CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 16 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 16 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Reims (CA), ch. civ. sect. 1
Demande : 21/01089
Décision : 21/606
Date : 16/11/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 31/05/2021
Numéro de la décision : 606
Référence bibliographique : 6241 et 6242 (L. 442-1 C. com., spécialisation des juridictions)
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 9292

CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 16 novembre 2021 : RG n° 21/01089 ; arrêt n° 606 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Il est justifié par la pièce n° 29 produite par l'intimée que la procédure d'injonction de payer engagée devant le tribunal de commerce de Rodez est devenue caduque le 26 janvier 2021 faute pour la société Mateo d'avoir consigné les frais d'opposition au greffe. Il en ressort que cette procédure a été privée de tout effet juridique de sorte qu'aucun aveu judiciaire de renonciation à la clause attributive de compétence au tribunal de commerce de Troyes figurant dans les conditions générales de vente ne peut être opposé au créancier. […]

C'est par conséquent à bon droit que la société Groupe L., ayant décidé alors, comme elle en avait parfaitement le droit, d'utiliser une procédure contradictoire en assignant la société Mateo devant la juridiction des référés pour lui réclamer le paiement de sa créance, a fait le choix de se prévaloir des conditions générales de vente acceptées par son cocontractant qui lui permettaient de saisir le tribunal de commerce de Troyes. C'est par conséquent à juste titre que l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Mateo a été rejetée par le premier juge et la décision sera confirmée sur ce point. »

2/ « S'agissant des désordres et malfaçons reprochés à la société Groupe L., l'article 8.5 des conditions générales de vente opposables à son cocontractant impose de les dénoncer par courrier recommandé avec accusé de réception en précisant la défectuosité invoquée et la quantité de produits affectés. Force est de constater que la société Mateo n'a jamais respecté cette procédure alors que s'il était avéré que les produits étaient effectivement défectueux, une clause des conditions générales de vente prévoyait le remplacement gratuit de ceux-ci.

En tout état de cause, les procès-verbaux de constat d'huissier dressés le 17 mars 2021 qu'elle verse aux débats, qui ne concernent au demeurant que deux magasins, démontrent que les magasins sont dotés des équipements commandés à la société Groupe L. et qu'ils ne révèlent en définitive aucun désordre sinon des défauts mineurs dont il n'est au surplus pas avéré qu'elle en soit à l'origine, les matériels ayant été livrés et installés plus de dix mois auparavant.

Enfin, il ressort de l'article 8.5 des conditions générales de vente que la garantie de la société Groupe L. est strictement limitée à une obligation de remplacement des produits défectueux et qu'il y est expressément précisé qu'elle ne pourra être tenue à aucune indemnisation envers le client pour tout préjudice de quelque nature qu'il soit et à aucun paiement de quelque frais que ce soit.

Il s'en déduit pour le juge de l'évidence qu'est la juridiction des référés que la société Mateo ne peut prétendre à aucune indemnisation.

L'argumentation qu'elle développe tendant à voir cette clause réputée non écrite en ce qu'elle créerait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties qui serait contraire à l'article L 442-1 du code de commerce se heurte à une contestation sérieuse qui excède les pouvoirs de cette juridiction.

La décision sera également confirmée en ce qu'elle a débouté la société Mateo de sa demande reconventionnelle. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE – PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/01089. Arrêt n° 606. N° Portalis DBVQ-V-B7F-FAKS.

 

APPELANTE :

d'une ordonnance rendue le 11 mai 2021 par le Président du TC de Troyes

SAS MATEO

[...], [...], Représentée par Maître Angélique B. de la SCP S.-B.-S., avocat au barreau de l'AUBE et ayant pour conseil Maître C. avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉE :

SAS GROUPE L.

[...], [...], Représentée par Maître Nicolas C. de la SELAS F., avocat au barreau de REIMS

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller, Madame Sandrine PILON, conseiller

GREFFIER : Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier

DÉBATS : A l'audience publique du 5 octobre 2021, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 novembre 2021,

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2021 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société Groupe L. conçoit et fabrique des présentoirs en aluminium destinés à exposer des marchandises.

La société Mateo a pour activité principale le commerce sédentaire et non sédentaire en fruits et légumes, fleurs et plantes vertes, semences et produits du sol, spécialités régionales, vins et liqueurs.

Celle-ci a passé plusieurs commandes auprès de la société Groupe L. pour la fourniture de matériel (notamment des présentoirs, des distributeurs et des vitrines réfrigérées).

La livraison du matériel commandé s'est faite sans que la société Mateo n'émette de réserves et la société Groupe L. a émis à son attention des factures pour un montant de 250.844,54 euros.

La société Mateo a procédé à plusieurs versements pour un montant total de 227.892,09 euros.

Considérant que la société Mateo était toujours redevable à son encontre, la société Groupe L. l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de Troyes par acte extrajudiciaire délivré le 29 janvier 2021.

Dans ses dernières conclusions du 22 avril 2021, la société Groupe L. a demandé au juge des référés :

Vu l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile,

Vu l'article 1103 nouveau du code civil,

- de condamner la société Mateo à payer à la société Groupe L. la somme de 22.652,75 euros à titre de provision, majorée des intérêts au taux de la Banque Centrale Européenne, a son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points, conformément à l'article L. 441-5 du code de commerce, à compter de la mise en demeure du 27 août 2020,

- de condamner la société Mateo au paiement de la somme de 2.265,28 euros au titre de la clause pénale prévue par l'article 9.4 des conditions générales de vente de la société Groupe L.,

- de condamner la société Mateo au paiement de la somme de 120 euros (3 factures restant impayées) pour frais de recouvrement conformément à l'article L. 441-6 alinéa 12 du code de commerce,

- de condamner la société Mateo à payer à la société Groupe L. la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Mateo aux entiers dépens.

[*]

Dans ses dernières conclusions du 26 avril 2021, la société Mateo a demandé au juge des référés :

Vu les articles 100, 101, 872 et 873 du code de procédure civile,

Vu les articles 1231-1, 1355 du code civil,

Avant toute défense, sur la compétence territoriale,

- de dire et juger que la société Groupe L. a renoncé à se prévaloir de la clause attributive de compétence en saisissant préalablement à la présente procédure le tribunal de commerce de Rodez, qui reste donc compétent,

- de se déclarer en conséquence incompétent au profit du tribunal de commerce de Rodez d'ores et déjà saisi,

Sur la litispendance,

- pour une bonne administration de la justice, de dire que le juge des référés près le tribunal de commerce de Troyes se dessaisira au profit du tribunal de commerce de Rodez, déjà saisi de cette affaire, dans le cadre de l'instance enrôlée sous le RG n° 2020 000157,

A défaut,

- de dire et juger qu'il existe une contestation sérieuse dans l'argumentation développée par la société Groupe L. et affectant ses prétentions, qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher,

- de dire n'y avoir lieu à référé et inviter la société Groupe L. à mieux se pourvoir,

- de débouter en conséquence la société Groupe L. de l'intégralité de ses demandes,

Au fond,

- de dire et juger la société Mateo fondée à opposer l'exception d'inexécution à la société Groupe L.,

- de limiter la créance de la société Groupe L. à la somme de 7.638,37 euros,

- de condamner reconventionnellement la société Groupe L. à payer à la société Mateo, par provision, la somme de 37 850 euros à titre de dommages et intérêts,

- d'ordonner la compensation avec les sommes réclamées,

- de condamner en conséquence la société Groupe L. à payer à la société Mateo la somme de 30.211,63 euros,

- de débouter la société Groupe L. de sa demande au titre de la clause pénale (2.265,28 euros),

- de rejeter toutes demandes, fins et prétentions adverses comme injustes et mal fondées,

En tout état de cause,

- de condamner la société Groupe L. au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de procédure.

[*]

Par ordonnance du 11 mai 2021, le juge des référés près le tribunal de commerce de Troyes a :

- reçu la société Groupe L., en ses demandes et l'a déclaré bien fondée,

- débouté la société Mateo de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Mateo à payer à la société Groupe L. la somme de 22.652,75 euros à titre de provision, majorée des intérêts au taux de la Banque Centrale Européenne, à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points, conformément à l'article L. 441-5 du code de commerce, à compter de la mise en demeure du 27 août 2020,

- condamné la société Mateo au paiement de la somme de 2 265,28 euros au titre de la clause pénale prévue par l'article 9.4 des conditions générales de vente de la société Groupe L.,

- condamné la société Mateo au paiement de la somme de 120 euros conformément à l'article L. 441-6 alinéa 12 du code de commerce,

- condamné la société Mateo à payer à la société Groupe L. la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Mateo aux entiers dépens,

[*]

Par déclaration reçue le 31 mai 2021, la société Mateo a formé appel de cette ordonnance.

Par conclusions notifiées le 9 septembre 2021, l'appelante demande à la cour :

Vu les articles 100, 101, 542, 562, 872, 873, 954 et 1408 du code de procédure civile,

Vu les articles 1119, 1231-1, 1356 du code civil,

Vu l'article L. 442-1 du code de commerce,

- de réformer et infirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions,

- d'ordonner la restitution des sommes payées par la société Mateo en exécution de l'ordonnance entreprise,

In limine litis, avant toute défense au fond,

Sur la régularité de l'appel interjeté par la société Mateo,

- de constater que la déclaration d'appel mentionne tous les chefs de l'ordonnance déférée qui sont critiqués,

- de constater que les conclusions de l'appelante mentionnent la demande de réformation et d'infirmation de l'ordonnance dont appel,

- de débouter la société Groupe L. de son argumentation,

- d'accueillir l'appel interjeté par la société Mateo, le dire régulier, recevable et bien fondé,

Sur la compétence territoriale :

- de constater que la société Groupe L. a renoncé à se prévaloir de la clause attributive de compétence en saisissant le tribunal de commerce de Rodez d'une injonction de payer, sans invoquer les dispositions de l'article 1408 du code de procédure civile,

- de se déclarer en conséquence incompétente au profit de la cour d'appel de Montpellier,

A défaut,

- de dire et juger qu'il existe une contestation sérieuse dans l'argumentation développée par la société Groupe L. et affectant ses prétentions, qu'il n'appartenait pas au juge des référés de trancher,

- disant n'y avoir lieu à référé, de réformer la décision entreprise et inviter la société Groupe L. à mieux se pourvoir,

Au fond,

- de déclarer justifiée et bien fondée l'exception d'inexécution opposée par la société Mateo aux demandes de la société Groupe L.,

- de limiter la créance de la société Groupe L. à la somme de 7.638,37 euros,

- de condamner reconventionnellement la société Groupe L. à payer à la société Mateo, par provision, la somme de 37.850 euros à titre de dommages et intérêts,

- d'ordonner la compensation, à due concurrence, entre les créances réciproques respectives des parties,

- de condamner en conséquence la société Groupe L. à payer à la société Mateo la somme de 30.211,63 euros,

- de débouter la société Groupe L. de sa demande au titre de la clause pénale (2.265,28 euros),

- de rejeter toutes demandes, fins et prétentions adverses contraires au présent dispositif comme injustes et mal-fondées,

En tout état de cause,

- de défalquer la somme de 6.000 euros de toute condamnation éventuelle qui viendrait à être prononcée à l'encontre de la société Mateo, somme correspondant à un avoir (articles non commandés) dont l'existence et le bien-fondé ont été reconnus par la société Groupe L., prise en la personne de M. C.,

- de condamner la société Groupe L. au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de procédure.

[*]

Par conclusions notifiées le 14 septembre 2021, la société Groupe L. demande à la cour :

A titre principal, vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile,

- de confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Troyes en date du 11 mai 2021,

Subsidiairement, vu l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile,

Vu l'article 1103 nouveau du code civil,

- de confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Troyes en date du 11 mai 2021,

- de condamner la société Mateo à payer à la société Groupe L. la somme de 22.652,75 euros à titre de provision, majorée des intérêts au taux de la Banque Centrale Européenne, à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points, conformément à l'article L. 441-6 du code de commerce, à compter des mises en demeure du 27 août 2020,

- de condamner la société Mateo au paiement de la somme de 2.265,28 euros au titre de la clause pénale prévue par l'article 9.4 des conditions générales de vente de la société Groupe L.,

- de condamner la société Mateo au paiement de la somme de 120 euros (3 factures restant impayées) pour frais de recouvrement conformément à l'article L. 441-6 alinéa 12 du code de commerce,

- de débouter la société Mateo de toutes ses demandes,

- de condamner la société Mateo à payer à la société Groupe L. la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Mateo aux entiers dépens,

- de condamner la société Mateo à payer à la société Groupe L. le montant des sommes retenues par l'huissier chargé de l'exécution forcée au titre de l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 (tarif des huissiers), modifié par le décret n° 2001-212 du 8 mars 2001, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans l'arrêt à intervenir.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'effet dévolutif de l'appel :

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

En l'espèce, la société Groupe L. invoque l'absence d'effet dévolutif de l'appel au motif que la déclaration d'appel de la société Mateo ne mentionne pas que l'ordonnance doit être infirmée ou annulée.

Elle en déduit que dans ces conditions, la cour n'étant pas saisie d'une demande d'infirmation de l'ordonnance, elle ne pourra que confirmer celle-ci.

C'est à juste titre que la société Mateo lui objecte que l'intimée fait une confusion entre la déclaration d'appel qui doit comporter les chefs du jugement critiqué et le dispositif des conclusions de l'appelant qui doit comporter la mention de l'infirmation ou de l'annulation de la décision pour saisir valablement la cour.

En effet, la seule exigence posée pour que l'effet dévolutif puisse jouer est que la déclaration d'appel énonce les chefs du jugement critiqué.

A l'examen de l'acte adressé à la cour par la société Mateo, il apparaît que tous les chefs du jugement qui sont critiqués y figurent.

A l'examen du dispositif des conclusions de la société Mateo, il apparaît qu'il est sollicité l'infirmation de la décision.

La société Groupe L. sera par conséquent déboutée de sa prétention tendant à voir juger que l'appel est privé de tout effet dévolutif.

 

L'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Mateo :

L'article 1425 du code de procédure civile dispose que devant le tribunal de commerce, la partie qui forme opposition à l'ordonnance d'injonction de payer doit, à peine de caducité de la demande, consigner les frais de l'opposition au greffe.

En l'absence de consignation devant le tribunal de commerce des frais d'opposition à injonction de payer par le créancier, ce dernier retrouve la faculté de recouvrer sa créance par la voie du droit commun, la demande initiale d'injonction de payer étant devenue caduque.

La société Mateo soutient qu'une procédure était pendante devant le tribunal de commerce de Rodez opposant les mêmes parties et pour les mêmes causes et que la société Groupe L., en saisissant ce tribunal d'une requête en injonction de payer, a expressément renoncé, par un aveu judiciaire, à la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales de vente désignant le tribunal de commerce de Troyes et que dès lors, le juge des référés de Troyes aurait dû se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Rodez.

Elle demande par conséquent que cette cour se déclare incompétente au profit de la cour d'appel de Montpellier.

La société Groupe L. a engagé une procédure d'injonction de payer devant le tribunal de commerce de Rodez et était tenue, par les dispositions d'ordre public de l'article 1406 du code de procédure civile, de l'engager devant la juridiction du lieu où la société Mateo a son siège social (Espalion dans l'Aveyron).

Il est justifié par la pièce n° 29 produite par l'intimée que la procédure d'injonction de payer engagée devant le tribunal de commerce de Rodez est devenue caduque le 26 janvier 2021 faute pour la société Mateo d'avoir consigné les frais d'opposition au greffe.

Il en ressort que cette procédure a été privée de tout effet juridique de sorte qu'aucun aveu judiciaire de renonciation à la clause attributive de compétence au tribunal de commerce de Troyes figurant dans les conditions générales de vente ne peut être opposé au créancier.

Il sera ajouté, pour répondre de manière complète à l'argumentation de la société Mateo qui soutient que si la société Groupe L. avait entendu se prévaloir de la clause attributive de compétence, elle l'aurait mentionné dans sa requête en injonction de payer, que l'article 1408 du code de procédure civile ne donne qu'une possibilité au créancier, en cas d'opposition, de demander à ce que l'affaire soit renvoyée devant la juridiction compétente, mais qu'il n'y est pas obligé.

En tout état de cause, la procédure d'injonction de payer étant caduque, il ne peut être reproché au créancier une prétendue omission à ce titre.

C'est par conséquent à bon droit que la société Groupe L., ayant décidé alors, comme elle en avait parfaitement le droit, d'utiliser une procédure contradictoire en assignant la société Mateo devant la juridiction des référés pour lui réclamer le paiement de sa créance, a fait le choix de se prévaloir des conditions générales de vente acceptées par son cocontractant qui lui permettaient de saisir le tribunal de commerce de Troyes.

C'est par conséquent à juste titre que l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Mateo a été rejetée par le premier juge et la décision sera confirmée sur ce point.

 

La contestation sérieuse :

Aux termes de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 873 du même code permet à ce magistrat d'accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

L'appelante fait état d'une contestation sérieuse de la créance sollicitée par la société Groupe L. et invoque plusieurs motifs :

- un retard dans la livraison du matériel sur les trois sites d'Onet Le Château, de Laguiole et de Figeac l'ayant contrainte à fermer provisoirement deux sites,

- un déni de la signature de M. C., seul représentant de la société Mateo, apposée sur les conditions générales de vente prévoyant le paiement d'un acompte à réception de la commande, les devis relatifs aux sites d'Onet Le Château et de Laguiole ne précisant pas davantage l'existence d'un acompte ni même son éventuel montant ;

* elle dénie au surplus sa signature sur l'accusé de réception des trois commandes qu'elle aurait signé le 17 février 2020, lesquelles prévoyaient le versement d'un acompte ;

* elle en conclut qu'il n'a jamais été prévu d'acompte, les devis acceptés n'en faisant nulle mention, que la fabrication du matériel commandé n'était pas subordonnée au versement d'un acompte et qu'il est donc faux de dire, comme l'affirme la société Groupe L., que le versement d'un acompte précis à une date précise était une condition à la bonne exécution de ses obligations.

C'est de parfaite mauvaise foi que l'appelante, qui curieusement, n'a pas invoqué ce point précédemment pour dénier toute opposabilité de la clause attributive de compétence figurant pourtant elle aussi dans les conditions générales de vente, dénie sa signature sur le document qui lui est opposé.

En effet, il est établi par l'extrait kbis que verse aux débats l'intimée que la société Mateo est dirigée par son président, M. C., mais également par un directeur général, M. V. ; par comparaison de signatures, il est démontré que c'est ce dernier, parfaitement habilité à le faire, qui a signé les conditions générales de vente pour le compte de la société Mateo.

Les conditions générales de vente constituent, aux termes de l'article L 441-1 du code de commerce, le socle unique de la négociation commerciale.

L'article 9.2 de celles-ci prévoit qu'un acompte doit être versé pour toute commande selon les modalités suivantes :

Il sera demandé un acompte de 30 % du montant total TTC dès réception de la commande et le solde à réception de la facture.

Pour tout travail sur mesure, l'acompte demandé à la commande est de 50 % du montant total TTC.

Les conditions générales de vente dans leur ensemble sont opposables à la société Mateo de sorte que les contestations qu'elle exprime à ce titre sont inopérantes et il est au surplus fait observer qu'à aucun moment, lorsque les parties ont échangé par mail sur les commandes et que la société Groupe L. a demandé un acompte pour chacune d'entre elles, la société Mateo n'a émis la moindre protestation.

La nécessité de verser un acompte pour chaque commande avec son montant a par ailleurs été rappelée à la société Mateo qui a accepté les devis (pièces n° 7 et 13).

Il en ressort que contrairement à ce que soutient l'appelante, le versement d'un acompte à une date précise était la condition à l'obligation de livraison incombant à la société Groupe L..

La société Mateo se plaint de retards dans la livraison.

Or, l'intimée démontre :

- pour la commande du magasin d'Onet Le Château, que l'acompte exigé n'est parvenu à la société Groupe L. que le 20 mars 2020 alors qu'il devait être versé le 22 janvier 2020 et que la société Mateo ne peut donc soutenir que le délai de livraison était fixé au 3 mars 2020 alors qu'à cette date, elle n'avait pas encore versé d'acompte ;

- pour la commande du magasin de Laguiole, que si la livraison était prévue à partir du 24 mars 2020, la tardiveté du versement de l'acompte le 20 mars 2020 n'a raisonnablement pas permis d'assurer la livraison dans les délais et ce d'autant que la crise sanitaire est venue perturber le bon déroulement des relations contractuelles entre les parties ;

- enfin, pour la commande du magasin de Figeac, l'acompte n'a été versé que le 12 mai 2020 de sorte qu'elle ne peut non plus se plaindre d'un retard de livraison, n'ayant pas assumé son obligation de versement de cet acompte dans le délai imparti.

La société Mateo entend encore voir déduire du montant qui lui est réclamé (22.652,75 euros) les sommes suivantes :

- 1.560 euros pour les frais de transport du mobilier provisoire,

- 7.454,38 euros pour les frais de montage et de démontage du mobilier provisoire,

- 6.000 euros correspondant à un avoir qui devait être établi par la société Groupe L. au titre d'articles récupérés ou facturés en trop ;

Elle demande en conséquence la déduction de ces sommes (au total 15.014,38 euros) du montant réclamé.

Les deux premiers postes de dépenses sont relatifs à un prêt temporaire de matériel dont les modalités, qui résultent d'un accord entre les parties, n'ont jamais été contestées par la société Mateo avant qu'elle soit assignée, les frais de transport et le forfait de main d'œuvre facturés correspondant à un matériel dont il n'est pas contesté qu'il ait été livré.

L'avoir de 6.000 euros effectivement prévu dans un mail échangé entre les parties le 23 avril 2020 était conditionné au fait que les factures de livraison des trois magasins soient réglées en totalité à échéance, ce qui n'a pas été le cas puisqu'après des mises en demeure adressées le 27 août 2020, une instance judiciaire a été nécessaire pour que la société Mateo s'acquitte de son obligation à paiement.

Il n'y a donc pas lieu de déduire les sommes demandées du total de la créance.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Mateo est redevable du reliquat des factures, soit la somme provisionnelle de 22.652,75 euros qu'elle ne justifie pas avoir réglée, somme à laquelle doivent s'ajouter la clause pénale, prévue à l'article 9.4 des conditions générales de vente dont le montant n'apparaît pas manifestement excessif et la pénalité de 120 euros due au titre des frais de recouvrement des trois factures impayées.

La décision sera confirmée sur ce point.

 

La demande reconventionnelle de la société Mateo :

Celle-ci sollicite à titre reconventionnel :

- la somme de 4.500 euros correspondant au non-respect des délais contractuellement fixés sur les trois magasins (2 mois et 1/2, 3 mois et 1 mois de retard) à hauteur de 1 500 euros par magasin,

- la somme de 25.350 euros correspondant à la perte du chiffre d'affaires du magasin d'Onet Le Château pour le mois de mars 2020 (fermeture inutile du 16 au 30 mars 2020),

- la somme de 8.000 euros pour les désordres, malfaçons et désagréments subis,

soit au total la somme de 37.850 euros, de sorte qu'après compensation, c'est la société Groupe L. qui lui est redevable de la somme de 30.211,63 euros.

Sur les deux premiers points, il a été précédemment jugé que la société Mateo ne pouvait imputer à son cocontractant le retard pris dans la livraison des magasins dans la mesure où elle n'avait pas réglé en temps et en heure les acomptes prévus (pour le magasin d'Onet Le Château, l'acompte n'a été reçu que le 20 mars 2020, ce qui en a retardé d'autant la livraison).

S'agissant des désordres et malfaçons reprochés à la société Groupe L., l'article 8.5 des conditions générales de vente opposables à son cocontractant impose de les dénoncer par courrier recommandé avec accusé de réception en précisant la défectuosité invoquée et la quantité de produits affectés.

Force est de constater que la société Mateo n'a jamais respecté cette procédure alors que s'il était avéré que les produits étaient effectivement défectueux, une clause des conditions générales de vente prévoyait le remplacement gratuit de ceux-ci.

En tout état de cause, les procès-verbaux de constat d'huissier dressés le 17 mars 2021 qu'elle verse aux débats, qui ne concernent au demeurant que deux magasins, démontrent que les magasins sont dotés des équipements commandés à la société Groupe L. et qu'ils ne révèlent en définitive aucun désordre sinon des défauts mineurs dont il n'est au surplus pas avéré qu'elle en soit à l'origine, les matériels ayant été livrés et installés plus de dix mois auparavant.

Enfin, il ressort de l'article 8.5 des conditions générales de vente que la garantie de la société Groupe L. est strictement limitée à une obligation de remplacement des produits défectueux et qu'il y est expressément précisé qu'elle ne pourra être tenue à aucune indemnisation envers le client pour tout préjudice de quelque nature qu'il soit et à aucun paiement de quelque frais que ce soit.

Il s'en déduit pour le juge de l'évidence qu'est la juridiction des référés que la société Mateo ne peut prétendre à aucune indemnisation.

L'argumentation qu'elle développe tendant à voir cette clause réputée non écrite en ce qu'elle créerait un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties qui serait contraire à l'article L 442-1 du code de commerce se heurte à une contestation sérieuse qui excède les pouvoirs de cette juridiction.

La décision sera également confirmée en ce qu'elle a débouté la société Mateo de sa demande reconventionnelle.

 

L'article 700 du code de procédure civile :

La décision sera confirmée.

En équité, il y a lieu de condamner la société Mateo à payer à la société Groupe L. la somme de 2 000 euros sur ce fondement.

Succombant en son appel, la société Mateo ne peut prétendre à une indemnité à ce titre.

 

Les dépens :

La décision sera confirmée.

La société Mateo sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, à l'exclusion des frais d'exécution forcée prévus à l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié relatif au tarif des huissiers de justice qui ne sont pas des dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Déboute la société Groupe L. de sa prétention tendant à voir juger que l'appel formé par la sociét Mateo est privé de tout effet dévolutif.

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 11 mai 2021 par le juge des référés du tribunal de commerce de Troyes.

Y ajoutant ;

Condamne la société Mateo à payer à la société Groupe L. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société Mateo de sa demande à ce titre.

Condamne la société Mateo aux dépens de l'instance d'appel, à l'exclusion des frais d'exécution forcée prévus à l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié relatif au tarif des huissiers de justice.

Le greffier                             La présidente