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CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 17 mars 2022

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CERCLAB - DOCUMENT N° 9490

CA PARIS (pôle 4 ch. 9-A), 17 mars 2022 : RG n° 19/04894 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les articles L. 221-1 à L. 221-3 du code de la consommation prévoient que les dispositions relatives à l'obligation d'information précontractuelle, aux contrats conclus hors établissement et au droit de rétractation sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Le dispositif de protection est ainsi étendu au bénéfice de professionnels dont la vulnérabilité est assimilée à celle de consommateurs, sous certaines conditions.

Il convient de rappeler qu'aucun texte n'impose aux infirmiers exerçant à titre libéral de disposer d'un défibrillateur, lequel ne constitue donc pas un équipement nécessaire ou spécifique à l'exercice de cette profession. Mme X. exerce depuis le 1er septembre 2015, à titre d'entrepreneur individuel, une activité d'infirmière libérale. Elle précise qu'en octobre 2016, elle n'avait pas encore de clientèle.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'appelante, le contrat de location d'un DAE n'entre pas dans le champ de l'activité principale d'une infirmière libérale qui n'a aucun salarié et dont l'activité principale n'est pas une activité de secourisme mais une activité de soins au domicile de ses patients. En l'occurrence, l'utilisation d'un DAE relève plus d'un geste de secours, réalisable par un professionnel ou par un non-professionnel que d'un soin, comme le prétend l'appelante. Il s'agit d'un dispositif médical de secours utilisable par toute personne quel que soit son âge.

Si le répertoire SIRENE mentionne une adresse au [...], l'intimée justifie que son contrat de bail est exclusivement à usage d'habitation. De surcroît, il n'est pas contesté que le DAE doit être fixé au mur et qu'il n'est pas transportable, ce qui exclut une utilisation pour son activité professionnelle en déplacement.

Par ailleurs, la mention prévue au contrat selon laquelle le locataire « atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » est non seulement démentie par les faits mais ne saurait faire obstacle aux dispositions protectrices du code susvisé qui ne visent que « l'activité principale ».

Enfin, il convient de rappeler que toute clause qui aurait pour effet de faire échec au droit de rétractation est réputée non écrite. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9-A

ARRÊT DU 17 MARS 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/04894 (5 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-B7OPI. Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 décembre 2018 - Tribunal d'Instance de MEAUX - RG n° 11-17-001668.

 

APPELANTE :

La société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS, SAS

représentée par son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège, N° SIRET : XXX, [...], [...], représentée et assistée de Maître Guillaume M. de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.B. & M., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC129

 

INTIMÉE :

Madame X.

née le [date] à [ville], [...], [...], représentée par Maître Laure D. de la SELEURL AXESS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0013, substituée à l'audience par Maître Julie Y. de la SELEURL AXESS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0013

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 janvier 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Christophe BACONNIER, Président de chambre, Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Dans le cadre d'un démarchage à domicile par un commercial de la société Citycare et par acte sous seing privé en date du 20 octobre 2016 (contrat n° 1297183), Mme X. nom d'usage Y. a souscrit auprès de la société Locam - Location Automobile Matériels (société Locam) un contrat de location d'une durée irrévocable de 60 mois portant sur un défibrillateur automatique externe (DAE) et ses accessoires dont le loyer mensuel était fixé à la somme de 119 euros HT soit 142,80 euros TTC outre la somme de 5,14 euros au titre de l'assurance soit la somme totale de 147,94 euros TTC.

Mme X. a réceptionné sans réserve le bien en date du 2 novembre 2016 avant de retourner le matériel à la société Locam dès le 3 novembre 2016.

Après avoir refusé la rétractation et par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 17 février 2017, la société Locam l'a sommée de régulariser le montant des loyers impayés lui précisant qu'à défaut, le courrier adressé vaudrait résiliation du contrat en vertu de la clause résolutoire de plein droit pour non-paiement des loyers.

Saisi le 8 novembre 2017 par la venderesse d'une demande tendant à la condamnation de Mme X. au paiement du solde restant dû, le tribunal d'instance de Meaux, par un jugement contradictoire rendu le 12 décembre 2018 auquel il convient de se reporter, a :

- dit que le contrat souscrit le 20 octobre 2016 relevait du code de la consommation,

- constaté la nullité du contrat,

- débouté la société Locam de sa demande en paiement, de sa demande au titre de la capitalisation annuelle des intérêts et de sa demande de restitution du défibrillateur sous astreinte,

- constaté que le défibrillateur n'était plus en possession de Mme X.,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Locam à payer à Mme X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu que l'objet du contrat n'entrait pas dans le champ de l'activité principale de la défenderesse de sorte que le droit de la consommation était applicable. Il a ensuite relevé une violation par le demandeur des prescriptions des articles L. 111-1, L. 111-2, L. 221-5 et L. 228-8 du code de la consommation, entraînant la nullité du contrat.

[*]

Par une déclaration par voie électronique en date du 4 mars 2019, la société Locam a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remise par voie électronique le 20 février 2020, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de condamner Mme X. au paiement de la somme de 9.764,04 euros et ce avec intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 17 février 2017, outre leur capitalisation,

- d'ordonner la restitution du matériel objet du contrat et ce, sous astreinte par 50 euros par jour de retard à compter de la date de la présente assignation,

- de condamner Mme X. au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante conteste l'applicabilité des dispositions du droit de la consommation en rappelant au visa de l'article L. 3221-3 du code de la consommation que le critère pour déterminer l'applicabilité de ces dispositions a été le rapport direct avec l'activité professionnelle, puis depuis l'ordonnance du 14 mars 2016 « le champ de l'activité principale du professionnel sollicité ».

Elle soutient qu'un défibrillateur entre bien dans le champ de l'activité d'une infirmière chargée de la réalisation de soins et précise qu'en exigeant une utilisation régulière de l'objet du contrat, le premier juge a ajouté aux textes. L'appelante se prévaut en outre des recommandations de l'ordre national des infirmiers pour affirmer l'inapplicabilité du code de la consommation.

La société souligne que l'intimée n'étaye aucunement les allégations de dol et relève au visa de l'article 14 du code de procédure civile que l'argument tiré de la nullité de la convention souscrite entre l'intimée et la société Citycare est irrecevable à la présente instance, cette dernière n'ayant pas été attraite à la procédure.

[*]

Par des conclusions remises par voie électronique en date du 10 juillet 2019, l'intimée demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner la société Locam à lui payer 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Visant les articles L. 221-1 et L. 221-3 du code de la consommation, l'intimée soutient que la location d'un défibrillateur automatique n'entre pas dans le champ de son activité principale, que le contrat conclu entre dans le champ d'application de l'article L. 221-5 du même code et que la violation par l'appelante de son obligation précontractuelle d'information entraîne la nullité du contrat.

Subsidiairement elle dénonce un démarchage à domicile agressif et indique que son consentement a été vicié au sens des articles 1128, 1130, 1131 et 1137 du code civil. Elle fait état d'un discours commercial mensonger relevant du dol et souligne avoir rétracté son consentement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 décembre 2016. Elle rappelle que la nullité de la convention d'aide à l'équipement entraîne la nullité du contrat de location litigieux.

Elle précise avoir, le 20 novembre 2016, adressé le matériel par envoi recommandé à la société Citycare

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2021 et l'affaire a été appelée à l'audience le 26 janvier 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A l'appui de sa demande, la société Locam produit le contrat de location signé le 20 octobre 2016, le procès-verbal de réception et de conformité du 2 novembre 2016, la facture Citycare du 8 novembre 2016, la facture unique de loyers du 9 novembre 2016 et la lettre de mise en demeure du 26 octobre 2016.

Pour s'opposer à cette demande, l'appelante soutient qu'elle a valablement fait usage de son droit de rétractation, qu'elle a restitué le matériel le 20 novembre 2016, que son consentement n'a pas été valablement donné, qu'elle n'a jamais reçu l'aide de 1.000 euros prévue au contrat et que le contrat n'a pu produire d'effet.

 

Sur l'existence d'un droit de rétractation :

Il n'est pas contesté par les parties que le contrat de location a été signé à la suite d'un démarchage à domicile de Mme X. par un commercial de la société Citycare.

En application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, le droit de rétractation a été rallongé et étendu au professionnel dans certaines conditions.

Aux termes de l'article L. 221-18, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu hors établissement.

Ces dispositions sont destinées à faire respecter la loyauté en matière de démarchage à domicile, lieu où le consentement du consommateur privé de tout repère est facilement surpris.

Les articles L. 221-1 à L. 221-3 du code de la consommation prévoient que les dispositions relatives à l'obligation d'information précontractuelle, aux contrats conclus hors établissement et au droit de rétractation sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Le dispositif de protection est ainsi étendu au bénéfice de professionnels dont la vulnérabilité est assimilée à celle de consommateurs, sous certaines conditions.

Il convient de rappeler qu'aucun texte n'impose aux infirmiers exerçant à titre libéral de disposer d'un défibrillateur, lequel ne constitue donc pas un équipement nécessaire ou spécifique à l'exercice de cette profession.

Mme X. exerce depuis le 1er septembre 2015, à titre d'entrepreneur individuel, une activité d'infirmière libérale. Elle précise qu'en octobre 2016, elle n'avait pas encore de clientèle.

En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'appelante, le contrat de location d'un DAE n'entre pas dans le champ de l'activité principale d'une infirmière libérale qui n'a aucun salarié et dont l'activité principale n'est pas une activité de secourisme mais une activité de soins au domicile de ses patients. En l'occurrence, l'utilisation d'un DAE relève plus d'un geste de secours, réalisable par un professionnel ou par un non-professionnel que d'un soin, comme le prétend l'appelante. Il s'agit d'un dispositif médical de secours utilisable par toute personne quel que soit son âge.

Si le répertoire SIRENE mentionne une adresse au [...], l'intimée justifie que son contrat de bail est exclusivement à usage d'habitation. De surcroît, il n'est pas contesté que le DAE doit être fixé au mur et qu'il n'est pas transportable, ce qui exclut une utilisation pour son activité professionnelle en déplacement.

Par ailleurs, la mention prévue au contrat selon laquelle le locataire « atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » est non seulement démentie par les faits mais ne saurait faire obstacle aux dispositions protectrices du code susvisé qui ne visent que « l'activité principale ».

Enfin, il convient de rappeler que toute clause qui aurait pour effet de faire échec au droit de rétractation est réputée non écrite.

Dès lors, la cour ne peut que constater qu'en adressant le 3 novembre 2016, dès le lendemain de la livraison du DAE, soit dans le délai légal de quatorze jours, un courrier recommandé à la société Locam pour faire valoir son droit de rétractation et en restituant le matériel par colissimo, Mme X. a exercé discrétionnairement et valablement son droit de rétractation.

Il ressort des pièces produites que le colis a été refusé par la société Locam le 7 novembre et que le DAE a été, le 20 novembre, expédié à la société Citycare qui l'a réceptionné le 23 novembre 2016.

L'exercice par l'acquéreur de son droit de rétractation entraînant l'anéantissement du contrat, la société Locam sera par conséquent déboutée de sa demande en paiement et de sa demande de restitution. Partant, le jugement est confirmé.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Locam à payer à Mme X. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Locam aux entiers dépens d'appel.

La greffière                           Le président