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CA RENNES (2e ch.), 4 mars 2022

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 4 mars 2022
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 20/04424
Décision : 22/152
Date : 4/03/2022
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 17/09/2020
Numéro de la décision : 152
Référence bibliographique : 5889 (221-3 C. consom.),5927 (domaine, énergie)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9477

CA RENNES (2e ch.), 4 mars 2022 : RG n° 20/04424 ; arrêt n° 152 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le GAEC exerçait une activité d'élevage de vaches laitières, et le contrat de prestation de services conclu avec la société AFDEN le 23 novembre 2016 portait sur la fourniture et l'installation d'une batterie de condensateurs dont l'objet était de réduire la consommation d'électricité de l'exploitation.

Il en résulte que la fourniture et l'installation de ce matériel n'entraient pas dans le champ de compétence du GAEC qui n'avait pas de connaissance professionnelle particulière dans le domaine de ce contrat et dont l'économie n'apparaissait pas indispensable à l'exercice de son activité d'exploitant agricole et d'éleveur de vaches laitières.

Il s'ensuit que l'objet de ce contrat n'entrait pas dans le champ de l'activité principale du GAEC.

En outre, il ressort de l'attestation des anciens gérants du GAEC ainsi que de la copie du grand livre de l'exploitation que celui-ci n'employait aucun salarié pour la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017, contemporaine de l'époque de conclusion du contrat litigieux. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 4 MARS 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/04424 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q5R4

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER : Madame Ludivine MARTIN, lors des débats, et Mme Aichat ASSOUMANI, lors du prononcé,

DÉBATS : A l'audience publique du 20 janvier 2022 devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 4 mars 2022 par mise à disposition au greffe

 

APPELANTE :

SCEA DU LEURE

[...], [...], Représentée par Maître Olivier B. de la SELARL M., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

 

INTIMÉE :

SARL AFDEN (AGENCE FRANCAISE DES ENERGIES NOUVELLES)

[...], [...], N'ayant pas constitué avocat, assignée par acte d'huissier le 10 décembre 2020 à personne

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

À la suite d'un démarchage à son siège, le GAEC du Leure (le GAEC), a, par contrat de prestation de services du 23 novembre 2016, commandé à la société Agence française des énergies nouvelles (la société AFDEN) la fourniture et l'installation d'une batterie de condensateurs, financée par un contrat de location financière conclu avec la société Siemens moyennant le paiement de 60 loyers mensuels de 166 euros.

Prétendant que le contrat était irrégulier et avoir été trompé par le démarcheur sur la rentabilité de l'opération, le GAEC a, par acte du 13 février 2017, fait assigner devant le tribunal d'instance de Brest la société AFDEN en nullité, ou, à défaut, en résolution du contrat de prestation de services, et en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 18 septembre 2018, le tribunal d'instance a :

- débouté le GAEC de l'ensemble de ses demandes,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné le GAEC à verser à la société AFDEN la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné le GAEC aux entiers dépens.

Par assemblée générale du 31 décembre 2018, le GAEC a changé de forme sociale et est devenu la SCEA du Leure (la SCEA).

Cette dernière a relevé appel de ce jugement le 17 septembre 2020.

Par acte du 10 décembre 2020, elle a appelé à la cause M. S., ès-qualités de liquidateur de la société AFDEN, mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 25 novembre 2020.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions du 8 décembre 2020, la SCEA demande à la cour de :

- réformer le jugement attaqué,

- prononcer la nullité du contrat de prestation de services conclu le 23 novembre 2016 avec la société ADFEN,

- prononcer l'admission à titre chirographaire de ses créances au passif de la société AFDEN aux montants suivants :

* 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

* 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

- condamner M. S., ès-qualités de liquidateur de la société AFDEN, aux entiers dépens

[*]

Ni la société AFDEN, ni son liquidateur n'ont constitué avocat devant la cour.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la SCEA le 8 décembre 2020, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 25 novembre 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur l'application des dispositions du code de la consommation :

Selon l'article L. 121-16-1, III devenu L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections 2, 3 et 6 du chapitre de ce code relatif aux contrats conclus à distance ou hors établissement sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Le GAEC exerçait une activité d'élevage de vaches laitières, et le contrat de prestation de services conclu avec la société AFDEN le 23 novembre 2016 portait sur la fourniture et l'installation d'une batterie de condensateurs dont l'objet était de réduire la consommation d'électricité de l'exploitation.

Il en résulte que la fourniture et l'installation de ce matériel n'entraient pas dans le champ de compétence du GAEC qui n'avait pas de connaissance professionnelle particulière dans le domaine de ce contrat et dont l'économie n'apparaissait pas indispensable à l'exercice de son activité d'exploitant agricole et d'éleveur de vaches laitières.

Il s'ensuit que l'objet de ce contrat n'entrait pas dans le champ de l'activité principale du GAEC.

En outre, il ressort de l'attestation des anciens gérants du GAEC ainsi que de la copie du grand livre de l'exploitation que celui-ci n'employait aucun salarié pour la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017, contemporaine de l'époque de conclusion du contrat litigieux.

Et, il ressort par ailleurs du bon de commande que le contrat a été conclu hors établissement, dès lors que le vendeur avait son siège à [ville 94], tandis que le contrat a été conclu à [ville 29], adresse du siège du GAEC.

Il s'en évince que le contrat conclu le 23 novembre 2016 se trouve soumis aux règles du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.

 

Sur la nullité du contrat :

Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

- le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,

- le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

- les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,

- son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,

- les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,

- le prix du bien ou du service,

- les modalités de paiement,

- en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

- les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,

- s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,

- la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,

- lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation.

Or, il ressort de l'examen de l'original du bon de commande du 23 novembre 2016 laissé en possession du GAEC que celui-ci n'est manifestement pas conforme aux dispositions du code de la consommation en ce qu'il ne comporte aucune indication sur le prix global de la prestation.

De surcroît, les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétractation, informations mentionnées à l'article L. 221-5, ne sont pas reproduites dans le contrat, lequel ne fait au demeurant aucune référence à l'exercice d'une quelconque faculté de rétractation et ne comporte aucun formulaire destiné à faciliter l'usage de celle-ci, privant ainsi le client de la faculté de l'exercer.

Ainsi, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres motifs de nullité invoqués, ni de statuer sur le dol allégué, il convient de prononcer la nullité du contrat de prestation de services conclu le 23 novembre 2016 entre la société AFDEN et le GAEC.

Le GAEC, devenu SCEA, demande la fixation au passif de la société AFDEN d'une somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral, mais il ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct du préjudice déjà réparé par l'annulation du contrat de prestation de services.

Cette demande sera donc rejetée.

Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la SCEA l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de la procédure de première instance et d'appel, en sorte qu'il convient de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société AFDEN à la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal d'instance de Brest ;

Annule le contrat de prestation de services du 23 novembre 2016 ;

Déboute la SCEA du Leure de sa demande en fixation d'une créance de dommages-intérêts au passif de la liquidation judiciaire de la société Agence française des énergies nouvelles ;

Fixe, à titre chirographaire, la créance de la SCEA du Leure au passif de la liquidation judiciaire de la société Agence française des énergies nouvelles à la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, ainsi que les dépens de première instance et d'appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT