CA PARIS (pôle 1 ch. 9), 3 décembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9299
CA PARIS (pôle 1 ch. 9), 3 décembre 2021 : RG n° 19/00115
Publication : Jurica
Extrait : « Madame X. expose que l'avocat a été dessaisi avant le terme de sa mission et qu'il ne peut se prévaloir de la convention régularisée par les parties, dès lors que la clause de dessaisissement figurant à la convention d'honoraire est abusive et qu'elle doit être réputée non écrite, au motif qu'elle crée un déséquilibre significatif à son détriment, alors que Maître Y est un professionnel, au sens du code de la consommation.
Elle expose, en premier lieu, que le taux horaire standard du cabinet ne figure pas à l'article 5 de la convention et elle soutient que la clause est abusive, dès lors que le taux horaire figurant à la facture est différent de celui qui est indiqué dans la convention.
Mais Madame X. était parfaitement informée du montant du taux standard pratiqué par le cabinet, qui est expressément indiqué à l'article 2 de la convention, tel que rappelé ci-dessus. Et si la facture qui lui a été adressée mentionne deux taux horaires bien inférieurs à ceux qui figurent à la convention, Madame X. n'en subit aucun grief et la diminution du montant de la facture ne peut pas rendre la clause abusive.
Madame X. expose encore que la clause est abusive, dès lors que Maître Y lui demande de régler des diligences qui n'ont pas été exécutées.
Mais il appartient au juge de l'honoraire d'apprécier le temps passé par l'avocat pour effectuer les diligences qu'il décrit, et des diligences injustement comptabilisées ne rendent pas la clause de dessaisissement nulle, mais conduisent seulement à la réduction du montant des honoraires.
Enfin Madame X. soutient que la convention est nulle, car elle lui interdit de solliciter la résiliation de la mission de l'avocat.
Mais le dessaisissement de l'avocat par son client est toujours possible, et est d'ailleurs prévu à l'article 5 de la convention, et seul le montant des honoraires varie, selon que la mission de l'avocat aille ou non à son terme. Ainsi, contrairement à ce que prétend Madame X., il résulte de la combinaison de l'article 1103 du code civil et de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 que la convention d'honoraires prévoyant le montant de l'honoraire de diligence de l'avocat est applicable dès lors qu'elle a prévu les modalités de cette rémunération en cas de dessaisissement avant qu'il ait été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable et le dessaisissement de l'avocat ne rend pas inapplicable la convention qui avait organisé les modalités de paiement de l'honoraire de diligence dans cette hypothèse.
Les honoraires de Maître Y doivent donc être calculés en fonction du temps passé et des diligences effectuées. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 1 CHAMBRE 9
ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00115 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-B7NMT. Décision déférée à la Cour : Décision du 5 février 2019 - Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS – R.G. n° 211/312078.
APPELANTE :
Madame X.
[...], [...], Représentée par Maître Jens W., avocat au barreau de PARIS, toque : P0177
INTIMÉ :
Maître Y.
[...], [...], Représenté par Maître Marie G., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 octobre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Claire DAVID, magistrat honoraire désignée par décret du 17 août 2020 du Président de la République, aux fins d'exercer des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Nina TOUATI, Présidente de chambre, Mme Laurence CHAINTRON, Conseillère, Mme Claire DAVID, Magistrate honoraire.
Greffier, lors des débats : Mme Eléa DESPRETZ
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Nina TOUATI, Présidente de chambre et par Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 28 mars 2011 et les articles 10 et suivants du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 ;
Vu le recours formé par Madame X. auprès du premier président de la cour d'appel de Paris, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 mars 2019, à l'encontre de la décision rendue le 5 février 2019 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, qui a :
- fixé à la somme de 5.000 euros HT le montant total des honoraires dûs à Maître Y,
- constaté qu'un paiement de 2.000 euros HT a déjà été effectué,
- dit en conséquence que Madame X. devra verser à Maître Y la somme de 3.000 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Bâtonnier, soit le10 octobre 2018, outre la TVA au taux de 20 % ;
Vu les conclusions régulièrement notifiées par Madame X. et soutenues à l'audience, aux termes desquelles elle sollicite l'infirmation de la décision du Bâtonnier, le rejet de toute demande d'honoraires et l'octroi de la somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions régulièrement notifiées par Maître Y et soutenues à l'audience, tendant à la confirmation de la décision et à l'octroi de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
La décision du Bâtonnier a été notifiée à Madame X. le 12 février 2019 ; en conséquence, le recours introduit dans les formes et dans le mois de la notification de la décision déférée est recevable.
En mars 2015, Madame X. a saisi Maître Y dans le cadre d'un litige l'opposant à son employeur à la suite de son licenciement survenu le 3 février 2015.
Contrairement à ce que prétend Madame X. dans ses écritures, les parties n'ont signé qu'une seule convention d'honoraires, en date du 12 mai 2015, qui donne mission à l'avocat de conseiller Madame X. « dans les difficultés qu'elle rencontre avec son employeur, en vue d'en rechercher le règlement amiable ou judiciaire », prévoyant en son article 2 un taux horaire de 260 euros HT, à raison de 65 euros HT par unité de temps, l'unité de temps étant égale à 0,25 heure et stipulant que « les diligences de l'avocat seront plafonnées à 3 000 euros HT maximum dans le cadre de la phase de recherche de solution amiable allant jusqu'à l'assistance devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes ».
Il y est ajouté que le taux standard du cabinet s'élève à 105 euros HT par unité de temps, ce qui représente un taux horaire de 420 euros HT.
Il est précisé que si une solution amiable n'est pas trouvée, un budget complémentaire pour la phase contentieuse sera alors établi.
Enfin, un honoraire de résultat a été fixé à 12 % HT du produit net obtenu sur l'ensemble des sommes en litige, sous déduction d'une franchise de 50.000 euros bruts, somme déjà offerte par l'employeur.
Et il est prévu à l'article 5 qu’« en cas de dessaisissement de l'avocat avant l'obtention d'un résultat, les honoraires devront alors être calculés sur la base de l'intégralité du temps passé et au taux horaire standard du cabinet ».
A la suite de l'audience devant le bureau de conciliation qui s'est tenue le 9 décembre 2015, Maître Y a adressé le 11 mai 2016 à Madame X. sa première facture d'honoraires concernant la première phase de son intervention à hauteur de 2.000 euros HT, somme qui a été réglée par Madame X.
Dans son courrier, il ajoute que le montant de ses honoraires pour la phase contentieuse devant le bureau de jugement s'élèvera à un montant forfaitaire de 4.000 euros HT.
Le 16 mai 2017, Maître Y a été informé par un confrère qu'il venait d'être saisi du dossier par Madame X.
Maître Y a alors adressé à Madame X. une facture d'un montant de 5.000 euros HT dus en application de la clause de dessaisissement figurant à la convention d'honoraires, avec cette précision que la somme de 2.000 euros HT avait déjà été réglée.
Son relevé de diligences précise qu'en application de la clause contractuelle de dessaisissement, les diligences ont été calculées au taux horaire de 350 euros pour un avocat associé et de 250 euros pour un avocat collaborateur.
Il précise que de mars 2015 à octobre 2016, l'avocat associé a travaillé 10,25 heures, ce qui représente des honoraires de 3.587 euros HT et l'avocat collaborateur a travaillé sur le dossier pendant 7,5 heures pour 1.875 euros, ce qui représente une somme totale de 5.462 euros, ramenée à 5.000 euros, de laquelle somme il convient de déduire la provision de 2.000 euros HT déjà réglée le 26 mai 2016.
Madame X. réplique que Maître Y n'a pas correctement exécuté sa mission et n'a jamais rédigé les conclusions à destination du bureau de jugement du conseil des prud'hommes et a ainsi contribué au délai excessif de la procédure.
Mais il doit être précisé à ce stade qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de l'honoraire de se prononcer sur une demande tendant à la réparation, par la voie de la diminution des honoraires, de fautes professionnelles ou déontologiques éventuelles de l'avocat, telles qu'elles sont évoquées par Madame X.
