CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 18 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 18 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 8e ch. sect. 1
Demande : 19/03956
Décision : 21/1154
Date : 18/11/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/07/2019
Numéro de la décision : 1154
Référence bibliographique : 5823 (crédit, application dans le temps), 5721 (L. 212-1, obligation de relever d’office, refus)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 9257

CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 18 novembre 2021 : RG n° 19/03956 ; arrêt n° 21/1154 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit. »

2/ « A titre liminaire, la cour constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande aux fins de voir déclarer telle ou telle clause abusive, ni d'aucun moyen au soutien d'une telle demande. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/03956. Arrêt n° 21/1154. N° Portalis DBVT-V-B7D-SPCF. Jugement (R.G. n° 18/01985) rendu le 18 juin 2019, par le tribunal de grande instance de Lille.

 

APPELANTE :

SCI Phil's

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Jérémie B., avocat au barreau de Douai et Maître Hervé B., avocat au barreau de Nancy

 

INTIMÉE :

Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France

prise en la personne de monsieur A., chef du service juridique [...], [...], Représentée par Maître Martine M., avocat au barreau de Lille

 

DÉBATS à l'audience publique du 8 septembre 2021 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Sylvie Collière, président de chambre, Pauline Mimiague, conseiller, Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2021 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 1er septembre 2021

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige :

Suivant offre émise le 8 juillet 2014 et acceptée le 21 juillet 2014, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France ci-après « le Crédit agricole » a consenti à la SCI Phil's un prêt dénommé « P. Prêt investisseur immobilier » d'un montant de 755.000 euros, remboursable en 180 mensualités avec un différé d'amortissement à 179 mois, au taux d'intérêt annuel fixe de 2,75 %. Le taux effectif global (TEG) indiqué à l'acte est de 2,7568 %.

Le remboursement du prêt était garanti par :

- le cautionnement solidaire de M. X. et Mme Y., épouse X., dans la limite de la somme de 981.500 euros (130 % du capital cautionné couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les intérêts de retard),

- le nantissement du contrat d'assurance vie Floriane n° 16631882709, affecté par les époux X., d'une valeur lors de l'émission de l'offre de 475.936,43 euros souscrit auprès du Crédit agricole le 2 juillet 2012.

Invoquant des irrégularités affectant le TEG, la SCI Phil's a, par exploit d'huissier en date du 28 février 2018, assigné le Crédit agricole devant le tribunal de grande instance de Lille, afin notamment de voir déclarer les informations données sur le coût du crédit abusives, voir annuler la stipulation d'intérêts conventionnels, subsidiairement prononcer la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts, le condamner à restituer le trop-perçu d'intérêts, ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement contradictoire en date du 18 juin 2019, le tribunal a :

- débouté la SCI Phil's de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SCI Phil's aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer au Crédit agricole la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté la banque du surplus de ses demandes.

La SCI Phil's a relevé appel de l'ensemble des chefs du jugement par déclaration reçue par le greffe de la cour le 11 juillet 2019.

[*]

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2019, la SCI Phil's demande à la cour de :

- la recevoir en son recours, le dire bien fondé,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,

- statuer à nouveau,

- déchoir le Crédit agricole de son droit aux intérêts conventionnels,

- substituer l'intérêt légal variant en fonction des évolutions que la loi fait subir à ce taux,

- condamner le Crédit agricole à restituer les intérêts qu'il a perçus excédant l'application de l'intérêt légal, variant en fonction des évolutions que la loi fait subir à ce taux,

- condamner le Crédit agricole à émettre annuellement un tableau d'amortissement pour les échéances futures, appliquant l'intérêt légal, variant en fonction des évolutions que la loi fait subir à ce taux,

- condamner en tout état de cause le Crédit agricole à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Jérémy B., avocat.

[*]

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 décembre 2019 le Crédit agricole demande à la cour de :

- « confirmer » le jugement en ce qu'il a déclaré la SCI Phil's irrecevable en ses demandes,

- déclarer la SCI Phil's irrecevable en ses demandes,

- subsidiairement confirmer le jugement frappé d'appel,

- débouter la SCI Phil's de l'ensemble de ses demandes,

- en tout état de cause,

- condamner la SCI Phil's à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que celle de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 3.500 euros en remboursement de la facture de Monsieur H.,

- la condamner aux entiers frais et dépens.

[*]

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit.

 

Sur l'irrecevabilité pour défaut de fondement :

La banque soulève l'irrecevabilité des demandes de la SCI Phil's au motif que la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts est la sanction civile exclusivement encourue en cas d'erreur affectant le TEG des prêts immobiliers en application des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation.

Or, la SCI Phil's ne demande plus désormais que la déchéance du droit aux intérêts, (alors qu'elle soulevait également la nullité de la stipulation d'intérêts devant le premier juge), de sorte que le moyen d'irrecevabilité n'a pas d'objet, étant rappelé en tout état de cause que la détermination de la sanction applicable aux irrégularités soulevées par les emprunteurs n'est pas une condition de recevabilité de l'action, mais de son succès.

 

Sur l'irrecevabilité pour défaut du droit d'agir :

La banque soutient que l'exception de nullité soulevée par la SCI Phil's n'est pas recevable dans la mesure où elle ne peut jouer que pour faire échec à l'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté, et qu'exécutant le contrat de crédit, la SCI Phil's a ratifié la nullité dont elle se prévaut.

Cependant, cette dernière ne demande pas la nullité de la stipulation d'intérêts, mais la déchéance du droit au intérêts, en sorte que le principe invoqué par la banque ne peut s'appliquer à son action.

 

Sur le fond : Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts :

A titre liminaire, la cour constate qu'elle n'est saisie d'aucune demande aux fins de voir déclarer telle ou telle clause abusive, ni d'aucun moyen au soutien d'une telle demande.

En cause d'appel, la SCI Phil's fait grief à la banque, alors que le prêt était garanti par le nantissement de l'assurance vie Floriane n° 16631882709 d'une valeur de 475.936,43 euros affecté par M. et Mme X., de n'avoir pas inclus dans le coût total du TEG les frais liés à ce produit financier d'un montant de 7.760 euros ; elle ajoute qu'en prenant en compte ces frais, le TEG aurait dû être de 2,84139 % au lieu de 2,7568 % mentionné à l'offre (page 7 de ses conclusions).

L'article L. 312-8-3°du code de la consommation précise que l'offre de crédit immobilier doit indiquer le coût total du crédit et son taux défini conformément à l'article L. 313-1 du même code.

Selon l'article L. 313-1 du code de la consommation : « Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés les intérêts, les frais, les commissions de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois pour l'application des articles L. 312-4 et L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion du contrat. (...) »

Par ailleurs, il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation que la mention dans l'offre de prêt d'un taux effectif global erroné doit être sanctionnée par la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts, lorsque l'inexactitude du taux entraîne, au regard du taux stipulé, un écart supérieur à une décimale prévue par l'article R. 313-1 du code de la consommation, et ce au détriment de l'emprunteur, erreur qu'il appartient à ce dernier de démontrer en application de l'article 9 du code de procédure civile.

En l'espèce, le contrat prévoyait au titre des garanties, outre le cautionnement des époux X., le nantissement d'un contrat d'assurance vie Floriane souscrit à leur nom.

Cependant, ce contrat d'assurance vie a été souscrit le 2 juillet 2012 par les époux X., soit deux ans avant l'offre de crédit acceptée le 21 juillet 2014.

Dès lors que la souscription du contrat d'assurance vie est antérieure à la souscription du crédit, elle ne peut être considérée comme constituant une condition de l'octroi du crédit imposée par la banque, de telle sorte que les frais liés à ce contrat n'avaient pas à être pris en compte pour la détermination du TEG.

En conséquence, la SCI Phil's ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du caractère erroné du TEG mentionné à raison de l'omission de frais, ni de surcroît, la preuve d'une erreur affectant le TEG supérieure à la décimale prévue par l'article R. 313-1 du code de la consommation. Il convient dès lors, confirmant le jugement, de la débouter de sa demande de déchéance du droit aux intérêts et des demandes subséquentes.

 

Sur la demande de dommages et intérêts de la banque :

En application de l'article 1240 du code civil et de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice du droit d'agir en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, une malveillance manifeste ou une légèreté blâmable.

En l'espèce, le Crédit agricole ne démontre pas en quoi la SCI Phil's aurait fait dégénérer son droit d'agir en justice en abus de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la banque de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

 

Sur les demandes accessoires :

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Phil's, qui succombe en son appel, est condamnée aux dépens d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Compte tenu de l'indemnité déjà allouée en première instance, il convient de débouter le Crédit agricole de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et en remboursement des honoraires de son expert amiable M. X.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par Caisse régionale du crédit agricole mutuel Nord de France ;

Déboute la Caisse régionale du crédit agricole mutuel Nord de France de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et en remboursement des honoraires de son expert amiable M. H. ;

Condamne la SCI Phil's aux dépens d'appel.

Le greffier,                                        Le président,

G. Przedlacki                                    S. Collière