CA NÎMES (1re ch. civ.), 20 janvier 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9388
CA NÎMES (1re ch. civ.), 20 janvier 2022 : RG n° 20/01690
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La clause contractuelle de la vente sans le concours de l'agence selon laquelle « En cas de présentation du bien à vendre à un prix différent en contradiction avec le paragraphe IX, et si cette présentation est faite à un prix inférieur à celui qui est prévu au présent mandat » est facilement lisible et intellectuellement claire. Elle n'est donc pas sujette à interprétation. Elle ne parle que du prix de présentation et ne concerne pas le prix auquel est finalement conclue la vente. Il n'y a donc aucune incertitude ou ambiguïté sur la portée de l'engagement souscrit. Cette clause s'impose aux parties et les époux X. se sont engagés à ne pas présenter le bien à vendre à un prix inférieur au prix du mandat modifié par l'avenant du 13 octobre 2014 à la somme de 1.600.000 euros (honoraires de l'agence inclus).
Il n'est pas contesté que les époux X. ont présenté sur le site « le Bon coin » leur bien à vendre à la somme de 1.500.000 euros de sorte que ce prix était inférieur au prix mentionné dans le contrat de mandat modifié par l'avenant rappelé ci-dessus. […]
De même, c'est à tort que le premier juge a considéré que les époux X. avaient parfaitement respecté leur obligation d'informer l'agence immobilière des éléments prévues à l'article XIV du mandat dès lors que s'ils ont adressé un courrier recommandé après la signature du compromis de vente ce qui n'est pas contesté par l'appelante, pour autant, cette information n'était pas complète dès lors qu'ils ont refusé alors qu'ils s'y étaient pourtant engagé, à communiquer le prix de vente final.
Par voie de conséquence, les époux X. ne peuvent valablement soutenir, sauf à vider de toute substance leurs engagements, qu'ils ont satisfait à leurs obligations contractuelles. »
2/ « La clause fixant une pénalité à la charge du consommateur dans les mandats proposés pour la vente d'un bien immobilier, n'est pas nécessairement abusive.
Il résulte en effet de la recommandation de la Commission des clauses abusives que doivent être éliminés des mandats proposés pour la vente, la location ou la recherche d'un bien immobilier, les clauses ayant pour objet ou pour effet : 1° Sur la durée du mandat : de ne pas limiter dans le temps les effets du contrat, notamment en prévoyant une durée indéfiniment renouvelable par tacite reconduction ; une telle préconisation étant intervenue en considération du fait « que certains contrats ne prévoient pas de délai au-delà duquel le mandat cesse de produire des effets ou prévoient un délai renouvelable indéfiniment par tacite reconduction ; que ces dispositions sont contraires à la loi et, que maintenues dans le contrat, elles créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur » ;
3° Sur la « clause pénale » : d'interdire au mandant, à peine d'avoir à verser une indemnité, de traiter sans le concours du mandataire, directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par lui ou ayant visité les locaux avec lui, sans que le mandat limite raisonnablement la durée de cette interdiction, cette préconisation étant intervenue au motif « que certains mandats comportent une clause interdisant au mandant, à peine d'avoir à verser une indemnité, de traiter sans le concours du mandataire, directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par lui ou ayant visité les locaux avec lui, pour une durée indéterminée ou excessive ; qu'une telle clause est de nature à déséquilibrer le contrat ».
En l'espèce, la clause pénale résulte d'une stipulation expresse du contrat. Elle est limitée par la durée des obligations auxquelles ont soumis les mandants (24 mois de la durée du mandat et 24 mois après son expiration). Elle est écrite en gras et rédigée de la manière rappelée supra. Ainsi elle est présentée de manière à attirer l'attention et à être facilement lisible, et ne pose pas de difficulté d'interprétation. Il n'y a ainsi aucune ambiguïté, aucun doute sur le fait que cette clause s'applique en cas de manquement à l'une des obligations du mandant telles qu'énumérées précédemment dans le même paragraphe et dans le paragraphe IX.
Contrairement à ce que soutiennent les époux X., cette clause pénale n'est pas en contradiction avec le fait, s'agissant d'un mandat simple, de conserver la liberté de vendre par eux-mêmes ou par l'intermédiaire d'un autre mandataire. Cette liberté relève même de l'essence du mandat simple. L'emploi du terme « mandataire » leur permettait de donner un autre mandat simple à toute personne physique ou morale de leur choix ou de vendre seuls par l'intermédiaire de site internet.
Enfin l'engagement de ne pas vendre sans le concours de l'agence, à un acquéreur présenté par l'agence ou de vendre seul à un prix de présentation inférieur à celui résultant du contrat de mandat modifié par l'avenant, est limitée dans le temps à savoir 4 ans au total et que cette limitation est raisonnable.
Il sera ajouté que les intimés passé un délai de rigueur de quelques mois s'ils n'étaient pas satisfaits de la prestation fournie par l'agence appelante pouvaient dénoncer le mandat simple, à tout moment, comme pouvait le faire l'agence, à charge pour celle qui entend y mettre fin d'en informer l'autre partie quinze jours au moins à l'avance par lettre recommandée avec accusé.
Il s'en déduit que ce contrat respecte les dispositions de l'article 78 de la loi du 20 juillet 1972 dans sa version applicable en l'espèce.
Il respecte également les recommandations de la Commission des clauses abusives en la matière telles qu'énoncées plus avant.
En définitive, au vu de l'ensemble de ces éléments et sans avoir à entrer plus avant dans le détail de l'argumentation des parties, il convient de retenir que la clause pénale en cause ne constitue pas une clause abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation devenue L. 212-1, et qu'elle constitue une disposition contractuelle valable. »
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 20 JANVIER 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/01690. N° Portalis DBVH-V-B7E-HX54. TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D'AVIGNON, 25 mai 2020 : R.G n° 15/02090.
APPELANTE :
SARL ADRESSES CONFIDENTIELLES
au capital de 10.000 Euros, immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le n° XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Guillaume F. de la SCP F. ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [...], [...], Représenté par Maître Jacques T., Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], [...], [...], Représentée par Maître Jacques T., Plaidant/Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Elisabeth TOULOUSE et Mme Séverine LEGER, Conseillères, ont entendu les plaidoiries, en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour lors de leur délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère faisant fonction de Présidente, Mme Séverine LEGER, Conseillère, Mme Cécile SANJUAN-PUCHOL, Conseillère
GREFFIER : Mme Stéphanie RODRIGUEZ, Greffière, lors des débats et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé de la décision
DÉBATS : À l'audience publique du 19 octobre 2021, où l'affaire a été mise en délibéré au 9 décembre 2021, prorogé au 20 janvier 2022 ; Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère faisant fonction de présidente, le 20 janvier 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Les époux Y.-X. ont confié la vente d'un immeuble situé [...] à la Sarl Adresses confidentielles, par mandat non exclusif signé le 7 mars 2014 pour une durée de 24 mois. Le prix a été fixé à la somme de 1.700.000 euros, augmenté d'une commission au bénéfice de l'agence d'un montant de 96.000 euros à la charge des vendeurs.
Le mandat prévoyait, selon les dispositions de son article 9, qu'en cas de vente directe ou indirecte par les époux vendeurs, l'offre de vente devrait être maintenue au prix de présentation visé au mandat et une clause pénale mentionnait qu'en cas de non-respect de cette obligation, si la présentation du bien était faite à un prix inférieur à celui prévu au mandat, les mandants verseraient une indemnité compensatrice de la moitié de la rémunération convenue au mandataire au titre de la perte de chance de vendre le bien.
Un avenant a été signé le 13 octobre 2014 aux termes duquel le prix de présentation était minoré à la somme de 1.600.000 euros, honoraires d'agence inclus, sans formuler aucun autre changement.
Les époux X. ont passé une annonce sur le site « Le bon coin » et ont trouvé un acquéreur.
Mme X. a informé le mandataire que le bien avait fait l'objet de la signature d'un compromis de vente par courriel du 4 février 2015.
Par lettre recommandée du 12 février 2015, après rappel par courriel de l'agence, Mme X. a communiqué le nom du notaire, des acquéreurs, le prix de vente annoncé, soit 1.500.000 euros, et a indiqué que le prix négocié était confidentiel et que la vente a été réalisée en direct.
La Sarl Adresses confidentielles considérant que les époux X. n'avaient pas respecté leurs engagements, a organisé une réunion afin de trouver une solution amiable au différend les opposant, mais aucun accord n'a pu être trouvé.
La Sarl Adresses confidentielles a alors saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Avignon qui l'a autorisé par ordonnance du 10 mars 2015 à procéder à la saisie conservatoire de sommes détenues par l'étude notariale Z. notaire rédacteur de l'acte de vente.
Deux procès-verbaux de saisies conservatoires de créances, en date des 24 mars et 3 avril 2015, ont fait état de tentatives de saisie demeurées infructueuses.
À nouveau saisi par requête de la Sarl Adresses confidentielles, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Avignon, par ordonnance du 23 avril 2015, l'a autorisé à inscrire une hypothèque judiciaire sur l'immeuble sis [...], cadastré section DN n°142, objet du compromis de vente, en garantie et pour conservation de sa créance provisoirement évaluée à la somme de 50.000 euros.
Sur saisine des époux X., le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Avignon a ordonné la mainlevée de cette hypothèque par jugement rendu le 8 octobre 2015 et cette décision a été confirmée par arrêt du 26 janvier 2017 par la cour d'appel de Nîmes, considérant, malgré la possible application de la clause pénale, qu'elle ne justifiait pas de menaces suffisantes pesant sur le recouvrement de cette créance.
Par acte du 20 mai 2015, la Sarl Adresses confidentielles a assigné M. X. et Mme Y. épouse X. devant le tribunal de grande instance d'Avignon aux fins d'obtenir le paiement de la clause pénale conventionnelle.
Par jugement contradictoire du 25 mai 2020, le tribunal judiciaire d'Avignon a :
- débouté la Sarl Adresses confidentielles de sa demande de médiation ;
- débouté Mme Y. épouse X. et M. X. de leur demande de nullité de la clause pénale ;
- débouté la Sarl Adresses confidentielles de sa demande en paiement de la somme de 48.000 euros au titre de la clause pénale ;
- débouté Mme Y. épouse X. et M. X. de leur demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la Sarl Adresses confidentielles ;
- condamné la Sarl Adresses confidentielles à payer à Mme Y. épouse X. et M. X. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné la Sarl Adresses confidentielles aux dépens en ce compris les frais de mainlevée d'hypothèque judiciaire provisoire ;
- débouté Mme Y. épouse X. et M. X. de leur demande au titre de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996.
[*]
Par déclaration du 15 juillet 2020, la Sarl Adresses confidentielles a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 septembre 2021, l'appelante demande à la cour de :
- débouter les époux X. de l'ensemble de leurs demandes ;
- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
* débouté la Sarl Adresses confidentielles de sa demande en paiement de la somme de 48.000 euros au titre de la clause pénale ;
* condamné la Sarl Adresses confidentielles à payer à Mme Y. épouse X. et M. X. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamné la Sarl Adresses confidentielles aux dépens en ce compris les frais de mainlevée d'hypothèque judiciaire provisoire ;
- le confirmer pour le surplus ;
En conséquence, statuant à nouveau, elle demande à la cour de :
- juger que les époux X. ont manqué à l'exécution de l'obligation qu'ils avaient souscrite aux termes des dispositions de l'article 9 paragraphe 2, du mandat n° 11/92 souscrit à son bénéfice ;
- condamner les époux X. à lui payer :
* la somme principale de 48.000 euros correspondant à 50 % du montant conventionnel de la commission fixée à la seule charge des vendeurs, outre intérêts de droit à compter de la signification de la présente assignation ;
* la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ;
* la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
* la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- condamner les époux X. aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître F. membre associé de la SCP F. & Associés, avocat sur ses affirmations de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, en ceux compris les frais exposés à l'occasion des saisies conservatoires diligentées par Maître T. et des frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire dans les termes de l'ordonnance du juge de l'exécution en date du 23 avril 2015.
Elle fait valoir en résumé que la clause pénale dont elle demande l'application, répond aux conditions de validité exigées par le code de la consommation et le décret du 20 juillet 1972 et a été portée à la connaissance des époux X. qui ont pu négocier les termes du mandat.
Elle n'est pas manifestement excessive et ne doit pas être réduite, étant précisé qu'il est usuel et à proportion du montant contractuel de la commission, lui-même fixé sur le montant de la vente (6 %).
Elle soutient par ailleurs qu'elle ne rapporte la preuve d'une inexécution contractuelle de leur part et que le prix de présentation du bien sur l'annonce du site le Bon coin était bien inférieur au prix initialement mentionné au contrat de mandat puis dans l'avenant, ce qui constitue une violation de l'article 9 du contrat de mandat et justifie l'application de la clause pénale qui y est inscrite.
Elle ajoute que les époux X. sont défaillants dans l'exécution de l'obligation prévue à l'article 14 du contrat de mandat, qui stipule qu'elle devait être informée par lettre recommandée avec accusé de réception de la vente directe effectuée sans son concours ainsi que des noms et adresse de l'acquéreur, du notaire chargé de l'acte authentique et de l'agence éventuellement intervenue, ainsi que du prix de vente final.
Enfin elle soutient avoir subi un préjudice moral lié au discrédit que lui cause le comportement des époux X., ce préjudice justifiant l'allocation d'une indemnité de 5.000 euros.
[*]
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2021, les époux X. demandent à la cour de :
- confirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté la Sarl Adresses confidentielles de sa demande en paiement de la somme de 48.000 euros titre de la clause pénale et en ce qu'il l'a condamnée à leur payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter la Sarl Adresses confidentielles de sa demande en paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré valable et non abusive la clause pénale insérée dans le contrat de mandat de vente et en ce qu'il les a déboutés de leur demande reconventionnelle.
En conséquence, elle demande à la cour de :
- à titre principal,
* juger que la clause pénale insérée dans le contrat est abusive et en prononcer la nullité ;
* débouter en conséquence la Sarl Adresses confidentielles de sa demande en paiement de la somme de 48.000 euros titre de la clause pénale ;
- subsidiairement,
* faire application de l'article 1231-5 (ancien article 1152) du code civil en ramenant à l'euro symbolique la clause pénale ;
* juger que la responsabilité contractuelle de la Sarl Adresses confidentielles est pleinement engagée et la condamner, à leur verser la somme de 20.000,00 euros de dommages et intérêts en raison du préjudice d'immobilisation et financier ;
* condamner la Sarl Adresses confidentielles à leur verser la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
* condamner la Sarl Adresses confidentielles au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel, ceux-ci comprenant les frais de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire.
Ils soutiennent que la clause pénale litigieuse est une clause abusive au sens de l'article 132-1 du code de la consommation, dans la mesure où elle a été insérée dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel et où elle crée un déséquilibre significatif, étant précisé sur ce dernier point l'absence de réciprocité des modalités du droit à réparation en cas d'inexécution ou d'exécution déloyale de l'obligation, le mandant devant apporter la preuve de la faute du mandataire et l'étendue de son préjudice, mais aussi le caractère excessif de sa durée qui est de quatre ans et ne peut être considérée comme une durée raisonnable au sens de la recommandation n° 03-02 de la commission des clauses abusives.
Ils invoquent également l'absence de diligences effectuées par l'agent immobilier.
Ils contestent avoir commis une faute dès lors que la clause pénale ne faisait pas état du prix effectif de vente mais du prix de présentation. Il ne peut donc être soutenu qu'ils ont commis une faute en négociant un prix de vente à 1 200.000 euros, dès lors que le prix de présentation était comparable au mandat modifié du 13 octobre 2014, à savoir un prix net vendeur de 1.500.000 euros.
Ils ont enfin respecté les clauses de l'article 14 du mandat initial, puisqu'ils ont informé l'agence par LRAR le 12 février 2015 de la signature du compromis de vente intervenue la veille.
Subsidiairement, ils estiment le montant de la clause pénale de 48.000 euros manifestement excessif, de sorte qu'il y a lieu de le ramener à l'euro symbolique pour tenir compte du manque de diligence de la société appelante et de leur exécution loyale du contrat et ils sont subi un incontestable préjudice d'immobilisation en l'état de l'hypothèque prise. Enfin, ils soutiennent que la société appelante ne démontre pas l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité, et doit être déboutée de sa demande en réparation au titre d'un préjudice moral.
[*]
Par ordonnance du 22 juin 2021, la procédure a été clôturée le 5 octobre 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience du 19 octobre 2021.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les demandes principales :
Sur le manquement aux obligations contractuelles :
Le contrat comporte un article IX intitulé « obligations du mandant » qui prévoit que : « ...si nous présentons les biens à vendre directement ou indirectement nous le ferons au prix des présentes, de façon à ne pas gêner le mandataire dans sa mission ... » et des clauses portant notamment sur la durée du mandat, les obligations du mandataire, les obligations du mandant, et de la vente sans le concours du mandataire.
Concernant « la vente sans votre concours » de l'article XIV du mandat, le contrat prévoit notamment que :
« Dans le cas autorisé aux présentes de vente sans votre concours , nous nous engageons à vous informer immédiatement par lettre recommandée avec accusé de réception, en vous précisant les noms et adresses de l'acquéreur, du notaire chargé de l'acte authentique et de l'agence éventuellement intervenue, ainsi que le prix de vente final, ce pendant la durée du mandat et deux ans après son expiration.
Clauses pénales : En cas de non-respect de la clause ci-dessus, le mandant versera une indemnité compensatrice forfaitaire correspondant à la moitié de la rémunération convenue. Par ailleurs, (...).
En cas de présentation du bien à vendre à un prix différent en contradiction avec le paragraphe IX, et si cette présentation est faite à un prix inférieur à celui qui est prévu au présent mandat, le mandant versera une indemnité compensatrice forfaitaire correspondant à la moitié de la rémunération convenue, le mandataire subissant un préjudice par la perte d'une chance de vendre le bien. »
La clause contractuelle de la vente sans le concours de l'agence selon laquelle « En cas de présentation du bien à vendre à un prix différent en contradiction avec le paragraphe IX, et si cette présentation est faite à un prix inférieur à celui qui est prévu au présent mandat » est facilement lisible et intellectuellement claire. Elle n'est donc pas sujette à interprétation. Elle ne parle que du prix de présentation et ne concerne pas le prix auquel est finalement conclue la vente. Il n'y a donc aucune incertitude ou ambiguïté sur la portée de l'engagement souscrit. Cette clause s'impose aux parties et les époux X. se sont engagés à ne pas présenter le bien à vendre à un prix inférieur au prix du mandat modifié par l'avenant du 13 octobre 2014 à la somme de 1.600.000 euros (honoraires de l'agence inclus).
Il n'est pas contesté que les époux X. ont présenté sur le site « le Bon coin » leur bien à vendre à la somme de 1.500.000 euros de sorte que ce prix était inférieur au prix mentionné dans le contrat de mandat modifié par l'avenant rappelé ci-dessus.
En effet, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal l'avenant spécifiant un prix de vente de 1.600.000 euros en incluant les honoraires de l'agence et dont il était prévu initialement qu'il serait à la charge des vendeurs, c'est ce seul montant qui doit être retenu et non le prix net vendeur, l'avenant fixant ainsi le prix de référence en dessous duquel les vendeurs ne pourraient sans manquer à leur obligation contractuelle et ainsi gêner l'agent immobilier dans ses recherches de potentiels acquéreurs, présenter le bien à la vente sans le recours du mandataire.
De même, c'est à tort que le premier juge a considéré que les époux X. avaient parfaitement respecté leur obligation d'informer l'agence immobilière des éléments prévues à l'article XIV du mandat dès lors que s'ils ont adressé un courrier recommandé après la signature du compromis de vente ce qui n'est pas contesté par l'appelante, pour autant, cette information n'était pas complète dès lors qu'ils ont refusé alors qu'ils s'y étaient pourtant engagé, à communiquer le prix de vente final.
Par voie de conséquence, les époux X. ne peuvent valablement soutenir, sauf à vider de toute substance leurs engagements, qu'ils ont satisfait à leurs obligations contractuelles.
Il convient dès lors d'examiner l'application de la clause pénale revendiquée par cette dernière.
2 - Sur la clause pénale :
La clause fixant une pénalité à la charge du consommateur dans les mandats proposés pour la vente d'un bien immobilier, n'est pas nécessairement abusive.
Il résulte en effet de la recommandation de la Commission des clauses abusives que doivent être éliminés des mandats proposés pour la vente, la location ou la recherche d'un bien immobilier, les clauses ayant pour objet ou pour effet :
1° Sur la durée du mandat : de ne pas limiter dans le temps les effets du contrat, notamment en prévoyant une durée indéfiniment renouvelable par tacite reconduction ;
une telle préconisation étant intervenue en considération du fait « que certains contrats ne prévoient pas de délai au-delà duquel le mandat cesse de produire des effets ou prévoient un délai renouvelable indéfiniment par tacite reconduction ; que ces dispositions sont contraires à la loi et, que maintenues dans le contrat, elles créent un déséquilibre significatif au détriment du consommateur » ;
3° Sur la « clause pénale » : d'interdire au mandant, à peine d'avoir à verser une indemnité, de traiter sans le concours du mandataire, directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par lui ou ayant visité les locaux avec lui, sans que le mandat limite raisonnablement la durée de cette interdiction,
cette préconisation étant intervenue au motif « que certains mandats comportent une clause interdisant au mandant, à peine d'avoir à verser une indemnité, de traiter sans le concours du mandataire, directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par lui ou ayant visité les locaux avec lui, pour une durée indéterminée ou excessive ; qu'une telle clause est de nature à déséquilibrer le contrat ».
En l'espèce, la clause pénale résulte d'une stipulation expresse du contrat. Elle est limitée par la durée des obligations auxquelles ont soumis les mandants (24 mois de la durée du mandat et 24 mois après son expiration).
Elle est écrite en gras et rédigée de la manière rappelée supra.
Ainsi elle est présentée de manière à attirer l'attention et à être facilement lisible, et ne pose pas de difficulté d'interprétation.
Il n'y a ainsi aucune ambiguïté, aucun doute sur le fait que cette clause s'applique en cas de manquement à l'une des obligations du mandant telles qu'énumérées précédemment dans le même paragraphe et dans le paragraphe IX.
Contrairement à ce que soutiennent les époux X., cette clause pénale n'est pas en contradiction avec le fait, s'agissant d'un mandat simple, de conserver la liberté de vendre par eux-mêmes ou par l'intermédiaire d'un autre mandataire. Cette liberté relève même de l'essence du mandat simple. L'emploi du terme « mandataire » leur permettait de donner un autre mandat simple à toute personne physique ou morale de leur choix ou de vendre seuls par l'intermédiaire de site internet.
Enfin l'engagement de ne pas vendre sans le concours de l'agence, à un acquéreur présenté par l'agence ou de vendre seul à un prix de présentation inférieur à celui résultant du contrat de mandat modifié par l'avenant, est limitée dans le temps à savoir 4 ans au total et que cette limitation est raisonnable.
Il sera ajouté que les intimés passé un délai de rigueur de quelques mois s'ils n'étaient pas satisfaits de la prestation fournie par l'agence appelante pouvaient dénoncer le mandat simple, à tout moment, comme pouvait le faire l'agence, à charge pour celle qui entend y mettre fin d'en informer l'autre partie quinze jours au moins à l'avance par lettre recommandée avec accusé.
Il s'en déduit que ce contrat respecte les dispositions de l'article 78 de la loi du 20 juillet 1972 dans sa version applicable en l'espèce.
Il respecte également les recommandations de la Commission des clauses abusives en la matière telles qu'énoncées plus avant.
En définitive, au vu de l'ensemble de ces éléments et sans avoir à entrer plus avant dans le détail de l'argumentation des parties, il convient de retenir que la clause pénale en cause ne constitue pas une clause abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation devenue L. 212-1, et qu'elle constitue une disposition contractuelle valable.
3. Sur l'application de la clause pénale :
La clause n'étant pas abusive, elle peut recevoir application.
Il a été jugé supra que les époux X. n'ont pas respecté leur obligations contractuelles en présentant le bien à un prix inférieur à la somme prévu au contrat de mandat modifié par l'avenant et en refusant de donner à l'agence immobilière le montant du prix final auquel la vente sera au final conclu. Ces non-respect ont pour sanction le paiement de la moitié de la commission prévue au contrat de mandat conformément aux dispositions de l'article XIV.
Pour s'opposer encore à cette demande les intimés soutiennent subsidiairement que cette somme est excessive et doit être réduite à 1 euro.
Toutefois, cette clause qui prévoit le versement de la somme de 48.000 euros représente 3 % du montant du prix de présentation non respecté par les époux X. Elle n'apparait pas dès lors manifestement excessive par son seul montant qui ne représente qu'une fraction du prix de présentation. Il n'est par ailleurs aucunement justifié qu'elle devrait être réduite par la simple affirmation qui n'est pas démontré, que d'une part l'agence ne subit aucun préjudice et d'autre part, que cette dernière n'aurait procédé à aucune visite et engagé aucun frais pour la vente de leur maison.
Il s'en déduit que les époux X. sont redevables du montant de la clause pénale et seront condamnés à payer à l'appelante la somme de 48.000 euros en application de la clause pénale.
La décision de première instance qui a débouté la Sarl Adresses Confidentielles de sa demande sera ainsi infirmée.
4. Sur la demande de dommages et intérêts :
L'appelante sollicite enfin la réparation d 'un préjudice moral. Cependant elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui d'avoir dû se défendre en justice et réparé par l' indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande de dommages et intérêts formée à titre reconventionnel :
Au regard de ce qui a été jugé les époux X. ne subissent aucun préjudice moral ou financier dont serait responsable l'appelante.
Ils seront donc déboutés de leur demande à ce titre également.
Sur les demandes accessoires :
Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par les époux X. qui succombent au principal, et ils seront déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles.
Il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à l'appelante la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles que les époux X. seront condamnés à lui payer.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoirement, matière civile et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions sauf en ce qu'elle a débouté les époux X. de leur demande de dommages et intérêts;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne solidairement Mme Y. épouse X. et M. X. à payer à la Sarl Adressses Confidentielles la somme de 48.000 euros au titre de la clause pénale et à la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la Sarl Adressses Confidentielles de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne solidairement Mme Y. épouse X. et M. X. à supporter les dépens de première instance et d'appel et ordonne recouvrement direct au profit du conseil qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme TOULOUSE, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Mme RODRIGUES, Greffière
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6120 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Principes
- 6331 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Agence immobilière - Mandat de vente ou de location