Madame X. expose que l'avocat a été dessaisi avant le terme de sa mission et qu'il ne peut se prévaloir de la convention régularisée par les parties, dès lors que la clause de dessaisissement figurant à la convention d'honoraire est abusive et qu'elle doit être réputée non écrite, au motif qu'elle crée un déséquilibre significatif à son détriment, alors que Maître Y est un professionnel, au sens du code de la consommation.
Elle expose, en premier lieu, que le taux horaire standard du cabinet ne figure pas à l'article 5 de la convention et elle soutient que la clause est abusive, dès lors que le taux horaire figurant à la facture est différent de celui qui est indiqué dans la convention.
Mais Madame X. était parfaitement informée du montant du taux standard pratiqué par le cabinet, qui est expressément indiqué à l'article 2 de la convention, tel que rappelé ci-dessus.
Et si la facture qui lui a été adressée mentionne deux taux horaires bien inférieurs à ceux qui figurent à la convention, Madame X. n'en subit aucun grief et la diminution du montant de la facture ne peut pas rendre la clause abusive.
Madame X. expose encore que la clause est abusive, dès lors que Maître Y lui demande de régler des diligences qui n'ont pas été exécutées.
Mais il appartient au juge de l'honoraire d'apprécier le temps passé par l'avocat pour effectuer les diligences qu'il décrit, et des diligences injustement comptabilisées ne rendent pas la clause de dessaisissement nulle, mais conduisent seulement à la réduction du montant des honoraires.
Enfin Madame X. soutient que la convention est nulle, car elle lui interdit de solliciter la résiliation de la mission de l'avocat.
Mais le dessaisissement de l'avocat par son client est toujours possible, et est d'ailleurs prévu à l'article 5 de la convention, et seul le montant des honoraires varie, selon que la mission de l'avocat aille ou non à son terme.
Ainsi, contrairement à ce que prétend Madame X., il résulte de la combinaison de l'article 1103 du code civil et de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 que la convention d'honoraires prévoyant le montant de l'honoraire de diligence de l'avocat est applicable dès lors qu'elle a prévu les modalités de cette rémunération en cas de dessaisissement avant qu'il ait été mis fin à l'instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable et le dessaisissement de l'avocat ne rend pas inapplicable la convention qui avait organisé les modalités de paiement de l'honoraire de diligence dans cette hypothèse.
Les honoraires de Maître Y doivent donc être calculés en fonction du temps passé et des diligences effectuées.
Il résulte de la fiche dressée par Maître Y que de mars 2015 à octobre 2016, des rendez-vous et entretiens téléphoniques avec Madame X. se sont déroulés sur 3 heures, que l'étude des pièces communiquées par Madame X. et par l'avocat adverse a occupé presque 6 heures, que les multiples lettres ou courriers électroniques adressées à Madame X. ou au confrère adverse ont pris plus de 4 heures, que sa présence à l'audience de conciliation et à l'audience de renvoi a pris 4h20.
Ce relevé de diligences indique précisément le temps passé par Maître Y lui-même à hauteur de 10,25 heures et le temps passé par sa collaboratrice pour 7,5 heures.
Cette fiche de diligences démontre encore que Maître Y n'a plus effectué aucune diligence postérieurement à juin 2016, si ce n'est quelques courriers et le déplacement à l'audience de renvoi devant le bureau de jugement le 20 octobre 2016.
Il résulte de toutes ces pièces que les diligences et le temps indiqué par Maître Y sont parfaitement raisonnables au vu du dossier et compte-tenu du taux horaire indiqué, la somme sollicitée à hauteur de 5.000 euros HT est justifiée la décision du Bâtonnier doit en conséquence être purement et simplement confirmé.
L'équité commande de ne pas faire droit à la demande formée par Maître Y sur l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant en dernier ressort, par mise à disposition au Greffe et par décisison contradictoire,
Confirme la décision déférée,
Rejette la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Madame X. aux dépens,
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec accusé de réception.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE