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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-4), 29 juin 2021

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-4), 29 juin 2021
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 1 - 4
Demande : 21/00366
Décision : 2021/200
Date : 29/06/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/01/2021
Décision antérieure : CASS. CIV. 2e, 19 janvier 2023
Numéro de la décision : 200
Référence bibliographique : 8261 (1171, domaine, proposition de nouveau contrat), 7137 (L. 442-6, assurance)
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9285

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-4), 29 juin 2021 : RG n° 21/00366 ; arrêt n° 2021/200

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « En matière d'assurance, l'assuré doit connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit et être en mesure de les comprendre. Et, il a été jugé qu'il résulte de l'article L. 113-1 du code des assurances : - d'une part, que les clauses d'exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu'elles doivent être interprétées et qu'elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, - d'autre part, que n'est ni formelle, ni limitée, la clause d'exclusion de garantie qui vide la garantie d'une partie significative ou de la totalité de sa substance. Dans tous les cas, la validité d'une clause d'exclusion de garantie doit être appréciée par le juge par rapport à la définition du risque garanti.

En l'espèce, […]. L'objet de la garantie des pertes d'exploitation suite à une fermeture administrative prévue en page 6 des conditions particulières du contrat est de garantir une indemnisation des pertes financières subies par l'assurée en cas de fermeture administrative l'empêchant de poursuivre son activité, selon deux conditions cumulatives : 1/ la décision de fermeture doit avoir été prise par une autorité administrative compétente, extérieure à l'assurée, 2/ la décision de fermeture doit être « la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ». […].

En l'espèce, comme le soutient pertinemment l'assurée, l'événement contractuellement garanti est bien survenu puisque la fermeture administrative de son établissement a été prononcée par une autorité administrative compétente, extérieure à l'assurée, suite à l'épidémie de coronavirus dit COVID 19, qui est à la fois une maladie contagieuse et une épidémie. Comme l'a exactement estimé le premier juge, la rédaction de la clause d'exclusion de garantie susvisée, notamment dans sa locution finale « pour une cause identique », renvoie nécessairement à la cause de la fermeture administrative garantie, soit « une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication », de sorte que, même si elles ne figurent pas dans la clause d'exclusion, les notions d'épidémie et de maladies contagieuses constituent des conditions de la mise en œuvre de la garantie.

Or, la police souscrite ne contient aucune définition des termes « maladie contagieuse » ou « épidémie » et il résulte des écritures des parties que, contrairement à ce qui est soutenu, la définition du terme « épidémie » n'est ni évidente, ni commune, puisque l'assureur considère qu'une épidémie peut toucher un nombre limité de personnes et être la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement, tandis que pour l'assurée « une maladie contagieuse transformée en épidémie car s'étant propagée » a forcément des conséquences qui touchent un nombre important de personnes « obligeant la fermeture d'autres établissements, au moins un autre » (page 16 de ses écritures). Il s'ensuit que, comme l'a exactement estimé le premier juge, la clause d'exclusion de garantie susvisée nécessite une interprétation quant au sens du terme « épidémie » visé dans la clause d'exclusion comme « cause identique », de sorte qu'elle n'est pas formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1. […].

C'est donc à juste titre que le premier juge a estimé que la clause d'exclusion de garantie susvisée ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances et qu'elle devait être réputée non écrite. En conséquence, le jugement déféré doit être ici confirmé. »

2/ « L'assurée conclut à l'annulation de l'avenant du 17/09/2020 qui lui a été adressé par AXA sur le fondement de l'article L. 442-1 du code de commerce, dans sa version issue de l'ordonnance du 24/04/2019 applicable au litige, selon laquelle « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : (...) 2° de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». […]

Par courrier du 17/09/2020 adressé à la société ZEN PRADO, l'assureur lui a notamment adressé un avenant en lui indiquant « ce contrat (Multirisque Professionnelle) prévoit notamment la prise en charge des pertes d'exploitation dans de nombreuses situations, mais pas lors d'événements généralisés tels que la catastrophe sanitaire majeure que nous traversons. […] »

Contrairement à ce que soutient l'assurée, il n'est nullement établi que la garantie « pertes d'exploitation suite à fermeture administrative » l'a déterminée à contracter cette police multirisque professionnelle couvrant de nombreux risques.

Et, alors que l'assureur a expliqué dans son courrier du 17/09/2020 les raisons pour lesquelles il lui a proposé de signer cet avenant, en attirant particulièrement son attention sur la nécessité d'en prendre connaissance avant d'exprimer sa volonté d'y adhérer ou non en le retournant ou pas dans un délai d'un mois, lui laissant ainsi le temps de réfléchir à cette proposition, de se renseigner auprès de son agent général, et de l'accepter ou pas, il n'est pas davantage établi qu'il a tenté de « soumettre son assurée à des obligations créant des déséquilibres significatifs dans les droits et obligations des parties », l'assurée étant en mesure d'exprimer sa volonté librement, sans que la perspective de la résiliation du contrat, en cas de refus de signer l'avenant, constitue en elle-même un « chantage » ou une « contrainte », dès lors que la résiliation évoquée par l'assureur est prévue par l'article L 113-12 alinéa 4 du code des assurances, selon lequel l'assureur peut résilier le contrat à l'expiration d'un délai d'un an, à la seule condition d'envoyer une lettre recommandée à l'assurée au moins deux mois avant la date d'échéance du contrat. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-4

ARRÊT DU 29 JUIN 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/00366. Arrêt n° 2021/200. N° Portalis DBVB-V-B7F-BGYHU. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 28 décembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le R.G. n° 2020F01187.

 

APPELANTE :

SASU ZEN PRADO prise en la personne de son représentant légal la société SARL CC DEVELOPPEMENT

[...], représentée par Maître Sandra J. de la SCP B.S.-T.J., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assisté par Maître G. Odile avocat au barreau de Marseille

 

INTIMÉE :

SA AXA FRANCE IARD

prise en la personne de son représentant légal en exercice [...], représentée par Maître Françoise B. de la SELARL LEXAVOUE B.C.I., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assisté par Maître O. Pascal avocat au barreau de Paris

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 avril 2021 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia TOURNIER et Mme Sophie LEYDIER chargés du rapport ; ces magistrats ont rendu compte dans le délibéré à la cour composée de : M. Jean-François BANCAL, Président, Mme Patricia TOURNIER, Conseillère, Mme Sophie LEYDIER, Conseillère (rédacteur).

Greffier lors des débats : Mme Priscille LAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 juin 2021.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 juin 2021. Signé par Mme Patricia TOURNIER conseillère pour le président empêché et Mme Priscille LAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige :

La SASU ZEN PRADO exploite un fonds de commerce de restauration à l'enseigne « LE Y. » situé [...].

La SASU ZEN PRADO a souscrit un contrat d'assurance multirisque professionnelle n°3547110304 auprès de la société AXA FRANCE IARD à effet au 19 février 2020.

Le 14 mars 2020, le Ministre des Solidarités et de la Santé prenait un Arrêté « Portant diverses mesures contre la propagation du virus Covid-19 ». Il édictait notamment qu'à compter du 15 mars 2020, les restaurants et débits de boisson n'étaient plus habilités à recevoir du public.

Cette interdiction a été prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020.

La SASU ZEN PRADO a effectué une déclaration de sinistre auprès de la société AXA FRANCE IARD par lettre recommandée avec avis de réception le 27 mai 2020.

Par acte du 9 juin 2020, la SASU ZEN PRADO a fait assigner en référé la société AXA FRANCE IARD devant le Président du tribunal de commerce de Marseille afin d'obtenir le paiement d'une provision de 225.000 € au titre de ses pertes d'exploitation pour la période du 15 mars au 2 juin 2020.

Par ordonnance du 23 juillet 2020, le Président du tribunal de commerce de Marseille a estimé que la clause d'exclusion ne pouvait être opposée car elle n'était ni formelle ni limitée, et vidait la garantie de sa substance. Il a fait partiellement droit à la demande de la SASU ZEN PRADO en condamnant la société AXA FRANCE IARD à lui payer une provision de 66.385 € au titre de ses pertes d'exploitation.

La société AXA FRANCE IARD a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 3 décembre 2020, la chambre 3-1 de la présente cour a réformé cette décision considérant que les demandes de la SASU ZEN PRADO excédaient les pouvoirs du juge des référés.

Deux nouvelles déclarations de sinistre ont été effectuées par LRAR du 09/11/2020, suite au sinistre constitué par la fermeture administrative du 27 septembre au 5 octobre 2020 inclus par arrêté du Préfet des BDR du 27 septembre 2020 et par la fermeture administrative qui a commencé le 30 octobre 2020 suivant l'article 40 du Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de Covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Par acte du 19 novembre 2020, la SASU ZEN PRADO a fait assigner devant le tribunal de commerce de Marseille la société AXA FRANCE IARD afin d'obtenir l'indemnisation de ses pertes d'exploitation.

Elle demandait au tribunal de commerce de Marseille de :

- condamner la société AXA FRANCE IARD à lui payer une indemnité de 225.000 €, avec intérêts au taux légal capitalisés depuis le 27 mai 2020, correspondant aux pertes d'exploitation pour la période du 15 mars au 2 juin 2020,

- condamner la société AXA FRANCE IARD à lui payer une indemnité de 18.750 €, avec intérêts au taux légal capitalisés depuis le 9 novembre 2020, correspondant aux pertes d'exploitation pour la période du 27 septembre 2020 au 5 octobre 2020,

- condamner la société AXA FRANCE IARD à lui payer une indemnité de 75.000 €, avec intérêts au taux légal capitalisés depuis le 9 novembre 2020, correspondant aux pertes d'exploitation à compter du 29 octobre 2020,

- condamner la société AXA FRANCE IARD à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la résistance abusive.

La société AXA FRANCE IARD a conclu principalement à la validité de la clause d'exclusion de garantie et au rejet des demandes formées par son assurée.

