CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA LYON (1re ch. civ. A), 20 février 2020

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. A), 20 février 2020
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1re ch. A
Demande : 19/02681
Date : 20/02/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/04/2019
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 20 avril 2022
Décision antérieure :
Imprimer ce document

CERCLAB - DOCUMENT N° 8361

CA LYON (1re ch. civ. A), 20 février 2020 : RG n° 19/02681 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que « la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat » (CJCE, arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis SA, C-473/00).

Par ailleurs, la demande tendant à ce que soient réputées non écrites les clauses litigieuses ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.

Seule cette solution est de nature à assurer une protection effective du consommateur ou du non-professionnel contre l'insertion de clauses abusives dans les contrats qui lui sont proposés.

Il convient en conséquence de dire que la demande de M. X. afin que soit réputée non écrite la clause litigieuse n'est pas prescrite et est en conséquence recevable. »

2/ « Dans la présente affaire, il est constant que le montant du prêt était fixé à la somme de 1.500.000 euros mais pouvait être tiré dans l'une des devises mentionnées dans le contrat de prêt, avant d'être converti en euros. Par ailleurs, le montant des échéances trimestrielles était également fixé en euros (en l'espèce 15.000) ou son équivalent en devises. Autrement dit, le contrat de prêt, conclu en euros, pouvait être indexé sur une devise étrangère mais cette indexation n'était qu'optionnelle, lui conférant ainsi un caractère accessoire.

Dans ces circonstances, la possibilité de tirer le prêt en devises ne constitue pas la définition de l'objet principal du contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 applicable au litige.

En tout état de cause, même à supposer que la clause définisse l'objet principal du contrat, elle n'échapperait à l'appréciation d'un éventuel caractère abusif que pour autant qu'elle soit rédigée de façon claire et compréhensible. Contrairement à ce qu'affirme l'emprunteur, il existe bien une clause « formelle » puisque le prêt stipule qu'il s'agit d'un « Prêt d'un montant de EUR 1.500.000 ou l'équivalent, à la date du tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais ». L'intelligibilité et la clarté de la clause doivent être appréciées à l'aune de l'ensemble des documents remis à l'emprunteur.

En l'espèce, la banque a remis à M. X. un document pré-imprimé, intitulé « déclaration de compréhension », qu'il a signé le 9 octobre 2007. L'article 4 de ce document est ainsi rédigé : [...]. Par ailleurs, le 26 octobre 2007, la banque a adressé à M. X. une lettre, rédigée en anglais, qui contient un paragraphe intitulé « Important notes », qui peut être traduit comme suit : « […] ».

M. X. relève à bon droit que ce dernier document étant rédigé en langue anglaise, il ne peut contribuer à établir le caractère clair et compréhensible de la clause, s'agissant d'un contrat proposé à un citoyen français, résidant sur le territoire français. Par ailleurs, il est constant que le prêt mentionne un montant nominal en euros, ainsi que des échéances en euros, tout en précisant la possibilité d'emprunter dans une autre devise.

Dans ces circonstances, la seule mention figurant dans la déclaration de compréhension rappelée ci-avant ne permettait pas à un emprunteur moyen d'évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de la clause autorisant le tirage du prêt dans une autre devise sur ses obligations financières, en l'absence de tout exemple chiffré, de toute simulation et de toute explication sur la distinction entre la monnaie de compte et la devise initiale, étant encore observé que le taux de conversion avec le franc suisse ne figurait ni dans l'offre ni dans l'acte de prêt, cette devise n'étant d'ailleurs pas expressément mentionnée.

Par ailleurs, le seul fait que la déclaration de compréhension mentionne l'existence, au demeurant potentielle, d'un « haut risque » est insuffisante à établir que l'emprunteur était en mesure de prendre une décision en toute connaissance de cause.

Enfin, le fait que la demande de M. X. en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde ait été rejetée de manière irrévocable, l'arrêt n'ayant pas été cassé sur ce point, ne fait pas obstacle à ce que soit retenue l'absence de caractère clair et compréhensible de la clause litigieuse au regard de la législation sur les clauses abusives, qui est distincte de celle relative à la responsabilité de la banque au titre de ses autres obligations.

Il convient en conséquence de retenir que la clause litigieuse, quand bien même elle définirait l'objet principal du contrat, n'était pas rédigée de façon claire et compréhensible. […]

Par ailleurs, comme le rappelle l'avocat général, M. Nils W., dans l'affaire Ruxandra Paula A. e.a., « si doivent être censurées sous l'angle de la directive 93/13 des clauses contractuelles qui instaurent un déséquilibre au profit du professionnel, ce dernier ne saurait, en revanche, être tenu pour responsable d'évolutions postérieures à la conclusion du contrat qui sont indépendantes de sa volonté. S'il devait en être autrement, non seulement seraient mises à la charge du professionnel des obligations disproportionnées, mais serait également compromis le principe de sécurité juridique. A cet égard, il faut bien distinguer le cas dans lequel une clause contractuelle est porteuse d'un déséquilibre entre les parties qui ne se manifeste qu'en cours d'exécution du contrat de celui où, bien qu'il n'existe pas de clause abusive, les obligations pesant sur le consommateur sont, en raison d'une modification des circonstances postérieurement à la conclusion d'un contrat et qui est indépendante de la volonté des parties, perçues par ce dernier comme étant plus lourdes » (conclusions présentées le 27 avril 2017, § 81 et 82). Ainsi, le fait que l'emprunteur supporte le risque de variation du taux de change, qui ne dépend pas de la volonté des parties, et en particulier de celle de la banque, ne crée pas un déséquilibre entre leurs droits et obligations respectifs.

Au demeurant, il sera rappelé que le montant du prêt était fixé en euro et que l'emprunteur était maître du choix de la devise dans laquelle il était tiré, ce dont il résulte que la banque n'a nullement imposé à M. X. une devise à son détriment.

Il résulte de ce qui précède que la clause de monnaie étrangère figurant dans le contrat ne constitue pas une clause abusive au sens de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A

ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/02681. N° Portalis DBVX - V - B7D – MKAT. Décisions : - du tribunal de grande instance de Grasse (1ère chambre section B) du 16 février 2015 : R.G. n° 11/06435 - de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8ème chambre B) du 4 mai 2017 : R.G. n° 15/06321 - de la Cour de cassation (1ère chambre civile) du 10 avril 2019 : pourvoi n° A 17-20.722 ; arrêt n° 357 F-D.

 

APPELANT :

M. X.

né le [date] à [ville], [adresse], représenté par la SELARL L. & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938, et pour avocat plaidant Maître Guillaume B., avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

Société JYSKE BANK

société de droit danois, [adresse], représentée par Maître Jean-Paul S.-C., avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 2104 et pour avocat plaidant Maître Aurélie B. du cabinet N., J. & PARTNERS AARPI, avocats

 

Date de clôture de l'instruction : 16 janvier 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 janvier 2020

Date de mise à disposition : 20 février 2020

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Aude RACHOU, président - Françoise CLEMENT, conseiller - Annick ISOLA, conseiller, assistés pendant les débats de Elsa MILLARY, greffier. A l'audience, Annick ISOLA a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Aude RACHOU, président, et par Elsa MILLARY, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suivant offre acceptée le 7 janvier 2008, la société Jyske Bank A/S (la banque) a consenti à M. X. un prêt multi-devises de 1.500.000 euros ou « l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais », pour une période de 35 ans, à un taux variable égal au « Jyske bank funding rate » + 1,50 points (soit 6,51 % à la date de l'offre).

Le 7 avril 2008, le prêt a été tiré pour un montant de 2.389.500 francs suisses correspondant à la contre-valeur dans cette monnaie de la somme de 1.500.000 euros, selon le taux de change applicable à l'époque.

Le 9 avril 2008, les parties ont signé le contrat de prêt par acte authentique, reçu par Maître A., notaire à [ville N.].

Le 9 août 2011, la banque a procédé à la conversion du prêt en euros, soit la somme de 2.305.000 euros.

Invoquant l'irrégularité d'une telle conversion et le manquement de la banque à ses obligations d'information et de mise en garde, M. X. l'a assignée en annulation de la conversion, en déchéance du droit aux intérêts pour l'avenir et en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 16 février 2015, le tribunal de grande instance de Grasse a dit que l'obligation de remboursement du prêt a été souscrite en francs suisses, dit que les échéances du prêt doivent être calculées et remboursées dans cette devise, dit qu'est nulle la conversion en euros opérée par la banque, alloué à l'emprunteur la somme de 150.000 euros en réparation de la perte de chance qu'il a subie et rejeté le surplus des demandes.

Par arrêt du 4 mai 2017, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il retient un manquement de la banque à son devoir d'information, alloue des dommages-intérêts à ce titre et rejette la demande de la banque en paiement des intérêts impayés du prêt, et, statuant à nouveau, a condamné M. X. à payer la somme de 225.618,58 francs suisses au titre des intérêts impayés du prêt ou sa contre-valeur en euros au jour de l'arrêt.

Statuant sur le pourvoi de M. X., la Cour de cassation a cassé cet arrêt mais seulement en ce qu'il dit que l'obligation de remboursement du prêt litigieux a été souscrite en francs suisses, dit que les échéances doivent être calculées et remboursées en francs suisses conformément aux stipulations de l'offre et du contrat de prêt, et condamne M. X. à payer à la société Jyske Bank A/S la somme, arrêtée au 13 janvier 2017, de 225.618,58 francs suisses au titre des intérêts impayés du prêt ou sa contre-valeur en euros (Civ. 1re, 10 avril 2019, pourvoi n° 17-20722).

La Cour de cassation a jugé, au visa de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation que dès lors qu'il résultait des éléments de fait et de droit débattus devant elle que, selon le contrat litigieux, toute dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse avait pour conséquence de majorer le coût du prêt, sans qu'aucun plafond ne soit fixé, il incombait à la cour d'appel, à supposer que la clause de monnaie étrangère ne définisse pas l'objet principal du contrat ou, dans le cas contraire, qu'elle ne soit pas rédigée de façon claire et compréhensible, de rechercher d'office si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur l'emprunteur, et si, en conséquence, ladite clause n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur, et que, faute de l'avoir fait, elle n'avait pas donné de base légale à sa décision.

[*]

Par déclaration du 16 avril 2019, M. X. a saisi la cour d'appel de Lyon, désignée cour de renvoi.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 19 décembre 2019, il demande à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 16 février 2015 en ce qu'il l'a débouté (i) de sa demande tendant à voir fixer le nominal de son emprunt auprès de la société Jyske Bank à 1.500.000 euros et (ii) de sa demande tendant à voir engagée la responsabilité de la banque ;

- dire et juger que la « clause de monnaie étrangère » opposée par la société Jyske Bank est abusive ;

- dire et juger en conséquence que l'obligation de remboursement pesant sur lui est égale au montant nominal fixé au contrat de prêt, soit 1.500.000 euros ;

- condamner la société Jyske Bank à lui rembourser le trop-perçu au titre des échéances antérieures de remboursement et d'intérêts, soit une somme de 51.319 euros, à parfaire ;

- dire et juger que les échéances futures de remboursement et d'intérêts seront calculés sur la base d'un nominal de 1.500.000 euros ;

- dire et juger que la société Jyske Bank a engagé sa responsabilité à son égard pour avoir inséré une clause abusive dans le contrat de prêt ;

- la condamner à lui verser 33.784,87 euros en réparation de son préjudice financier et 50.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- condamner la société Jyske Bank à lui verser une somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, avec distraction au profit de la Selarl Lexavoué Lyon.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 8 août 2019, la société Jyske bank demande, en substance, à la cour de :

A titre liminaire,

- déclarer les demandes de M. X. irrecevables ;

- dire et juger que l'obligation de remboursement du prêt de 1.500.000 euros contracté par M. X. a été souscrite en devise CHF (francs suisses), soit en nominal un capital de 2.389.500 CHF et ordonner à M. X. de rembourser les échéances du prêt en intérêts et en capital sur la base de ce montant en capital, conformément aux stipulations du contrat de prêt ;

