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CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 20 décembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 20 décembre 2021
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 19/02886
Décision : 651/21
Date : 20/12/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/06/2019
Numéro de la décision : 651
Référence bibliographique : 5730 (procédure, appel, demande nouvelle), 5735 (effets, refus de la nullité)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9320

CA COLMAR 1re ch. civ. sect. A), 20 décembre 2021 : RG n° 19/02886 ; arrêt n° 651/21 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Sur ce, la cour relève, tout d'abord que la partie appelante ne sollicite, aux termes de son dispositif dont la cour est seule saisie, en application de l'article 954, précité, du code de procédure civile, que le prononcé de la nullité de la stipulation contractuelle d'intérêts, les demandes subséquentes formées par M. X. résultant, pour leur part, de cette demande.

Or, la demande de M. X., aux termes de ses dernières écritures tend à voir « dire et juger nulle et de nul effet et partant non écrite la clause de stipulation d'intérêt insérée aux contrats de prêt » et, à titre subsidiaire, « prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt contractuelle pour chaque contrat ».

Partant, à supposer que la demande de M. X. formulée à titre principal tende bien à voir réputer non écrite la clause de stipulation d'intérêts de chacun des prêts en cause, ce que la banque ne conteste pas, puisqu'elle conclut à son irrecevabilité, il convient de rappeler que la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses ne s'analyse pas en une demande en nullité.

Pour autant, si aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, l'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Dans ces conditions, la demande en réputé non écrit, en ce qu'elle vise à libérer l'emprunteur de la charge des intérêts, tend aux mêmes fins que la demande en nullité formée devant le premier juge par M. X., et s'avère donc, à ce titre, recevable. ».

2/ « Aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 1, du code de la consommation, tel qu'applicable en la cause, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En l'espèce, il y a lieu de préciser qu'en application des dispositions légales précitées, le caractère abusif d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de trois cent soixante jours, d'un semestre de cent quatre-vingts jours, d'un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d'un mois de trente jours, suppose d'apprécier quels sont les effets de cette clause sur le coût du crédit, et notamment afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Or, il résulte des dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation, applicables en l'espèce que c'est le rapport entre l'année et la périodicité de 365 jours annuels pour un mois normalisé de 30,4166667 qui doit être fixe, soit 12, lequel est équivalent à celui d'une année de 360 jours pour un mois fixé à 30 jours.

Et le rapport mensuel d'une année normalisée qui est de 0,0833 (30,41667/365) est identique que l'on fixe l'année à 360 jours et le mois à 30 jours ou l'année à 365 jours et le mois à 30,4166, ce dont il résulte une absence de préjudice au bénéfice de l'emprunteur, ainsi que l'a, au demeurant, rappelé le premier juge.

C'est donc à juste titre que le premier juge a pu préciser que le montant des intérêts d'un mois serait le même, que l'on utilise la méthode définie pour le prêt immobilier (article R 313-1 II dans sa rédaction de 2010 qui définit une méthode de calcul des intérêts annuellement, divisés par 12) ou celle définie pour les crédits à la consommation de l'article R 313-1 III, ou même par la méthode préconisée par le requérant (intérêts annuels x30/360), les développements de l'appelant quant à l'absence d'application, en l'espèce, de la méthode d'équivalence prévue à l'annexe de l'article précité étant donc sans incidence sur la solution du litige.

À cela s'ajoute, en tout état de cause, que l'appelant, qui se limite à remettre en cause l'existence de cette clause en tant que telle, ne rapporte la preuve d'aucun préjudice subi de ce fait, ni même ne fait état d'une incidence financière réelle et de l'étendue du préjudice en résultant.

Dès lors, il y a lieu d'écarter la demande de M. X. tendant à voir réputée non écrite la stipulation des intérêts contractuels. »

3/ « Afin de permettre au juge de prendre en considération la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l'emprunteur, il apparaît justifié d'uniformiser le régime des sanctions et de juger qu'en cas d'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge (Cour de cassation, 1ère Civ., 10 juin 2020, Bull. 2020, I, pourvoi n° 18-24.287). »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 20 DÉCEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1 A 19/02886. Arrêt n° 651/21. N° Portalis DBVW-V-B7D-HDZH. Décision déférée à la Cour : 16 mai 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG.

 

APPELANT :

Monsieur X.

[...], [...], Représenté par Maître Valérie S., avocat à la Cour

 

INTIMÉE :

SA CAISSE D'ÉPARGNE GRAND EST EUROPE venant aux droits de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance d'Alsace

prise en la personne de son représentant légal [...], [...], Représentée par Maître Thierry C. de la SCP C. G./C. T./B., avocat à la Cour

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 juin 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme PANETTA, Présidente de chambre, et M. ROUBLOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Selon offre en date du 19 février 2014, la Caisse d'Épargne et de Prévoyance d'Alsace, aux droits de laquelle vient la SA Caisse d'Épargne Grand Est Europe, ci-après également dénommée « la Caisse d'Épargne » ou « la banque », a consenti à M. X. deux prêts de montants respectifs de 117.452 euros avec un TEG de 3,59 % l'an et de 110.048 euros avec un TEG de 3,64 %, les deux étant remboursables sur 144 mois.

Estimant, après vérifications, que la base de calcul des taux retenus dans ces prêts par référence à une année « lombarde » de 360 jours serait erronée, M. X. a fait attraire, par assignation délivrée le 1er juin 2018, la banque devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, aux fins, notamment, de voir :

- constater que ces offres de prêt enfreignaient les dispositions légales visées par le code de la consommation,

- prononcer l'annulation des dispositions ayant mis à la charge de l'emprunteur les taux contractuels litigieux,

- ordonner la déchéance des intérêts contractuels et la substitution du taux légal de 0,04 % au taux conventionnel.

Par jugement rendu le 16 mai 2019, le tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté M. X. de ses demandes, le condamnant aux dépens, ainsi qu'à verser à la banque une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, tout en disant le jugement exécutoire par provision et en rejetant les autres demandes.

Le premier juge a, notamment, retenu que :

- il n'était nullement démontré que le calcul des intérêts sur une année de 360 jours, ait été préjudiciable pour le requérant, la clause litigieuse disposant que le calcul des intérêts était effectué à raison de 12 mois de 30 jours, n'étant en soi pas de nature à entraîner un préjudice pour le requérant, à partir du moment où tous les calculs réalisés l'ont été avec un diviseur de « 360 » et non de « 365 »,

- de surcroît, le rapport FinCom déposé à l'appui de la demande écartait l'existence d'une erreur de calcul sur le TEG puisque pour les deux prêts litigieux il précisait qu'il n'y avait aucun écart entre les taux nominaux et les taux mentionnés et appliqués par la banque, le requérant n'ayant donc subi aucun préjudice de ce fait, le seul préjudice financier évoqué par ce rapport portant sur le calcul des intérêts intercalaires pour la période de 19 jours, en ce sens que le cabinet estimait que le requérant aurait trop payé les sommes de 2,34 euros et de 2,45 euros, ce qui en soi ne saurait avoir une incidence sur le bien-fondé du calcul du TEG,

- en tout état de cause il résultait de l'analyse déposée en défense émanant du Cabinet Prim'Act qu'en fait l'établissement prêteur avait bel et bien tenu compte dans ses calculs de détermination du taux d'intérêt et des mensualités, de l'année civile de 365 jours, ce qui prouvait que la référence dans les contrats de l'existence d'une clause lombarde était sans aucune incidence,

- enfin, concernant les intérêts intercalaires, il y avait lieu de rappeler que seul l'emprunteur était maître de cette période qui en l'espèce avait duré 18 jours, ou 19 jours, et qu'alors la banque ne pouvait pas intégrer dans le calcul de son TEG les intérêts qui doivent être facturés au titre de cette période dont la durée était fixée de manière unilatérale par l'emprunteur après la délivrance des fonds.

* * *

M. X. a interjeté appel de cette décision, par déclaration déposée le 20 juin 2019.

Dans ses dernières conclusions en date du 6 janvier 2020, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de :

« - Dire et juger nulle et de nul effet et partant non écrite la clause de stipulation d'intérêt insérée aux contrats de prêt dits « PRIMO I FIXE OFFRE PACKAGE IMMO » n° 9358447 et 'PRIMOLIS OFFRE PACKAGE IMMO 2 PH' n° 9358448 souscrits par M. X. auprès de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE.

En conséquence,

- Dire que le taux d'intérêt légal se substituera au taux initialement convenu.

- Condamner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE à restituer à Monsieur X. la différence entre les intérêts au taux conventionnel perçus depuis l'origine et ceux résultant de l'application du taux d'intérêt légal applicable année après [année] ou semestre après semestre et ce jusqu'à parfait paiement.

- Condamner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE à remettre à Monsieur X. un nouveau tableau d'amortissement intégrant les nouveaux taux du crédit conforme au taux d'intérêt légal applicable et ce sous astreinte de 300,00 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de la décision à intervenir et ce pendant un mois.

A TITRE SUBSIDIAIRE : (...)

- Déclarer Monsieur X. recevable et fondé en son appel.

Y faisant droit.

- Réformer en toutes ses dispositions le Jugement rendu le 16 mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg.

Statuant à nouveau :

- Débouter la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE de l'ensemble de ses fins, moyens, conclusions et appel incident.

- Constater que le taux d’intérêt des contrats de prêts dits « PRIMO I FIXE OFFRE PACKAGE IMMO » n° 9358447 et « PRIMOLIS OFFRE PACKAGE IMMO 2 PH » n°9358448 tels qu'acceptés par Monsieur X. est calculé sur une base illicite.

En conséquence,

- Prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt contractuelle pour chaque contrat.

- Condamner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE à payer à Monsieur X. la différence entre les intérêts effectivement perçus pour chaque prêt au taux contractuel depuis leur origine et ce jusqu'au terme des contrats au taux légal de 0,04 %.

- Condamner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE à remettre à Monsieur X. un nouveau tableau d'amortissement intégrant le taux légal appliqué ce sous astreinte de 300,00 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir et ce pendant un mois.

- Condamner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE à payer à Monsieur X. la somme de 6.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE D'ALSACE aux entiers dépens qui comprendront l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L.111 8 du Code des Procédures Civiles d'Exécution, conformément aux dispositions de l'article R.631 4 du Code de la Consommation et qui seront recouvrés par Maître Valérie S., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »

À l'appui de ses prétentions, il invoque notamment :

- à titre principal, le caractère abusif de la clause relative à l'usage de l'année bancaire, ce qui ne constituerait pas une prétention nouvelle à hauteur de cour, comme visant à obtenir la substitution du taux légal au taux contractuel, au même titre que la demande en annulation de la stipulation d'intérêts, ce caractère abusif résultant, notamment, de ce que ces clauses ne permettraient pas au consommateur d'être à même de comprendre la différence existant entre ce mode de calcul des intérêts sur une base « lombarde » et celui résultant de l'utilisation de l'année légale de 365 jours, et priveraient le même consommateur de la possibilité d'évaluer le surcoût susceptible de résulter de cet usage de l'année bancaire,

- l'irrégularité des deux contrats de prêts, du fait du calcul des intérêts sur une base de 360 jours, ce que confirmerait l'analyse financière, alors que le code de la consommation le proscrit, et que le mois normalisé ne serait pas applicable aux crédits immobiliers comme celui en cause,

- la sanction de cette irrégularité par la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, qui serait validée par la jurisprudence, en l'absence de surcroît d'application rétroactive de l'ordonnance du 17 juillet 2019 qui aurait pour conséquence de valider rétroactivement des contrats irréguliers, ce qui serait interdit au regard de l'article 2 du code civil et contreviendrait aux règles européennes exigeant des sanctions effectives et dissuasives, dans le respect de l'espérance légitime pour l'emprunteur, d'obtenir la substitution du taux légal au taux contractuel, et à défaut, en tout état de cause d'application de cette ordonnance aux instances en cours.

* * *

La SA Caisse d'Épargne Grand Est Europe s'est constituée intimée le 25 juin 2019.

Dans ses dernières écritures déposées le 28 mai 2020, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, elle conclut au rejet de l'appel principal « comme étant irrecevable et non fondé », ainsi qu'à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il n'a pas prononcé l'irrecevabilité de la demande en nullité, et à sa confirmation pour le surplus, sollicitant la condamnation de M. X. aux dépens de l'appel, ainsi qu'à lui payer la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour sa part, elle entend, notamment, invoquer :

- l'irrecevabilité de la demande adverse, en l'absence de fondement d'une demande en nullité, la jurisprudence retenant l'application des dispositions spéciales du code de la consommation, sans qu'une distinction artificielle ne puisse s'opérer entre offre de prêt et contrat de prêt, et le législateur ayant consacré ce principe dans l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, applicable aux instances en cours si la sanction est moins sévère que l'application des sanctions civiles existantes, l'irrecevabilité de la demande relative à la clause abusive, présentée pour la première fois à hauteur de cour, étant également invoquée,

- le calcul effectif des intérêts sur une année civile, donc sur une période de 365 jours ou 12 mois normalisés, et non quotidiennement, la clause critiquée étant une clause de rapport financier, et la clause 30/360 étant par conséquent légale, et les calculs adverses non conformes aux textes, alors que le montant des intérêts figurant dans le tableau d'amortissement prévisionnel est bien calculé conformément au taux d'intérêt fixé dans l'offre, sur la base d'un mois normalisé, l'emprunteur n'ayant donc été induit en erreur ni sur le TEG, ni sur le taux d'intérêt conventionnel, fixé dans l'acte de prêt et convenu entre les parties, ni sur le calcul des échéances d'intérêt,

- l'absence de preuve par le demandeur, auquel elle incombe, du non-respect du mode de calcul du taux, le document adverse démontant la conformité des taux à ceux mentionnés dans l'offre et ne faisant que relever une différence minime portant sur une période de 18 jours, limitée au volet du préfinancement et laquelle n'aurait de toute manière qu'une incidence infime sur le TEG, à l'exclusion de tout préjudice établi au détriment de l'emprunteur,

- la démonstration du respect du calcul sur la base d'une fraction d'année et donc de l'année civile, par le rapport de l'actuaire Prim'Act, le calcul ne pouvant tenir compte du nombre de jours exacts dans le mois, compte tenu des obligations pesant sur l'établissement bancaire, qui doit « lisser » le nombre de jour de chaque mois, dès lors que la date de déblocage du prêt et partant, de la mise en amortissement est à la seule main de l'emprunteur,

- l'absence d'impact de la période de préfinancement et des intérêts intercalaires sur la période de mise en amortissement, que ce soit sur le capital, qui n'est pas mis en amortissement, ou sur les intérêts dus sur la période de préfinancement, lesquels ne portent que sur les sommes réellement débloquées au bon vouloir de l'emprunteur,

- l'absence d'impact de la période de préfinancement sur le TEG, les intérêts et frais portant sur cette période étant indéterminables et n'étant donc pas intégrés au TEG, et l'information de l'emprunteur étant parfaite, dès lors qu'il lui est indiqué que le TEG mentionné est calculé en partant de l'hypothèse que les fonds sont immédiatement et intégralement débloqués en une seule fois après la signature du prêt, faisant ainsi débuter la phase d'amortissement, et que l'article 7 des conditions générales du prêt stipule clairement les dispositions applicables en cas de déblocage et le calcul des intérêts prorata temporis,

- en tout état de cause, indépendamment de la tolérance de la décimale, l'impossibilité pour l'emprunteur de réclamer la nullité de la stipulation d'intérêts en raison d'une erreur de calcul du TEG lorsque le TEG figurant dans le contrat de prêt est plus élevé que celui calculé par l'emprunteur, l'erreur étant ainsi en sa faveur et venant au détriment de la banque,

- l'absence d'impact financier suffisant, au titre de la seule critique résultant du document adverse, résidant dans la différence entre ces jours utilisés dans le cadre de la période de préfinancement, rapportés sur 360 ou 365 jours,

- l'absence de clause abusive, la recommandation de la commission des clauses abusives, dont il est fait état par la partie adverse, ne trouvant à s'appliquer qu'en matière de convention de dépôts et nullement dans le cas d'une clause de stipulation d'intérêts, laquelle est une clause de rapport ou d'équivalence financière, ayant pour objet de fixer les rapports à retenir pour le calcul des échéances périodiques du prêt et donc ni pour objet, ni pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de prêt,

- l'absence de tout préjudice pour l'appelant,

- le cas échéant, la seule sanction d'une faute par l'allocation de dommages-intérêts en cas d'erreur de calcul des intérêts, et, s'il existait des irrégularités dans le calcul des intérêts conventionnels par la banque du fait de la présence de la clause critiquée dans la documentation contractuelle et s'il devait être considéré que ces erreurs se rapportent alors au contenu de l'offre de prêt, la déchéance du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge en tenant compte de l'absence de préjudice pour l'emprunteur.

* * *

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 5 mai 2021 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 2 juin 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

La cour entend, au préalable, rappeler que :

- aux termes de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion,

- ne constituent pas des prétentions, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, les demandes des parties tendant à « dire et juger » ou « constater », en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

 

Sur la recevabilité de la demande en nullité de la stipulation d'intérêt :

La cour observe, sur ce point, que M. X., qui invoque, à titre principal le caractère abusif de la clause relative à l'usage de l'année bancaire, tout en faisant valoir, à titre subsidiaire, que l'irrégularité affectant, selon lui, les deux contrats, entraînerait nécessairement la perte du droit de la banque aux intérêts conventionnels.

La Caisse d'Épargne entend, pour sa part, invoquer l'irrecevabilité de la demande adverse en nullité, et ce à trois titres :

- l'application, exclusive de celle de l'article 1907 du code civil, des dispositions spéciales d'ordre public de l'article L. 312-33 du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, non sollicitée en l'espèce, comme seule sanction d'un calcul erroné des intérêts conventionnels et/ou du TEG,

- l'application, en tout état de cause, de l'ordonnance du 17 juillet 2019, s'agissant d'une action introduite avant la publication de l'ordonnance, mais prévoyant une sanction présentant un caractère de sévérité moindre que celles précédemment en vigueur, ce qui exclurait le prononcé de la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels pour sanctionner le formalisme de l'offre de prêt,

- la sanction d'une clause abusive uniquement par son caractère réputé non écrit, et partant la nouveauté de la demande formée à ce titre par M. X.

Sur ce, la cour relève, tout d'abord que la partie appelante ne sollicite, aux termes de son dispositif dont la cour est seule saisie, en application de l'article 954, précité, du code de procédure civile, que le prononcé de la nullité de la stipulation contractuelle d'intérêts, les demandes subséquentes formées par M. X. résultant, pour leur part, de cette demande.

Or, la demande de M. X., aux termes de ses dernières écritures tend à voir « dire et juger nulle et de nul effet et partant non écrite la clause de stipulation d'intérêt insérée aux contrats de prêt » et, à titre subsidiaire, « prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt contractuelle pour chaque contrat ».

Partant, à supposer que la demande de M. X. formulée à titre principal tende bien à voir réputer non écrite la clause de stipulation d'intérêts de chacun des prêts en cause, ce que la banque ne conteste pas, puisqu'elle conclut à son irrecevabilité, il convient de rappeler que la demande tendant à voir réputer non écrites les clauses litigieuses ne s'analyse pas en une demande en nullité.

Pour autant, si aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, l'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Dans ces conditions, la demande en réputé non écrit, en ce qu'elle vise à libérer l'emprunteur de la charge des intérêts, tend aux mêmes fins que la demande en nullité formée devant le premier juge par M. X., et s'avère donc, à ce titre, recevable.

S'agissant de la demande formée, à titre dorénavant subsidiaire, en nullité des clauses litigieuses, il convient de relever que la contestation soulevée par la banque, quant à l'applicabilité de cette sanction relève de l'examen du fond du litige et non d'une fin de non-recevoir.

 

Sur le caractère abusif de la clause de stipulation d'intérêts :

Aux termes de l'article L. 132-1, alinéa 1, du code de la consommation, tel qu'applicable en la cause, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En l'espèce, il y a lieu de préciser qu'en application des dispositions légales précitées, le caractère abusif d'une clause prévoyant un calcul des intérêts sur la base d'une année de trois cent soixante jours, d'un semestre de cent quatre-vingts jours, d'un trimestre de quatre-vingt-dix jours et d'un mois de trente jours, suppose d'apprécier quels sont les effets de cette clause sur le coût du crédit, et notamment afin de déterminer si elle entraîne ou non un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Or, il résulte des dispositions de l'article R. 313-1 du code de la consommation, applicables en l'espèce que c'est le rapport entre l'année et la périodicité de 365 jours annuels pour un mois normalisé de 30,4166667 qui doit être fixe, soit 12, lequel est équivalent à celui d'une année de 360 jours pour un mois fixé à 30 jours.

Et le rapport mensuel d'une année normalisée qui est de 0,0833 (30,41667/365) est identique que l'on fixe l'année à 360 jours et le mois à 30 jours ou l'année à 365 jours et le mois à 30,4166, ce dont il résulte une absence de préjudice au bénéfice de l'emprunteur, ainsi que l'a, au demeurant, rappelé le premier juge.

C'est donc à juste titre que le premier juge a pu préciser que le montant des intérêts d'un mois serait le même, que l'on utilise la méthode définie pour le prêt immobilier (article R 313-1 II dans sa rédaction de 2010 qui définit une méthode de calcul des intérêts annuellement, divisés par 12) ou celle définie pour les crédits à la consommation de l'article R 313-1 III, ou même par la méthode préconisée par le requérant (intérêts annuels x30/360), les développements de l'appelant quant à l'absence d'application, en l'espèce, de la méthode d'équivalence prévue à l'annexe de l'article précité étant donc sans incidence sur la solution du litige.

À cela s'ajoute, en tout état de cause, que l'appelant, qui se limite à remettre en cause l'existence de cette clause en tant que telle, ne rapporte la preuve d'aucun préjudice subi de ce fait, ni même ne fait état d'une incidence financière réelle et de l'étendue du préjudice en résultant.

Dès lors, il y a lieu d'écarter la demande de M. X. tendant à voir réputée non écrite la stipulation des intérêts contractuels.

 

Sur la nullité de la clause d'intérêts :

Il y a lieu de rappeler qu'il résulte de l'application combinée des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable en la cause, s'agissant de la version antérieure à l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016, que pour des emprunteurs personnes physiques bénéficiaires des dispositions du code de la consommation, en cas d'inexactitude du taux effectif global d'au moins une décimale dans l'offre de prêt, la sanction est la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

Si, pour les contrats souscrits postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un acte de prêt, le prêteur n'encourt pas l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur, pour les contrats souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, la loi ne prévoit pas de sanction expresse, exception faite de l'offre de prêt immobilier et du crédit à la consommation.

Afin de permettre au juge de prendre en considération la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l'emprunteur, il apparaît justifié d'uniformiser le régime des sanctions et de juger qu'en cas d'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge (Cour de cassation, 1ère Civ., 10 juin 2020, Bull. 2020, I, pourvoi n° 18-24.287). La nullité de la stipulation d'intérêts sollicitée, au motif que les TEG retenus dans ces contrats de prêt seraient erronés en ce sens qu'ils auraient été calculés en prenant comme référence une année lombarde de 360 jours et non pas une année civile, outre qu'elle concerne une offre de prêt immobilier qui était, en tout état de cause, déjà régie par les dispositions précitées de l'article L. 312-8 du code de la consommation, n'est, au regard de la seule sanction applicable en la cause, pas encourue, de sorte que M. X. sera débouté de sa demande de ce chef, ce qui implique la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. X. succombant pour l'essentiel sera tenu des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge de M. X. une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de la Caisse d'Épargne, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Déclare M. X. recevable en ses demandes,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Strasbourg,

Y ajoutant, Déboute M. X. de sa demande tendant à voir réputée non écrite la clause de stipulation d'intérêt insérée aux contrats de prêt dits « PRIMO I FIXE OFFRE PACKAGE IMMO » n° 9358447 et « PRIMOLIS OFFRE PACKAGE IMMO 2 PH » n° 9358448,

Condamne M. X. aux dépens de l'appel,

Condamne M. X. à payer à la SA Caisse d'Épargne Grand Est Europe la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. X.

La Greffière :                                   la Présidente :