Subsidiairement, elle a soutenu que le montant des indemnités pour pertes d'exploitation sollicitées n'était pas conforme aux conditions contractuelles et elle a sollicité une expertise comptable.

Par jugement du 28 décembre 2020 le tribunal de commerce de Marseille a :

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances,

- Déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie libellée en ces termes :

« SONT EXCLUES

- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE. »,

- Condamné la société AXA FRANCE IARD à payer à la SASU ZEN PRADO la somme de 130.000 €, à titre de provision, à valoir sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies lors des fermetures de son établissement du 15 mars au 2 juin 2020, du 27 septembre au 5 octobre 2020 et à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée dans la limite de trois mois, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

Sur le quantum des pertes d'exploitation subies par la SASU ZEN PRADO lors des fermetures de son établissement du 15 mars au 2 juin 2020, du 27 septembre au 5 octobre 2020 et à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée dans la limite de trois mois,

- Désigné B. en qualité d'expert avec principalement pour mission :

* d'évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant les périodes suivantes :

du 15 mars au 2 juin 2020,

du 27 septembre au 5 octobre 2020,

à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à Ia date de réouverture autorisée dans la limite de trois mois,

* d'évaluer le montant des frais supplémentaires d'exploitation pendant la période d'indemnisation,

* d'évaluer le montant des pertes financières,

* d'évaluer le montant des facteurs internes et externes susceptibles d'avoir eu, indépendamment du sinistre, une influence sur l'activité et le chiffre d'affaires,

* de déterminer le montant des charges normales, que du fait du sinistre, la société ZEN PRADO a cessé de payer pendant la période d'indemnisation,

* de chiffrer le montant de la perte de marge brute subie par la société ZEN PRADO pendant les périodes suivantes :

du 15 mars au 2 juin 2020,

du 27 septembre au 5 octobre 2020,

à partir du 30 octobre 2020 jusqu'à la date de réouverture autorisée dans la limite de trois mois,

- Déclaré valable l'avenant soumis à la signature de la société ZEN PRADO SASU,

- Déclaré valable la résiliation intervenue par lettre du 22 octobre 2020 à effet au 1er janvier 2021,

- Débouté la SASU ZEN PRADO de sa demande tendant à ce que la SASU AXA FRANCE IARD soit forcée à poursuivre l'exécution de la police d'assurance aux clauses et conditions stipulées à sa souscription le 20 février 2020,

- Débouté la SASU ZEN PRADO de sa demande en paiement de la somme de 225.000 € correspondant à trois mois de chiffre d'affaires moyen qu'elle ne pourra plus assurer à compter du 1er janvier 2021,

- Condamné la société AXA FRANCE IARD à payer à la SASU ZEN PRADO la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société AXA FRANCE IARD aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article 695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 74,18 €,

- Ordonné l'exécution provisoire,

- Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 11 janvier 2021, la SASU ZEN PRADO a interjeté appel, critiquant essentiellement les chefs du jugement par lesquels elle a été déboutée de ses demandes tendant à l'exécution forcée de la police et en paiement, elle a seulement obtenu une provision, une expertise a été ordonnée, l'avenant soumis à sa signature a été déclaré valable, de même que la résiliation du contrat.

Par déclaration reçue au greffe le 21 janvier 2021, la SA AXA FRANCE IARD a interjeté appel, critiquant essentiellement les chefs du jugement ayant réputé non écrite la clause d'exclusion de garantie invoquée par elle, accordé une provision à son assurée, et désigné un expert avec la mission telle que décrite dans le jugement entrepris.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 4 février 2021.

Par ordonnance du 16 février 2021, l'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 20 avril 2021, avec clôture de l'instruction à la même date.

[*]

Par dernières conclusions avec bordereau de communication de pièces, notifiées par le RPVA le 16 mars 2021, la SASU ZEN PRADO demande à la cour :

Confirmer le jugement du 28 décembre 2020 en ce qu'il a :

- déclaré réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie,

- condamné AXA France IARD à payer l'indemnité pour pertes d'exploitation pour fermeture administrative totale ou partielle consécutive à une épidémie,

- condamné AXA France IARD à payer les frais irrépétibles et les dépens,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- limité le montant de la condamnation à indemnité à une provision de 130.000 €

- désigné un expert pour évaluer le montant de l'indemnité au regard des stipulations des pages 20 et 21 des conditions générales,

- donné mission à l'expert M. B. d'évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute et rejeté ainsi la demande de la SASU ZEN PRADO en fixation de l'indemnisation avec condamnation corrélative au montant du chiffre d'affaires, sur la base du chiffre d'affaires réalisé avant la première période d'arrêt d'activités du 15 mars 2020,

- déclaré valable l'avenant soumis à la signature de la SASU ZEN PRADO,

- déclaré valable la résiliation intervenue par lettre du 22 octobre 2020 à effet au 1er janvier 2021,

- débouté la SASU ZEN PRADO de sa demande tendant à ce que la société AXA FRANCE IARD soit forcée à poursuivre l'exécution de la police d'assurance aux clauses et conditions stipulées à sa souscription le 20 février 2020,

- débouté la SASU ZEN PRADO de sa demande subsidiaire en paiement de la somme de 225.000 € correspondant à trois mois de chiffre d'affaires moyen qu'elle ne pourra plus assurer à compter du 1er janvier 2021,

- implicitement débouté la concluante de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive,

Et pour ce faire,

Condamner AXA FRANCE IARD :

1°/ à exécuter la police d'assurance souscrite par la SASU ZEN PRADO numéro 449401918 couvrant notamment les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture de l'établissement décidée par l'autorité compétente en cas de maladie contagieuse et/ ou d'épidémie,

2°/ à payer à la SASU ZEN PRADO une indemnité de 225.000 € correspondant aux pertes d'exploitation sur trois mois, pour le premier sinistre et la fermeture de mars à juin 2020 avec intérêts au taux légal capitalisés depuis le 27 mai 2020 jusqu'au complet paiement,

3°/ à payer à la SASU ZEN PRADO une indemnité de 18 750 euros correspondant aux pertes d'exploitation sur une semaine pour le sinistre de fermeture du 27 septembre au 5 octobre 2020 avec intérêts au taux légal capitalisés depuis le 9 novembre 2020 jusqu'au complet paiement,

4°/ à payer à la SASU ZEN PRADO une indemnité de 225.000 € correspondant aux pertes d'exploitation sur trois mois pour le sinistre de fermeture du 29 octobre 2020 à ce jour, avec intérêts au taux légal capitalisés depuis le 9 novembre 2020 jusqu'au complet paiement,

5°/ à payer à la SASU ZEN PRADO 50.000 € à titre de dommages intérêts pour le préjudice subi du fait de sa résistance abusive à l'application du contrat,

Par application et sur le fondement des dispositions des articles 1190 du code civil (anciennement 1162), 1171 du même code, L. 442-1 et L. 442-4 du code de commerce, 1221 du code civil (anciennement 1184 alinéa 2) :

1°/ prononcer la nullité de l'avenant au contrat d'assurance en date du 17 septembre 2020, nul et de nul effet,

2°/ prononcer l'annulation de la résiliation, notifiée du fait de la non régularisation de cet avenant, de la police d'assurance numéro 449401918 couvrant notamment les pertes d'exploitation consécutives à la fermeture de l'établissement décidée par l'autorité compétente en cas de maladie contagieuse et/ ou d'épidémie,

3°/ condamner AXA FRANCE IARD à poursuivre l'exécution de la police d'assurance numéro 449401918 aux clauses et conditions stipulées à sa souscription le 20 février 2020,

Condamner la compagnie AXA FRANCE IARD à payer à la SASU ZEN PRADO la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle l'a contrainte à exposer,

Subsidiairement, « la condamner à payer à la concluante la somme de 225.000 € à titre d'indemnité pour le préjudice subi du fait du caractère abusif de la résiliation de la police et la perte d'une chance d'être indemnisée de nouveaux sinistres de pertes d'exploitation pour fermetures administratives en raison de l'épidémie de coronavirus après »

La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Maître Sandra J. de la SCP B.S.T. & J. qui y a pourvu.

[*]

Par dernières conclusions avec bordereau de communication de pièces, notifiées par le RPVA le 15 avril 2021, la SA AXA FRANCE IARD demande à la cour :

Vu l'article 562 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1103, 1170, 1171 et 1188 et suivants du Code civil,

Vu l'article L. 113-1 du Code des assurances,

A TITRE PRINCIPAL :

INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :

- Considéré que la clause d'exclusion ne serait ni formelle ni limitée au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances et qu'AXA FRANCE IARD devra garantir la société ZEN PRADO au titre de la perte d'exploitation de son activité de restauration

- Condamné AXA FRANCE IARD à payer à la société ZEN PRADO, à titre de provision, la somme de 130.000 €,

- Ordonné une expertise judiciaire et nommé à cette fin Monsieur B. avec la mission telle que décrite dans le jugement entrepris,

- Condamné AXA FRANCE IARD à payer à la société ZEN PRADO la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné AXA FRANCE IARD aux entiers dépens.

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :

- Jugé valable la résiliation du contrat d'assurance intervenue par lettre du 22 octobre 2020 à effet du 1er janvier 2021 et débouté la société ZEN PRADO de sa demande de poursuite du contrat d'assurance au-delà du 1er janvier 2021 et de sa demande de condamnation,

ET STATUANT A NOUVEAU,

- JUGER que la clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du Code des assurances en ce qu'elle est claire et ne laisse pas de place à l'incertitude,

- JUGER que la clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'AXA France IARD de sa substance,

En conséquence,

- DECLARER applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie,

- DEBOUTER la société ZEN PRADO de sa demande de condamnation à l'encontre d'AXA FRANCE IARD,

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- REFORMER le jugement entrepris sur la mission confiée à l'Expert judiciaire,

STATUANT A NOUVEAU,

- ORDONNER que l'Expert judiciaire aura pour mission de :

* Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'Assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années,

* Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,

* Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance et se rapportant uniquement à l'activité de restauration, en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable à chaque sinistre :

- du 15 mars au 1er juin 2020 inclus,

- du 27 septembre au 4 octobre 2020 inclus,

- du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021 inclus,

* Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires ; charges variables) incluant les charges salariales, les économies réalisées,

* Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'Assurée

* Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- DECLARER irrecevable la demande de condamnation pour résistance abusive formée par la société ZEN PRADO et, à tout le moins,

- DEBOUTER la société ZEN PRADO de cette demande,

- CONDAMNER la société ZEN PRADO à payer à AXA FRANCE IARD la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la garantie perte d'exploitation en cas de fermeture d'un établissement pour épidémie :

En application de l'article 1170 du Code civil, dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016 : « Toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».

En outre, en vertu de l'article 1171 alinéa premier du même code, dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016 :

« Dans un contrat d'adhésion toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite ».

L'article L 113-1 alinéa premier du code des assurances dispose que :

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».

Enfin, lorsqu'il s'agit d'interpréter un contrat, dans le doute, il convient de privilégier l'interprétation favorable au débiteur, et, lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l'emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun (articles 1190 et 1191 du code civil).

En matière d'assurance, l'assuré doit connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit et être en mesure de les comprendre.

Et, il a été jugé qu'il résulte de l'article L. 113-1 du code des assurances :

- d'une part, que les clauses d'exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu'elles doivent être interprétées et qu'elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées,

- d'autre part, que n'est ni formelle, ni limitée, la clause d'exclusion de garantie qui vide la garantie d'une partie significative ou de la totalité de sa substance.

Dans tous les cas, la validité d'une clause d'exclusion de garantie doit être appréciée par le juge par rapport à la définition du risque garanti.

En l'espèce, dans les conditions particulières du contrat d'assurance multirisque professionnelle du 20 février 2020, figure, sous le titre 'PERTE D'EXPLOITATION SUITE À FERMETURE ADMINISTRATIVE' (page 6), une garantie des pertes d'exploitation consécutive à une fermeture administrative intervenue notamment à la suite d'une épidémie, ainsi rédigée :

« La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même

2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

Durée et limite de la garantie

la garantie intervient pendant la période d'indemnisation, c'est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de trois mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés ».

A la suite de plusieurs décisions administratives interdisant aux restaurateurs de recevoir du public en raison de l'épidémie de coronavirus, dit Covid 19, et donc de la fermeture administrative en résultant, l'assurée a subi des pertes d'exploitation dont elle demande l'indemnisation.

Cependant, l'assureur dénie toute garantie en invoquant la clause d'exclusion suivante :

« SONT EXCLUES

- LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DECISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L'OBJET, SUR LE MEME TERRITOIRE DEPARTEMENTAL QUE CELUI DE L'ETABLISSEMENT ASSURE, D'UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE ».

L'objet de la garantie des pertes d'exploitation suite à une fermeture administrative prévue en page 6 des conditions particulières du contrat est de garantir une indemnisation des pertes financières subies par l'assurée en cas de fermeture administrative l'empêchant de poursuivre son activité, selon deux conditions cumulatives :

1/ la décision de fermeture doit avoir été prise par une autorité administrative compétente, extérieure à l'assurée,

2/ la décision de fermeture doit être « la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

En l'espèce, comme le soutient pertinemment l'assurée, l'événement contractuellement garanti est bien survenu puisque la fermeture administrative de son établissement a été prononcée par une autorité administrative compétente, extérieure à l'assurée, suite à l'épidémie de coronavirus dit COVID 19, qui est à la fois une maladie contagieuse et une épidémie.

Comme l'a exactement estimé le premier juge, la rédaction de la clause d'exclusion de garantie susvisée, notamment dans sa locution finale « pour une cause identique », renvoie nécessairement à la cause de la fermeture administrative garantie, soit « une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication », de sorte que, même si elles ne figurent pas dans la clause d'exclusion, les notions d'épidémie et de maladies contagieuses constituent des conditions de la mise en œuvre de la garantie.

Or, la police souscrite ne contient aucune définition des termes « maladie contagieuse » ou « épidémie » et il résulte des écritures des parties que, contrairement à ce qui est soutenu, la définition du terme « épidémie » n'est ni évidente, ni commune, puisque l'assureur considère qu'une épidémie peut toucher un nombre limité de personnes et être la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement, tandis que pour l'assurée « une maladie contagieuse transformée en épidémie car s'étant propagée » a forcément des conséquences qui touchent un nombre important de personnes « obligeant la fermeture d'autres établissements, au moins un autre » (page 16 de ses écritures).

Il s'ensuit que, comme l'a exactement estimé le premier juge, la clause d'exclusion de garantie susvisée nécessite une interprétation quant au sens du terme « épidémie » visé dans la clause d'exclusion comme « cause identique », de sorte qu'elle n'est pas formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1.

