CASS. CIV. 3e, 19 janvier 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9365
CASS. CIV. 3e, 19 janvier 2022 : pourvoi n° 21-11095 ; arrêt n° 49
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « 7. Selon le premier de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. 8. Le second dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.
9. Il est jugé, au visa de ces textes, que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte que l'arrêt qui, à défaut de cette preuve contraire, fait produire effet à une telle clause doit être cassé (Civ. 1re, 16 mai 2018, pourvoi n° 17-16.197).
10. Selon le troisième, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et applicable au litige, le juge écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des débats. […]
12. En se déterminant ainsi, alors que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu'il lui appartenait d'examiner d'office la régularité d'une telle clause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 19 JANVIER 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : U 21-11.095. Arrêt n° 49 FS-B.
DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur Y. - Monsieur Z. - Société Polygone habitat concept
Mme TEILLER, président.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. X., domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° U 21-11.095 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Y., domicilié [Adresse 2], 2°/ à M. Z., domicilié [Adresse 1], exerçant sous l'enseigne Electric service, 3°/ à la société Polygone habitat concept, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. X., et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel :
1. Il est donné acte à M. X. du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. Y. et M. Z.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
2. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 24 novembre 2020), par contrat du 6 novembre 2012, M. X. a confié la maîtrise d'oeuvre de travaux de réhabilitation d'un logement d'habitation aménagé en partie dans une ancienne cave à la société Polygone habitat concept, M. Z. ayant été chargé du lot électricité ventilation.
3. M. X. a donné à bail à M. Y. l'appartement ainsi réhabilité.
4. Se plaignant de la forte humidité affectant le logement, M. Y. a assigné M. X. en exécution de travaux et réparation de ses préjudices, lequel a assigné en garantie les intervenants à l'acte de construire.
5. Une expertise a été ordonnée.
Examen du moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen :
6. M. X. fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable à agir à l'encontre de la société Polygone habitat concept, alors « que le juge doit examiner d'office le caractère abusif des clauses invoquées par une partie dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que dans sa version applicable au contrat de maîtrise d'oeuvre du 6 novembre 2012, l'article R. 132-2 10° du code de la consommation présume abusives, dans les contrats entre professionnels et consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet d'entraver l'exercice d'actions en justice en obligeant le consommateur à recourir au préalable à un mode alternatif de règlement des différends ; que pour dire M. X., maître d'ouvrage, irrecevable à agir contre la SARL, maître d'oeuvre, la cour d'appel a retenu que l'article 3.13 du contrat du 6 novembre 2012 contenait une clause aux termes de laquelle les parties s'engageaient, en cas de litige sur l'exécution de ce contrat, à saisir la commission de conciliation de l'association Franche-Comté Consommateurs avant toute procédure judiciaire ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher d'office, comme elle y était tenue, si cette clause, qu'elle était en mesure d'examiner en fait et en droit, ne présentait pas un caractère abusif, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation en sa rédaction issue de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010, ensemble l'article R. 132-2 10° dudit code en sa rédaction issue du décret 2009-302 du 18 mars 2009 et l'article R. 632-1 de ce même code. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu les articles L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, et R. 632-1 du même code :
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
7. Selon le premier de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
8. Le second dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.
9. Il est jugé, au visa de ces textes, que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte que l'arrêt qui, à défaut de cette preuve contraire, fait produire effet à une telle clause doit être cassé (Civ. 1re, 16 mai 2018, pourvoi n° 17-16.197).
10. Selon le troisième, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et applicable au litige, le juge écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des débats.
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
11. Pour accueillir la fin de non-recevoir opposée par la société Polygone habitat concept aux demandes du maître de l'ouvrage, l'arrêt, qui constate que le contrat de maîtrise d'œuvre comporte une clause selon laquelle « en cas de litige portant sur l'exécution du contrat, les parties conviennent de saisir et de se soumettre à la commission de conciliation de l'association Franche-Comté consommateurs, et ce avant toute procédure judiciaire, sauf éventuellement mesures conservatoires. A défaut d'un règlement amiable le litige sera du ressort des juridictions compétentes » et qui relève que M. X. ne réplique pas à ce moyen procédural, retient que le non-respect de cette clause est sanctionné par une fin de non-recevoir.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
12. En se déterminant ainsi, alors que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu'il lui appartenait d'examiner d'office la régularité d'une telle clause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. X. irrecevable à agir à l'encontre de la société Polygone habitat concept, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Polygone habitat concept aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Polygone habitat concept à payer à M. X. la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. X.
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. X. fait grief à la décision attaquée de l'avoir déclaré irrecevable à agir à l'encontre de la SARL Polygone Habitat Concept ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
alors / que le juge doit examiner d'office le caractère abusif des clauses invoquées par une partie dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que dans sa version applicable au contrat de maîtrise d'œuvre du 6 novembre 2012, l'article R. 132-2 10° du code de la consommation présume abusives, dans les contrats entre professionnels et consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet d'entraver l'exercice d'actions en justice en obligeant le consommateur à recourir au préalable à un mode alternatif de règlement des différends ; que pour dire M. X., maître d'ouvrage, irrecevable à agir contre la SARL, maître d'œuvre, la cour d'appel a retenu que l'article 3.13 du contrat du 6 novembre 2012 contenait une clause aux termes de laquelle les parties s'engageaient, en cas de litige sur l'exécution de ce contrat, à saisir la commission de conciliation de l'association Franche-Comté Consommateurs avant toute procédure judiciaire ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher d'office, comme elle y était tenue, si cette clause, qu'elle était en mesure d'examiner en fait et en droit, ne présentait pas un caractère abusif, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation en sa rédaction issue de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010, ensemble l'article R. 132-2 10° dudit code en sa rédaction issue du décret 2009-302 du 18 mars 2009 et l'article R. 632-1 de ce même code.