CA DIJON (1re ch. civ.), 18 janvier 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9343
CA DIJON (1re ch. civ.), 18 janvier 2022 : RG n° 21/00324
Publication : Jurica
Extrait : « L'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable, énonce que « l'écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d'années. Une année compte 365 jours, ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,41666 jours (c'est-à-dire 365/12), que l'année soit bissextile ou non. » C'est à M. X. de démontrer que le taux conventionnel de chacun des prêts a été déterminé par application de l'année lombarde.
Cette preuve ne résulte pas de l'expertise non contradictoire établie par M. H., dès lors que celui-ci ne procède à aucun moment au calcul des intérêts par application des mois normalisés, comme le prévoient l'article R. 313-1 et son annexe, de sorte que les conclusions auxquelles il aboutit sont nécessairement faussées.
Elle ne ressort pas plus de l'expertise judiciaire réalisée dans le cadre d'une autre procédure opposant les mêmes parties au sujet de deux autres prêts immobiliers. D'une part, cette expertise concerne des contrats différents de ceux objets du présent litige. Ensuite, et en tout état de cause, force est de constater que l'expert judiciaire ne conclut pas à l'utilisation par la banque de l'année lombarde, mais à l'utilisation de la méthode dite du mois normalisé, dont il précise qu'elle est arithmétiquement identique. Or, cette identité arithmétique ne suffit bien évidemment pas à rendre irrégulière l'application du calcul selon la méthode des mois normalisés, qui s'impose au contraire, comme résultant de la stricte application des textes régissant la matière.
M. X. produit enfin une expertise non contradictoire réalisée à sa demande par Mme P., et portant sur les quatre prêts qu'il a souscrits auprès du Crédit Agricole. Cette expertise conclut pour chaque prêt à l'utilisation de l'année lombarde par l'analyse des échéances dites brisées, c'est-à-dire celles ne portant pas sur un mois entier. Or, comme le fait observer la banque, compte tenu de leur spécificité, le calcul de telles échéances n'est pas représentatif du calcul des intérêts pour toute la durée du prêt. Surtout, il ne résulte aucunement de cette étude que, s'agissant des deux emprunts litigieux, la prise en compte du taux appliqué aux échéances brisées ait eu pour conséquence de faire s'écarter le taux des prêts de plus d'une décimale du taux conventionnellement stipulé, les calculs effectués par Mme P. conduisant, sur la durée totale des prêts, à une différence de quelques euros seulement, savoir 3,90 euros pour le prêt de 70.000 euros et 8,56 euros pour celui de 93.000 euros. Il sera au demeurant observé à cet égard que M. X. est totalement taisant sur la réalité et le quantum du préjudice qu'il aurait subi du fait de l'irrégularité qu'il invoque.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts, étant d'ailleurs relevé que celle-ci ne constitue pas la sanction pertinente de l'inexactitude du taux. En effet, l'article L. 312-33 du code de la consommation dispose que le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts conventionnels, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, lorsqu'il ne respecte pas l'une des obligations prévues par les articles L. 312-7, L. 312-8, L. 312-14 2ème alinéa ou L. 321-26, étant rappelé que l'article L. 312-8 exige lui-même que le taux d'intérêts soit défini conformément à l'article L. 313-1.
Bien que M. X. ne l'invoque pas expressément, la nullité n'est pas plus encourue sur le fondement de la clause abusive, comme l'a retenu le premier juge, l'absence d'impact de l'irrégularité invoquée ne pouvant être à l'origine d'un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur. »
COUR D’APPEL DE DIJON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 18 JANVIER 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/00324. N° Portalis DBVF-V-B7F-FUU6. Décision déférée à la Cour : jugement du 30 novembre 2018, rendu par le tribunal de grande instance de Besançon – R.G. n° 17/00049 après cassation de l'arrêt de la Cour d'appel de Besançon rendu le 7 mai 2019 – R.G. n° 19/102 par arrêt de la Cour de Cassation du 3 février 2021 - Pourvoi n° V 19-21.599.
APPELANT :
LE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE FRANCHE-COMTÉ
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, son Directeur Général domiciliés en cette qualité au siège : [...], [...], représenté par Maître Anne-Line C., membre de la SELARL DU P. - CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], domicilié : [adresse] [...], représenté par Maître Cécile R., membre de la SELARL A. D. R. B., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 2, assisté de Maître Ludovic P., avocat au barreau de BESANÇON
Madame Y. divorcée X.
née le [date] à [ville], domiciliée : [adresse], [...]
TRÉSOR PUBLIC
Hôtel des Impôts, Pôle recouvrement spécialisé du Doubs - Centre des Finances Publiques [...], [...], non représentés
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 9 novembre 2021 en audience publique devant la cour composée de : Michel PETIT, Président de Chambre, Président, Michel WACHTER, Conseiller, ayant fait le rapport sur désignation du Président, Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 18 janvier 2022,
ARRÊT : rendu par défaut,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Michel PETIT, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant commandement délivré le 24 juillet 2017 et publié le 18 septembre 2018 au service de la publicité foncière de Besançon, la caisse de Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté a fait saisir divers biens immobiliers sis à [...], au préjudice de M. X. et de Mme Y., divorcée Y., pour obtenir paiement du solde de deux prêts immobiliers accordés par acte authentique du 21 avril 2011.
Par exploit du 30 octobre 2017, le Crédit Agricole a fait assigner M. X. et Mme Y. devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Besançon à l'effet de voir prononcer la vente forcée de leur bien.
Par acte du 30 octobre 2017, la banque a dénoncé la procédure et fait assigner le Trésor public, en sa qualité de créancier inscrit.
A l'audience d'orientation, M. X. a conclu à l'irrecevabilité des demandes de la banque, faute de créance exigible. Il a fait valoir que les clauses de stipulation d'intérêt conventionnel contenues dans les actes de prêt étaient nulles comme reposant sur un calcul effectué sur la base d'une année de 365 jours, sans tenir compte des années bissextiles, et que la substitution de l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel ne laissait subsister aucune dette à la date de la notification de la déchéance du terme, ni à celle du commandement valant saisie.
Mme Y. a également conclu à l'irrecevabilité des demandes du Crédit Agricole, au motif notamment que les intérêts conventionnels avaient été calculés sur la base d'une année de 360 jours.
Le Crédit Agricole s'est opposé à ces contestations, en soulevant leur irrecevabilité pour prescription, subsidiairement leur mal fondé. Il a sollicité la fixation de sa créance et la vente forcée du bien immobilier saisi. Il a exposé que le calcul des intérêts conventionnels était conforme aux dispositions légales.
Par jugement du 30 novembre 2018, le juge de l'exécution de Besançon a :
- déclaré recevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels fixées dans chacun des deux prêts immobiliers souscrits le 21 avril 2011 et contenus dans l'acte authentique du 5 mai 2011 par Maître Z., notaire associé à [ville B.] ;
- constaté que les prêts immobiliers n° 56XX233 de 70.000 euros et n° 56YY224 de 93.000 euros, comprenant stipulation d'intérêts conventionnels de 3,95 %, ont donné lieu au calcul des intérêts conventionnels dus par les emprunteurs selon une année de 360 jours, dite année lombarde ;
- rappelé que le calcul par année lombarde est une clause abusive depuis la recommandation de la Commission des Clauses abusives du 20 septembre 2005, et sanctionné depuis 2013 par la Cour de cassation ;
- substitué aux taux d'intérêts conventionnels des deux prêts immobiliers le taux d'intérêt légal ;
- retenu que pour le prêt de 93.000 euros et à la date d'exigibilité, le trop-perçu d'intérêts était de 16.211,09 euros, soit 28 fois le montant de l'échéance mensuelle ;
- retenu que pour le prêt de 70.000 euros, et à la date d'exigibilité, le trop-perçu d`intérêts était de 11.785,02 euros, soit 27 fois le montant de l`échéance mensuelle ;
- constaté dès lors que la créance invoquée par le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté n'était pas exigible lors des mises en demeure et la délivrance du commandement de payer valant saisie ;
- prononcé en conséquence la nullité de la procédure de saisie immobilière ;
- débouté le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté de sa demande de vente forcée ;
- condamné le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à payer à M. X. et à Mme Y. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté aux entiers dépens ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu :
- que les emprunteurs n'ayant pas la qualité de professionnels, et les indications figurant dans l'acte de prêt n'étant pas explicites concernant le calcul des intérêts, ce n'était que par l'analyse du cabinet d'expertise de M. H. du 23 novembre 2017 qu'ils avaient découvert que le mode de calcul du TEG était fondé sur l'année lombarde, laquelle était proscrite, de sorte que la prescription n'était pas acquise ;
- que les consorts X. et Y. démontraient, à l'aide du rapport d'expertise dressé par M. H. que le Crédit Agricole avait bien calculé les intérêts en référence à l'année lombarde et non à l'année civile ; qu'il y avait lieu de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contractuels calculée selon l'année lombarde, et de lui substituer l'intérêt légal, au taux en vigueur à la date de deux prêts, et ce depuis l'origine des deux contrats de 2011 ;
- qu'il en résultait alors que la créance fondant la saisie n'était pas exigible à la date des mises en demeure, pas plus que lors de la délivrance du commandement de payer valant saisie ;
- qu'il y avait lieu, en application de l'article L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, de prononcer la nullité de la procédure de saisie immobilière et de débouter la banque de l'intégralité de ses demandes ; qu'en présence d'un créancier inscrit, la mainlevée du commandement aux frais du Crédit Agricole ne pouvait être prononcée.
Par arrêt du 7 mai 2019, la cour d'appel de Besançon a :
- confirmé le jugement d'orientation rendu le 30 novembre 2018 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Besançon en ce qu'il a :
* déclaré recevable l'action en nullité de la stipulation d`intérêts conventionnels fixés dans chacun des deux prêts immobiliers souscrits le 21 avril 2011 et contenus dans l'acte authentique du 5 mai 2011 reçu par M. Z., notaire associé à [ville B.] ;
* substitué au taux d'intérêts conventionnels des deux prêts immobiliers le taux d'intérêt légal ;
* prononcé la nullité de la procédure de saisie immobilière ;
* débouté la banque de sa demande de vente forcée ;
* condamné la banque à payer aux consorts X. la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- infirmé par retranchement pour le surplus ;
- rejeté les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné le Crédit agricole mutuel de Franche-Comté aux dépens d'appel.
Pour statuer ainsi, elle a notamment retenu que, suite à la production au dossier d'un rapport établi par M. H., la banque avait reconnu avoir calculé le taux de l'intérêt conventionnel sur la base du mois normalisé, à savoir d'un mois de 30,41666 jours, soit 365/12 que l'année soit bissextile ou non, et que l'application du rapport 30,41666/365 était équivalent à celui de 30/360 de l'année dite lombarde, soit 0,08333, de sorte qu'il était ainsi parfaitement établi que la banque n'avait pas calculé le taux conventionnellement stipulé sur la base de l'année civile, et que c'était donc à bon droit que le premier juge avait considéré que le taux légal devait lui être substitué sur toute la durée des deux prêts.
Par arrêt du 3 février 2021, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, applicable au calcul des intérêts conventionnels, disposait à son point « c »que « l'écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d'années. Une année compte 365 jours, ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,41666 jours (c'est-à-dire 365/12), que l'année soit bissextile ou non. » Elle a ensuite considéré qu'en retenant, pour juger que la banque n'avait pas calculé les intérêts conventionnels sur la base de l'année civile, que celle-ci avait reconnu avoir pris en considération un mois normalisé, à savoir un mois de 30,41666 jours, que l'année soit bissextile ou non et que l'application du rapport 30,41666/365 était équivalent à celui 30/360 de l'année dite lombarde, soit égal à 0,08333, la cour d'appel, qui n'avait pas caractérisé en quoi le calcul des intérêts n'était pas conforme aux règles posées par l'annexe de l'article R. 313-1, avait violé ce texte. La Cour de cassation a en conséquence :
- cassé et annulé, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels mentionnés dans chacun des deux prêts immobiliers consentis selon acte du 5 mai 2011, l'arrêt rendu le 7 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
- remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Dijon ;
- condamné M. X. aux dépens ;
- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.
Le Crédit Agricole a saisi la cour de renvoi le 9 mars 2021.
[*]
Par conclusions notifiées le 2 novembre 2021, la banque demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- de débouter M. X. et Mme Y. de l'intégralité de leurs demandes ;
- d'ordonner la poursuite de la saisie immobilière et de mentionner et fixer le montant de la créance de la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté en application de l'article R 322-18 du code des procédures civiles d'exécution aux sommes de :
* au titre du prêt n° 56XX233 de 70.000 euros : 69.616,75 euros outre intérêts au taux de 3,95 % sur la somme de 61 925,48 euros à compter du 23 décembre 2017 et jusqu'à parfait règlement ;
* au titre du prêt 56YY224 de 93.000 euros : 89.403,77 euros outre intérêts au taux de 3,95 % sur la somme de 79 636,56 euros à compter du 23 décembre 2017 et jusqu'à parfait règlement ;
- d'ordonner la vente forcée du bien en application de l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution ;
- de fixer une date à laquelle il sera procédé à la vente forcée du bien en cause ;
- conformément à l'article R. 322-26 du code des procédures civiles d'exécution, de désigner dès à présent l'étude d'huissiers A. Maître W., huissier de justice à [ville B.], lequel aura mission de faire visiter les biens saisis aux amateurs éventuels et pourra se faire assister si besoin est de deux témoins, d'un serrurier et de la force publique ;
Ou si mieux aime la cour,
Après avoir débouté les intimés, mentionné et fixé la créance de la banque,
- de renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Besançon pour poursuivre la mesure d'exécution forcée, désigner l'huissier instrumentaire et fixer une date d'adjudication ;
En tout état de cause,
- de condamner solidairement les requis au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance, et à celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés à hauteur d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel ;
- de dire que les dépens seront pris en frais privilégiés de vente.
[*]
Par conclusions notifiées le 18 octobre 2021, M. X. demande à la cour :
- de dire et juger le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté mal fondé en ses demandes ;
- de dire et juger que les intérêts des prêts objet du litige sont fondés sur l'application de l'année lombarde ;
- de confirmer le jugement sur incident entrepris en ce qu'il constate la nullité de la stipulation d'intérêt, ainsi que le défaut d'exigibilité des sommes dues et prononce en conséquence la nullité de la procédure de saisie immobilière ;
A défaut,
- de renvoyer les parties devant le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Besançon pour qu'il soit statué sur les suites de la procédure de saisie immobilière, y compris la fixation de la créance du créancier poursuivant ;
- de condamner le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté aux entiers dépens.
[*]
Le Crédit Agricole a fait signifier son acte de saisine de la cour de renvoi à Mme Y. par acte du 22 mars 2020 remis à personne.
Le Crédit Agricole a fait signifier son acte de saisine de la cour de renvoi au Trésor public, en sa qualité de créancier inscrit, par acte du 23 mars 2021 remis à domicile.
Mme Y. et le Trésor public n'ont pas constitué avocat.
[*]
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce, la cour,
Seule reste en débat devant la cour de renvoi la régularité du calcul, par la banque, des intérêts conventionnels des deux prêts immobiliers, ainsi que les éventuelles conséquences qui doivent en être tirées.
M. X. fait à nouveau valoir que la banque a calculé ces intérêts sur la base de l'année lombarde, et déduit de ce seul fait la nullité de la clause de stipulation d'intérêts conventionnels, et la substitution au taux conventionnel du taux d'intérêts légal, dont il considère qu'elle a pour effet de ne pas laisser subsister d'impayés à la date de déchéance du terme, pas plus qu'à celle du commandement valant saisie immobilière.
Le Crédit Agricole conteste l'utilisation de l'année lombarde, et soutient avoir, de manière parfaitement conforme aux textes applicables, calculé les intérêts conventionnels des prêts sur la base du mois normalisé de 30,41666 jours. Elle ajoute qu'en tout état de cause, M. X. n'établissait pas l'existence d'un préjudice excédant la décimale résultant de la prétendue application de l'année lombarde, et qu'une éventuelle irrégularité dans le calcul du taux conventionnel n'était pas sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêts, mais par la déchéance facultative du droit aux intérêts.
[*]
L'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable, énonce que « l'écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d'années. Une année compte 365 jours, ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,41666 jours (c'est-à-dire 365/12), que l'année soit bissextile ou non. »
C'est à M. X. de démontrer que le taux conventionnel de chacun des prêts a été déterminé par application de l'année lombarde.
Cette preuve ne résulte pas de l'expertise non contradictoire établie par M. H., dès lors que celui-ci ne procède à aucun moment au calcul des intérêts par application des mois normalisés, comme le prévoient l'article R. 313-1 et son annexe, de sorte que les conclusions auxquelles il aboutit sont nécessairement faussées.
Elle ne ressort pas plus de l'expertise judiciaire réalisée dans le cadre d'une autre procédure opposant les mêmes parties au sujet de deux autres prêts immobiliers. D'une part, cette expertise concerne des contrats différents de ceux objets du présent litige. Ensuite, et en tout état de cause, force est de constater que l'expert judiciaire ne conclut pas à l'utilisation par la banque de l'année lombarde, mais à l'utilisation de la méthode dite du mois normalisé, dont il précise qu'elle est arithmétiquement identique.
Or, cette identité arithmétique ne suffit bien évidemment pas à rendre irrégulière l'application du calcul selon la méthode des mois normalisés, qui s'impose au contraire, comme résultant de la stricte application des textes régissant la matière.
M. X. produit enfin une expertise non contradictoire réalisée à sa demande par Mme P., et portant sur les quatre prêts qu'il a souscrits auprès du Crédit Agricole. Cette expertise conclut pour chaque prêt à l'utilisation de l'année lombarde par l'analyse des échéances dites brisées, c'est-à-dire celles ne portant pas sur un mois entier. Or, comme le fait observer la banque, compte tenu de leur spécificité, le calcul de telles échéances n'est pas représentatif du calcul des intérêts pour toute la durée du prêt.
Surtout, il ne résulte aucunement de cette étude que, s'agissant des deux emprunts litigieux, la prise en compte du taux appliqué aux échéances brisées ait eu pour conséquence de faire s'écarter le taux des prêts de plus d'une décimale du taux conventionnellement stipulé, les calculs effectués par Mme P. conduisant, sur la durée totale des prêts, à une différence de quelques euros seulement, savoir 3,90 euros pour le prêt de 70.000 euros et 8,56 euros pour celui de 93.000 euros.
Il sera au demeurant observé à cet égard que M. X. est totalement taisant sur la réalité et le quantum du préjudice qu'il aurait subi du fait de l'irrégularité qu'il invoque.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts, étant d'ailleurs relevé que celle-ci ne constitue pas la sanction pertinente de l'inexactitude du taux. En effet, l'article L. 312-33 du code de la consommation dispose que le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts conventionnels, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, lorsqu'il ne respecte pas l'une des obligations prévues par les articles L. 312-7, L. 312-8, L. 312-14 2ème alinéa ou L. 321-26, étant rappelé que l'article L. 312-8 exige lui-même que le taux d'intérêts soit défini conformément à l'article L. 313-1.
Bien que M. X. ne l'invoque pas expressément, la nullité n'est pas plus encourue sur le fondement de la clause abusive, comme l'a retenu le premier juge, l'absence d'impact de l'irrégularité invoquée ne pouvant être à l'origine d'un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a accueilli la contestation de M. X. et de Mme Y., substitué aux taux d'intérêts conventionnels des deux prêts immobiliers le taux d'intérêt légal, et prononcé la nullité de la procédure de saisie immobilière faute d'impayés, la contestation devant être rejetée.
Au vu des pièces produites, la créance du Crédit Agricole sera fixée à la somme de 69.616,75 euros au titre du prêt de 70.000 euros, outre intérêts au taux de 3,95 % sur la somme de 61.925,48 euros à compter du 23 décembre 2017, et à la somme de 89.403,77 euros au titre du prêt de 93.000 euros, outre intérêts au taux de 3,95 % sur la somme de 79.636,56 euros à compter du 23 décembre 2017.
Les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 étant réunies, et aucune demande d'autorisation de vente amiable n'ayant été formée, il convient d'ordonner la vente forcée des biens immobiliers saisis.
Le dossier sera renvoyé au juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Besançon pour la poursuite de la procédure.
Le jugement déféré sera par ailleurs infirmé s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.
Les dépens de première instance et des procédures d'appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Besançon du 7 mai 2019,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, du 3 février 2021,
Statuant dans les limites de la cassation,
Infirme le jugement rendu le 30 novembre 2018 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Besançon en ce qu'il a :
* constaté que les prêts immobiliers n° 56XX233 de 70.000 euros et n° 56YY224 de 93.000 euros, comprenant stipulation d'intérêts conventionnels de 3,95 %, ont donné lieu au calcul des intérêts conventionnels dus par les emprunteurs selon une année de 360 jours, dite année lombarde ;
* rappelé que le calcul par année lombarde est une clause abusive depuis la recommandation de la Commission des Clauses Abusives du 20 septembre 2005, et sanctionné depuis 2013 par la Cour de cassation ;
* substitué aux taux d'intérêts conventionnels des deux prêts immobiliers le taux d'intérêt légal ;
* retenu que pour le prêt de 93.000 euros et à la date d'exigibilité, le trop-perçu d'intérêts était de 16.211,09 euros, soit 28 fois le montant de l'échéance mensuelle ;
* retenu que pour le prêt de 70.000 euros, et à la date d'exigibilité, le trop-perçu d'intérêts était de 11.785,02 euros, soit 27 fois le montant de l'échéance mensuelle ;
* constaté dès lors que la créance invoquée par le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté n'était pas exigible lors des mises en demeure et la délivrance du commandement de payer valant saisie ;
* prononcé en conséquence la nullité de la procédure de saisie immobilière ;
* débouté le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté de sa demande de vente forcée ;
* condamné le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté à payer à M. X. et à Mme Y. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné le Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau, et ajoutant :
Rejette la contestation soulevée par M. X. et Mme Karima Y. ;
Fixe la créance de la caisse de Crédit Agricole Mutuel de Franche-Comté aux sommes suivantes :
* au titre du prêt n°56XX233 de 70.000 euros : 69 616,75 euros outre intérêts au taux de 3,95 % sur la somme de 61 925,48 euros à compter du 23 décembre 2017 ;
* au titre du prêt n°56YY224 de 93.000 euros : 89 403,77 euros outre intérêts au taux de 3,95 % sur la somme de 79 636,56 euros à compter du 23 décembre 2017 ;
Ordonne la vente forcée des immeubles saisis ;
Renvoie le dossier au juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Besançon pour la poursuite de la procédure ;
Dit que les dépens de première instance et des deux procédures d'appel seront compris dans les frais de vente soumis à taxe ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les prétentions formulées en application de ce texte.
Le Greffier, Le Président,