Au surplus, la clause d'exclusion susvisée n'est nullement limitée puisqu'elle vise :

- tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, la notion 'd'autre établissement' étant particulièrement large,

- le département, soit un territoire géographiquement étendu au sein duquel demeure un nombre important de personnes, même si ce nombre varie en fonction de la densité de la population de chaque département,

de sorte que l'hypothèse de l'assureur selon laquelle cette clause s'appliquerait en cas d'épidémie pour un nombre limité de personnes à l'intérieur d'un seul et unique établissement au sein d'un département rend en réalité la garantie des pertes d'exploitation en cas d'épidémie d'une maladie contagieuse illusoire, et aboutit à la vider de sa substance.

Contrairement à ce que prétend l'assureur, il n'est nullement démontré que c'est par application des clauses litigieuses susvisées qu'il a indemnisé le 21/06/2018 son assuré DEMADE DISTRIBUTION, l'arrêté préfectoral déclarant les bâtiments de cette exploitation de volailles comme étant infectée d'influenza aviaire pris le 09/12/2015 n'ayant pas ordonné une fermeture de cet établissement, mais diverses mesures contraignantes concernant notamment la désinfection des locaux, la limitation des allées et venues des personnes dans l'exploitation, les mesures de protection pour pénétrer dans l'élevage et les modalités d'abattage des animaux (pièce 19).

C'est donc à juste titre que le premier juge a estimé que la clause d'exclusion de garantie susvisée ne satisfaisait pas aux conditions de l'article L. 113-1 du code des assurances et qu'elle devait être réputée non écrite.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici confirmé.

 

Sur l'indemnisation :

En application des conditions particulières du contrat :

« Le contrat se compose des présentes conditions particulières et des conditions générales 690200 Q dont vous (l'assurée) reconnaissez avoir reçu un exemplaire » (page 1),

La Protection financière comprenant la garantie perte d'exploitation renvoie à l'article 2.1 et aux plafonds de garanties indiqués aux conditions générales, et stipule « y compris frais supplémentaires sur une période d'indemnisation de 12 mois » (page 3).

« La garantie intervient pendant la période d'indemnisation, c'est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l'établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de trois mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice.

L'assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés » (page 6).

' »Le montant de la franchise générale est de 1,00 fois l'indice, soit 994,20 euros à la date de souscription.

Votre contrat prévoit aux conditions générales ou dans les dispositions spécifiques des franchises propres à certaines garanties » (page 4).

Les conditions générales concernent au point 2.1 la perte d'exploitation et la perte de revenus et stipulent notamment en page 21 :

Les dommages assurés « selon mention aux conditions particulières, soit la garantie s'exerce pour la perte que vous subissez et pour les frais supplémentaires que vous devez engager, soit elle est limitée à ces seuls frais supplémentaires.

La perte faisant l'objet de la garantie est :

- soit la perte de marge brute que vous subissez durant la période d'indemnisation à la suite de la diminution de votre chiffre d'affaires causée par les événements précédents.

La marge brute est la différence entre: le chiffre d'affaires annuel hors TVA corrigé de la variation des stocks et le total des achats et charges variables (...)

- soit la perte de revenus (ou d'honoraires) professionnels que vous subissez durant la période d'indemnisation à la suite de la diminution de votre activité causée par les événements précédents.

Les frais supplémentaires sont les frais d'exploitation excédant vos charges normales, qu'au cours de la période d'indemnisation vous engagez avec notre accord afin de retrouver ou de maintenir, à la suite des événements concernés, le niveau de marge brute ou de revenus (honoraires) correspondant à votre activité professionnelle garantie »,

et précisent les modalités de calcul de l'indemnité.

Dans la partie finale des conditions générales consacrée aux définitions figure celle de l'indice comme suit « les montants indiqués en nombre de fois l'indice se déterminent en euros en multipliant ce nombre par la valeur de l'indice indiqué aux conditions particulières comme « indice de souscription » ou sur le dernier avis d'échéance principale comme « indice d'échéance » (page 67).

Alors que la garantie « perte d'exploitation suite à fermeture administrative » est une garantie complémentaire faisant partie de la protection financière assurée par la police souscrite, les pertes d'exploitation doivent être calculées selon les conditions prévues en page 21 des conditions générales applicables à toutes les pertes d'exploitation quel que soit l'événement ayant donné lieu à ces pertes.

Il s'ensuit que ce n'est pas par unique référence au chiffre d'affaires que l'indemnité doit être calculée, étant au surplus relevé que le montant de la garantie est limité à 300 fois l'indice, de sorte que les limites d'indemnisation figurant dans le tableau en page 52 des conditions générales ne sont pas applicables en l'espèce, contrairement à ce que soutient l'assurée.

En l'état des pièces produites, c'est à juste titre que le premier juge a ordonné une expertise comptable confiée à Mr B., afin d'évaluer le montant des dommages subis par la SASU ZEN PRADO, constitués par la perte de marge brute pour les trois périodes suivantes :

1/ du 15 mars 2020 au 2 juin 2020,

2/ du 27 septembre 2020 au 5 octobre 2020,

3/ depuis le 30 octobre 2020, jusqu'à la date de réouverture autorisée dans la limite de trois mois,

chacune de ces périodes correspondant à un sinistre ayant fait l'objet de déclarations,

sauf à ajouter à la mission confiée à l'expert les chefs de mission suivants:

- examiner les documents comptables, notamment les bilans et comptes d'exploitation sur les trois années antérieures à chaque sinistre, ainsi que le détail des comptes sur l'année 2020 et jusqu'au 30/01/2021,

- préciser le montant des aides et/ou subventions octroyées par l'Etat à la SASU ZEN PRADO et donner son avis sur l'incidence de ces aides et/ou subventions pour chaque sinistre.

Et, compte tenu des pièces comptables produites par l'assurée (pièces 2, 3 et 7) et de la prolongation de l'arrêté de fermeture concernant le troisième sinistre, portant cette période indemnisable au 30 janvier 2021, il convient d'allouer à la SASU ZEN PRADO une provision de 150.000 euros.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici partiellement infirmé.

 

Sur les demandes d'annulation de l'avenant du 17/09/2020 et de la résiliation du contrat :

L'assurée conclut à l'annulation de l'avenant du 17/09/2020 qui lui a été adressé par AXA sur le fondement de l'article L. 442-1 du code de commerce, dans sa version issue de l'ordonnance du 24/04/2019 applicable au litige, selon laquelle « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : (...) 2° de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Par courrier du 17/09/2020 adressé à la société ZEN PRADO, l'assureur lui a notamment adressé un avenant en lui indiquant « ce contrat (Multirisque Professionnelle) prévoit notamment la prise en charge des pertes d'exploitation dans de nombreuses situations, mais pas lors d'événements généralisés tels que la catastrophe sanitaire majeure que nous traversons.

Face aux questions et frustrations que ces circonstances ont pu causer, nous vous renouvelons tout d'abord notre sincère reconnaissance pour la confiance et la fidélité que vous nous accordez.

Soucieux de continuer à vous accompagner au mieux, nous vous proposons aujourd'hui plusieurs évolutions :

- une modification de certaines garanties : « Perte d'exploitation suite à fermeture administrative » (pour tenir compte de l'évolution du marché de l'assurance, après le déclenchement du confinement face à la pandémie de Covid 19). Les principales modifications sont notamment :

* la couverture de la perte d'exploitation à la suite d'une fermeture administrative, limitée aux événements liés à un décès accidentel, un suicide, un meurtre ou une intoxication alimentaire,

* la couverture de la perte d'exploitation en cas d'impossibilité matérielle d'accéder à vos locaux professionnels, ou de l'interdiction d'y accéder émanant des autorités publiques (...)

* l'ajout d'exclusions relatives aux conséquences d'une épidémie et de manifestations sur la voie publique,

- l'inclusion de la garantie verte : (...)

- la continuité de la franchise générale : offerte au bout de 2 ans sans sinistre.

Nous vous invitons à prendre connaissance de ces évolutions contractuelles, avec soin. Elles vous sont détaillées dans l'avenant à votre contrat, joint au présent courrier, qui s'appliquera dès le 1er/01/2021. Toutes les autres garanties de votre contrat non mentionnées dans l'avenant restent, bien entendu, inchangées. (...)

Il est important que vous preniez connaissance du détail de l'avenant ci-joint et que vous marquiez votre accord en le signant et en nous retournant un exemplaire, avant le 19/10/2020, en vous servant de l'enveloppe T jointe. (...)

Sachez qu'en cas de non-retour de cet avenant signé de votre part, nous ne pourrions plus vous accompagner aux anciennes conditions et procéderions donc à la résiliation de votre contrat à son échéance, conformément à l'article L. 113-12 du code des assurances.

Votre agent général reste à votre écoute pour répondre à vos questions concernant ces modifications (coordonnées reproduites) » (pièce 17 de l'assurée).

L'avenant joint indique notamment en première page « vos garanties modifiées :

La perte d'exploitation, pertes de revenus,

Les exclusions communes,

La perte d'exploitation pour fermeture administrative,

Les définitions » et la date de prise d'effet au 01/01/2021,

en pages 2 et 3 la nouvelle clause relative aux pertes d'exploitation et perte de revenus et les exclusions spécifiques à cette garantie modifiées et complétées excluant notamment en gras l'indemnisation des pertes d'exploitations, des pertes de revenus et des dommages consécutifs à une épidémie, à une pandémie ou à une épizootie ainsi que les frais et pertes, les pertes d'exploitation, les pertes de revenus et les dommages consécutifs aux mesures administratives, aux mesures sanitaires, à la fermeture totale ou partielle ou au retrait d'autorisation administrative, à l'impossibilité, à la restriction ou à la difficulté d'accès qui en résultent, ces exclusions étant stipulées en gras et suivies des définitions des mots « épidémie », « pandémie » et « épizootie », ainsi que la nouvelle clause relative aux pertes d'exploitation suite à fermeture administrative ne faisant plus référence à la maladie contagieuse ou à une épidémie (pièce 18 de l'assurée).

