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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 11 mars 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 11 mars 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 20/01435
Date : 11/03/2022
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/01/2020
Référence bibliographique : 6151 (1171 C. civ., application dans le temps), 6152 (articulation 1171 et L. 442-6 C. com.), 6172 (L. 442-6, domaine, contrats financiers)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9483

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 11 mars 2022 : RG n° 20/01435 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « En l'espèce le tribunal s'est fondé sur l'article 1171 du code civil pour retenir l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et réputer non écrite l'article 6 § 3 des conditions générales des 7 contrats concernés stipulant l'indivisibilité entre tous les contrats conclus entre le locataire et le bailleur, de telle sorte que « la résiliation de l'un d'eux pourra entraîner, si bon semble au bailleur, celle des autres ».

Or l'article 1171 n'a été introduit dans ce code qu'avec l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Il n'est par ailleurs entré en vigueur, en vertu de l'article 9 de cette ordonnance, que pour les contrats conclus après le 1er octobre 2016, les contrats conclus antérieurement demeurant soumis à la loi ancienne, ce qui est le cas en l'espèce, les contrats ayant été conclus entre le 10 octobre 2012 et le 9 septembre 2014 et résiliés le 20 octobre 2015.

Partant, ce texte n'est pas applicable au présent litige. Le jugement doit donc être infirmé de ce chef. »

2/ « S'agissant de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 visée par la société Capbern dans ses conclusions en première instance, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, qui a créé le texte relatif au déséquilibre significatif, a modifié l'article L. 511-4 du code monétaire et financier, afin de mettre en cohérence divers textes entre eux, mais a maintenu l'alinéa 2 du texte qui soumet expressément les établissements de crédits et les sociétés de financement pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du même code, aux seuls articles L. 420-1 à L. 420-4 du code de commerce, qui concernent les pratiques anticoncurrentielles, et ne visent pas les pratiques restrictives de concurrence comme le déséquilibre significatif. Pour ces opérations, le législateur n'a pas étendu aux établissements de crédit et sociétés de financement l'application des textes relatifs aux pratiques restrictives de concurrence, de sorte que les activités exercées par la société CM CIC Bail dans le cadre des opérations de crédit-bail litigieuses ne relèvent pas du code de commerce mais des dispositions spécifiques du code monétaire et financier. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 11 MARS 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/01435 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBKIT. Décision déférée à la Cour : Jugement du 6 décembre 2019 - Tribunal de Commerce de BORDEAUX – R.G. n° 2018F00770.

 

APPELANTE :

SA CRÉDIT MUTUEL LEASING anciennement dénommée CM-CIC BAIL

prise en la personne de ses représentants légaux, RCS de Nanterre : n° XXX, ayant son siège social [...] D2 - [...], représentée par Maître Frédéric I. de la SELARL I. & T.-AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

 

INTIMÉS :

SARL CAPBERN

prise en la personne de ses représentants légaux, RCS d'AUCH : n° YYY, ayant son siège social [...] - [...]

Maître Marc L. ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL CAPBERN

selon jugement de redressement judiciaire du Tribunal de Commerce d'AUCH en date du 3 mars 2017, devenu commissaire à l'exécution du plan par jugement du Tribunal de Commerce d'AUCH en date du 7 septembre 2018, [...], représentés par Me Jacques B., avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

 

INTERVENANT FORCÉ :

Maître Marc L. ès qualités de liquidateur de la SARL CAPBERN

suivant jugement du Tribunal de commerce d'AUCH du 5 février 2021, [...], assigné à domicile par acte d'huissier du 11.08.2021

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère, Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère.

Greffier lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT : - rendu par défaut, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, et par Mme Emilie POMPON, Greffier, présente lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.

Il sera succinctement rapporté que par 7 contrats conclus entre le 10 octobre 2012 et le 9 septembre 2014 avec la Sa CM-CIC Bail, la Sarl Capbern, société prestataire de travaux agricoles sise à Projan dans le Gers, a loué, sous forme de crédit-bail, différents équipements (tonne à lisier, porte-engin agricole, multi-caissons, caissons céréaliers, effeuilleuses à maïs, convoyeur à bande, trémie tampon de 10 mètres et tapis de reprise, passerelle et plateforme sur-élévatrice pour trieurs, remorque et tracteur) pour répondre à ses besoins en matériels. Par actes séparés, M. X. s'est engagé en qualité de caution solidaire du crédit preneur pour le paiement des loyers de ces équipements sur six des 7 contrats, pour une somme totale maximale de 881.534,88€.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 5 octobre 2015, la Sa CM-CIC Bail a mis Capbern et la caution en demeure de régler les échéances impayées de deux de ses 7 contrats pour des montants respectifs de 42.613,76 € et 10.762,70 €. Ces mises en demeure étant restées infructueuses, la Sa CM-CIC Bail, invoquant la clause d'indivisibilité stipulée aux contrats, a notifié à Capbern la résiliation de l'ensemble des contrats par lettres recommandées avec avis de réception du 20 octobre 2015, sollicitant la restitution des équipements et le paiement d'une clause pénale à chaque fois.

Par ordonnance du 6 septembre 2016, le juge des référés du tribunal de commerce d'Auch a constaté la résiliation de plein droit des 7 contrats de crédit-bail, et condamné Capbern à titre provisionnel à restituer les matériels et à payer, solidairement avec M. X., les indemnités contractuelles de résiliation et de privation de jouissance correspondantes.

Le 3 mars 2017, la Sarl Capbern a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement rendu par le tribunal de commerce d'Auch, lequel a désigné Maître Marc L. en qualité de mandataire judiciaire.

La société CM CIC BAIL a, par lettre en date du 28 avril 2017, déclaré ses créances au titre des 7 contrats précités entre les mains de Maître L., mandataire judiciaire, à hauteur de 623.511,67 €. Par sept ordonnances en date du 10 septembre 2018, le juge-commissaire près le tribunal de commerce d'Auch a admis les créances telles qu'elles avaient été déclarées par la société CM CIC Bail.

Vu le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 6 décembre 2019, qui a :

- condamné la société CM CIC BAIL SA à régler à la Sarl Capbern la somme de 299.393,10 € à titre de réparation de son préjudice,

- débouté la société CM CIC BAIL SA de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société CM CIC BAIL SA à verser à la Sarl Capbern la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société CM CIC BAIL SA aux dépens.

Vu l'appel interjeté par la Sa Crédit mutuel leasing, venant aux droits de la sa CM CIC BAIL le 10 janvier 2020,

* * *

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 16 novembre 2021 pour la Sa Crédit mutuel leasing par lesquelles elle demande à la cour de :

- Recevant la société CREDIT MUTUEL LEASING en son appel et l'en disant bien fondée,

- Infirmer le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Bordeaux le 6 décembre 2019,

Et statuant à nouveau,

- Débouter la société CAPBERN et Maître L., ès qualités de liquidateur de la société CAPBERN, de l'ensemble de leurs prétentions,

- Condamner la société CAPBERN à payer à la société CREDIT MUTUEL LEASING, au titre des frais irrépétibles par elle exposés tant en première qu'en cause d'appel, la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société CAPBERN aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats pour la Sarl Capbern et Maître Marc L. en qualité de mandataire judiciaire au redressement de celle-ci le 23 juin 2020 par lesquelles ils demandent à la cour de :

Vu les anciens articles 1217 et 1218 du code civil ;

Vu les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce ;

Vu les pièces versées au débat,

- confirmer en le jugement rendu le 6 décembre 2019 par le tribunal de commerce de bordeaux en ce qu'il a :

* condamné la société cm cic bail à verser à la société capbern la somme de 299.393,10 € en réparation de son préjudice ;

* debouté la société cm cic bail de l'ensemble de ses demandes ;

* condamné la société cm cic bail à verser à la société capbern la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société cm cic bail aux dépens ;

au surplus :

- condamner la société cm cic bail à verser à la société capbern la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 au titre des frais exposés devant la cour, en ce compris les frais de postulation ;

- condamner la société cm cic bail aux dépens de la présente instance dont le montant pourra être recouvré par maître jacques b. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

[*]

Vu l'ordonnance de clôture du 18 novembre 2021,

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR,

Sur l'irrecevabilité des conclusions des intimés :

Aux termes de l'article 963 du code de procédure civile, lorsque l'appel entre dans le champ d'application de l'article 1635 bis P du code général des impôts, les parties justifient, à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article. L'irrecevabilité est constatée d'office par le magistrat ou la formation compétents. Les parties n'ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité.

L'article 964 du même code précise que la formation de jugement est compétente pour prononcer l'irrecevabilité prévue par l'article 963.

En l'espèce la Sarl Capbern et Maître L. en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de celle-ci ont conclu le 23 juin 2020, sans avoir remis le timbre fiscal requis par l'article 1635 bis P du code général des impôts.

Par message du 17 novembre 2021 sur le réseau privé virtuel des avocats le greffe a adressé à l'avocat des intimées, une demande de régularisation de la procédure en adressant ou déposant le timbre fiscal requis ou la demande d'aide juridictionnelle le cas échéant, et en avertissant de l'irrecevabilité encourue, prononcée d'office.

L'ordonnance de clôture du 18 novembre 2021 a rappelé l'irrecevabilité encourue à défaut de justification du paiement du timbre de la procédure.

Par message du 12 janvier 2022, soit la veille de l'audience, le greffe a encore écrit à l'avocat des intimées pour solliciter la régularisation du timbre de procédure à l'audience du 13 janvier à 14 h.

Aucune régularisation n'a eu lieu. Aucun dossier de plaidoirie n'a par ailleurs été déposé à l'audience.

Il y a donc lieu de constater l'irrecevabilité des conclusions d'appel des intimées.

 

Sur le fond :

En application de l'article 472 du code de procédure civile, les conclusions des intimées étant irrecevables, la cour ne fait droit à la demande que dans la mesure où elle l'estime régulière, recevable et bien fondée, et examine ainsi, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé.

En l'espèce le tribunal s'est fondé sur l'article 1171 du code civil pour retenir l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et réputer non écrite l'article 6 § 3 des conditions générales des 7 contrats concernés stipulant l'indivisibilité entre tous les contrats conclus entre le locataire et le bailleur, de telle sorte que « la résiliation de l'un d'eux pourra entraîner, si bon semble au bailleur, celle des autres ».

Or l'article 1171 n'a été introduit dans ce code qu'avec l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Il n'est par ailleurs entré en vigueur, en vertu de l'article 9 de cette ordonnance, que pour les contrats conclus après le 1er octobre 2016, les contrats conclus antérieurement demeurant soumis à la loi ancienne, ce qui est le cas en l'espèce, les contrats ayant été conclus entre le 10 octobre 2012 et le 9 septembre 2014 et résiliés le 20 octobre 2015.

Partant, ce texte n'est pas applicable au présent litige. Le jugement doit donc être infirmé de ce chef.

S'agissant de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 visée par la société Capbern dans ses conclusions en première instance, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, qui a créé le texte relatif au déséquilibre significatif, a modifié l'article L. 511-4 du code monétaire et financier, afin de mettre en cohérence divers textes entre eux, mais a maintenu l'alinéa 2 du texte qui soumet expressément les établissements de crédits et les sociétés de financement pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du même code, aux seuls articles L. 420-1 à L. 420-4 du code de commerce, qui concernent les pratiques anticoncurrentielles, et ne visent pas les pratiques restrictives de concurrence comme le déséquilibre significatif. Pour ces opérations, le législateur n'a pas étendu aux établissements de crédit et sociétés de financement l'application des textes relatifs aux pratiques restrictives de concurrence, de sorte que les activités exercées par la société CM CIC Bail dans le cadre des opérations de crédit-bail litigieuses ne relèvent pas du code de commerce mais des dispositions spécifiques du code monétaire et financier.

Partant, les demandes de la société Capbern et de Me L. ne pouvaient être accueillies et le jugement sera donc infirmé, y compris en ces dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.

Statuant de ces chefs pour la première instance et en cause d'appel, il y a lieu, eu égard aux circonstances, de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile et partant, de débouter le Crédit Mutuel Leasing de sa demande au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du même code.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Constate l'irrecevabilité des conclusions des intimées en appel,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau :

Dit que les demandes de la Sarl Capbern et de Maître L. ne pouvaient être accueillies,

Y ajoutant,

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens,

Déboute la sa Crédit Mutuel Leasing de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Le Greffier,                           Le Président,