CA NÎMES (4e ch. com.), 16 mars 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9466
CA NÎMES (4e ch. com.), 16 mars 2022 : RG n° 20/01031
Publication : Jurica
Extrait : « A titre liminaire, il sera dit que la sanction d'une clause pour mention d'un TEG erroné n'est pas à rechercher dans la qualification d'une clause abusive et donc réputé contradictoire mais dans une action en déchéance ou en nullité des intérêts de sorte que l'action engagée par l'emprunteur n'est pas imprescriptible et se trouve soumise à un délai de 5 ans.
Par ailleurs, les principes d'effectivité de la sanction et d'égalité des armes mis en exergue par l'emprunteur ne peuvent justifier un report du point de départ du délai de prescription en l'absence de tout fondement légal et d'inapplicabilité des directives visées qui ne s'imposent qu'aux crédits à la consommation et non aux prêts immobiliers, ce qui est le cas en l'espèce. »
COUR D’APPEL DE NÎMES
QUATRIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 16 MARS 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/01031. N° Portalis DBVH-V-B7E-HWBK. TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES, 25 février 2020 : RG n° 2019J237.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [...], [...], Représenté par Maître Karine H.-A., Postulant, avocat au barreau d'AVIGNON, Représenté par Maître Jérémie B., Plaidant, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉE :
CRÉDIT FONCIER DE FRANCE, SA
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [...], [...], Représentée par Maître Sonia H. de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Georges J., Plaidant, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, Mme Corinne STRUNK, Conseillère,Madame Claire OUGIER, Conseillère.
GREFFIER : Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS : A l'audience publique du 17 février 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 16 mars 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 16 mars 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ :
Vu l'appel interjeté le 1er avril 2020 par Monsieur X (ci-après l'emprunteur) à l'encontre du jugement prononcé le 25 février 2020 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° RG 2019J237 ;
Vu les dernières conclusions de l'appelant remises par la voie électronique le 20 janvier 2022, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions de la SA Crédit Foncier de France (ci-après l'établissement de crédit), intimée, remises par la voie électronique le 24 janvier 2022, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l'ordonnance du 19 octobre 2021 de clôture de la procédure à effet différé au 3 février 2022 pour une fixation à l'audience de plaidoiries du 3 février 2022 ;
Vu le report de la date de clôture au 10 février 2022 suivant ordonnance rendue le 1er février 2022 ;
* * *
L'appelant a acquis un bien immobilier dans le Gard, constituant sa résidence principale, financé par la société de crédit intimée, sur la base d'une offre de prêt du 30 novembre 2011 et acceptée le 12 décembre 2011.
Cette offre porte sur deux prêts distincts, à savoir :
- un prêt à taux zéro plus n° 41XX28 d'un montant de 11.850 euros d'une durée de 192 mois ;
- un prêt à l'accession sociale n° 41YY629, objet du litige, avec un taux conventionnel de 4,25 % d'un montant de 78.054 euros comportant une période de préfinancement de 36 mois au cours de laquelle les fonds sont débloqués en fonction de l'avancée des travaux et seuls sont réglés les intérêts calculés sur les sommes débloquées, suivi d'une période d'amortissement de 240 mois avec 192 mensualités de 474,79 euros puis 48 mensualités de 536,54 euros.
Par exploit du 21 mai 2019, l'emprunteur a assigné l'établissement de crédit devant le tribunal de commerce de Nîmes aux fins de voir :
- constater que les intérêts périodiques du prêt n°41YY629 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que 1'année civile,
- constater que les frais de la période de préfinancement du prêt n° 41YY629 n'ont pas été intégrés au TEG,
- constater que les frais d'assurance du prêt n° 41YY629 n'ont pas été intégrés au TEG,
- dire et juger que le taux effectif global du prêt n° 41YY629 mentionne dans l'offre de prêt en date du 30 novembre 2011, émise par la société de crédit est erroné,
- ordonner en conséquence, la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial souscrit par l'emprunteur,
- enjoindre à l'établissement de crédit d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre,
- condamner la société de crédit à restituer à l'emprunteur le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel du prêt n° 41YY629 et les intérêts au taux légal, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- dire et juger que les sommes correspondant à cet écart devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la société de crédit, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre,
- condamner la société de crédit à payer à l'emprunteur la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle.
- condamner la société de crédit à payer à l'emprunteur la somme de 3.600 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et les dépens de l'instance.
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
[*]
Par jugement du 25 février 2020 - dont appel - le tribunal de commerce de Nîmes a, sur le fondement de l'article L. 110-4 du code de commerce et 1304 du code civil :
- déclaré prescrites et irrecevables les demandes de l'emprunteur,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;
- condamné l'emprunteur aux dépens de l'instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.
La juridiction consulaire a considéré qu'une étude attentive de l'offre de prêt suffisait à renseigner l'emprunteur sur d'éventuelles erreurs affectant le TEG de sorte que le point de départ de la prescription a été fixé le 12 décembre 2011 avec une action prescrite en présence d'un acte introductif d'instance daté du 21 mai 2019.
Le 1er avril 2020, l'emprunteur a relevé appel de ce jugement.
* * *
Sur la recevabilité de sa demande, l'emprunteur fait valoir tout d'abord que l'action qui tend à faire échec à une clause abusive n'est pas soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil ; ainsi, en présence la clause contractuelle, qui tend à exclure le coût du préfinancement de la liquidation du coût du crédit et du calcul du TEG, est une clause abusive dont l'examen échappe à cette prescription.
A défaut, l'appelant expose que la déloyauté fait également obstacle à toute quelconque prescription.
Il suggère que le principe d'effectivité doit conduire à écarter le régime de prescription qui serait basé sur une présomption de connaissance parfaite par le consommateur des irrégularités affectant l'acte et ce dès sa signature ; il invoque un délai utile ce qui justifie le report du point de départ du délai de prescription à la date du document établi à son initiative et qui établit l'irrégularité dénoncée.
Sur ce dernier point, il conteste tout caractère potestatif de ce report indiquant que la prescription ne dépend jamais du pouvoir unilatéral de celui qui agit étant enfermée dans un délai de 20 ans.
Il ajoute enfin que le principe d'égalité des armes ne permet pas à l'établissement de crédit d'opposer la prescription concernant des irrégularités affectant la validité d'un prêt en cours d'exécution alors même que le prêteur peut engager une action pendant toute la durée du prêt. Ainsi, faire courir la prescription à compter de la signature du contrat de prêt revient à priver l'emprunteur au-delà de 5 ans de la possibilité de dénoncer des irrégularités dont il n'a pas eu connaissance. Il soutient donc que, le cocontractant peut contester la validité du contrat et faire valoir une cause de nullité, dès lors qu'il est en cours d'exécution.
La reconnaissance de la possibilité de reporter le point du départ de la prescription n'est pas contraire et incompatible avec l'existence d'un délai butoir de 20 ans applicable à compter de la naissance d'un droit qui répond à l'impératif de sécurité juridique.
Sur le bien-fondé de sa demande, l'emprunteur explique que le contrat souscrit comporte une période de préfinancement de 36 mois dont le coût n'a pas été intégré au Teg ce qui est contraire aux dispositions de l'article L. 313-1 du code de la consommation dans la mesure où ces frais étaient déterminables à l'avance en présence d'un taux et d'une durée maximale prévus au contrat.
Le Teg devait donc intégrer dans son calcul les intérêts de cette période maximale de 36 mois rendant ainsi le montant retenu par le prêteur nécessairement erroné. Il précise en dernier lieu que le Teg doit être calculé sur la base de la seule durée de la période d'amortissement.
Dans le même sens, il dénonce l'absence de mention du coût total maximum du crédit qui doit comprendre l'ensemble des frais liés à l'opération incluant ceux liés à la prise de garantie. Ce faisant, il signale que l'offre ne procède pas à la liquidation du coût total maximal des intérêts intercalaires et plus généralement du coût total maximal de la période de préfinancement.
Enfin, il soutient que le calcul des intérêts périodiques n'a pas été basé sur l'année civile mais sur la pratique prohibée du diviseur 360 comme en atteste le rapport d'expertise établi par le Pôle Expert Nord-Est qui emporte en germe une majoration dissimulée du montant des intérêts. Sur ce point, il s'oppose à l'adoption prise récemment par la cour de cassation qui tout en consacrant le caractère prohibé d'une telle pratique se défend de toute sanction sauf à démontrer que l'erreur du Teg franchit le seuil d'un dixième. Il réclame donc l'application de la sanction visant à substituer le taux d'intérêt légal au taux contractuel opposable à un crédit souscrit en 2011.
Il explique également que la société de crédit, en sa qualité professionnelle soumise à un devoir d'information et une obligation de bonne foi, ne pouvait ignorer que l'offre de prêt établie et soumise à sa signature ne respectait pas la réglementation en vigueur par l'occultation de certains frais induits par les conditions d'octroi du prêt. Il en déduit donc que la banque a commis un manquement à son obligation de loyauté lors de la conclusion et dans l'exécution du contrat.
Il réclame en conséquence que cette clause litigieuse tendant à exclure du coût du crédit les frais du préfinancement soit réputée non écrite et que la stipulation des intérêts soit annulée ; il réclame subsidiairement le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts.
Il soutient en dernier lieu que l'établissement de crédit a commis une faute contribuant à son préjudice moral né de la prise de conscience d'avoir été trompé sur les modalités de calcul des intérêts mais également sur la présentation du coût du crédit justifiant l'allocation de dommages et intérêts.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions, l'emprunteur demande donc à la cour, au visa de l'article 1907 du code civil, des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation et les articles R. 313-1 et suivants du même code, de l'article L. 312-33 du code de la consommation, désormais codifié à l'article L. 341-34 du même code et des articles 1231 et suivants du même code, de :
- déclarer recevable l'appel interjeté par l'appelant ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- déclare prescrites les demandes du demandeur,
- les déclare irrecevables,
- dit n'y avoir lieu a application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- rejette toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,
- condamne le demandeur aux dépens de l'instance que le tribunal liquide et taxe à la somme de 74,18 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.
Statuant à nouveau,
- déclarer les demandes de l'appelant recevables et bien fondées ;
- constater que les frais de la période d'anticipation du prêt n° 41YY629 n'ont pas été intégrés au TEG ni au coût « total » du crédit, par le jeu d'une clause abusive ; En écarter l'application ;
- prononcer en conséquence l'annulation de la stipulation d'intérêts du contrat initial souscrit par l'appelant ;
- ordonner en conséquence la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial souscrit par l'appelant ;
En tout état de cause,
- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt 41YY629 souscrit auprès de la société intimée par l'appelant ;
- condamner la société intimée à payer à l'appelant la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle ;
- condamner la société intimée à payer à l'appelant la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la société intimée ;
- condamner la société intimée aux entiers dépens de l'instance ;
* * *
L'établissement de crédit fait valoir tout d'abord que les actions en déchéance et en nullité de la stipulation d'intérêts ne sont pas la sanction d'une clause abusive qui serait réputée non écrite, et ne sont donc pas concernées par l'imprescriptibilité de ces actions. Il considère qu'à la lecture du dispositif des conclusions de l'appelant, la cour n'est pas saisie d'une action en déclaration de clause abusive et rappelle dans un même temps que la sanction d'une clause abusive n'est pas l'annulation de la clause d'intérêt.
Il défend la prescription de l'action en nullité et de l'action en déchéance en se fondant sur les dispositions de l'article 2224 du code civil.
Il conteste toute déloyauté ou manœuvre en présence d'une clause clairement stipulée laquelle mentionne que le calcul des intérêts n'a pas été effectué sur la base exact/360 mais sur la base d'une année de 365 jours.
Elle soutient que le point de départ du délai de prescription quinquennale de l'action en nullité et en déchéance court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'irrégularité qu'il invoque, soit à compter de la signature du contrat s'agissant d'éléments intrinsèques à l'offre de prêt.
Ainsi, elle considère que la lecture du contrat le renseignait sur l'obligation d'intégrer les intérêts et les cotisations d'assurance au calcul du TEG ainsi que sur l'exclusion des frais de la période préalable aux déblocages des fonds ce qui rend sa demande prescrite. C'est le même raisonnement pour le caractère décelable des modalités de calcul des intérêts conventionnels ; il pouvait donc aux termes de simples calculs vérifier que les intérêts de la période préfinancement n'étaient pas intégrés dans le TEG ce qui est d'ailleurs précisé dans l'offre de prêt.
Le raisonnement de l'appelant est pour elle incompatible avec l'existence d'un délai butoir de 20 ans.
Il soutient par ailleurs que les principes d'effectivité des sanctions et d'égalité des armes ne peuvent justifier le report du point de départ du délai de prescription, notamment en l'absence de fondement légal à son soutien, de l'inapplicabilité des directives 2008/48/CU du 23 avril 2008 qui concerne les prêts à la consommation et non les prêts immobiliers, et celle du 2014/17/UE du 4 février 2014, qui n'a été transposée en droit français qu'à la suite de l'ordonnance du 25 mars 2016 et ne peut ainsi concerner un contrat de prêt litigieux souscrit en 2011.
Il ajoute aussi que les références jurisprudentielles soulevées par l'emprunteur sont inopérantes au cas d'espèce s'adressant à des prêts à la consommation et qu'il n'existe aucune asymétrie dans les droits et obligations des parties cocontractantes justifiant que la prescription ne coure pas pendant l'exécution du contrat.
Concernant les sanctions des contestations relatives au TEG, aux intérêts conventionnels mais également à l'intégration des frais de la période de préfinancement, l'établissement de crédit affirme que seule l'action en déchéance du droit aux intérêts peut être sollicitée et non la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, du TEG.
Il sollicite en conséquence le rejet de l'action en nullité, la déchéance du droit aux intérêts étant une sanction suffisamment dissuasive.
Il soutient le mal-fondé de l'action en contestation du TEG menée par l'emprunteur en défendant l'absence d'intégration des frais de la période de préfinancement, puisque ces frais sont indéterminables, la durée de cette période étant aléatoire et soumise à l'avancée des travaux.
Le prêteur conteste par ailleurs les conclusions du rapport d'expertise produit et notamment celle de la majoration du TEG du fait de cette intégration, soutenant pour sa part que l'intégration des frais de préfinancement entraîne au contraire une minoration du TEG ; il fait grief à l'expert de ne pas avoir intégré dans ses calculs la durée de la période de 36 mois se basant sur la durée initiale du prêt soit 240 mois.
Pour finir, sur le grief tenant au caractère erroné du TEG en raison de l'absence d'intégration des frais de préfinancement, elle rappelle qu'elle ne peut donner lieu qu'à une déchéance destinée à sanctionner un vice du consentement qui ne peut être retenu au cas d'espèce, l'offre informant clairement l'emprunteur de ce que les cotisations d'assurance décès durant cette période n'étaient pas intégrées.
Sur les modalités de calcul des intérêts conventionnels, le prêteur indique que le recours à une année de 360 jours est accepté en ce qui concerne les prêts professionnels ; par ailleurs, il souligne que le contrat est clair sur les modalités de calcul et qu'il n'est pas justifié qu'il ait eu recours à une période de référence de 360 jours comme avancé par l'appelant. A défaut, il prétend que le recours au diviseur 360 n'entraine aucun surcoût en intérêts. L'intimée affirme avoir eu recours à la méthode de calcul autorisée par le législateur qui est la plus favorable au consommateur.
Enfin, l'établissement de crédit indique que l'action en responsabilité est irrecevable et mal-fondé puisque dans le cadre des prêts immobiliers octroyés aux consommateurs, les relations entre prêteur et emprunteur sont régies par la loi Scrivener impliquant un devoir d'information. Il fait valoir que l'emprunteur ne démontre pas de faute, de lien de causalité et de préjudice puisqu'il calcule les intérêts au regard de la base 30/360, d'1/12 ou sur la base 30,41666/365 fixé par le législateur. Il fait également valoir que l'emprunteur n'apporte pas la preuve que le TEG du prêt serait erroné de plus d'une décimale en raison d'un calcul des intérêts effectué une base prétendument de 360 jours.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions, l'établissement de crédit demande donc à la cour, de :
- le recevoir en ses écritures et y faisant droit ;
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
A défaut :
- déclarer mal fondée l'appelant en son action en nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels engagée sur la base d'une offre de prêt soumises aux dispositions d'ordre public de la loi Scrivener, codifiée aux articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation ;
- déclarer mal fondée la demande en nullité fondée sur le caractère erroné du coût du prêt à l'offre ;
- le déclarer mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter,
En tout état de cause,
- condamner l'emprunteur à verser à l'établissement bancaire la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux dépens dont distraction au profit de Madame Sonia H. conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
[*]
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Sur la prescription :
L'emprunteur réclame dans ses conclusions la nullité de la clause de stipulation des intérêts du contrat initial souscrit considérant que la clause est abusive car elle omet d'intégrer dans le TEG et dans le coût total du crédit, les frais de la période d'anticipation du prêt n° 4197639 ; en tout état de cause, il demande le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts.
Les parties s'opposent avant tout sur la recevabilité de l'action engagée par l'emprunteur pour cause de prescription, l'appelant considérant en premier lieu son action imprescriptible s'agissant de l'existence d'une clause abusive et à tout le moins non prescrite alors que l'intimé considère la prescription quinquennale applicable et acquise dès lors que l'erreur alléguée était apparente par la simple lecture de l'offre de prêt.
A titre liminaire, il sera dit que la sanction d'une clause pour mention d'un TEG erroné n'est pas à rechercher dans la qualification d'une clause abusive et donc réputé contradictoire mais dans une action en déchéance ou en nullité des intérêts de sorte que l'action engagée par l'emprunteur n'est pas imprescriptible et se trouve soumise à un délai de 5 ans.
Par ailleurs, les principes d'effectivité de la sanction et d'égalité des armes mis en exergue par l'emprunteur ne peuvent justifier un report du point de départ du délai de prescription en l'absence de tout fondement légal et d'inapplicabilité des directives visées qui ne s'imposent qu'aux crédits à la consommation et non aux prêts immobiliers, ce qui est le cas en l'espèce.
Enfin, pour s'opposer à l'application de la prescription, l'emprunteur dénonce la déloyauté du prêteur qui a fait le choix d'un calcul des intérêts sur une année de 360 jours faisant fi de toutes les règles de droit applicables de sorte que la fraude fait exception à l'application de la prescription.
En l'état, la seule mention d'un TEG erroné n'est pas constitutive d'une fraude dont le caractère intentionnel n'est pas démontré de sorte que le délai de prescription de cinq ans tel que prévu à l'article 2224 du code civil est applicable.
Ceci étant, les parties s'opposent sur la nature de la sanction civile applicable en cas d'erreur du taux effectif global mentionné dans une offre de prêt soumise aux dispositions du code de la consommation, l'intimé considérant que la déchéance du droit aux intérêts est seule encourue et l'appelant soutenant être bien fondé à se prévaloir de la nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels.
Il était classiquement établi que lorsque la demande de nullité de la stipulation d'intérêts n'était pas fondée sur une offre préalable de prêt reposant sur les dispositions du code de la consommation mais sur l'acte de prêt, la sanction d'un taux effectif global erroné n'était pas la déchéance du droit aux intérêts telle que prévue par les dispositions combinées des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation mais la nullité de la stipulation d'intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1907 du code civil.
Si les dispositions de l'ordonnance du 17 juillet 2019 uniformisant la sanction d'une omission ou d'une erreur de TEG par la seule déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge ne s'appliquent pas immédiatement aux contrats en cours qui demeurent régis par la loi en vigueur au jour de leur conclusion en vertu du principe de non rétroactivité de la loi prévu par l'article 2 du code civil, il est désormais acquis qu'en cas d'erreur affectant le taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt, la sanction encourue par le prêteur n'est pas la nullité de la clause stipulant l'intérêt mais la déchéance du droit aux intérêts.
Contrairement aux allégations de l'appelant, la seule sanction encourue en cas d'inexactitude du TEG mentionné dans une offre préalable de prêt est la déchéance du droit aux intérêts de sorte que l'action aux fins de nullité doit être déclarée irrecevable.
Ceci étant, l'action en déchéance du droit aux intérêts, antérieurement soumise à la prescription décennale, est désormais quinquennale suite à la loi du 17 juin 2008, prévue par les dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce, dont le point de départ est fixé conformément au régime de droit commun découlant des dispositions de l'article 2224 du code civil au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
L'article 2224 du code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettant de l'exercer.
Conformément à ces dispositions, le point de départ du délai de prescription de la contestation du TEG se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant ce taux.
Suivant un arrêt rendu le 5 janvier 2022, la cour de cassation a confirmé que le point de départ de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel comme de l'action en déchéance du droit aux intérêts, formée en raison d'une erreur affectant le TEG se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant ce taux.
Pour que le point de départ du délai de prescription de cette action soit fixé à la date de la convention, il doit être vérifié que l'emprunteur était effectivement en mesure de déceler par lui-même à la lecture de l'acte de prêt l'erreur affectant le TEG.
L'appelant objecte sur ce point que la prescription de l'action n'est pas acquise dès lors que l'erreur affectant le TEG n'était pas apparente et ne se révélait pas à la seule lecture de l'offre de prêt ce qui du reste est conforté par le fait que seul le rapport d'expertise privé a mis en exergue les irrégularités dénoncées.
L'appelant fait ainsi grief aux premiers juges d'avoir fixé le point de départ de la prescription à la date de signature de l'offre préalable et d'avoir ainsi déclaré l'action en déchéance des intérêts conventionnels irrecevable sans avoir recherché si l'emprunteur, non professionnel, disposait des compétences financières nécessaires lui permettant de déceler par lui-même les erreurs alléguées à la simple lecture de l'offre.
Il considère que tel n'était pas le cas en l'espèce et soutient que le calcul du taux de période fait appel à des compétences mathématiques très élevées dont il ne disposait pas personnellement et dont il n'a été en mesure de prendre connaissance qu'à réception du rapport établi par Pôle Expert Nord-Est « Didier P. » (pièce 4) qu'il avait précisément saisie à cette fin.
L'emprunteur dénonce plusieurs irrégularités :
- le coût total maximum du crédit n'est pas mentionné en l'absence de liquidation du coût total maximal des intérêts intercalaires faute de mention des frais de la période de préfinancement qui ne sont pas inclus dans le calcul du TEG tout comme les frais liés à la prise de garantie ;
- le calcul des intérêts dus doit être effectué sur la base d'une année civile et non sur la base d'une année de 360 jours.
L'intimé conclut à la confirmation de la décision du tribunal de commerce considérant l'offre de prêt parfaitement claire et de nature à renseigner l'emprunteur sur les éléments pris en compte ou exclus du calcul du TEG.
En l'espèce, l'offre préalable de prêt n°41YY629 distingue de manière claire deux périodes, une première d'une durée de 36 mois correspondant à la période de préfinancement avec un « taux d'intérêt fixe de 4,25 % avec intérêts sur les sommes débloquées » et une seconde dite d'amortissement d'une durée de 240 mois avec « un taux d'intérêt fixe de 4,25 % avec 192 mensualités de 474,79 euros et 48 mensualités de 536,54 euros ».
Cette offre de prêt apporte les précisions suivantes s'agissant de la période préfinancement :
« le prêt est assorti d'une période d'anticipation de 36 mois »
Taux d'intérêt :
Pendant cette période de préfinancement, le taux d'intérêt est fixe et s'élève à 4,25 % l'an
Echéances :
Les échéances comprennent les intérêts sur les sommes débloquées et les cotisations d'assurance le cas échéant. Elles sont mensuelles et seront prélevées le 10 de chaque mois »
La même offre précise s'agissant du TEG et du taux période les informations suivantes :
- frais de dossier d'un montant de 300 euros ;
- frais de garantie (évaluation) : 628 euros ;
- frais de courtage à la charge de l'emprunteur : 1.000 euros.
Il fixe le taux effectif global du crédit à 4,54 % et précise que le TEG est « un taux qui a pour objectif de présenter un taux incluant tous les frais inhérents au prêt' ce taux est un taux annuel proportionnel, obtenu en multipliant le taux de période par le nombre d'échéances dans une année avec un taux de période de 0,38 % par mois ».
Il est dit que le coût total prévisionnel du prêt s'élève à 40.787,60 euros et l'offre précise que :
« Outre les intérêts, ce coût inclut, le cas échéant, les assurances obligatoires sur la durée initiale du prêt (hors période de préfinancement), les frais de dossiers, les frais de garantie et les frais de courtage ».
La simple lecture de cette offre de prêt renseigne l'emprunteur sur l'exclusion des frais de la période préalable aux déblocages des fonds dite « période de préfinancement » et sur le fait que les intérêts et les cotisations d'assurance sur cette période ne sont pas considérés dans le calcul du TEG. Aussi, l'absence de prise en compte de ces frais était clairement apparente.
Sur le recours à une année de 360 jours pour le calcul des intérêts conventionnels, le grief allégué est décelable à la seule lecture de l'offre combinée avec le tableau d'amortissement annexé. Ainsi, l'emprunteur pouvait vérifier le montant des intérêts mentionnés dans le plan de remboursement en procédant à une vérification sommaire pour une seule échéance :
Le capital restant dû en début de période, le taux d'intérêt, la période de 30 jours sur l'année de 365 jours pour procéder à la vérification de la mensualité fixée et vérifiée si le calcul repose sur la base d'une année de 360 ou 365 jours.
Ainsi, à titre exemple, sur un capital restant dû de 76.038,60 euros, le calcul de la mensualité est le suivant sur la base d'une année de :
* 365 jours :
76.038,6 x 4,25% x 30 / 365 =265,61 euros
* 360 jours :
76.038,6 x 4,25% x 30 / 360 =269,30 euros
La mensualité retenue par le prêteur étant de 269,30 euros, l'emprunteur pouvait aisément vérifier que l'année de référence porte sur 360 jours.
C'est vainement que l'emprunteur excipe de la complexité des opérations, un calcul simple pouvant le renseigner sur l'irrégularité des taux de période mentionnés dans l'offre.
Au regard de ces éléments, c'est à bon droit que le tribunal de commerce a fixé le point de départ de la prescription à la date respective d'acceptation de l'offre, soit le 12 décembre 2011, le point de départ de la prescription ne pouvant être reporté dès lors que les griefs étaient apparents lors de la souscription de l'offre et permettait ainsi à l'emprunteur d'exercer son action à cette date.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels sur l'offre de prêt en présence d'une assignation délivrée le 21 mai 2019, et rejeté les autres demandes subséquentes.
Sur les frais de l'instance :
L'appelant succombant, il sera condamné aux dépens.
L'équité commande faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'emprunteur à la somme de 2.500 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur X à payer à la société Crédit Foncier de France la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur X aux dépens.
La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine CODOL, Présidente, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,