Contrairement à ce que soutient l'assurée, il n'est nullement établi que la garantie « pertes d'exploitation suite à fermeture administrative » l'a déterminée à contracter cette police multirisque professionnelle couvrant de nombreux risques.

Et, alors que l'assureur a expliqué dans son courrier du 17/09/2020 les raisons pour lesquelles il lui a proposé de signer cet avenant, en attirant particulièrement son attention sur la nécessité d'en prendre connaissance avant d'exprimer sa volonté d'y adhérer ou non en le retournant ou pas dans un délai d'un mois, lui laissant ainsi le temps de réfléchir à cette proposition, de se renseigner auprès de son agent général, et de l'accepter ou pas, il n'est pas davantage établi qu'il a tenté de « soumettre son assurée à des obligations créant des déséquilibres significatifs dans les droits et obligations des parties », l'assurée étant en mesure d'exprimer sa volonté librement, sans que la perspective de la résiliation du contrat, en cas de refus de signer l'avenant, constitue en elle-même un « chantage » ou une « contrainte », dès lors que la résiliation évoquée par l'assureur est prévue par l'article L 113-12 alinéa 4 du code des assurances, selon lequel l'assureur peut résilier le contrat à l'expiration d'un délai d'un an, à la seule condition d'envoyer une lettre recommandée à l'assurée au moins deux mois avant la date d'échéance du contrat.

Par LRAR du 22/10/2020 adressé à la société ZEN PRADO, la SA AXA FRANCE IARD lui a indiqué « à défaut d'acceptation, nous sommes amenés à procéder à la résiliation de votre contrat à son échéance anniversaire, soit au 01/01/2021 conformément à L. 113-12 du code des assurances ».

Comme l'a exactement estimé le premier juge, il résulte des dispositions précitées de l'article L 113-12 alinéa 4 du code des assurances, d'ordre public, qu'une partie ne peut être privée de sa faculté de résilier le contrat à son échéance et le fait que cette résiliation soit intervenue après une proposition de signer un avenant non accepté par l'assurée ne constitue pas un « détournement de procédure », puisque l'assureur a la possibilité de résilier le contrat, sans motifs.

En conséquence, le jugement déféré doit être ici confirmé en ce que le premier juge a rejeté les demandes tendant à :

- prononcer la nullité de l'avenant du 17/09/2020 et l'annulation de la résiliation notifiée par l'assureur,

- condamner l'assureur à poursuivre l'exécution de la police d'assurance,

- condamner l'assureur subsidiairement à lui payer la somme de 225.000 euros à titre d'indemnité pour le préjudice subi du fait du caractère abusif de la résiliation et de la perte d'une chance d'être indemnisée de nouveaux sinistres de pertes d'exploitation suite à d'autres fermetures administratives en raison de l'épidémie de coronavirus.

 

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive :

La société ZEN PRADO fait exactement observer que le premier juge a omis de statuer sur sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, et elle réclame la somme de 50.000 euros à ce titre.

Néanmoins, le refus d'indemnisation de l'assureur résulte en l'espèce d'une mauvaise analyse des clauses du contrat, dont il n'est pas démontré qu'elle a été intentionnelle et commise dans le but de porter préjudice à son assurée, de sorte qu'il n'est pas établi que ce refus d'indemnisation est abusif.

En conséquence, la société ZEN PRADO doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Succombant principalement, la SA AXA FRANCE IARD supportera les dépens d'appel et devra régler à la SASU ZEN PRADO une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré, excepté sur le montant de la provision allouée à la SASU ZEN PRADO,

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SASU ZEN PRADO une provision de 150.000 euros à valoir sur l'indemnisation des pertes d'exploitation subies lors de la fermeture de son établissement pour les périodes suivantes :

1/ du 15 mars 2020 au 2 juin 2020,

2/ du 27 septembre 2020 au 5 octobre 2020,

3/ depuis le 30 octobre 2020, jusqu'à la date de réouverture autorisée dans la limite de trois mois,

avec intérêts au taux légal à compter du 28/12/2020,

AJOUTE à la mission confiée à l'expert M. B. les chefs de mission suivants :

- examiner les documents comptables, notamment les bilans et comptes d'exploitation sur les trois années antérieures à chaque sinistre, ainsi que le détail des comptes sur l'année 2020 et jusqu'au 30/01/2021,

- préciser le montant des aides et/ou subventions octroyées par l'Etat à la SASU ZEN PRADO et donner son avis sur l'incidence de ces aides et/ou subventions pour chaque sinistre,

DEBOUTE la société ZEN PRADO de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

CONDAMNE la SA AXA FRANCE IARD à payer à la SASU ZEN PRADO une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA AXA FRANCE IARD aux dépens d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,                            Pour le président empêché,