CA AMIENS (ch. écon.), 10 mars 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9451
CA AMIENS (ch. écon.), 10 mars 2022 : RG n° 21/04192
Publication : Jurica
Extrait : « L'article 1171 du code civil dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable déterminée à l'avance par l'une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
Le contrat conclu le 24 septembre 2019 entre la société France Intervention et la société Gardif comportait une clause numérotée 13 intitulée clause compromissoire, stipulant que les parties convenaient de recourir à la procédure d'arbitrage pour trancher toutes les contestations pouvant s'élever pour quelle cause que ce soit, à l'occasion du contrat. Il était prévu notamment que l'arbitrage serait effectué par 3 arbitres, chacune des parties désignant un arbitre, lesquels devaient s'adjoindre un troisième arbitre et qu'en cas de défaut de désignation des arbitres dans les délais impartis ou de désaccord ou d'empêchement, la désignation des arbitres se ferait par « le Président du Tribunal de Commerce, lequel sera saisi par la partie la plus diligente.
Il était également prévu qu'à défaut de sentence arbitrale dans un délai de 10 mois, le délai pourrait être prorogé par accord des parties ou « par le président du Tribunal de Commerce ». Il était encore mentionné que « les opérations d'arbitrage se dérouleront dans le ressort du Tribunal de Commerce ».
Si la clause compromissoire ne désignait pas le tribunal de commerce effectivement compétent pour les opérations d'arbitrage, la désignation des arbitres en cas de difficultés ou d'empêchement, ou la prorogation de délai pour l'obtention d'une sentence arbitrale, il convient de constater que cette compétence est réglée par les dispositions de l'article 1459 du code, il ne peut donc être déduit du défaut de désignation du Tribunal de commerce compétent que la clause compromissoire est inapplicable.
En revanche, il est manifeste que le contrat conclu comporte un ensemble de clauses non négociables et déterminées à l'avance par la société France Intervention, ainsi que le soutient la société Gardif, le contrat impose en effet des conditions très strictes pour le sous-traitant qu'une libre négociation n'aurait pu laisser subsister, tels un délai de paiement à 60 jours qui constitue le délai maximum légalement prévisible, le fait qu'il soit précisé que toutes les obligations de paiement de sommes d'argent naissant entre les parties de l'exécution du contrat se compenseront entre elles, de plein droit et sans formalités que les conditions de la compensation légale soit ou non constituée, que les conditions tarifaires ne soient pas incluses dans le contrat mais fassent l'objet d'une annexe, un avenant étant prévu chaque année, il s'agit donc bien d'un contrat d'adhésion.
La clause compromissoire insérée dans le contrat à l'article 13, instaure une procédure complexe et coûteuse de règlement des litiges puisque nécessitant pour chacun de désigner un arbitre et de recourir au juge d'appui en cas de difficultés, lequel n'était effectivement pas désigné au contrat, seul l'application de l'article 1459 du code de procédure civile permettant de le connaître, et alors que la société France Intervention a une assise financière beaucoup plus importante que la société Garfif, les pièces versées aux débats établissant que la SAS France Intervention a réalisé un chiffre d'affaires en 2018 de 5.620.540 € et dispose de 8 établissements tandis que la société Gardif est une TPE qui ne dispose pas des mêmes moyens financiers. Par ailleurs, il doit être observé que la clause stipule que les arbitres devront rendre leur sentence dans un délai de 10 mois à compter du jour où le dernier arbitre aura accepté sa mission, délai qui peut être prorogé, soit un délai de 4 mois supérieur à celui fixé à l'article 1463 du code de procédure civile ; ce délai de 10 mois sans être illégal, a pour effet d'augmenter la durée de la procédure de règlement du litige, ce qui est préjudiciable à une entreprise de taille modeste qui se prévaut d'impayés.
Il y a donc lieu de constater au vu de ces éléments, que la clause compromissoire crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, il convient dès lors de la déclarer non écrite. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRÊT DU 10 MARS 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/04192. N° Portalis DBV4-V-B7F-IGI7. Jugement du tribunal de commerce de Saint-Quentin en date du 23 juillet 2021.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SAS FRANCE INTERVENTION
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Me Pierre L. de l'ASSOCIATION D.-L., avocat postulant au barreau de SAINT-QUENTIN, et ayant pour avocat plaidant Maître Edouard H., avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIMÉE :
Société GARDIF
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Nicolas R., avocat postulant au barreau d'AMIENS, vestiaire : 33, et ayant pour avocat plaidant Maître Estelle M., avocat au barreau de PARIS
DÉBATS : A l'audience publique du 16 décembre 2021 devant : Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre, Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère, et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 10 mars 2022. Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Vanessa IKHLEF
PRONONCÉ : Le 10 mars 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Vanessa IKHLEF, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Par ordonnance en date du 21 octobre 2020, le Président du Tribunal de Commerce de Saint Quentin a enjoint à la Société France Intervention d'avoir à payer à la SAS Gardif les sommes de :
- 27.960,28 € au titre de factures impayées avec intérêts au taux de trois fois l'intérêt légal à compter du 18 septembre 2020.
- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- 80 € au titre de l'indemnité forfaitaire.
- 35, 21 € au titre des dépens.
L'ordonnance a été signifiée le 17 décembre 2020.
La société France Intervention a formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement en date du 23 juillet 2021, le Tribunal de Commerce de Saint Quentin a :
- dit l'opposition de la société France Intervention à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 21 octobre 2020 recevable.
- dit que la clause compromissoire est manifestement inapplicable, cependant que la société France Intervention qui s'en prévaut ne l'a pas mise en œuvre.
- dit le Tribunal de commerce de Saint Quentin compétent.
- renvoyé la société France Intervention à conclure au fond pour l'audience du 4 septembre 2021.
- dit n'y avoir lieu en l'état de la procédure à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- dit que le jugement sera notifié par LRAR aux parties.
- dit que les dépens du présent jugement liquidés pour frais de greffe à la somme de 138,10 € seront à la charge de la société France Intervention.
Par déclaration enregistrée le 11 août 2021, la SAS France Intervention a interjeté appel de la décision.
Par ordonnance du 24 août 2021, la SAS France Intervention a été autorisée à faire assigner à jour fixe la société Gardif.
Par conclusions en date du 16 décembre 2021, la SAS Gardif demande à la Cour de prononcer la caducité de la déclaration d'appel de l'appelante et de la condamner aux entiers dépens.
La société France Intervention, par conclusions en réplique demande à la Cour de débouter la société Gardif de sa demande aux fins de prononcer la caducité de la déclaration d'appel.
[*]
Aux termes de son assignation à comparaître délivrée le 12 octobre 2021, la SAS France Intervention demande à la Cour de :
- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Saint Quentin en date du 23 juillet 2021 en ce qu'il a retenu sa compétence, jugeant la clause compromissoire stipulée entre les parties manifestement inapplicable au visa de l'article 1.448 du code de procédure civile.
- déclarer la juridiction de l'Etat incompétente au profit du tribunal arbitral.
- condamner la société Gardif à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société Gardif aux entiers dépens.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 24 novembre 2021, la SAS Gardif demande à la Cour de :
- débouter l'appelante de l'ensemble de ses prétentions.
- confirmer la décision rendue en première instance par le Tribunal de commerce de Saint Quentin.
- dire que le Tribunal de commerce de Saint Quentin est compétent pour juger l'affaire.
- condamner la société France Intervention à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société France Intervention aux entiers dépens.
À titre subsidiaire,
- débouter la société France Intervention de sa demande en paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- dire que chacune des parties supportera ses propres dépens.
[*]
Le dossier a fait l'objet d'une ordonnance de clôture le 16 décembre 2021.
Pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties, la Cour renvoie à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur la caducité de la déclaration d'appel :
La Société Gardif fait valoir qu'en application de l'article 84 du code de procédure civile, le délai d'appel est de 15 jours à compter de la notification du jugement, que l'appelante est taisante sur la date à laquelle le jugement lui a été signifié, que l'appel a été interjeté le 11 août 2021 alors que le jugement a été prononcé le 23 juillet 2021, que sauf à justifier d'une date de signification respectant le délai prescrit pour faire appel, la déclaration d'appel est frappée de caducité.
La société France Intervention réplique qu'elle verse aux débats la lettre du greffe notifiant le jugement à partie, en date du 26 juillet 2021, la copie de l'enveloppe affranchie du sceau de la Poste de Saint Quentin à la date du 27 juillet 2021, qu'en application de l'article 668 du code de procédure civile, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre qu’en application de l'article 641 alinéa 1, lorsqu'un délai est exprimé en jours, le jour de la notification qui le fait courir ne compte pas, que n'ayant pu commencer à courir avant le 29 juillet 2021, le délai de 15 jours a bien été respecté.
L'article 84 du code de procédure civile qui concerne l'appel du jugement statuant sur la compétence dispose notamment que le délai d'appel est de 15 jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
En l'espèce, il est établi que la lettre de notification de la décision en date du 26 juillet 2021 a été postée le 27 juillet 2021, ainsi que le déclare la société France Intervention, lorsqu'un délai est exprimé en jours, le jour de la notification qui le fait courir ne compte pas, le délai n'a donc pas commencé à courir avant le 29 juillet 2021, l'appel a été interjeté le 11 août 2021, dans le délai imparti, aucune caducité de la déclaration d'appel ne saurait donc être prononcée.
Sur le fond :
Le Tribunal a estimé que les conditions dans lesquelles la société France Intervention avait imposé à la société Gardif cette clause compromissoire ne résultait nullement de la volonté de cette dernière qui s'y était trouvée contrainte pour obtenir le contrat de sous-traitance, qu'il convenait de relever que la société France Intervention qui avait la charge de désigner un arbitre et de demander à Gardif de désigner le sien n'avait rien fait après de nombreux mois de procédure, que la clause compromissoire ne mentionnait pas la juridiction territorialement compétente et que l'article 42 du CPC ne pouvait y suppléer, que la clause compromissoire, telle que rédigée était donc manifestement inapplicable.
Il a ajouté que la société France Intervention excipait finalement de cette clause compromissoire pour retarder tout procès et retarder le paiement de ses dettes, ce que le tribunal ne saurait accepter.
La société France Intervention expose qu'elle est une société spécialisée dans les activités de sécurité privée, qu'elle a conclu un contrat de sous-traitance le 24 septembre 2019 avec la société Gardif, qu'un différend est né entre les parties, que la société Gardif a obtenu une injonction de payer le 21 octobre 2020 et qu'elle a fait opposition à cette décision, mais a soulevé in limine litis l'incompétence du Tribunal de Commerce de Saint Quentin au profit du Tribunal arbitral.
Elle déclare que le contrat comportait une clause selon laquelle les parties étaient convenues de recourir à la procédure d'arbitrage pour trancher toutes les contestations pouvant s'élever, pour quelque cause que ce soit, à l’occasion du contrat, mais que le Tribunal a jugé que la clause compromissoire était inapplicable au motif qu'elle aurait été imposée à l'autre partie, qui s'y était trouvée contrainte pour obtenir le contrat de sous traitance.
Elle fait valoir que cette considération, à la supposer établie est indifférente pour caractériser ou non le caractère manifestement inapplicable de la clause compromissoire, qu'il n'existe pas en l'espèce de contrat d'adhésion et que néanmoins, l'existence d'un contrat d'adhésion ne saurait empêcher la clause compromissoire de produire ses effets. Elle ajoute qu'il importe peu que la société France Intervention n'ait pas saisi de tribunal arbitral, étant observé qu’elle n'est pas à l'initiative du contentieux, qu'au surplus, l'absence de désignation de la juridiction territorialement compétente pour désigner un ou plusieurs arbitres ne saurait rendre la clause inapplicable en application de l'article 1459 du code de procédure civile, que le tribunal ne pouvait considérer que revendiquer l'application de cette clause retardait le paiement de la dette, la juridiction manquant ainsi à son devoir d'impartialité.
La SAS Gardif fait valoir que la clause compromissoire est inapplicable, que si elle prévoit que les litiges intervenant lors de la nomination des arbitres seront tranchés par le Tribunal de Commerce, et que les opérations d'arbitrage s'exerceront dans le ressort du tribunal de commerce, le contrat ne précise pas le Tribunal de commerce compétent et qu'aucune mention ne permet de déterminer cette compétence, que le renvoi aux règles de l'article 42 du code de procédure civile, ne saurait prospérer eu égard au caractère contractuel de la clause d'arbitrage, que le tribunal étatique doit se déclarer incompétent lorsqu'un litige relève d'une convention d'arbitrage sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi. Elle ajoute que la procédure d’injonction de payer est l'ultime étape consécutive à de longues et pénibles diligences pour se faire payer, que plusieurs mois se sont écoulés depuis les factures impayées et une mise en demeure et que la société France Intervention n'a jamais mis en œuvre la clause dont elle excipe.
Elle ajoute que le contrat était un contrat d'adhésion et qu'elle n’a pu négocier aucune clause qu'en application de l'article 1171 du code civil, la nullité de la clause d'arbitrage est encourue si elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, qu'en l'espèce cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en instaurant une procédure couteuse, dans un secteur économiquement difficile, que si la société France Intervention a un CA 2018 de près de 6 millions d'Euros, la société Gardif société unipersonnelle a des moyens financiers plus restreints, que la clause contractuelle prévoyait de plus une décision du tribunal arbitral rendue dans un délai de 10 mois à compter de la saisine du Tribunal alors que le délai prévu à l'article 1463 du code de procédure civile est de 6 mois.
« ... L'article 1444 du code de procédure civile dispose que la convention d'arbitrage désigne le cas échéant, par référence à un règlement d'arbitrage, le ou les arbitres, ou prévoit les modalités de leur désignation. A défaut, il est procédé conformément aux dispositions des articles 1451 à 1454.
Selon l'article 1448, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.
La juridiction de l'Etat ne peut relever d'office son incompétence.
Toute stipulation contraire au présent article est réputée non écrite.
Selon l'article 1459 du code de procédure civile, le juge d'appui compétent est le président du Tribunal de Grande Instance ou le président du Tribunal de Commerce.
Et en l'absence de toute stipulation de la convention d'arbitrage, le juge territorialement compétent est celui du lieu où demeure le ou l'un des défendeurs à l'incident ou si le défendeur ne demeure pas en France du lieu où demeure le demandeur.
Selon l'article 1110 du code civil, le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables déterminées à l'avance par l'une des parties.
L'article 1171 du code civil dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable déterminée à l'avance par l'une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
Le contrat conclu le 24 septembre 2019 entre la société France Intervention et la société Gardif comportait une clause numérotée 13 intitulée clause compromissoire, stipulant que les parties convenaient de recourir à la procédure d'arbitrage pour trancher toutes les contestations pouvant s'élever pour quelle cause que ce soit, à l'occasion du contrat. Il était prévu notamment que l'arbitrage serait effectué par 3 arbitres, chacune des parties désignant un arbitre, lesquels devaient s'adjoindre un troisième arbitre et qu'en cas de défaut de désignation des arbitres dans les délais impartis ou de désaccord ou d'empêchement, la désignation des arbitres se ferait par « le Président du Tribunal de Commerce, lequel sera saisi par la partie la plus diligente.
Il était également prévu qu'à défaut de sentence arbitrale dans un délai de 10 mois, le délai pourrait être prorogé par accord des parties ou « par le président du Tribunal de Commerce ».Il était encore mentionné que « les opérations d'arbitrage se dérouleront dans le ressort du Tribunal de Commerce ».
Si la clause compromissoire ne désignait pas le tribunal de commerce effectivement compétent pour les opérations d'arbitrage, la désignation des arbitres en cas de difficultés ou d'empêchement, ou la prorogation de délai pour l'obtention d'une sentence arbitrale, il convient de constater que cette compétence est réglée par les dispositions de l'article 1459 du code, il ne peut donc être déduit du défaut de désignation du Tribunal de commerce compétent que la clause compromissoire est inapplicable.
En revanche, il est manifeste que le contrat conclu comporte un ensemble de clauses non négociables et déterminées à l'avance par la société France Intervention, ainsi que le soutient la société Gardif, le contrat impose en effet des conditions très strictes pour le sous-traitant qu'une libre négociation n'aurait pu laisser subsister, tels un délai de paiement à 60 jours qui constitue le délai maximum légalement prévisible, le fait qu'il soit précisé que toutes les obligations de paiement de sommes d'argent naissant entre les parties de l'exécution du contrat se compenseront entre elles, de plein droit et sans formalités que les conditions de la compensation légale soit ou non constituée, que les conditions tarifaires ne soient pas incluses dans le contrat mais fassent l'objet d'une annexe, un avenant étant prévu chaque année, il s'agit donc bien d'un contrat d'adhésion.
La clause compromissoire insérée dans le contrat à l'article 13, instaure une procédure complexe et coûteuse de règlement des litiges puisque nécessitant pour chacun de désigner un arbitre et de recourir au juge d'appui en cas de difficultés, lequel n'était effectivement pas désigné au contrat, seul l'application de l'article 1459 du code de procédure civile permettant de le connaître, et alors que la société France Intervention a une assise financière beaucoup plus importante que la société Garfif, les pièces versées aux débats établissant que la SAS France Intervention a réalisé un chiffre d'affaires en 2018 de 5 620 540 € et dispose de 8 établissements tandis que la société Gardif est une TPE qui ne dispose pas des mêmes moyens financiers. Par ailleurs, il doit être observé que la clause stipule que les arbitres devront rendre leur sentence dans un délai de 10 mois à compter du jour où le dernier arbitre aura accepté sa mission, délai qui peut être prorogé, soit un délai de 4 mois supérieur à celui fixé à l'article 1463 du code de procédure civile ; ce délai de 10 mois sans être illégal, a pour effet d'augmenter la durée de la procédure de règlement du litige, ce qui est préjudiciable à une entreprise de taille modeste qui se prévaut d'impayés.
Il y a donc lieu de constater au vu de ces éléments, que la clause compromissoire crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, il convient dès lors de la déclarer non écrite.
Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce que le Tribunal de Commerce de Saint Quentin s'est déclaré compétent pour connaître du litige.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
La société France Intervention succombant en ses prétentions, sera condamnée à payer à la SAS Gardif la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Déboute la SAS Gardif de sa demande tendant au prononcé de la caducité de la déclaration d'appel.
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré la clause compromissoire inapplicable.
Statuant à nouveau,
Déclare non écrite la clause compromissoire contenue dans le contrat conclu le 24 septembre 2019 entre la SAS France Intervention et la SAS Gardif.
Confirme le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Saint Quentin en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître du litige.
Condamne la SAS France Intervention à payer à la SAS Gardif la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SAS France Intervention aux dépens.
Le Greffier, La Présidente,
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