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CA ORLÉANS (ch. com. écon. fin.), 10 mars 2022

Nature : Décision
Titre : CA ORLÉANS (ch. com. écon. fin.), 10 mars 2022
Pays : France
Juridiction : Orléans (CA), ch. fin. et com.
Demande : 21/01513
Décision : 54-22
Date : 10/03/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 7/06/2021
Numéro de la décision : 22
Référence bibliographique : 6241 (L. 442-1 C. com., compétence du juge des référés), 6242 (L. 442-6, juridictions spécialisées)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9467

CA ORLÉANS (ch. com. écon. fin.), 10 mars 2022 : RG n° 21/01513 ; arrêt n° 54-22 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est constant que les parties ont conclu entre elles deux lettres de mission et que la demande de paiement formée à titre provisionnel par la société ABF s'inscrit dans le cadre de la seconde lettre de mission signée le 27 juillet 2020.

En vertu de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La société Galilé invoque dans le dispositif de ses conclusions l'application des articles L. 442-1-I-1° et L. 442-4-III du Code de commerce et D. 442-3 du code de commerce.

Au terme de l'article L. 442-1-I-1° du Code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, applicable à la date de signature de la lettre de mission du 27 juillet 2020 : « I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : 1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie (...) ».

L'article L. 442-4 III du Code de commerce énonce : Les litiges relatifs à l'application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.

Enfin au terme de l'article D. 442-3 du code de commerce, « Pour l'application du III de l'article L. 442-4, le siège et le ressort des tribunaux judiciaires compétents en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-2 du présent livre. »

En application de l'Annexe 4-2-2 du Code de commerce, la juridiction compétente pour connaître des procédures en application du III de l'article L. 442-4, dans le ressort de la Cour d'Appel d'Orléans est le Tribunal de Commerce de Paris.

Au cas présent, la société Galilé après avoir cité ces dispositions, fait valoir que « sa contestation porte sur la disproportion du prix au regard de la prestation et tend par conséquent à la nullité de la clause de prix » en indiquant notamment que le taux d'honoraire de 15 % est déraisonnable. Elle soutient que la demande principale en paiement et la demande reconventionnelle en nullité de la clause de prix en raison de la disproportion du prix au regard de la prestation sont indivisibles et que le présent litige ne relève donc pas de la compétence du tribunal de commerce de Tours mais de celle du tribunal de commerce de Paris.

La possibilité pour la victime de solliciter la nullité des clauses illicites en vertu des articles L. 442-1 et suivants est prévue non par les dispositions visées par la société Galilé dans le dispositif de ses conclusions mais par l'article L. 442-4, I de ce code qui dispose : « Toute personne justifiant d'un intérêt peut demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées aux articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 ainsi que la réparation du préjudice subi. Seule la partie victime des pratiques prévues aux articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 peut faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indus ».

En tout état de cause, la société Galilé conteste la compétence du tribunal de commerce de Tours et celle de la cour de céans, pour statuer sur la demande de provision, non en elle-même mais uniquement que parce qu'elle serait indivisible avec sa propre demande reconventionnelle en nullité de la clause de prix au regard de la prestation.

Or, elle ne forme devant le juge des référés aucune demande reconventionnelle en nullité de la clause de prix qui en tout état de cause, relèverait du juge du fond. L'argument tiré de l'indivisibilité entre la demande principale et une demande reconventionnelle, en réalité inexistante, est donc inopérant.

La société Galilé développe uniquement une contestation, en défense, sur le fondement des textes précités du code de commerce.

Le moyen tiré de l'inobservation des articles L. 442-1 et suivantes du Code de commerce ne s'analyse toutefois pas en une exception d'incompétence mais en une fin de non-recevoir d'ordre public rendant irrecevable la demande formée sur le fondement de ces dispositions devant des juridictions non spécialement désignées par l'article D. 442-3 du Code de commerce, ces dernières n'ayant pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur l'application de ces dispositions.

Pour autant, la demande de provision formée par la société ABF relève bien en tant que telle de la compétence du président du tribunal de commerce, s'agissant d'une demande provisionnelle formée entre deux sociétés commerciales. Le ressort territorial de tribunal de commerce de Tours et en appel, de la cour d'appel d'Orléans correspondent au lieu d'exécution de la prestation de service confiée à la société ABF, ce qui n'est pas contesté.

La contestation soulevée par la société Galilé sur le fondement des articles L. 442-1-1° et L. 442-4-III du Code de commerce ne peut donc entraîner l'incompétence des premiers juges et de la cour de céans pour statuer sur la demande de provision.

En conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a déclaré la société Galilé non fondée en son exception d'incompétence et celle-ci sera déboutée de sa demande tendant à déclarer la juridiction des référés du tribunal de commerce de Tours incompétente au profit de celle du tribunal de commerce de Paris. »

 

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

ARRÊT DU 10 MARS 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/01513. Arrêt n° 54-22. N° Portalis DBVN-V-B7F-GL3V. DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance de référé du Président du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 28 mai 2021.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE : - Timbre fiscal dématérialisé N°:XXX

SAS GALILE

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [...], [...], Ayant pour avocat postulant Maître Olivier L., membre de la SCP L. - F., avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Maître Régis B., membre de la SELARL B.-G.&ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, D'UNE PART

 

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: YYY

SAS ABF DECISIONS

Agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège. [...], [...], Ayant pour avocat Me Thierry C., membre de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS, D'AUTRE PART

 

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 7 juin 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 18 novembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 13 JANVIER 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de : Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Madame Ferréole DELONS, Conseiller.

Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT : Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 10 MARS 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

La SAS Galilé est la société holding d'un groupe de sociétés qui exercent leurs activités dans le domaine de l'industrie et de la manutention.

La société ABF Décisions (société ABF) a pour activité d'accompagner des entreprises dans leurs demandes de subventions publiques ; elle perçoit une commission sur les financements obtenus.

Par acte sous seing privé du 27 juillet 2018, la société Galilé a signé une lettre de mission avec la société ABF, confiant à cette dernière la détection et le montage des aides publiques susceptibles d'être accordées aux sociétés du groupe Galilé, ce pour une durée de 24 mois, moyennant une rémunération forfaitaire de 12.000 euros hors-taxes, soit 14.400 euros TTC, outre un pourcentage sur les aides publiques obtenues de 15 % hors-taxes des sommes accordées concernant les subventions, 10 % hors-taxes des sommes accordées concernant les avances remboursables en cas de succès et 3 % des sommes accordées concernant les avances remboursables classiques les prêts bonifiés et toutes autres aides publiques. La somme forfaitaire de 12.000 euros hors-taxes a été versée.

La société Galilé a signé une nouvelle lettre de mission avec la société ABF à la fin du mois de juillet 2020, pour une durée de 12 mois avec clause de tacite reconduction moyennant une rémunération de 15 % hors-taxes des sommes accordées concernant les subventions, 10 % hors-taxes des sommes accordées concernant les avances remboursables en cas de succès, 3 % des sommes accordées concernant les avances remboursables classiques, les prêts bonifiés et toutes autres aides publiques.

Le dossier du groupe Galilé a été retenu en janvier 2021 pour l'une des sociétés du groupe (société E.) avec une subvention accordée pour la somme de 854.000 €.

Le 3 février 2021, la société Galilé a adressé à la société ABF un courrier de résiliation « sans délai » de la lettre de mission.

Par acte d'huissier du 31 mars 2021, la société ABF a saisi le président du tribunal de commerce de Tours statuant en référé, en paiement par la société Galilé, à titre principal, d'une somme provisionnelle de 153.720 euros outre intérêts à compter de l'assignation.

La société Galilé a soulevé à titre principal l'incompétence d'attribution du Tribunal de Commerce de Tours pour statuer sur ce litige relevant selon elle du tribunal de commerce de Paris, en application des dispositions des articles L. 442- 1 du code de commerce, L. 442-4-III et D. 442-3 du code de commerce, et à titre subsidiaire diverses contestations sérieuses, consistant en la disproportion du prix et par conséquent la nullité de la clause illicite, la résiliation de la convention, et l'absence de contrepartie résultant de l'inadéquation entre le bénéficiaire de la subvention et le signataire de la convention.

Par ordonnance du 28 mai 2021, le président du tribunal de commerce de Tours a :

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence,

- déclaré la SAS Galilé non fondée en son exception d'incompétence ainsi qu'en sa demande de rejet pour contestations sérieuses ;

- condamné par provision la SAS Galilé à payer à la société ABF Décisions la somme de 53.720 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- condamné la SAS Galilé à payer à la société ABF Décisions la somme de 5.000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Galilé aux entiers dépens liquidés taxés concernant les frais de greffe à la somme de 43,29 €.

Le premier juge s'est déclaré compétent en indiquant que l'avantage consistant dans l'honoraire complémentaire de résultat convenu avait bien une contrepartie, la subvention détectée et obtenue pour 854.000 € et que cet avantage n'était pas manifestement disproportionné, même s'il était équivalent à 15 % de la subvention obtenue, dès lors qu'il résultait d'une libre négociation, de sorte que l'article L. 442-1 du Code de commerce ne concernait pas le cas d'espèce.

Il a rejeté les contestations sérieuses subsidiairement soulevées au motif que les lettres de mission conclues entre les parties s'analysaient comme des contrats et que le prix de la prestation de la société ABF n'était ni disproportionné ni significativement déséquilibré, ni excessif mais résultait de la loi entre les parties.

[*]

La société Galilé a formé appel de la décision par déclaration du 7 juin 2021 en intimant la société ABF décisions et en critiquant tous les chefs de l'ordonnance. Dans ses dernières conclusions du 29 juillet 2021, elle demande à la cour de :

Annuler et à tout le moins infirmer l'ordonnance n° 2021002213 rendue en date du 28 mai 2021 par la juridiction des référés du Tribunal de Commerce de Tours, ayant :

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence, déclarer la SAS Galilé non fondée en son exception d'incompétence ainsi qu'en sa demande de rejet pour contestations sérieuses ;

- condamné par provision la SAS Galilé à payer à la société ABF Décisions la somme de 153.720 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- condamné la SAS Galilé à payer à la société ABF Décisions la somme de 5.000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Galilé aux entiers dépens liquidés taxés concernant les frais de greffe à la somme de 43,29 €.

Statuant à nouveau,

Vu les articles L. 442- 1, L. 442-4-III, D. 442-3 du code de commerce, et l'Annexe 4-2-2 du Code de commerce,

- Dire la juridiction des référés du Tribunal de Commerce de Tours incompétente au profit de la juridiction des référés du Tribunal de Commerce de Paris.

- Annuler l'ordonnance entreprise et ordonner le renvoi devant la Cour d'Appel de Paris conformément à l'article 90 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

Vu notamment les articles 873 du code de procédure civile et 1169 du code civil,

- Rejeter les demandes de la société ABF Décisions, comme se heurtant à des contestations sérieuses.

En tout état de cause,

- Condamner la société ABF Décisions à payer à la société Galilé la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner la même aux entiers dépens distraits au profit de Maître Olivier L. de la SCP L.-F., avocat au barreau d'Orléans.

Sur l'incompétence du président du tribunal de commerce de Tours au profit de celui de Paris, elle rappelle les dispositions des articles L. 442-1 et L. 442-4-III du Code de commerce et indique que sa contestation porte sur la disproportion du prix au regard de la prestation et tend par suite à la nullité de la clause de prix car la somme exigée par la société ABF déséquilibre le plan de financement, en l'en privant d'une partie substantielle, d'autant que les aides accordées par l'État et l'Union Européenne dans le cadre du plan de relance sont aisées à obtenir, les aides européennes « Covid » ayant été largement relayées dans la presse et les diligences à accomplir par la société ABF très réduites, seule la partie administrative lui étant confiée. Elle en déduit une évidente disproportion entre le travail accompli et la somme de 153.720 euros exigée par la société ABF, soit un taux de rémunération de 15 % qui apparaît déraisonnable, comparativement aux propositions d'interventions soumises par des concurrents de la société ABF dont la rémunération représente entre 2 et 8 % du montant de la subvention.

Elle ajoute que si elle a invoqué avant la saisine du juge des référés, le 2° de l'ancien article L. 442-6 du Code de commerce, relatif au « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties », elle se réfère dans ses conclusions au 1° visant « l'avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné ».

Subsidiairement, elle soutient que les demandes de la société ABF se heurtent à trois contestations sérieuses :

- la disproportion du prix au regard de la prestation et par conséquent la nullité de la clause de prix, qui doit relever d'un examen par le juge du fond,

- la résiliation du contrat de la société ABF, la société Galilé ayant résilié ce contrat par lettre recommandée en date du 3 février 2021, de sorte que la société ABF ne peut présenter une demande de provision et qu'il s'agit en réalité d'une réclamation indemnitaire, nécessitant que soit tranché le point de savoir si la résiliation était ou non justifiée, puis d'évaluer un préjudice, ce qui excède la compétence du Juge des référés.

- l'absence de contrepartie au profit du signataire du contrat, en application de l'article 1169 du Code Civil, les subventions étant perçues par les sociétés filiales d'exploitation, au nom desquelles elles sont présentées, et qui ont seules vocation à les percevoir et la société Galilé ne recevant aucune contrepartie.

[*]

La société ABF Décisions demande à la cour, par dernières conclusions du 16 août 2021 de :

- Déclarer la SAS Galilé recevable mais non fondée en son appel.

- Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

- Condamner la SAS Galilé à payer à la SAS ABF Décisions la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- La condamner aux dépens d'appel

Elle indique que la question qui se pose est de savoir s'il suffit, qui plus est en référé, d'invoquer un texte, non pas à titre principal mais par voie d'exception, pour, ipso facto et sans le moindre examen, bénéficier du régime procédural spécial prévu par ce texte, ici un renvoi du dossier devant une autre juridiction seule habilitée pour se prononcer sur l'application dudit texte et répond par la négative à cette question au motif, que cela suppose un minimum d'examen préalable du sérieux de la revendication du texte considéré.

Elle explique que « la nullité de la clause de prix » soulevée par la société Galilé n'est prévue que par l'article L. 442-4-I alinéa 2 et que l'attribution juridictionnelle spécifique prévue par le III de l'article L. 442-4 invoqué par l'appelante ne vaut que pour les litiges relevant d'un nombre limité d'articles (dont L. 442-1) au rang desquels ne figure pas ceux de L. 442-4, soit donc pour la nullité des clauses ou contrats. Elle en déduit que l'invocation de la nullité de la clause de la lettre de mission sur les honoraires n'est qu'un moyen de fond parmi d'autres sans qu'elle puisse entrainer l'incompétence territoriale spécifique à l'article L 422-1.

Elle ajoute que si la société Galilé veut aussi se placer sur le terrain de l'action en responsabilité de l'article L. 442-1, la condition tenant à l'existence d'un avantage 'ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie' n'est pas remplie car l'avantage convenu a bien une contrepartie, consistant dans la subvention détectée et obtenue pour 854.000 € et il n'est pas « manifestement disproportionné » dès lors qu'il équivaut à 15 % de la subvention obtenue.

Elle fait valoir que la somme convenue pour la rémunération de la société ABF n'a pas à déséquilibrer le plan de financement des investissements envisagés par la société E. puisque ce plan doit dès le départ être équilibré, sinon la subvention n'est pas accordée et que la subvention doit être prélevée sur la trésorerie de l'entreprise, non sur la rémunération. Elle ajoute que le dossier qu'elle a déposé ne tient pas en « quelques pages » et n'est pas une prestation uniquement administrative, mais est le fruit de réunions de travail avec les ingénieurs de la société en demande d'une subvention pour recueillir les éléments et détails du projet, les présenter dans tous leurs éléments techniques, économiques, sociaux, financiers et qu'il est tout à fait gratuit et inexact d'affirmer que les aides accordées par l'Etat et l'Union Européenne dans le cadre du plan de relance seraient « aisées à obtenir », les chiffres avancés quant au nombre de jours de travail n'étant corroborés par aucun élément et les tarifs des autres prestataires étant indifférents, chaque prestataire ayant les siens et la société Galilé ayant accepté ceux de ABF.

Elle en déduit d'une part que le moyen tiré d'une contestation relative à la nullité de la clause de prix (honoraires) pour disproportion du prix au regard de la prestation ne fait pas partie de ceux entrainant la compétence dérogatoire spécifique de l'article L. 442-4-III du code de commerce, d'autre part que celui tiré d'une contestation relative à l'avantage manifestement disproportionné prévu par l'article L. 442-1 n'est pas sérieux car les conditions n'en sont manifestement pas réunies, si bien que l'exception d'incompétence doit être rejetée.

Subsidiairement elle conteste l'existence de contestations sérieuses en indiquant :

- que l'action prévue par l'article L. 442-1 du Code de commerce est une action indemnitaire qui suppose une demande au fond avec démonstration que les conditions du texte sont réunies et avec ensuite obtention de dommages et intérêts pouvant alors faire l'objet d'une compensation et que les conditions de ce texte ne sont pas réunies puisqu'il y existe bien une contrepartie et que le prix n'est pas manifestement disproportionné, étant ajouté que le prix ne peut être contrôlé par le juge dès lors qu'il n'est pas établi qu'il ne résulterait pas d'une libre négociation,

- qu'à supposer la résiliation immédiate notifiée le 3 février 2021, elle ne peut au mieux valoir qu'à compter du 3 février 2021 et ne préjudicie pas au travail fait avant, à savoir ici la détection, le montage et le dépôt du dossier de subvention,

- que le moyen tiré de l'article 1169 du Code civil ne peut constituer une contestation sérieuse dès lors que la lettre de mission a été passée avec la société Galilé car elle est la holding du groupe et fédère ainsi toutes ses filiales et qu'il ne peut être soutenu qu'elle n'aurait « aucune contrepartie » dans les obtentions de subventions de ses filiales.

[*]

L'affaire a été fixée à l'audience du 13 janvier 2022 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 18 novembre 2011.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la compétence du juge des référés du tribunal de commerce de Tours :

Il est constant que les parties ont conclu entre elles deux lettres de mission et que la demande de paiement formée à titre provisionnel par la société ABF s'inscrit dans le cadre de la seconde lettre de mission signée le 27 juillet 2020.

En vertu de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La société Galilé invoque dans le dispositif de ses conclusions l'application des articles L. 442-1-I-1° et L. 442-4-III du Code de commerce et D. 442-3 du code de commerce.

Au terme de l'article L. 442-1-I-1° du Code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, applicable à la date de signature de la lettre de mission du 27 juillet 2020 :

« I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :

1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie (...) ».

L'article L. 442-4 III du Code de commerce énonce :

Les litiges relatifs à l'application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.

Enfin au terme de l'article D. 442-3 du code de commerce,

« Pour l'application du III de l'article L. 442-4, le siège et le ressort des tribunaux judiciaires compétents en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-2 du présent livre. »

En application de l'Annexe 4-2-2 du Code de commerce, la juridiction compétente pour connaître des procédures en application du III de l'article L. 442-4, dans le ressort de la Cour d'Appel d'Orléans est le Tribunal de Commerce de Paris.

Au cas présent, la société Galilé après avoir cité ces dispositions, fait valoir que « sa contestation porte sur la disproportion du prix au regard de la prestation et tend par conséquent à la nullité de la clause de prix » en indiquant notamment que le taux d'honoraire de 15 % est déraisonnable. Elle soutient que la demande principale en paiement et la demande reconventionnelle en nullité de la clause de prix en raison de la disproportion du prix au regard de la prestation sont indivisibles et que le présent litige ne relève donc pas de la compétence du tribunal de commerce de Tours mais de celle du tribunal de commerce de Paris.

La possibilité pour la victime de solliciter la nullité des clauses illicites en vertu des articles L. 442-1 et suivants est prévue non par les dispositions visées par la société Galilé dans le dispositif de ses conclusions mais par l'article L. 442-4, I de ce code qui dispose :

« Toute personne justifiant d'un intérêt peut demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées aux articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 ainsi que la réparation du préjudice subi. Seule la partie victime des pratiques prévues aux articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 peut faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indus ».

En tout état de cause, la société Galilé conteste la compétence du tribunal de commerce de Tours et celle de la cour de céans, pour statuer sur la demande de provision, non en elle-même mais uniquement que parce qu'elle serait indivisible avec sa propre demande reconventionnelle en nullité de la clause de prix au regard de la prestation.

Or, elle ne forme devant le juge des référés aucune demande reconventionnelle en nullité de la clause de prix qui en tout état de cause, relèverait du juge du fond. L'argument tiré de l'indivisibilité entre la demande principale et une demande reconventionnelle, en réalité inexistante, est donc inopérant.

La société Galilé développe uniquement une contestation, en défense, sur le fondement des textes précités du code de commerce.

Le moyen tiré de l'inobservation des articles L. 442-1 et suivantes du Code de commerce ne s'analyse toutefois pas en une exception d'incompétence mais en une fin de non-recevoir d'ordre public rendant irrecevable la demande formée sur le fondement de ces dispositions devant des juridictions non spécialement désignées par l'article D. 442-3 du Code de commerce, ces dernières n'ayant pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur l'application de ces dispositions.

Pour autant, la demande de provision formée par la société ABF relève bien en tant que telle de la compétence du président du tribunal de commerce, s'agissant d'une demande provisionnelle formée entre deux sociétés commerciales. Le ressort territorial de tribunal de commerce de Tours et en appel, de la cour d'appel d'Orléans correspondent au lieu d'exécution de la prestation de service confiée à la société ABF, ce qui n'est pas contesté.

La contestation soulevée par la société Galilé sur le fondement des articles L. 442-1-1° et L. 442-4-III du Code de commerce ne peut donc entraîner l'incompétence des premiers juges et de la cour de céans pour statuer sur la demande de provision.

En conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a déclaré la société Galilé non fondée en son exception d'incompétence et celle-ci sera déboutée de sa demande tendant à déclarer la juridiction des référés du tribunal de commerce de Tours incompétente au profit de celle du tribunal de commerce de Paris.

 

Sur les contestations sérieuses :

La société Galilé soulève à titre subsidiaire l'existence de contestations sérieuses.

Elle soulève en premier lieu la disproportion du prix au regard de la prestation et par conséquent la nullité de la clause de prix, qui doit relever d'un examen par le juge du fond.

Elle ne cite aucun texte autre que l'article 873 du code de procédure civile à ce titre, mais reprend l'argumentation qu'elle a invoquée à l'appui de l'exception d'incompétence en soutenant que le prix est en l'espèce manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie.

La nullité éventuelle de la clause de prix relève du juge du fond et ainsi qu'il a été dit, la contestation formée au titre de l'article L. 442-1- I alinéa 1 du Code de commerce ne relève pas du pouvoir juridictionnel des premiers juges et de la cour. Il appartiendra donc à la société Galilé le cas échéant de saisir le juge du fond compétent en application des articles L. 442-4 et D. 442-3 du Code de commerce.

En l'état, la cour de céans qui, en qualité de juge des référés accorde une provision uniquement dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ce qui suppose qu'elle vérifie ce critère, se borne à constater, que les deux parties ont signé un contrat qui fait la loi des parties, que la société ABF a exécuté ses obligations en obtenant pour la société E. une subvention de 854.000 € et que sa demande d'honoraires à hauteur de 153.720 € correspond au taux de 15 % prévu par le contrat. Ce moyen sera écarté.

L'appelante soulève en second lieu une contestation tenant à la résiliation du contrat.

Cette contestation n'a toutefois pas de caractère sérieux. En effet la résiliation ne peut valoir que pour l'avenir et la résiliation de la lettre de mission opérée de manière unilatérale par la société Galilé par courrier du 3 février 2021 ne prend effet qu'à compter de cette date et ne peut remettre en cause l'application du contrat pour la période antérieure.

Il ressort des pièces produites par la société ABF, que la subvention de 854.000 € a été obtenue pour la société E., société du groupe Galilé, en janvier 2021 à la suite du dépôt par ABF le 31 juillet 2020 du dépôt du dossier de demande, sur la plateforme BPI, ce dans le cadre de l'exécution de la lettre de mission du 27 juillet 2020. La société Galilé n'a d'ailleurs, dans ses premiers courriers, après réception de la facture de la société ABF à hauteur de 153.720 €, pas contesté le travail effectué par la société ABF et le principe d'une rémunération sur résultat mais a sollicité la réduction du pourcentage d'honoraires de 15 % prévu dans la lettre de mission, à hauteur de 10 % dans un courriel du 9 mars 2021 puis de 7 % dans un courriel du 12 mars 2021.

La contestation tirée de la résiliation du contrat ne peut donc être retenue.

La société Galilé soulève en troisième lieu l'absence de contrepartie au profit du signataire du contrat, en application de l'article 1169 du Code Civil.

Au terme de l'article 1169 du Code civil, le contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

La société Galilé fait valoir que les subventions ne pouvaient être perçues que par les seules sociétés filiales d'exploitation, au nom desquelles elles ont été sollicitées, la société Galilé ne recevant pour sa part aucune contrepartie.

Il est exact que les lettres de mission ont été conclues entre la société « Galilé Groupe » et la société ABF. La société Galilé groupe est toutefois une société holding qui fédère toutes les filiales du groupe et a ainsi pu signer une seule lettre de mission, pour l'ensemble des sociétés du groupe susceptibles d'être ensuite intéressées par telle ou telle subvention demandée dans un projet individualisé pour chacune, soit au cas présent, pour trois sociétés du groupe. Compte tenu des liens étroits notamment de participation, existant entre une holding et les sociétés filiales, la société Galilé a nécessairement un intérêt et trouve une contrepartie dans les obtentions de subventions par ses filiales.

Il est d'ailleurs indiqué dans la présentation du dossier soumis à la société BPI France le 31 juillet 2020 en page 1 qu'il s'agit « d'un projet global transversal au pôle industrie » mais qui « concerne plus particulièrement les sociétés suivantes » (E., F....) et en page 4 que « le projet doit permettre au groupe Galilé de se diversifier et de développer son chiffre d'affaires sur le nouveau marché du véhicule électrique. Par ailleurs, ces liens commerciaux avec des acteurs du secteur du véhicule électrique permettront de détecter et d'exploiter de nouvelles opportunités pour l'ensemble du groupe ».

L'intérêt du contrat pour la société Galilé doit en outre être examiné à l'aune du montant de la subvention obtenue par la société E., soit la somme de 854.000 €. Ainsi que l'indiquait la société ABF à la société Galilé dans un courriel du 7 juillet 2020 : « deux nouveaux dispositifs de subvention à l'investissement viennent d'être lancées par le gouvernement qui concernent le groupe Galilé. Les aides à l'investissement sont habituellement difficiles d'accès pour des ETI comme Galilé et plafonnées à 200 Keuros sur trois ans. En raison de la crise Covid, l'Europe a créé un régime exceptionnel permettant de verser jusqu'à 800 Keuros de subvention d'ici fin 2020 ».

En l'absence d'une contrepartie illusoire ou dérisoire, y compris pour la société Galilé, la contestation soulevée sur le fondement de l'article 1169 du Code civil n'a pas de caractère suffisamment sérieux permettant de faire obstacle à l'octroi de la provision sollicitée.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'il a déclaré la société Galilé non fondée en sa demande de rejet pour contestations sérieuses et par suite, en ce qu'elle a condamné la société Galilé à payer à la société ABF une provision de 153.720 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 31 mars 2021.

 

Sur les autres demandes :

La société Galilé succombant en toutes ses demandes, l'ordonnance sera confirmée en ses dépens relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. Pour la même raison, elle doit être condamnée aux entiers dépens exposés devant la cour, et au paiement à la société ABF de la somme de 3.000 € en application de l'article 700 code de procédure civile, sa propre demande formée sur ce même fondement étant rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

- Confirme l'ordonnance déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Déboute la société Galilé de toutes ses demandes ;

- Condamne la société Galilé à verser à la société ABF décisions une indemnité de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Galilé aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                                            LE PRÉSIDENT