme de 30'000 ‘au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. »

[*]

L'instruction de l'affaire a été close de 7 septembre 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Madame X. et Monsieur X., la société Essentium Grupo SL et Maître Y. en sa qualité de liquidateur de la société Essentium Grupo SL soulignent avec raison que les premiers juges ont statué au fond alors qu'ils n'avaient conclu que sur la compétence et avaient sollicité un renvoi pour pouvoir conclure au fond dans l'hypothèse où le tribunal de commerce retiendrait sa compétence. Cependant, ils n'en tirent aucune conséquence de droit.

 

Sur la compétence :

1. Le Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale est le texte applicable pour savoir qu'elle est la juridiction compétente par rapport à Madame X. et Monsieur X., les deux cautions.

L'article 18.2 dudit Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 énonce que l'action intentée contre le consommateur par l'autre partie au contrat ne peut être portée que devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel est domicilié le consommateur.

Pour conclure à l'incompétence du tribunal de commerce de Nice au bénéfice des juridictions espagnoles, Madame X. et Monsieur X. soutiennent s'être portés caution en qualité de consommateur.

Ils soulignent la définition de consommateur donnée par l'article 17 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 :

1. En matière de contrats conclus par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6 et de l'article 7, point 5) :

a) lorsqu'il s'agit d'une vente à tempérament d'objets mobiliers corporels,

b) lorsqu'il s'agit d'un prêt à tempérament ou d'une autre opération de crédit lié au financement d'une vente de tels objets, ou

c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur à son domicile qui, par tous moyens, dirige ses activités vers cet État membre vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. »

Les deux engagements de caution sont effectivement souscrits par des personnes physiques, et il n'est pas mentionné dans ces deux conventions, que Madame X. et Monsieur X. agissent en qualité de dirigeant de la société Essentium Grupo SL.

Une location avec option d'achat est considérée comme une opération de crédit, et un navire, même s'il a un statut particulier relevant du droit maritime, est un meuble.

Cette opération de location avec option d'achat était destinée à refinancer l'achat du navire N., ce qui n'avait rien à voir avec l'objet social de la société Essentium Grupo SL dont la sphère d'activité était le BTP.

Aucune des pièces produites ne permet de dire que ce navire a été utilisé à des fins promotionnelles pour la société ou pour les autres sociétés du groupe. Par contre, il est démontré par les appelants que le N. a été utilisé à des fins personnelles dites récréatives par la famille X.

Toutefois, la banque a sollicité l'engagement de caution de Madame X. et Monsieur X. parce qu'ils étaient dirigeants et seuls actionnaires de la société Essentium Grupo SL. Dans la mesure où ils se sont portés caution d'une obligation de la société qu'ils dirigent et détiennent, même si cet engagement est contraire à l'objet social, compte tenu de leurs liens professionnels avec cette société, Madame X. et Monsieur X. ne peuvent prétendre avoir la qualité de consommateur au regard de la législation européenne.

L'article 18 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 ne s'appliquant pas, il convient d'appliquer les autres dispositions de ce texte.

Le cautionnement est l'engagement d'une personne à payer au créancier la dette du débiteur principal dans l'hypothèse où celui-ci n'exécute pas son obligation. C'est donc un contrat qui s'exécute au domicile du créancier.

Or l'article 7 1) a) du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 dispose qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande.

En conséquence, en application de la législation européenne, la Banque Populaire Méditerranée pouvait assigner Madame X. et Monsieur X., qui demeurent en Espagne, devant les juridictions françaises.

C'est donc vainement que Madame X. et Monsieur X. invoquent l'inopposabilité à leur égard de la clause attributive de compétence contenue dans le contrat de location avec option d'achat, et la nullité de la clause attributive de compétence insérée dans leur engagement de caution comme étant une clause abusive.

Madame X. et Monsieur X. n'ayant pas contesté le choix de la Banque Populaire Méditerranée de les assigner parmi les juridictions françaises devant le tribunal de commerce de Nice, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il s'est déclaré compétent à l'égard des deux cautions.

2. Le Règlement (UE) 848/2015 du Parlement et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité, est invoqué par Me Miguel C. M. ès qualités et la société Essentium Grupo SL pour soutenir que le tribunal de commerce de Nice était incompétent.

L'article 3 de ce règlement énonce que les juridictions compétentes pour connaître d'une procédure collective sont celles de l'État membre dans lequel le débiteur gère habituellement ses intérêts qui est a priori celui de son siège social, et l'article 7 que la loi applicable est celle de l'État membre dans lequel la procédure collective est ouverte.

L'article 6 précise que les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel la procédure d'insolvabilité a été ouverte en application de l'article 3 sont compétentes pour connaître de toute action qui découle directement de la procédure d'insolvabilité et y est étroitement liée, telles les actions révocatoires.

Mais l'article 18 édicte que les effets de la procédure d'insolvabilité sur une instance ou une procédure arbitrale en cours concernant un bien ou un droit qui fait partie de la masse de l'insolvabilité d'un débiteur sont régis exclusivement par la loi de l'État membre dans lequel l'instance est en cours ou dans lequel le tribunal arbitral a son siège.

L'assignation introductive d'instance devant le tribunal de commerce de Nice est en date du 22 avril 2016 alors que la liquidation judiciaire de la société Essentium Grupo SL a été prononcée par jugement du 16 mai 2017 du tribunal de commerce n° 9 de Madrid, publié le 22 mai 2017. L'action de la Banque Populaire Méditerranée ne découle pas de la procédure collective, et est une procédure en cours au regard des dispositions du Règlement (UE) 848/2015 du 20 mai 2015.

Dès lors, l'incompétence du tribunal de commerce de Nice doit s'apprécier au regard des dispositions du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012.

L'article 25 de ce règlement énonce que si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d'une juridiction d'un État membre pour connaître des différents nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet état membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties.

Or dans le contrat de location avec option d'achat du 18 octobre 2010, l'article 13 intitulé Attribution de juridiction stipule dans son alinéa 2 que tous litiges pouvant naître de l'exécution ou l'interprétation des présentes seront de la compétence exclusive des tribunaux de Nice.

Maître Y. ès qualités et la société Essentium Grupo SL ne contestent pas la validité de cette clause.

Nul ne plaidant par procureur, il n'y a lieu de statuer sur les observations de Madame X. et Monsieur X. sur la régularité, au regard des dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, de cette clause attributive de compétence inscrite dans le contrat de location avec option d'achat auquel ils ne sont pas parties et à propos de laquelle ils concluent qu'elle leur est inopposable.

En conséquence, le tribunal de commerce de Nice était compétent, et le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a retenu sa compétence.

 

Sur la créance de la banque :

L'article 4-3 des conditions générales du contrat de location avec option d'achat stipule que sans préjudice des dispositions de l'article 8, tous loyers impayés, même partiellement, sera majoré d'un intérêt au taux mensuel de 1,50 % plus taxes. Le locataire supportera entre autres, les frais de banque ainsi que les frais et honoraires, même non répétables engagés pour le recouvrement des loyers.

L'article 8-4 énonce qu'outre les loyers impayés et tous les accessoires, la résiliation rend exigible en réparation du préjudice subi, une indemnité égale au montant du restant dû financier. Si le navire est revendu ou reloué, cette indemnité sera dans la limite de son montant diminué des sommes effectivement perçues de l'acquéreur du navire ou du nouveau locataire, sous déduction des frais relatifs au navire, et des frais exposés à l'agrément du bailleur, d'une offre écrite d'un acheteur ou d'un locataire solvable dans un délai de quinzaine après résiliation.

L'article 8- 4.1 ajoute que pour assurer la bonne exécution de la convention, une peine égale à 10 % des loyers hors-taxes restant dû avec un minimum fixé à 2 % du prix d'achat du navire (sic). L'indemnité portera intérêt au taux légal du jour de la résiliation. L'indemnité, la peine et les intérêts seront majorés si la réglementation fiscale l'exige, de la TVA, au taux en vigueur le jour du paiement.

La résiliation du contrat a été notifiée par lettre recommandée internationale datée du 5 janvier 2016 reçue le 12 janvier 2016, et le navire N. a été remis à disposition de la Banque Populaire Méditerranée en mars 2016 par la société Essentium Grupo SL d'après son courrier du 18 mars 2016.

La Banque Populaire Méditerranée demande :

- 4.502.956,32 € au titre des indemnités et frais de résiliation, déduction faite du dépôt de garantie,

-523.206,20 € au titre des frais de saisie et des frais engagés pour la vente du navire,

- 170.000 € au titre de la pénalité de résiliation,

- 185.400 € au titre des frais de commission et de courtage de Camper & Nicholson

sommes desquelles, la banque a déduit le prix d'achat du navire de 2.060.000 €,

soit un total de 3.321.562,52 €.

Cependant, d'après les décomptes produits par la banque, les sommes réclamées le sont TVA incluse alors que le contrat stipule en son article 8 des conditions particulières qu'il y a exonération de TVA selon l'article 196 de la directive européenne 2016-112 CE.

Le navire ayant navigué hors des eaux territoriales de la communauté européenne, et ayant été restitué en Floride, la TVA ne s'applique pas.

Dès lors il convient de calculer à nouveaux les sommes réclamées par la banque.

D'après les pièces produites, le premier impayé est en date du 5 avril 2015, et à défaut de toute explication par les parties sur le point de départ du contrat du 18 octobre 2010, le contrat étant d'une durée de 84 mensualités, soit 7 années, et les parties n'invoquant pas qu'il y aurait eu une suspension conventionnelle des paiements, la dernière mensualité aurait dû être payée le 5 novembre 2017.

Du 5 avril 2015 au 5 décembre 2015 inclus, les loyers impayés HT se sont élevés à la somme de 557.810,73 € (61.978,97 € x 9).

Au titre de la pénalité de 1,5 % par mois de retard (article 4 -3), sera ajoutée la somme de 41.835,80 € (61.978,97 € x 1,5 % x 45).

De janvier 2016 à novembre 2017, par application des dispositions de l'article 8 du contrat, il restait dû au titre des loyers non échus la somme de 1.425.516,30 € (61.978,97 € x 23).

Cette clause qui a certes pour finalité d'inciter fortement locataire à poursuivre le contrat jusqu'à son terme, correspond à l'indemnisation du préjudice financier que peut subir la banque du fait de la résiliation du contrat de location avec option d'achat alors qu'elle a assumé l'achat initial du navire. Elle a donc pour objet d'assurer l'équilibre économique de la convention. C'est pourquoi au regard des dispositions de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'espèce, il ne s'agit pas d'une clause pénale.

Dans son récapitulatif du 5 janvier 2016, la banque a compté 30.000 € de frais de recouvrement avec TVA dont elle ne justifie pas.

La pénalité de 10 % des loyers hors-taxes restant dû avec un minimum fixé à 2 % du prix d'achat du navire stipulée à l'article 8-4.1, est une clause pénale qui, par application des dispositions de l'article 1152 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à l'espèce, peut être modérée ou augmentée si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Dans la mesure où le préjudice financier de la banque est déjà indemnisé par l’allocation des loyers qui auraient été payés si le contrat avait été poursuivi jusqu'à son terme, qu'il ne restait à courir que 2 années et demie sur 7 lorsqu'est apparu le premier impayé, cette pénalité fixée à 2 % du prix d'achat du navire apparaît comme excessive et sera réduite à la somme de 1 €.

L'article 8-4 du contrat prévoit que des sommes dues au titre des loyers restant à échoir, sera déduit le prix de vente du navire.

Bien que la Banque Populaire Méditerranée ne produise pas l'acte de vente du navire, elle produit la facture envoyée la société Zalmon Global Limited de 2.060.000 € et les appelants ne contestent pas que la vente a été faite à ce prix.

Ils reprochent à la banque de ne pas avoir exécuté loyalement le contrat et notamment de ne pas avoir respecté les dispositions de l'article 10, et d'avoir vendu le navire à vil prix.

L'article 10 stipule que le navire restitué soit après résiliation anticipée, soit à l'expiration du contrat de location, doit être en bon état de fonctionnement et d'entretien, muni de toutes les pièces et accessoires le composant à l'origine, et/ou ajoutés par le locataire, le bailleur étant devenu propriétaire, comme précisé à l'article 6 paragraphe 6-7.

La restitution donne lieu à estimation par le fournisseur professionnel désigné par le bailleur de l'état du navire et du montant des réparations nécessitées par la remise en état. Ces réparations sont à la charge du locataire. Leur montant est réglé directement au fournisseur sur facture établie par ce dernier.

Ainsi, il reposait sur la banque l'obligation de faire estimer le navire ainsi que les frais de remise en état lesquels sont à la charge du locataire.

Or, la banque ne fournit aucune estimation du navire à la date de sa restitution en mars 2016, ni à la date de sa remise à l'acheteur, la société Zalmon Global Limited, le 17 juin 2016. Les appelants qui contestent le prix de vente ne fournissent pas non plus d'estimation à la date de sa restitution.

L'estimation la plus proche de la restitution du navire est celle de la société Campers & Nicholsons en date du 13 mai 2015 qui avait été effectué en vue de sa vente. Cet expert a estimé que le navire pouvait être mis en vente au prix de 6.500 000 €.

Dans un mail du 24 juillet 2015, M. E. de chez Campers & Nicholsons a indiqué à un acheteur potentiel, M. F., que le prix avait été réduit à 5.700.000 € et que la vente pouvait être envisagée à 4.000.000 €.

Un protocole d'accord a ensuite été signé le 3 novembre 2015 avec M. P. au prix de 3.650.000 €. Mais cette promesse dans laquelle le prix de vente final était soumis à un rapport d'enquête n'a pas été réitérée. Ce dernier prix de vente de 3.650.000 € était donc encore trop élevé.

Par ailleurs, le prix de mise en vente par la société Zelmon Global Limited de 7.300.000 € est dépourvu de force probante puisque cette mise à prix a été faite après réfection et amélioration notable du navire et que le prix de vente final n'est pas connu.

Il suit de là que les appelants échouent à démontrer que le prix de vente à 2.060.000 € « ne correspond pas à la valeur du navire lors de sa restitution à la banque, et qu'ainsi ils ont subi un préjudice du fait de la faute de la banque de ne pas avoir fait évaluer le N.

La valeur du navire N. est donc retenue à hauteur de 2.060.000 €.

En ce qui concerne les frais de remise en état, la banque doit produire les factures qu'elle a acquitées. Néanmoins, il résulte de ses demandes chiffrées et des pièces produites, pièces 11, 11-1 et 12 de la Banque Populaire Méditerranée, nonobstant que ces deux dernières pièces sont une compilation de documents difficilement consultables, que celle-ci ne justifie pas de facture de travaux, mais uniquement des frais d'assurance, d'entretien et des frais d'intermédiaires qui ont été engagés pour la vente du navire.

Ainsi, la banque ne justifie pas qu'elle a effectué des travaux de remise en état sur le navire après sa restitution par la société Essentium Grupo SL.

Les appelants contestent les demandes faites par la banque au titre des frais encourus dans le cadre de la saisie et de la vente du navire et au titre des frais de commission de courtage Camper & Nicholson.

En ce qui concerne les frais engagés pour la vente du navire, ils sont dus au regard des dispositions contractuelles rappelées ci-dessus, du moment qu'ils sont justifiés.

Les factures produites sont examinées une à une :

- L'assurance payée pour une année en décembre 2015, soit 16.500,42 €, est une assurance au port et à terre qui n'a pas à être mise à la charge des appelants qui avaient assuré le navire par ailleurs, et qui relève des obligations du propriétaire. Cette charge est sans lien avec la vente.

- Le cabinet d'avocats Moore & Company a été engagé pour défendre les intérêts de la banque dans l'instance l'opposant à la société Rybovitch Boat Company LLC dans le cadre de la saisie du navire. Ces factures bien qu'exorbitantes puisqu'elles dépassent très largement le montant de la saisie, sont dues soit : 192.416,15 € (9128,25 + 150.616,16 + 8.144,36 + 18. 836,62 + 1.849, 90 + 3.840,86).

- Les factures Ince & Co France SCP comme les facture Easy Sale USA dont la seule lecture ne permet pas de savoir si elles sont afférentes à la vente du navire, et pour lesquelles il n'est donné aucune explication, ne sont pas retenues.

- La facture G. Consultant relative à la localisation du navire avant que la société Essentium Grupo SL ait informé la banque de sa localisation doit être retenue soit 3.726 €.

- Toutes les factures de Maître M., avocat, ne sont pas suffisamment explicites pour savoir si elles sont relatives à une intervention dans le cadre de la vente du navire, à l'exception de celle relative aux négociations avec l'acquéreur et à la rédaction de certains actes, de 72.000 €, laquelle est retenue.

- La facture de traduction de la société Traductor qui est relative aux frais de traduction de l'assignation de la présente instance, n'a pas à être prise en compte dans ce poste.

- Les factures d'Alain G. Consultant relatives au suivi des offres d'achat du bateau N. sont retenues, soit 19.800 € (1.200 + 2.400 + 16.200 ).

- La facture de la SCP F. B. E.-B. A., huissiers de justice associés relative aux frais engagés pour la présente instance n'a pas non plus à être prise en compte à ce titre.

- La facture de la société La Simar Lavagna SRL n'est pas relative à la vente du navire, mais aux frais de bassin et de chantier revenant au propriétaire, soit à la banque, tout comme les frais de vidange et de location d'air conditionné. Cette facture n'est pas retenue.

- Les factures de Détenec relatives à des investigations Espagne ne sont manifestement pas en lien avec la vente du navire.

La banque justifie d'un paiement à la société Rybovich Boat Company de 67.934,78 $ US pour lequel elle ne produit pas la facture correspondante. Cette dépense n'est pas suffisamment justifiée comme en lien avec la vente du navire pour être retenue.

Au total, les frais engagés pour la vente du navire qui sont justifiés s'élèvent à la somme de : 287.942,15 € (192.416,15 + 3.726 + 72.000 + 19.800).

Est justifiée la saisie du navire pratiquée par la société Rybovitch Boat Company LLC pour un principal de 142.986,36 dollars US. Néanmoins, d'après le listing de la banque, pièce 11, en avril 2016, il y a eu accord transactionnel, et elle a payé la somme de 104.148,27 €. Cette somme due pour non-paiement de frais de port et de travaux est à la charge de la société Essentium Grupo SL.

Enfin, en ce qui concerne les commissions de courtage de la société Camper & Nicholson de 185.400 €, il est produit un document en anglais particulièrement succinct, qui est en euros alors qu'il devrait être en dollars US, sur lequel est mentionné en petit « which has been received » qui se traduit par « qui a été reçu ». Il s'agit donc d'un accusé de paiement de la somme de 185.400 €. Mais, malgré un examen attentif des pièces produites, il n'est pas justifié de la facture correspondant à ce paiement. La somme de 185.400 € est écartée.

La banque ne conteste pas qu'elle doit déduire le dépôt de garantie de 1.275.000 €.

À la suite de ce décompte, la créance de la banque est nulle puisque :

557.810,73 + 41.835,80 + 1.425.516,30 + 1 + 104.148,27 + 287.942,15 – 2.060.000 – 1.275.000 = -917.745,75 €.

En conséquence, la Banque Populaire Méditerranée est déboutée de toutes ses demandes tant à l'égard de la société Essentium Grupo SL et de Maître Clemente M. ès qualités de mandataire liquidateur, qu'à l'égard des deux cautions, Madame X. et Monsieur X.

Sur les demandes reconventionnelles de Maître Clémente M. ès qualités et de la société Essentium Grupo SL

Le mandataire liquidateur de la société Essentium Grupo SL sollicite la somme de 102.000 € au titre du bateau accessoire nommé Jet Tender Castoldi 18 et celle de 11.064,66 livres au titre du matériel de plongée, lesquels n'auraient pas été restitués.

Il produit à l'appui de sa demande un listing en pièce 7 qui serait l'inventaire du matériel qui se trouvait à bord du navire. Cependant cet inventaire ne porte nullement mention qu'il s'agit d'un inventaire relatif au N. puisque il est intitulé « Interior inventory of s/y Kokomo ». De plus, une date certainement de fax, apparaît en bas de chaque page : 22/07/2008. Ce document n'a donc rien à voir avec la présente instance.

Comme il a été explicité ci-dessus, aucun état des lieux n'a été effectué au moment de la restitution du navire. Dès lors, Maître Clemente M. ès qualités échoue à démontrer que le bateau accessoire et le matériel de plongée ont été appréhendé par le mandataire de la banque au moment de la restitution du navire.

Le mandataire liquidateur est débouté de ces demandes.

Dans la mesure où le prix de vente du navire a été retenu à la somme de 2.060.000 € à défaut de démonstration qu'il y aurait eu une vente à vil prix, Maître Clémente M. ès qualités est aussi débouté de sa demande en paiement de la différence entre le prix de vente du navire et l'estimation qu'il en faisait.

 

Sur les autres demandes :

L'équité commande de faire bénéficier Maître Clémente M. ès qualités, la société Essentium Grupo SL, Madame X. et Monsieur X. des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Banque Populaire Méditerranée qui succombe, est condamnée aux entiers dépens, et est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le tribunal de commerce de Nice est compétent pour connaître du présent litige,

Infirme le jugement attaqué pour le surplus,

Dit que la SA Banque Populaire Méditerranée ne justifie pas avoir une créance à l'égard de la société Essentium Grupo SL,

Déboute la SA Banque Populaire Méditerranée de toutes ses demandes tant à l'égard de Maître Y. ès qualités de mandataire liquidateur de la société Essentium Grupo SL et de la société Essentium Grupo SL, qu'à l'égard des cautions, Madame X. et Monsieur X.,

Déboute Maître Y. ès qualités de mandataire liquidateur de la société Essentium Grupo SL et la société Essentium Grupo SL de leurs demandes reconventionnelles,

Condamne la SA Banque Populaire Méditerranée à payer la somme de 8.000 € d'une part à Maître Y. ès qualités de mandataire liquidateur de la société Essentium Grupo SL et la société Essentium Grupo SL, et d'autre part à Madame X. et Monsieur X. (8.000 x 2),

Condamne la SA Banque Populaire Méditerranée aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT