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CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 18 janvier 2022

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 18 janvier 2022
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 2e ch. civ.
Demande : 20/01259
Date : 18/01/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 13/03/2020
Référence bibliographique : 6315 (eau, obligations du fournisseur), 6114 (clause exonératoire)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9345

CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 18 janvier 2022 : RG n° 20/01259

Publication : Jurica

 

Extrait : « - présente le caractère d'une clause abusive et doit être déclarée illégale, la disposition du règlement du service de distribution d'eau qui exonère le gestionnaire du service de toute responsabilité dans le cas où une fuite dans les installations intérieures de l'abonné résulte d`une faute commise par ce service ».

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 JANVIER 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G n° 20/01259. N° Portalis DBVM-V-B7E-KMZR. Appel d'un Jugement (R.G. n° 15/05248) rendu par le Tribunal de Grande Instance de Grenoble en date du 16 décembre 2019, suivant déclaration d'appel du 13 mars 2020.

 

APPELANTE :

SAS SAUR

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Véronique G. G., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Maître Cyril L., avocat au barreau de LYON

 

INTIMÉE :

ASL LE CLOS DES SOURCES

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Yamina M'B. de la SCP CONSOM'ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Emmanuèle Cardona, présidente, Laurent Grava, conseiller, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère.

DÉBATS : A l'audience publique du 2 novembre 2021 ; Laurent Grava, conseiller, qui a fait son rapport, assisté de Caroline Bertolo, Greffière, a entendu seul les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 5 septembre 2011, quinze propriétaires de maisons individuelles situées sur des parcelles de terrain de [ville S.] ont constitué une Association Syndicale Libre dénommée « Le Clos des Sources » (ASL).

Cette dernière dispose d'un réseau d'alimentation en eau qui à partir d'un compteur général distribue l'eau à chaque maison individuelle, chacune disposant d`un compteur privatif.

Elle est voisine d'un bâtiment à usage d'habitation appartenant à l'OPAC 38, qui bénéficie de servitudes de passage sur la propriété de l'ensemble immobilier Le Clos des Sources.

L'ASL dite « Le Clos des Sources » a passé un contrat d'abonnement pour la fourniture en eau auprès de la SAS SAUR.

Cette dernière société a réalisé le réseau de distribution et a installé un compteur général pour l'ASL et des compteurs individuels pour les différents propriétaires de maisons.

Estimant que les facturations reçues à titre personnel sont manifestement excessives, l'ASL, qui n'a pour consommation que l'arrosage des espaces communs, s'est adressée à la SAS SAUR, qui n'a pas remis en cause sa facturation et a obtenu paiement du syndic.

Suivant acte en date du 18 novembre 2015, l'ASL a fait assigner la SAS SAUR devant le tribunal de grande instance de Grenoble, afin de se voir rembourser la première facture de 8.558,55 euros et de dire la seconde de l.355,82 euros infondée et indue.

Sur incident et par ordonnance en date du 12 décembre 2017, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Grenoble, saisi par l'Association Syndicale Libre, a ordonné une expertise judiciaire au contradictoire de l'ASL dite « Le Clos des Sources » et de la SAS SAUR, confiée à Mme D., ingénieur hydraulicien filière génie hydraulique et ouvrages, au motif « qu'il est justifié par l'ASL dite « Le Clos des Sources » qu'en l'état il n'y a pas d'explication claire sur les raisons de la facturation litigieuse.

Dès lors que celle-ci peut s'expliquer, entre autre, par d'éventuelles erreurs de réseau ou de branchement défectueux de compteurs, il est suffisamment établi par l'ASL dite « Le Clos des Sources » l'existence d'un motif légitime de voir se dérouler une mesure d'expertise judiciaire sur ledit réseau d'eau ».

L'expert a déposé son rapport définitif le 7 septembre 2018.

Par jugement contradictoire en date du 16 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Grenoble a :

- condamné la SAS SAUR à payer à l'Association Syndicale Libre de l'ensemble immobilier le Clos des Sources, la somme de 8.558,55 euros, au titre de la facture du 6/12/2013, avec intérêt au taux légal à compter du 13/10/2015, et capitalisation des intérêts échus par année entière ;

- dit que la facture de 1.355,82 euros en date du 23 décembre 2014 n'est pas due par l'Association Syndicale Libre de l'ensemble immobilier le Clos des Sources à la SAS SAUR ;

- condamné la SAS SAUR à installer un compteur individuel au nom de l'Association Syndicale Libre de l'ensemble immobilier le Clos des Sources selon les modalités prévues par le règlement du service des eaux, tant pour l'installation que pour le financement ;

- condamné la SAS SAUR aux entiers dépens de l'instance ;

- accordé à la SCP B., M'B. et P., avocats, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS SAUR à payer à l'Association Syndicale Libre de l'ensemble immobilier le Clos des Sources la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration en date du 13 mars 2020, la SAS SAUR a interjeté appel de la décision.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2020, la SAS SAUR demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- ce faisant, débouter purement et simplement l'ASL Le Clos des Sources, prise en la personne de son président, de ses différentes demandes ;

- la condamner à payer à la SAS SAUR la somme de 1.355,82 euros au titre de la facture du 23 décembre 2014, avec intérêts au taux conventionnel à compter du 8 janvier 2015, date d'échéance de ladite facture, et capitalisation de ces intérêts ;

- condamner l'ASL Le Clos des Sources à payer à la société SAUR la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- débouter l'ASL Le Clos des Sources de toutes demandes, fins et prétentions contraires.

Elle expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :

- elle rappelle les faits et la procédure ;

- elle rappelle aussi les dispositions du code général des collectivités territoriales en la matière ;

- la charge de la preuve d'une surconsommation incombe à celui qui l'invoque, comme celle d'une erreur de facturation ;

- en décembre 2012, le compteur, n° 0111618 était installé avec un index de départ à zéro ;

- ce compteur, conformément aux dispositions du règlement de service, est situé à l'entrée du périmètre de l'ASL, en propriété privée, à la limite du domaine public de façon à être accessible ;

- le compteur marque la séparation entre le réseau public d'une part, situé sur le domaine public, et le réseau privé d'autre part, situé sur le domaine privé, en l'occurrence les parcelles rattachées à l'ASL ;

- il résulte du rapport d'expertise judiciaire, comme d'ailleurs du rapport d'expertise amiable, que la configuration des ouvrages et installations situés sur le périmètre du lotissement Le Clos des Sources, sur les parcelles rattachées à l'ASL, et parallèlement sur la parcelle rattachée à l'OPAC38, liée aux travaux réalisés en 2011 et 2012, peut être critiquée ;

- pour autant, cette difficulté ne peut être imputée à la SAUR, extérieure aux travaux de constructions réalisés, aux opérations menées lors de l'édification des bâtiments, aux ouvrages édifiés sur ces terrains privés, outre aux relations entre les propriétaires des tènements immobiliers ;

- la SAS SAUR a pleinement respecté ses obligations au titre des services de l'eau en assurant la distribution de l'eau potable à l'ASL, à ses membres et à ses ayants droit, par le biais d'un compteur général installé à la limite entre le domaine public et le domaine privé.

[*]

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 septembre 2020, l'Association Syndicale Libre dite « Le Clos des Sources » demande à la cour de :

- dire et juger la SAUR recevable mais infondée en son appel ;

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf à faire droit à l'appel incident de l'ASL, et assortir de telle astreinte qu'il appartiendra, l'obligation faite à la SAUR d'installer un compteur propre à l'ASL ;

- condamner encore la SAUR à verser à l'ASL Le Clos des Sources la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SAUR aux entiers dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise de Mme D., dont distraction au profit de la SCP B., M'B. & P., avocats.

Elle expose les principaux éléments suivants au soutien de ses écritures :

- elle expose les étapes procédurales du dossier ;

- elle rappelle l'existence de fuites relevées sur les compteurs individuels implantés par la SAUR, et objet d'interventions de celle-ci, ou de son mandataire pour y remédier ;

- un expert mandaté par l'assurance dommages-ouvrage de l'ASL, a constaté, en septembre 2015, que « l'ensemble des différentes fuites a été réparé » si bien qu'il ne pouvait en déterminer les causes ;

- à la date de l'assignation, l'ASL suspectait l'OPAC 38 de ne pas disposer de son propre compteur, et émettait l'hypothèse d'une alimentation commune à l'ASL et à l'OPAC ;

- bien que le jugement fût assorti de l'exécution provisoire, à ce jour, la SAUR n'a pas réglé les sommes mises à sa charge, et elle n'a pas non plus installé le compteur tel qu'ordonné par le tribunal ;

- les conclusions de l'expert D. doivent servir de fondement à la décision ;

- il existe un branchement unique à l'entrée du lotissement pour alimenter le lotissement et l'OPAC 38, pris sur la conduite d'adduction communale ;

- l'OPAC 38 ne dispose pas de compteur général sur l'arrivée d'eau à l'entrée du bâtiment ;

- il dispose seulement d'un compteur branché sur l'alimentation de la chaudière, posé en 2017, qui permet de comptabiliser la seule consommation d'eau par la chaudière ;

- la SAUR facture :

* les consommations privées aux 15 occupants du lotissement Le Clos des Sources, et aux 19 occupants de l'OPAC 38 pour l'eau froide,

* la consommation d'eau pour la chaudière, à l'OPAC 38, mais seulement depuis 2017, puis l'OPAC 38 refacture cette eau à ses 19 locataires,

* à l'ASL: la SAUR facture le différentiel entre le relevé du compteur général et les relevés des compteurs privatifs (15 compteurs pour le lotissement, 19 compteurs pour l'OPAC 38) ;

- après analyse des documents transmis par les parties, et visite des lieux, Mme D. a conclu ainsi son rapport :

* les consommations d'eau de l'ASL et de l'OPAC 38 ne sont pas séparées physiquement, car il n'existe pas de compteur général à l'entrée du bâtiment de l'OPAC 38 ;

* les éventuelles fuites survenant chez l'OPAC 38 sont donc facturées à l'ASL (ce qui semble bien avoir été le cas en 2013, compte tenu des volumes anormaux d'eau facturée),

* une anomalie dans la facturation pratiquée par la SAUR à l'égard de l'ASL : elle repose sur un différentiel calculé, et non justifié. Dans ce différentiel, la SAUR inclut également les dysfonctionnements chez les particuliers, y compris l'OPAC 38, alors que l'ASL n'a qu'une bouche d'arrosage comme source de consommation d'eau, en dehors des fuites potentielles ;

- l'expert préconise d'individualiser tous les compteurs en facturant à chaque abonné, y compris l'ASL, sa consommation réelle ;

- Mme D. a relevé que le lotissement Le Clos des Sources n'est pas un immeuble collectif, mais un ensemble d'immeubles indépendants, si bien que la facturation appliquée par la SAUR ne peut relever de l'article 22 du Règlement du service des eaux ;

- l'ASL, entité juridique distincte des membres qui la composent et comme tout propriétaire individuel (par opposition à un propriétaire « en collectivité »), doit donc pouvoir bénéficier d'un compteur qui lui est propre, et qui comptabilise sa seule consommation, et ce en vertu de l'article 5 du Règlement du service des eaux ;

- la SAUR tente d'occulter l'objet même du litige soumis au tribunal, puis à la cour, à savoir celui de la quantité d'eau facturée à l'ASL Le Clos des Sources, à juste titre ou pas ;

- si la SAUR n'est peut-être pas responsable du réseau tel qu'il a à l'origine été réalisé par le promoteur Dauphi-Logis, en revanche, elle est bien responsable de la facturation qu'elle pratique auprès de ses abonnés, ASL ou OPAC 38 ;

- par ailleurs, dans la mesure où le tribunal n'a pas assorti la condamnation à installer un compteur d'une d'astreinte, la SAUR s'est crue autorisée à ne pas exécuter le jugement pourtant assorti de l'exécution provisoire.

[*]

La clôture de l'instruction est intervenue le 1er septembre 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande relative à la facturation de l'eau :

Dans la présente affaire, l'ASL a contracté avec la SAS SAUR le 31/01/2013, au moyen d'une « facture d`abonnement » de 32,10 euros, pour laquelle il était spécifié dans le règlement de la SAS SAUR qu'elle valait contrat et acceptation des conditions de fourniture de l'eau conformément au règlement de service joint à la facture.

Ce contrat est lié au compteur n° 011618, et il a donné lieu à émission d'une facture en date du 6 décembre 2013, pour un montant de 8.558,55 euros (relevé de 5.593 m³ le 15 octobre 2013), ainsi qu'à celle de 1.355,82 euros (relevé de 887 m³ le 16 octobre 2014).

Dans le cadre de sa contestation, l'ASL doit rapporter la preuve que les facturations sont injustifiées (relevés erronés, ou consommations ne lui incombant pas).

En se fondant sur l'expertise judiciaire de Mme D., l'ASL affirme qu'elle aurait dû, dès le départ, bénéficier d'un compteur individuel et d'une comptabilisation réelle de l'eau qu'elle utilise.

Or, il a été mis en place par la SAS SAUR une facturation fondée sur un calcul différentiel entre le compteur général et les compteurs individuels.

Pour tenter de justifier ses modalités de facturation, la SAS SAUR prétend que le chiffrage donné par le compteur général, rattaché au contrat d'abonnement de l'ASL, fait foi, indépendamment de l'existence des compteurs privés, qu'elle qualifie simplement de sous-compteurs.

La SAS SAUR indique aussi que l'association est responsable du réseau de canalisations installé sur son terrain privé et elle s'appuie en cela sur les dispositions de son règlement du service de l'eau, et sur la définition de « l'ensemble immobilier » réunissant les membres de l'ASL comme étant une « copropriété horizontale » et qui rendrait sans objet l'argumentation de l'expert judiciaire, lequel aurait également outrepassé sa mission.

Force est de constater que l'existence du contrat n'est pas contestée, et que cette absence de contestation emporte acceptation du règlement du service des eaux dont l'abonné a accusé réception lors du paiement de la première facture (32,10 euros dans le cas de l'ASL Le Clos des Sources).

L'application combinée des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil, et celles du règlement du service des eaux sus-évoqué permet de retenir les éléments suivants afin de parvenir à la solution du litige :

- le branchement est défini par l'article 5, déterminant la limite du réseau public ;

- le mode de comptabilisation de la consommation réelle, constatée annuellement est déterminé par l'article 21 ;

- la prise en compte de la consommation est se fait de façon différenciée selon que les logements sont indépendants ou collectifs, comme l'indique l'article 22 ;

- l'ASL a été constituée entre les propriétaires de l'ensemble immobilier « Le Clos des Sources » à Saint-Ismier, comprenant 15 maisons individuelles, avec pour objet notamment :

« * l'acquisition, la gestion, l'administration, la conservation, l'entretien, la surveillance du terrain à usage d'accès commun et d'espace commun... y compris ses équipements et aménagements, communs aux propriétaires de l'ensemble immobilier et compris dans son périmètre, tels que s 'il en existe [...] les canalisations et réseaux communs, les ouvrages ou constructions nécessaires au fonctionnement et à l'utilisation de ceux-ci, ;

* la souscription de tous les contrats avec les fournisseurs de services relatifs au fonctionnement des équipements communs ;

* la modification des limites des parties communes ;

* la répartition des dépenses entre les membres et leur recouvrement ;

* la répartition des dépenses liées à l'utilisation des servitudes de passage » ;

- l'ASL a compétence quant à la gestion des espaces communs et sur les toutes actions ou les réalisations nécessaires à leur usage, leur conservation et leur entretien ;

- s'agissant des dépenses, la disposition doit à l'évidence s'entendre des dépenses rendues nécessaires par l'utilisation des servitudes de passage (usure, réparation, entretien) ;

- les contrats passés sont censés répondre à cet objectif de permettre le bon fonctionnement des équipements communs ;

- en aucune manière une telle répartition ne saurait porter sur l'approvisionnement en énergie ou les fournitures à titre privatif ;

- ainsi, la convention de participation aux frais d`entretien, de réparation et de consommation des servitudes de passage entre l'OPAC38 et l'ASL prévoit que cette répartition de charges s'applique « aux consommations de fluides des espaces verts » (sic) ;

- l'ensemble immobilier est composé de logements indépendants, les membres étant propriétaires de la totalité de leur terrain individuel et les espaces communs étant gérés par une association syndicale libre, et non par un syndic ;

- il s'agit donc d'un lotissement et non d'une copropriété horizontale comme prétendue par la SAS SAUR ;

- le régime de la copropriété est inapplicable ;

- la SAS SAUR a installé des compteurs individuels à chaque maison mais aussi et surtout sur chaque logement individuel de l'immeuble de l'OPAC ;

- en application de son règlement, qui n'est connu de l'usager qu'après contractualisation, la SAS SAUR aurait dû installer un compteur desservant l'immeuble de l'OPAC, afin de distinguer sa consommation de celle du lotissement ;

- à défaut, l'installation d'un compteur individuel pour l'ASL était une évidence et une nécessité ;

- en conséquence, la SAS SAUR a appliqué l'article 22 de manière inappropriée à l'ASL qui aurait dû bénéficier d'un compteur individuel en application de l'article 5 du règlement ;

- en vertu de cet article, la SAS SAUR est responsable du branchement jusqu'au joint du compteur compris, ceci valant pour chaque habitation individuelle ;

- conformément à l'article 21 de son règlement, qui reprend l'article L. 2224-12-4-III code général des collectivités territoriales, la SAS SAUR doit contrôler les consommations d'eau et avertir ses clients de consommations anormales et fuites éventuelles ;

- l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales dispose expressément « toute facture d'eau comprend un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l'abonné et peut, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume en fonction des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement, notamment du nombre de logements desservis » ;

- l'article 21 du règlement stipule que les volumes sont constatés annuellement au cours des mois d`octobre et novembre ;

- l'expert judiciaire, après avoir décrit le réseau et l'implantation des compteurs, a précisé que seule l'ASL n'en avait pas, de sorte que sa consommation ne pouvait qu'être déduite des consommations privées des autres propriétaires ;

- en l'état, l'ASL n'a pas été facturée pour sa consommation réelle, mais a dû assumer des consommations liées au fonctionnement de l'immeuble OPAC, ainsi que des déperditions d'eau résultant de dysfonctionnements de compteurs individuels, de leur absence de mise en place malgré l'emménagement des propriétaires, et des fuites au niveau de ces compteurs ;

- les constatations de l'expert sont particulièrement parlantes quant à cette méthode non conforme de détermination des consommations (incorporation de toutes les consommations excessives, absence de changement des compteurs dysfonctionnant, consommations excessives non plafonnées alors que le règlement le prévoit, anomalies de relevés, consommations rigoureusement identiques entre 2015 et 2016 pour les particuliers, ce qui est impossible vu leur nombre, fuite reconnue par la SAS SAUR chez Mme X. [5 787 m³] facturée à l'ASL, eau chaude de l'OPAC facturé à l'ASL jusqu'en 2017, volume facturé à l'ASL sur la facture du 6/12/2013 équivalent à 15,5 m³/j sur une année) ;

- l'expert a mis en évidence une concordance entre la réparation de cette fuite chez Mme X. et l'arrêt de la consommation particulièrement excessive au niveau du compteur général ;

- en ce qu'il s'agit d'un dégât résultant d'un mauvais branchement du compteur de Mme X., la SAS SAUR doit en supporter les conséquences, sans pouvoir valablement prétendre y déroger aux termes de son règlement ;

- présente le caractère d'une clause abusive et doit être déclarée illégale, la disposition du règlement du service de distribution d'eau qui exonère le gestionnaire du service de toute responsabilité dans le cas où une fuite dans les installations intérieures de l'abonné résulte d`une faute commise par ce service ;

- la SAS SAUR ne peut donc s'exonérer en invoquant l'application de l'article 5 de son règlement ;

- l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales prévoit que lorsque le service d'eau potable constate une augmentation anormale du volume d'eau consommée, il doit en informer sans délai l'abonné ;

- l'abonné n'est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne :

* si le service d'eau potable n'a pas informé l'abonné de l'augmentation anormale de sa consommation,

* si l'augmentation est imputable à un défaut de fonctionnement du compteur ;

- l'expertise a établi des dysfonctionnements au niveau des compteurs et la SAUR ne démontre pas qu'elle ait avisé l'ASL de consommations excessives ;

- des fuites ont été établies sur l'immeuble de l'OPAC lors de sa construction en 2013, ce dont l'ASL ne peut être tenue pour responsable au motif qu'elle gère l'espace commun du Clos des Sources ;

- les anomalies relevées par l'expert viennent donc confirmer que l'article L. 2224-12-4 code général des collectivités territoriales et l'article 21 du règlement n'ont pas été appliqués à l'ASL s'agissant du décompte de sa consommation et de sa facturation ;

- l'ASL a justifié de vérifications démontrant qu'il n'y a pas de fuites sur le réseau se situant sur son terrain, en ayant fait passer une entreprise de plomberie et un expert de l'assurance ;

- l'absence de compteur individuel et d'un relevé de consommation réelle permettent de remettre sérieusement en cause la facturation litigieuse ;

- ainsi, le calcul différentiel n'aurait pas dû être appliqué, n'étant pas le reflet de la consommation exacte de l'association ;

- la SAS SAUR doit donc être condamnée au remboursement de la facture du 6/12/2013 et l'ASL doit être déchargée du paiement de la facture du 23/12/2014 ;

S'agissant des intérêts et de la capitalisation, sur le fondement de l'article 1154 du code civil, l'ASL, qui a payé la première facture spontanément, justifie d'une mise en demeure effectuée le 13 octobre 2015 auprès de la SAS SAUR après plusieurs courriers de demande d'explication et de remboursement.

Il conviendra dès lors de fixer les intérêts afférents à la somme due à compter du 13 octobre 2015 et de dire qu'ils seront capitalisés par année entière.

Le jugement entrepris sera confirmé de l'ensemble de ces chefs.

 

Sur la pose d'un compteur individuel :

Le contrat souscrit emporte adhésion au règlement du service des eaux.

En conséquence, et aux termes de ce document, l'ASL doit bénéficier d`un abonnement et d'un compteur individuel.

Il appartient donc à la société SAUR d'effectuer ce branchement, selon les modalités prévues dans le règlement du service des eaux.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

 

Sur l'astreinte :

Aux termes de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, dans son son alinéa 1er, « tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision ».

En l'espèce, le premier juge avait justement renoncé à la mise en place d'une astreinte, laissant ainsi à la SAS SAUR le soin de s'exécuter spontanément dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement et en vertu du principe général d'exécution de bonne foi des décisions de justice.

Néanmoins, force est de constater que, malgré le prononcé explicite d'une exécution provisoire, la SAS SAUR ne s'est pas exécutée dans la mise en place du compteur individuel au bénéfice de l'ASL.

En conséquence, une mesure d'astreinte s'impose, la juridiction étant compétente pour en fixer l'ensemble des modalités.

En l'espèce, la SAS SAUR sera condamnée au paiement d'une astreinte provisoire de 500 euros (cinq cents euros) par jour de retard à l'expiration d'un délai de trois mois, de date à date, à compter du lendemain du jour de signification du présent arrêt par l'ASL.

Cette astreinte provisoire sera limitée à 100 jours (cent jours) et sa liquidation ressortira à la compétence du juge de l'exécution.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SAS SAUR, dont l'appel est rejeté, supportera les dépens d'appel avec distraction, ceux de première instance étant confirmés.

Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'ASL Le Clos des Sources les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. La SAS SAUR sera condamnée à lui payer la somme complémentaire de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas retenu le principe d'une astreinte relative à la pose d'un compteur individuel au profit de l'ASL Le Clos des Sources ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Prononce, à l'encontre de la SAS SAUR, une astreinte provisoire de 500 euros (cinq cents euros) par jour de retard à l'expiration d'un délai de trois mois, de date à date, à compter du lendemain du jour de signification du présent arrêt par l'ASL Le Clos des Sources, s'agissant de la pose d'un compteur individuel au profit de l'ASL Le Clos des Sources ;

Dit que cette astreinte provisoire sera limitée à 100 jours (cent jours) et que sa liquidation ressortira à la compétence du juge de l'exécution ;

Condamne la SAS SAUR à payer à l'ASL Le Clos des Sources la somme complémentaire de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SAS SAUR aux dépens, avec application, au profit des avocats qui en ont fait la demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE,                                        LA PRÉSIDENTE,