A titre principal,

- débouter, M. X. de toutes ses demandes ;

- dire et juger que l'obligation de remboursement du prêt de 1.500.000 euros contracté par M. X. a été souscrite en devise francs suisses, soit en nominal un capital de 2.389.500 CHF et ordonner à M. X. de rembourser les échéances du prêt en intérêts et en capital sur la base de ce montant en capital, conformément aux stipulations du contrat de prêt ;

A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait déclarer abusif l'article 2 du contrat de prêt et fixer le capital du prêt à 1.500.000 euros ab initio,

- dire et juger que les intérêts du prêt doivent être recalculés sur la base de ce montant en capital au taux d'intérêt applicable en euros à chaque échéance ;

- débouter M. X. de sa demande de remboursement des trop-perçus à hauteur de 51.319 euros ;

- condamner M. X. au paiement d'une somme de 135.437,27 euros ;

En tout état de cause,

- déclarer infondée la demande de dommages et intérêts de M. X. et l'en débouter ;

- condamner M. X. aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de consommation, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Les clauses abusives sont réputées non écrites et le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

L'offre de prêt acceptée par M. X., et à laquelle l'acte de prêt renvoie expressément, prévoyait, notamment, les stipulations suivantes :

- article 2 : Prêt d'un montant de EUR 1.500.000 ou l'équivalent, à la date du tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais.

- article 4 Caractéristiques du prêt [...]

Montant du prêt : 1.500.000 euros

Devise : Multi devise, initialement en euros

Durée du prêt : 35 ans

Type de prêt : ordinaire

Périodicité de remboursement : Trimestriel

Nombre d'échéances : 140 (40 en remboursement d'intérêts seulement et 100 en remboursement d'intérêts et du capital)

Montant des échéances : en principal, Euros 15.000 (ou son équivalent dans une autre devise) + montant des intérêts

[...]

Coût total du prêt : 3.737.431 euros

- article 11 : Pour le cas où, en fonction de la variation des taux de change, l'endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 1.180.000 livres sterling (ci-après « la limite de facilité sterling »), la banque serait autorisée, à son entière discrétion, à prendre tout ou partie des mesures suivantes :

11.1 : convertir l'endettement en cours en Sterling, au taux de change de la banque en vigueur au jour de la conversion

11.2 : réaliser ou appeler, immédiatement et comme bon semble à la banque, tout ou partie de la sûreté placée auprès de la banque, et utiliser les montants ainsi obtenus pour compenser en partie l'endettement en cours afin qu'il ne dépasse pas la limite de la facilité sterling

11.3 : demander le remboursement immédiat d'une partie de l'endettement en cours d'un montant suffisant pour réduire cet endettement, après sa conversion en Sterling au taux de change de la banque, à un montant qui ne soit pas supérieur à la limite de la facilité sterling.

Les droits et pouvoirs mentionnés ci-dessus peuvent être exercés par la banque, sans notification préalable et sans que vous ayez à donner votre consentement, et sont exercés sans préjudice des autres droits de la banque mentionnés dans cette offre de prêt, des documents relatifs à la sûreté ou de la loi, y compris notamment le droit de demander, à tout moment, le remboursement immédiat et intégral de l'endettement en cours.

Le taux de change applicable à toute transaction aux termes des présentes sera celui du fixing de la banque à la date de ladite transaction.

L'on rappellera que la clause d'un contrat de prêt prévoyant une monnaie de compte étrangère s'analyse en une clause d'indexation déguisée.

M. X. soutient que la « clause de monnaie étrangère » qui lui est opposée par la banque constitue une clause abusive et doit être réputée non écrite ; il précise que cette demande n'est pas prescrite en se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

La banque soutient que cette prétention se heurte à la prescription dès lors que le point de départ de la prescription se situe à la date de la conclusion du prêt ou, au plus tard, à la date de libération du prêt et que l'action est ainsi prescrite depuis le 19 juin 2013 ; elle fait valoir que l'absence de prescription porterait atteinte à la sécurité juridique.

La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que « la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, s'oppose à une réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national à l'expiration d'un délai de forclusion de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat » (CJCE, arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis SA, C-473/00).

Par ailleurs, la demande tendant à ce que soient réputées non écrites les clauses litigieuses ne s'analyse pas en une demande en nullité, de sorte qu'elle n'est pas soumise à la prescription quinquennale.

Seule cette solution est de nature à assurer une protection effective du consommateur ou du non-professionnel contre l'insertion de clauses abusives dans les contrats qui lui sont proposés.

Il convient en conséquence de dire que la demande de M. X. afin que soit réputée non écrite la clause litigieuse n'est pas prescrite et est en conséquence recevable.

L'article L. 212-1 du code de la consommation prévoit que l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

La CJUE a dit pour droit que « les clauses du contrat qui relèvent de la notion d'« objet principal du contrat », au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, doivent s'entendre comme étant celles qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci» (CJUE, arrêt du 23 avril 2015,Jean-Claude Van H., C-96/14, § 33).

Elle a précisé que :

- l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que la notion d'« objet principal du contrat », au sens de cette disposition, couvrait une clause contractuelle insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère, n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et selon laquelle le prêt devait être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté, dès lors que cette clause fixait une prestation essentielle caractérisant ce contrat et que par conséquent, cette clause ne pouvait pas être considérée comme étant abusive, pour autant qu'elle soit rédigée de façon claire et compréhensible,

- l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible suppose que, dans le cas des contrats de crédit, les établissements financiers doivent fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause. À cet égard, cette exigence implique qu'une clause selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement connaître la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières (CJUE, arrêt du 20 septembre 2017, Ruxandra Paula A. e.a., n° C-186/16, § 51).

- l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que l'exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible oblige les établissements financiers à fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause. À cet égard, cette exigence implique qu'une clause relative au risque de change soit comprise par le consommateur à la fois sur les plans formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise étrangère dans laquelle le prêt a été libellé, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières (CJUE, arrêt du 20 septembre 2018, OTP Bank Nyrt., C-51/17, § 78).

S'agissant de prêts en devise, la CJUE a apporté les précisions suivantes :

« L'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que :

- les termes « objet principal du contrat » ne recouvrent une clause, intégrée dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère conclu entre un professionnel et un consommateur et qui n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle le cours de vente de cette devise s'applique aux fins du calcul des remboursements du prêt, que pour autant qu'il est constaté, ce qu'il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier eu égard à la nature, à l'économie générale et aux stipulations du contrat ainsi qu'à son contexte juridique et factuel, que ladite clause fixe une prestation essentielle de ce contrat qui, comme telle, caractérise celui-ci;

- une telle clause, en ce qu'elle comporte une obligation pécuniaire pour le consommateur de payer, dans le cadre des remboursements du prêt, des montants découlant de l'écart entre le cours de vente et le cours d'achat de la devise étrangère, ne saurait être considérée comme comportant une « rémunération » dont l'adéquation en tant que contrepartie d'une prestation effectuée par le prêteur ne saurait faire l'objet d'une appréciation de son caractère abusif en vertu de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 » (CJUE, arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, § 59).

Dans l'arrêt Ruxandra Paula A. e.a., la CJUE a affiné son raisonnement en indiquant encore que « alors que, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C-26/13, EU:C:2014:282), les prêts, quoique libellés en devise étrangère, devaient être remboursés en devise nationale en fonction du cours de vente de la devise étrangère pratiqué par l'établissement bancaire, dans l'affaire au principal, les prêts doivent être remboursés dans la même devise étrangère que celle dans laquelle ils ont été octroyés. Or, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 51 de ses conclusions, les contrats de crédit indexés sur des devises étrangères ne sauraient être assimilés aux contrats de crédit en devises étrangères, tels que ceux en cause au principal ».

Dans la présente affaire, il est constant que le montant du prêt était fixé à la somme de 1.500.000 euros mais pouvait être tiré dans l'une des devises mentionnées dans le contrat de prêt, avant d'être converti en euros.

Par ailleurs, le montant des échéances trimestrielles était également fixé en euros (en l'espèce 15.000) ou son équivalent en devises.

Autrement dit, le contrat de prêt, conclu en euros, pouvait être indexé sur une devise étrangère mais cette indexation n'était qu'optionnelle, lui conférant ainsi un caractère accessoire.

Dans ces circonstances, la possibilité de tirer le prêt en devises ne constitue pas la définition de l'objet principal du contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 applicable au litige.

En tout état de cause, même à supposer que la clause définisse l'objet principal du contrat, elle n'échapperait à l'appréciation d'un éventuel caractère abusif que pour autant qu'elle soit rédigée de façon claire et compréhensible.

Contrairement à ce qu'affirme l'emprunteur, il existe bien une clause « formelle » puisque le prêt stipule qu'il s'agit d'un « Prêt d'un montant de EUR 1.500.000 ou l'équivalent, à la date du tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, dollars américains ou yens japonais ».

L'intelligibilité et la clarté de la clause doivent être appréciées à l'aune de l'ensemble des documents remis à l'emprunteur.

En l'espèce, la banque a remis à M. X. un document pré-imprimé, intitulé « déclaration de compréhension », qu'il a signé le 9 octobre 2007.

L'article 4 de ce document est ainsi rédigé :

« Nous avons discuté dans quelle devise je préfère [...] faire l'emprunt et j'ai [...] demandé à ce que l'emprunt soit souscrit en CHF et, ensuite, converti et versé en EUR.

Jyske Bank m'a [...] fait part du risque de change lié au choix d'emprunter dans une autre devise que ma [...] devise de base. Je déclare [...] comprendre que tout renforcement de la devise de l'emprunt par rapport à ma [...] devise de base peut résulter en une augmentation du coût du remboursement de l'emprunt et que le fait d'emprunter dans une devise étrangère peut être considéré comme étant à « haut risque » ».

Par ailleurs, le 26 octobre 2007, la banque a adressé à M. X. une lettre, rédigée en anglais, qui contient un paragraphe intitulé « Important notes », qui peut être traduit comme suit : « Bien que votre prêt ait été approuvé en euro vous avez la faculté de tirer le prêt (sous réserve de l'accord de la banque) dans la plupart des devises européennes, en dollars américains ou en yens japonais, si vous le préférez. Si cette option vous intéresse merci de confirmer par écrit dans quelle devise vous préférez souscrire le prêt. Si vous envisagez de souscrire votre prêt dans une devise autre que celle dans laquelle vos revenus/vos biens sont fixés, vous devez prendre en considération le fait que les taux de change sont sujets aux fluctuations du marché. Tout affaiblissement de votre devise de base/revenu par rapport à la devise choisie pour le prêt se traduirait par une augmentation effective du coût de vos échéances de remboursement. Souscrire un prêt en devise étrangère peut en conséquence être considéré comme représentant un risque important ».

M. X. relève à bon droit que ce dernier document étant rédigé en langue anglaise, il ne peut contribuer à établir le caractère clair et compréhensible de la clause, s'agissant d'un contrat proposé à un citoyen français, résidant sur le territoire français.

Par ailleurs, il est constant que le prêt mentionne un montant nominal en euros, ainsi que des échéances en euros, tout en précisant la possibilité d'emprunter dans une autre devise.

Dans ces circonstances, la seule mention figurant dans la déclaration de compréhension rappelée ci-avant ne permettait pas à un emprunteur moyen d'évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, de la clause autorisant le tirage du prêt dans une autre devise sur ses obligations financières, en l'absence de tout exemple chiffré, de toute simulation et de toute explication sur la distinction entre la monnaie de compte et la devise initiale, étant encore observé que le taux de conversion avec le franc suisse ne figurait ni dans l'offre ni dans l'acte de prêt, cette devise n'étant d'ailleurs pas expressément mentionnée.

Par ailleurs, le seul fait que la déclaration de compréhension mentionne l'existence, au demeurant potentielle, d'un « haut risque » est insuffisante à établir que l'emprunteur était en mesure de prendre une décision en toute connaissance de cause.

Enfin, le fait que la demande de M. X. en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son devoir de conseil et de mise en garde ait été rejetée de manière irrévocable, l'arrêt n'ayant pas été cassé sur ce point, ne fait pas obstacle à ce que soit retenue l'absence de caractère clair et compréhensible de la clause litigieuse au regard de la législation sur les clauses abusives, qui est distincte de celle relative à la responsabilité de la banque au titre de ses autres obligations.

Il convient en conséquence de retenir que la clause litigieuse, quand bien même elle définirait l'objet principal du contrat, n'était pas rédigée de façon claire et compréhensible.

M. X. soutient que la clause de monnaie étrangère créait, à son détriment, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, en ce qu'il supportait le risque d'une très grave aggravation de sa dette en raison de l'appréciation du franc suisse par rapport à l'euro, tandis que la banque ne supportait aucun risque équivalent et en ce que le contrat contenait une clause de conversion au bénéfice exclusif de la banque.

Cette dernière rappelle à juste titre que le déséquilibre visé à l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à l'espèce, n'est pas d'ordre économique mais juridique.

Par ailleurs, comme le rappelle l'avocat général, M. Nils W., dans l'affaire Ruxandra Paula A. e.a., « si doivent être censurées sous l'angle de la directive 93/13 des clauses contractuelles qui instaurent un déséquilibre au profit du professionnel, ce dernier ne saurait, en revanche, être tenu pour responsable d'évolutions postérieures à la conclusion du contrat qui sont indépendantes de sa volonté. S'il devait en être autrement, non seulement seraient mises à la charge du professionnel des obligations disproportionnées, mais serait également compromis le principe de sécurité juridique. A cet égard, il faut bien distinguer le cas dans lequel une clause contractuelle est porteuse d'un déséquilibre entre les parties qui ne se manifeste qu'en cours d'exécution du contrat de celui où, bien qu'il n'existe pas de clause abusive, les obligations pesant sur le consommateur sont, en raison d'une modification des circonstances postérieurement à la conclusion d'un contrat et qui est indépendante de la volonté des parties, perçues par ce dernier comme étant plus lourdes » (conclusions présentées le 27 avril 2017, § 81 et 82).

Ainsi, le fait que l'emprunteur supporte le risque de variation du taux de change, qui ne dépend pas de la volonté des parties, et en particulier de celle de la banque, ne crée pas un déséquilibre entre leurs droits et obligations respectifs.

Au demeurant, il sera rappelé que le montant du prêt était fixé en euro et que l'emprunteur était maître du choix de la devise dans laquelle il était tiré, ce dont il résulte que la banque n'a nullement imposé à M. X. une devise à son détriment.

Il résulte de ce qui précède que la clause de monnaie étrangère figurant dans le contrat ne constitue pas une clause abusive au sens de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'obligation de remboursement du prêt litigieux a été souscrite en francs suisses et dit que les échéances doivent être calculées et remboursées en francs suisses conformément aux stipulations de l'offre et du contrat de prêt.

La dette de M. X. sera actualisée et fixée à la somme de 220.223,94 francs suisses, ou sa contre-valeur en euros, arrêtée au 10 janvier 2020, selon le dernier décompte produit par la banque.

En l'absence de clause abusive dans le contrat de prêt, M. X. sera débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts à raison de l'insertion d'une telle clause dans la convention.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Jyske bank.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 10 avril 2019 ;

Déclare recevable la demande de M. X. afin que soit réputée non écrite la clause de monnaie étrangère mais la rejette ;

Confirme le jugement en ce qu'il a dit que l'obligation de remboursement du prêt litigieux a été souscrite en francs suisses et dit que les échéances doivent être calculées et remboursées en francs suisses conformément aux stipulations de l'offre et du contrat de prêt ;

Condamne M. X. à payer à la société Jyske bank la somme de 220.223,94 francs suisses, ou sa contre-valeur en euros, au titre des intérêts impayés arrêtés au 10 janvier 2020 ;

Rejette la demande de M. X. en paiement de dommages-intérêts ;

Rejette la demande des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X. aux dépens.

LE GREFFIER                    LE PRESIDENT