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CASS. CIV. 1re, 20 avril 2022

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 20 avril 2022
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 20-16316
Décision : 22-337
Date : 20/04/2022
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:C100337
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA LYON (1re ch. civ. A), 20 février 2020
Numéro de la décision : 337
Référence bibliographique : 9742 (prêt en francs suisses)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9582

CASS. CIV. 1re, 20 avril 2022 : pourvoi n° 20-16316 ; arrêt n° 337 

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Vu l'article L. 132-1 du code la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 : […]

5. Il incombe au juge national d'examiner d'office si, au regard des critères posés par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ne revêtent pas un caractère abusif.

6. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19) la CJUE a dit pour droit que : - l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat ; - l'article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d'un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

7. Pour dire que la clause de monnaie étrangère ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur, l'arrêt retient que le fait que celui-ci supporte le risque de variation du taux de change, qui ne dépend pas de la volonté des parties, et en particulier de celle de la banque, ne crée pas un déséquilibre entre leurs droits et obligations respectifs et que l'emprunteur était maître du choix de la devise dans laquelle le prêt était tiré, ce dont il résulte que la banque n'a nullement imposé à l'emprunteur une devise à son détriment.

8. En statuant ainsi, après avoir retenu que les documents remis au consommateur ne lui permettaient pas d'évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de la clause, autorisant le tirage du prêt dans une autre devise, sur ses obligations financières, en l'absence de tout exemple chiffré, de toute simulation et de toute explication sur la distinction entre la monnaie de compte et la devise initiale, ce dont il résultait que la banque n'avait pas satisfait à l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 20 AVRIL 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : Y 20-16.316. Arrêt n° 337 FS+B.

DEMANDEUR à la cassation : Monsieur X.

DÉFENDEUR à la cassation : Société Jyske Bank

M. CHAUVIN, président.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M. X., domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 20-16.316 contre l'arrêt rendu le 20 février 2020 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant à la société Jyske Bank, dont le siège est [Adresse 2] (Danemark), défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. X., de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Jyske Bank, et l'avis de MM. Chaumont et Lavigne, avocats généraux, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, et Bruyère, Mme Guihal, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ et Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 février 2020), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 10 avril 2019, pourvoi n° 17-20722), suivant offre acceptée le 7 janvier 2008, la société Jyske Bank A/S (la banque) a consenti à M. X. (l'emprunteur) un prêt multi-devises de 1.500.000 euros ou « l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais ». Le prêt a été tiré pour un montant de 2.389.500 francs suisses. Le 9 août 2011, la banque a procédé à la conversion du prêt en euros.

2. Invoquant l'irrégularité d'une telle conversion et le manquement de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde, l'emprunteur l'a assignée en annulation de la conversion, en déchéance du droit aux intérêts pour l'avenir et en paiement de dommages-intérêts.

 

Examen du moyen :

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Enoncé du moyen :

3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande afin que soit réputée non écrite la clause de monnaie étrangère, confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'obligation de remboursement du prêt litigieux a été souscrite en francs suisses et dit que les échéances doivent être calculées et remboursées en francs suisses conformément aux stipulations de l'offre et du contrat de prêt, le condamner à payer à la banque la somme de 220.223,94 francs suisses, ou sa contre-valeur en euros, au titre des intérêts impayés arrêtés au 10 janvier 2020 et rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts, alors « que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que l'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible ; qu'en affirmant que le fait que l'emprunteur supporte le risque de variation du taux de change ne crée pas un déséquilibre entre les droits et obligations respectifs des parties pour la raison que la variation du taux de change ne dépend pas de leurs volontés et en particulier de celle de la banque, quand il lui appartenait de rechercher si la clause de monnaie de compte, analysée comme une clause d'indexation, ne faisait pas peser le risque de change exclusivement sur l'emprunteur, la cour d'appel, qui a statué par une considération inopérante, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article L. 132-1 du code la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

4. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.

5. Il incombe au juge national d'examiner d'office si, au regard des critères posés par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ne revêtent pas un caractère abusif.

6. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19) la CJUE a dit pour droit que :

- l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat ;

- l'article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d'un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu'il soit plafonné, sur l'emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s'attendre, en respectant l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d'une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

7. Pour dire que la clause de monnaie étrangère ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur, l'arrêt retient que le fait que celui-ci supporte le risque de variation du taux de change, qui ne dépend pas de la volonté des parties, et en particulier de celle de la banque, ne crée pas un déséquilibre entre leurs droits et obligations respectifs et que l'emprunteur était maître du choix de la devise dans laquelle le prêt était tiré, ce dont il résulte que la banque n'a nullement imposé à l'emprunteur une devise à son détriment.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

8. En statuant ainsi, après avoir retenu que les documents remis au consommateur ne lui permettaient pas d'évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de la clause, autorisant le tirage du prêt dans une autre devise, sur ses obligations financières, en l'absence de tout exemple chiffré, de toute simulation et de toute explication sur la distinction entre la monnaie de compte et la devise initiale, ce dont il résultait que la banque n'avait pas satisfait à l'exigence de transparence à l'égard du consommateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande de M. X. afin que soit réputée non écrite la clause de monnaie étrangère, l'arrêt rendu le 20 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la société Jyske Bank A/S aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-deux.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. X.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de M. X. afin que soit réputée non écrite la clause de monnaie étrangère, confirmé le jugement en ce qu'il a dit que l'obligation de remboursement du prêt litigieux a été souscrite en francs suisses et dit que les échéances doivent être calculées et remboursées en francs suisses conformément aux stipulations de l'offre et du contrat de prêt, condamné M. X. à payer à la société Jyske bank la somme de 220.223,94 francs suisses, ou sa contre-valeur en euros, au titre des intérêts impayés arrêtés au 10 janvier 2020 et rejeté la demande de l'appelant en payement de dommages et intérêts ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que les clauses abusives sont réputées non écrites et le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses ; que l'offre de prêt acceptée par M. X., et à laquelle l'acte de prêt renvoie expressément, prévoyait, notamment, les stipulations suivantes :

- article 2 : Prêt d'un montant de EUR 1.500.000 ou l'équivalent, à la date du tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais.

- article 4 Caractéristiques du prêt [...]

Montant du prêt : 1.500.000 euros Devise : Multi devise, initialement en euros Durée du prêt : 35 ans Type de prêt : ordinaire Périodicité de remboursement : Trimestriel Nombre d'échéances : 140 (40 en remboursement d'intérêts seulement et 100 en remboursement d'intérêts et du capital)

Montant des échéances : en principal, Euros 15.000 (ou son équivalent dans une autre devise)

+ montant des intérêts [...]

Coût total du prêt : 3.737.431 euros - article 11 : Pour le cas où, en fonction de la variation des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 1.180.000 livres sterling (ci-après « la limite de facilité sterling »), la banque serait autorisée, à son entière discrétion, à prendre tout ou partie des mesures suivantes :

11.1 : convertir l'endettement en cours en Sterling, au taux de change de la banque en vigueur au jour de la conversion 11.2 : réaliser ou appeler, immédiatement et comme bon semble à la banque, tout ou partie de la sûreté placée auprès de la banque, et utiliser les montants ainsi obtenus pour compenser en partie l'endettement en cours afin qu'il ne dépasse pas la limite de la facilité sterling 11.3 : demander le remboursement immédiat d'une partie de l'endettement en cours d'un montant suffisant pour réduire cet endettement, après sa conversion en Sterling au taux de change de la banque, à un montant qui ne soit pas supérieur à la limite de la facilité sterling.

Les droits et pouvoirs mentionnés ci-dessus peuvent être exercés par la banque, sans notification préalable et sans que vous ayez à donner votre consentement, et sont exercés sans préjudice des autres droits de la banque mentionnés dans cette offre de prêt, des documents relatifs à la sûreté ou de la loi, y compris notamment le droit de demander, à tout moment, le remboursement immédiat et intégral de l'endettement en cours.

Le taux de change applicable à toute transaction aux termes des présentes sera celui du fixing de la banque à la date de ladite transaction ;

Que l'on rappellera que la clause d'un contrat de prêt prévoyant une monnaie de compte étrangère s'analyse en une clause d'indexation déguisée (arrêt, p. 4, dernier alinéa et p. 5) ; qu'il convient en conséquence de retenir que la clause litigieuse, quand bien même elle définirait l'objet principal du contrat, n'était pas rédigée de façon claire et compréhensible ; que M. X. soutient que la clause de monnaie étrangère créait, à son détriment, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce qu'il supportait le risque d'une très grave aggravation de sa dette en raison de l'appréciation du franc suisse par rapport à l'euro, tandis que la banque ne supportait aucun risque équivalent et en ce que le contrat contenait une clause de conversion au bénéfice exclusif de la banque ; que cette dernière rappelle à juste titre que le déséquilibre visé à l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à l'espèce, n'est pas d'ordre économique mais juridique ; que par ailleurs, comme le rappelle l'avocat général, M. [C] [P], dans l'affaire [J] [V] [W] e.a., « si doivent être censurées sous l'angle de la directive 93/13 des clauses contractuelles qui instaurent un déséquilibre au profit du professionnel, ce dernier ne saurait, en revanche, être tenu pour responsable d'évolutions postérieures à la conclusion du contrat qui sont indépendantes de sa volonté. S'il devait en être autrement, non seulement seraient mises à la charge du professionnel des obligations disproportionnées, mais serait également compromis le principe de sécurité juridique. A cet égard, il faut bien distinguer le cas dans lequel une clause contractuelle est porteuse d'un déséquilibre entre les parties qui ne se manifeste qu'en cours d'exécution du contrat de celui où, bien qu'il n'existe pas de clause abusive, les obligations pesant sur le consommateur sont, en raison d'une modification des circonstances postérieurement à la conclusion d'un contrat et qui est indépendante de la volonté des parties, perçues par ce dernier comme étant plus lourdes » (conclusions présentées le 27 avril 2017, § 81 et 82) ; qu'ainsi, le fait que l'emprunteur supporte le risque de variation du taux de change, qui ne dépend pas de la volonté des parties, et en particulier de celle de la banque, ne crée pas un déséquilibre entre leurs droits et obligations respectifs ; qu'au demeurant, il sera rappelé que le montant du prêt était fixé en euros et que l'emprunteur était maître du choix de la devise dans laquelle il était tiré, ce dont il résulte que la banque n'a nullement imposé à M. X. une devise à son détriment ; qu'il résulte de ce qui précède que la clause de monnaie étrangère figurant dans le contrat ne constitue pas une clause abusive au sens de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'obligation de remboursement du prêt litigieux a été souscrite en francs suisses et dit que les échéances doivent être calculées et remboursées en francs suisses conformément aux stipulations de l'offre et du contrat de prêt ; que la dette de M. X. sera actualisée et fixée à la somme de 220 223,94 francs suisses, ou sa contre-valeur en euros, arrêtée au 10 janvier 2020, selon le dernier décompte produit par la banque ; qu'en l'absence de clause abusive dans le contrat de prêt, M. X. sera débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts à raison de l'insertion d'une telle clause dans la convention (arrêt, p. 9) ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE [H] X. a signé le 9 octobre 2007 un document intitulé « le keyplan mortgage application » dans lequel il décrit sa situation, et « une déclaration de compréhension » dans laquelle il atteste avoir examiné les conditions de l'emprunt avec la société JYSKE BANK A/S ; qu'il est précisé dans ce deuxième document qu'il préfère souscrire l'emprunt en CHF et ensuite qu'il soit converti et versé en EUR, que la société JYSKE BANK AIS lui a fait part du risque de change lié au choix d'emprunter dans une autre devise que la devise de base, qu'il comprend que tout renforcement de la devise d'emprunt par rapport à la devise de base peut résulter en une augmentation du coût de remboursement de l'emprunt et que le fait d'emprunter dans une devise étrangère peut être considéré comme étant à « haut risque », qu'il est informé que le taux d'intérêt est variable et qu'il peut augmenter ou baisser, que toute augmentation du taux d'intérêt aura comme résultat une augmentation des charges de remboursement ; que l'offre du décembre 2007 précise qu'il s'agit d'un prêt de EUR 1.500.000 (un million cinq cent mille euros) ou l'équivalent à la date de tirage du prêt dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais aux caractéristiques suivantes : taux variable: égal au Jysque Bank Funding Rate + 1,50 % points (soit pour indication à la date de l'offre un total de 6,51 %), qu'elle précise également notamment: Devise: multidevises, initialement en euros, Périodicité de remboursement: trimestriel, Nombre d'échéances : 140 (40 en remboursement d'intérêts seulement et 100 en remboursement d'intérêts et de capital), Montant des échéances: en principal Euros 15.000 (ou son équivalent dans une autre devise) + montant des intérêts ; que l'offre de prêt, qui a été acceptée par [H] X., mentionne en 11 Variation des taux de change « pour le cas où en fonction des variations des taux de change l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 1.180.000 Livres Sterling (la limite de facilité Sterling), la banque serait autorisée à son entière discrétion à prendre tout ou partie des mesures suivantes : convertir l'endettement en cours en Sterling, au taux de change de la banque en vigueur au jour de là conversion ; ...) » : qu'il a été remis à M. X. le même jour une simulation de remboursement hypothécaire pour un prêt de 1.500.000 € réalisée à titre purement indicatif ;

que l'acte de prêt notarié, reprenant exactement les caractéristiques de l'offre, a été passé le 9 avril 2008 ; que concomitamment, à la demande de M. X., le prêt a été tiré en francs suisses et a été inscrit sur son compte pour un montant de 2.389.500 CHF correspondant à la contre-valeur en francs suisses, à la date du tirage du prêt, de 1.500.000 €, que les fonds lui ont ensuite été remis en euros conformément à sa demande comme cela résulte de sa lettre d'instruction du 8 avril 2008 ; que 900.000 € ont été investis pour son compte par la société Jyske Bank en valeurs mobilières dans une de ses filiales ; que sur le choix de la monnaie et le tirage du prêt en francs suisses qu'il convient de distinguer les notions de monnaie de paiement et de monnaie de compte ; qu'en France la monnaie de paiement est l'euro en application des articles L. 112-5 et suivants du Code monétaire et financier ; que la monnaie de compte est un instrument de mesure ; que d'une manière générale la dette est fixée en unités de monnaie de compte, mais peut être réglée dans un autre monnaie qui sera la monnaie de paiement ; que cette distinction s'applique en matière de prêt ; qu'en l'espèce l'offre de prêt, reprise par le contrat de prêt, précise que le prêt est d'un montant en euros, ou l'équivalent à la date de tirage du prêt dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais, qu'il s'agit d'un prêt multidevises, initialement en euros et que l'emprunteur a la faculté de choisir d'effectuer un tirage en monnaie étrangère, ce que M. X. a fait ; qu'il est dès lors acquis que ce dernier a utilisé le franc suisse comme monnaie de compte, qu'en effet le montant du prêt a été tiré en francs suisses, les intérêts étaient calculés en francs suisses et le capital restant dû était exprimé en francs suisses, et ce très certainement parce qu'à ce moment-là il était plus intéressant de rembourser les intérêts en francs suisses à un taux avantageux ; qu'il est sans incidence sur la qualification de la monnaie de compte que M. X. ait reçu en définitive, après conversion, des euros ; que la question se pose de savoir s'il était permis à la société Jyske Bank de proposer à X. et de recourir pour le prêt en cause, comme pour de nombreux autres prêts, à une monnaie de compte étrangère, savoir le franc suisse ; que lorsque le contrat est interne, ce qui est le cas en l'espèce, la référence à une monnaie étrangère est assimilée à une clause d'indexation, clause qui est licite lorsque l'indice choisi est en relation directe avec l'objet de la convention ou avec l'activité de l'une des parties ; qu'il est de jurisprudence confirmée que lorsque le prêteur est une banque, la référence à une monnaie de compte étrangère est considérée comme une clause d'indexation licite ; qu'il en résulte que le prêt consenti par la société Jyske bank, que ce soit un contrat international ou interne, pouvait licitement utiliser le franc suisse comme monnaie de compte, étant observé que le franc suisse, s'il n'est pas une devise de l'Union européenne, n'en reste pas moins une devise importante en Europe comme en atteste le nombre important de transactions qui l'utilisent ; qu'il faut tirer comme conséquence du choix du tirage en francs suisses opéré par M. X. que le prêt n'a pas été souscrit en euros, mais en francs suisses, et ce d'autant plus que tant l'offre que le contrat de prêt précisent que le prêt est accordé pour un montant en euros ou l'équivalent à la date de tirage du prêt dans l'une des principales devises européennes ; que M. X. a choisi un équivalent, le franc suisse, qui s'impose en conséquence comme la monnaie de compte, donc comme la devise de souscription du prêt ; qu'en synthèse il sera donc jugé que le prêt souscrit le 9 avril 2008, suite à l'offre du 13 décembre 2007 que M. X. a régulièrement acceptée, l'a été en francs suisses ; que par voie de conséquence, il n'y aura pas lieu de condamner la Jyske Bank à rembourser les échéances d'intérêts que M. X. a versées, en exécution du contrat, au taux convenu, régulièrement calculés en francs suisses ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que le « fait que l'emprunteur supporte le risque de variation du taux de change, qui ne dépend pas de la volonté des parties, et en particulier de celle de la banque, ne crée par un déséquilibre entre leurs droits et obligations respectives » (arrêt, p. 9, al. 6), la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que l'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible ; qu'en affirmant que le fait que l'emprunteur supporte le risque de variation du taux de change ne crée pas un déséquilibre entre les droits et obligations respectifs des parties pour la raison que la variation du taux de change ne dépend pas de leurs volontés et en particulier de celle de la banque, quand il lui appartenait de rechercher si la clause de monnaie de compte, analysée comme une clause d'indexation, ne faisait pas peser le risque de change exclusivement sur l'emprunteur, la cour d'appel, qui a statué par une considération inopérante, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation ;

3°) ALORS QUE dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que l'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible ; que la seule circonstance que le choix de la devise de la monnaie de compte appartienne à l'emprunteur – ce qui est accepté par le prêteur – n'est pas exclusif d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat dès lors que le risque de change pèse contractuellement exclusivement sur l'emprunteur, d'où il suit qu'en statuant à l'aide d'une considération manifestement inopérante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation.