CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 22 mars 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9499
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 22 mars 2022 : RG n° 20/00041
Publication : Jurica
Extrait : « L'article L. 121-16-1 du code de la consommation en vigueur lors de la conclusion du contrat, issu de la loi du 17 mars 2014, applicable aux contrats conclus après le 13 juin 2014 dispose : « Les sous-sections 2, 3, 6 et 7 applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »
En vertu de ce texte, la seule qualité de professionnel ne suffit pas à exclure l'application de dispositions protectrices du code de la consommation. Ces dispositions sont en effet applicables lorsque le contrat conclu hors établissement, ne présente pas de lien avec l'activité principale du professionnel, lequel n'emploie pas plus de cinq salariés.
En l'espèce, il n'est pas contestable que le contrat de location a été conclu hors établissement et que la location et la maintenance d'un matériel bureautique n'entrent pas dans le champ de l'activité principale (viticole) de l'Earl Domaine G. M & Fils.
Celle-ci justifie en outre par une attestation de son expert-comptable qu'elle n'emploie pas plus de cinq salariés.
C'est à bon droit que le premier juge a dit que l'Earl Domaine G. M & Fils est bien fondée à se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation.
Et c'est en vain que la société Locam invoque un contrat de location financière alors que la convention porte sur la location simple d'un photocopieur non soumise à la réglementation bancaire. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 22 MARS 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/00041. N° Portalis DBVM-V-B7E-KJIB. Appel d'une décision (R.G. n° 18/00758) rendue par le Tribunal de Grande Instance de VALENCE, en date du 14 novembre 2019, suivant déclaration d'appel du 23 décembre 2019.
APPELANTE :
LA SOCIÉTÉ LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...], [...], représentée par Maître Laurence B.-M. de la SELARL L.B.-M., avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
LA SOCIÉTÉ DOMAINE G. M & FILS
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...], [...], représentée par Me Pascale H., avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Maître Alexandre G., avocat au barreau de BEZIERS
M. P. liquidateur judiciaire la SARL IMPRESSIONS MULTIFONCTIONS & ÉQUIPEMENTS
Société à responsabilité limitée, au capital de 300000,00 euros, ayant son siège social sis [...], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de MONTPELLIER, sous le numéro XXX, [...], [...], Non représenté
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Hélène COMBES, Président de chambre, Mme Joëlle BLATRY, Conseiller, M. Laurent GRAVA, Conseiller
DÉBATS : A l'audience publique du 28 février 2022 Madame COMBES Président de chambre chargé du rapport en présence de Madame BLATRY, Conseiller assistées de Mme Anne BUREL, Greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
L'Earl Domaine G. M & Fils exploite un domaine viticole à [ville S.].
Le 2 avril 2013, elle a passé commande auprès de la société Chrome Bureautique d'un photocopieur Olivetti mis à sa disposition dans le cadre d'un contrat de location, le coût des loyers étant partiellement compensé par une participation commerciale de la société Chrome Bureautique de 3.000 euros.
Le 10 avril 2015 elle a passé commande auprès de la société Chrome Bureautique d'un photocopieur Olivetti MF 3100 remplaçant le précédent matériel et le 9 juillet 2015, elle a conclu avec la société Locam un contrat de location moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels de 1.485 euros HT.
Après s'être acquittée de 10 loyers, l'Earl Domaine G. M & Fils a cessé de les honorer, motif pris du non-respect de ses engagements par la société Chrome Bureautique.
Par acte du 2 mars 2018, la société Locam a assigné l'Earl Domaine G. M & Fils en paiement devant le tribunal de grande instance de Valence.
Par jugement du 14 novembre 2019, le tribunal a :
- prononcé l'annulation du contrat de location du 9 juillet 2015 et condamné la société Locam à rembourser à l'Earl Domaine G. M & Fils la somme de 16.463,88 euros au titre des loyers versés,
- dit que l'Earl Domaine G. M & Fils est tenue de restituer le photocopieur à charge pour la société Locam de venir en prendre possession,
- déclaré caduc le contrat de maintenance du 10 avril 2015 et débouté la société Locam de ses demandes,
- condamné la société Locam et le liquidateur de la société Chrome Bureautique à payer à l'Earl Domaine G. M & Fils la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
La société Locam a relevé appel le 23 décembre 2019, intimant l'Earl Domaine G. M & Fils et Maître Philippe P., mandataire judiciaire chargé de la liquidation de la société IME, nouvelle dénomination de la société Chrome Bureautique.
Dans ses dernières conclusions du 30 novembre 2020, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner l'Earl Domaine G. M & Fils à lui payer la somme de 23.522,40 euros outre intérêts au taux légal à compter du 5 février 2018.
Elle sollicite la restitution du matériel et la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle expose qu'elle est créancière de l'Earl Domaine G. M & Fils en vertu d'un contrat de location conclu le 9 juillet 2015 moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels de 1.485 euros HT destiné à financer la fourniture d'une imprimante multi fonction de marque Olivetti ;
que le matériel a été livré, elle-même en payant le prix au fournisseur et qu'après avoir payé 10 loyers, l'Earl Domaine G. M & Fils a cessé les paiements, de sorte que le contrat a été résilié de plein droit.
Elle fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont appliqué les dispositions protectrices du code de la consommation alors que l'Earl Domaine G. M & Fils a reconnu qu'elle avait contracté pour les besoins directs de son activité, ce qui l'exclut du bénéfice des dispositions de l'article L 121-16 du code de la consommation.
Elle ajoute que l'Earl Domaine G. M & Fils ne justifie pas qu'elle n'emploie pas plus de 5 salariés au jour de la conclusion des contrats.
Elle soutient qu'en toute hypothèse, il s'agit d'une location financière exclue du champ d'application du code de la consommation.
Elle conteste tout dol en l'état d'un contrat parfaitement clair dont l'Earl Domaine G. M & Fils a accepté les conditions et en l'absence de preuve de manœuvres dolosives.
Elle fait valoir enfin que la restitution des loyers ordonnée par le premier juge constitue un enrichissement sans cause, alors que l'Earl Domaine G. M & Fils a toujours la jouissance du matériel, a bénéficié des prestations de maintenance, a perçu 8.000 euros à titre de participation commerciale et a récupéré la TVA.
[*]
Par conclusions du 30 août 2020, l'Earl Domaine G. M & Fils conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et forme des demandes subsidiaires.
Elle réclame 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose qu'elle n'a eu de contact qu'avec la société Chrome Bureautique devenue IME (aujourd'hui en liquidation judiciaire) qui met en œuvre une technique particulièrement rodée pour parvenir à la signature de contrats de location de matériels multifonctions ;
que c'est ainsi que cette société l'a démarchée en 2013 et lui a fourni une imprimante multifonction dont le coût était compensé par une participation commerciale, puis lui a proposé le matériel litigieux en 2015.
Elle indique qu'elle n'a appris l'existence de la société Locam représentée par la société Chrome Bureautique qu'après signature des deux contrats.
Elle fait valoir en réplique l'argumentation suivante :
- les deux contrats sont interdépendants, de sorte que la nullité de l'un entraîne la caducité de l'autre,
- les contrats ont été conclus hors établissement sans respect des dispositions des articles L. 121-16 et suivants du code de la consommation,
- les dispositions de la loi Hamon sont applicables car la location d'un photocopieur multifonction n'entre pas dans le champ de son activité principale,
- elle avait moins de 5 salariés lors de la souscription des contrats,
- elle n'a reçu aucune des informations prescrites par les articles L. 121-17 et L 121-18 du code de la consommation (prix du bien, bordereau de rétractation),
- le contrat litigieux est un contrat de location et non un contrat de location financière,
- le contrat conclu avec la société Chrome Bureautique est nul,
- subsidiairement la nullité des contrats est encourue pour dol,
- la société IME et la société Locam se sont enrichies à ses dépens en se faisant payer 50 fois la valeur du matériel.
Elle indique qu'elle tient le matériel litigieux à la disposition de la société Locam.
Pour le cas où la nullité des contrats ne serait pas retenue, elle conteste le montant des sommes réclamées.
[*]
Assigné devant la cour par acte du 2 septembre 2020 délivré dans les formes des l'article 658 du code de procédure civile, Maître Philippe P., liquidateur de la société IME n'a pas constitué avocat. Il sera statué par défaut.
[*]
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2021.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
La société Locam conteste l'appréciation du premier juge qui a jugé que l'Earl Domaine G. M & Fils était bien fondée à se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation au motif que le contrat a été conclu dans le champ de l'activité professionnelle de la locataire.
L'article L. 121-16-1 du code de la consommation en vigueur lors de la conclusion du contrat, issu de la loi du 17 mars 2014, applicable aux contrats conclus après le 13 juin 2014 dispose :
« Les sous-sections 2, 3, 6 et 7 applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »
En vertu de ce texte, la seule qualité de professionnel ne suffit pas à exclure l'application de dispositions protectrices du code de la consommation.
Ces dispositions sont en effet applicables lorsque le contrat conclu hors établissement, ne présente pas de lien avec l'activité principale du professionnel, lequel n'emploie pas plus de cinq salariés.
En l'espèce, il n'est pas contestable que le contrat de location a été conclu hors établissement et que la location et la maintenance d'un matériel bureautique n'entrent pas dans le champ de l'activité principale (viticole) de l'Earl Domaine G. M & Fils.
Celle-ci justifie en outre par une attestation de son expert-comptable qu'elle n'emploie pas plus de cinq salariés.
C'est à bon droit que le premier juge a dit que l'Earl Domaine G. M & Fils est bien fondée à se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation.
Et c'est en vain que la société Locam invoque un contrat de location financière alors que la convention porte sur la location simple d'un photocopieur non soumise à la réglementation bancaire.
Pour le surplus, c'est par une motivation pertinente que la cour adopte que le premier juge a relevé les manquements du professionnel dans la communication des informations prescritespar les articles L. 121-17 et L. 121-21 du code de la consommation et qu'il a prononcé l'annulation du contrat de location du 9 juillet 2015, avec toutes les conséquences qui en découlent sur la caducité du contrat de maintenance, la restitution des loyers encaissés et la restitution du matériel.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Il sera alloué à l'Earl Domaine G. M & Fils la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par défaut,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.
Y ajoutant, condamne la société Locam à payer à l'Earl Domaine G. M & Fils la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
Condamne la société Locam aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale