CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 19 mai 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9608
CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 19 mai 2022 : RG n° 21/02587
Publication : Jurica
Extrait : « S'agissant des développements de la société Duma Rent France sur la recevabilité des demandes formées par la société Gomarsall sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, il s'impose de constater qu'ils n'ont pas davantage donné lieu à la formulation d'une prétention saisissant la cour conformément aux dispositions précitées de l'article 954 du Code de procédure civile.
Pour autant, s'agissant d'un moyen d'ordre public, la cour doit examiner d'office cette question. Or si les écritures de l'appelante contiennent effectivement des développements relatifs au déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la société Gomarsall indique cependant fonder sa demande, qui vise à faire déclarer non écrite une clause qualifiée d'abusive, non pas sur les dispositions de l'article L. 442-6 ancien du Code de commerce, mais sur celles de l'article 1171 du Code civil.
Il n'y a donc pas lieu de déclarer cette prétention irrecevable d'office. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 19 MAI 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/02587. N° Portalis DBVT-V-B7F-TTJJ. Jugement (R.G. n° 2019/990) rendu le 23 avril 2021 par le tribunal de commerce d'Arras.
APPELANTE :
SARL Gomarsall
prise en la personne de son représentant légal audit siège. Ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Arnaud F., avocat au barreau de Béthune
INTIMÉE :
SASU Duma Rent Nord, anciennement Dénonmée Duma Rent France
agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, ayant son siège social [...], représentée par Maître Catherine C.-D., avocat au barreau de Douai, ayant pour conseil Maître O L. M., SELARL Avocats E. B. & G. M. - ABM Droit & Conseil
DÉBATS à l'audience publique du 1er mars 2022 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d'instruire le dossier qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nadège Straseele, adjoint administratif faisant fonction de greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Laurent Bedouet, président de chambre, Nadia Cordier, conseiller, Agnès Fallenot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Laurent Bedouet, président et Marlène Tocco, greffier lors du délibéré, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 février 2022
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Gomarsall, qui exerce une activité de maçonnerie générale et d'entreprise générale de bâtiment, s'est rapprochée de la société Duma Rent France, ayant une activité de location de chariots élévateurs et autres matériels de chargement et déchargement, en vue de la location d'engins de chantier.
Suivant commandes téléphoniques, elle lui a loué :
- une mini-pelle sur chenilles de marque Yanmar type SV26 pour la journée du 25 avril 2018 ;
- une pince de tri de marque Pladdet type PRG1-70CW pour la journée du 25 avril 2018.
La société Gomarsall a déposé plainte pour le vol de ces matériels le 4 mai 2018.
Ultérieurement, la société Gomarsall a loué à la société Duma Rent France :
- suivant contrat n°18-04860 daté du 16 mai 2018, une mini-pelle sur chenilles Bobcat type ME10, pour la journée du 17 mai 2018 ;
- suivant contrat n°18-04861 daté du 16 mai 2018, un marteau hydraulique type HB380-KLAC C, pour les journées du 17 et 18 mai 2018.
La société Duma Rent France a déposé plainte pour le vol du marteau hydraulique le 28 mai 2018.
Se prévalant de l'article 12.2 de ses conditions générales de location, la société Duma Rent France a demandé à la société Gomarsall le paiement de franchises, suivant :
- une facture n°20180018 en date du 18 mai 2018 pour un montant de 3.000 euros HT, soit 3 600 euros TTC, pour la mini-pelle et la pince de tri ;
- une facture n°20180021 en date du 18 mai 2018 pour un montant de 3.000 euros HT, soit 3 600 euros TTC, pour le marteau hydraulique.
La société Gomarsall a refusé de régler ces factures.
Après des mises en demeure par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 3 mai 2018 puis du 18 octobre 2018, la société Duma Rent France a assigné la société Gomarsall en paiement.
Par jugement rendu le 23 avril 2021, le tribunal de commerce d'Arras a statué en ces termes :
- Déboute la SARL GOMARSALL de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamne la SARL GOMARSALL à payer à la SARL DUMA RENT FRANCE la somme de 7.200 € en principal, avec intérêts selon le taux appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points et ce à compter de la date d'échéance de chacune des factures.
- Ordonne l'anatocisme des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil ;
- Condamne la SARL GOMARSALL à payer à la SARL DUMA RENT FRANCE la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamne la SARL GOMARSALL aux entiers frais et dépens de l'instance, incluant les frais et débours de greffe taxés et liquidés à la somme de 63,36 Euros.
Par déclaration du 4 mai 2021, la société Gomarsall a relevé appel de cette décision en ces termes : « demande de réformation du jugement, motifs exposés suivant document en pièce jointe », ledit document précisant que l'ensemble des chefs de la décision était querellé.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions régularisées par le RPVA le 7 février 2022, la société Gomarsall demande à la cour de :
Vu l'article 9 du Code de procédure civile,
Vu l'article 1353 du Code civil,
Vu l'article 1171 du Code civil,
Vu les articles 1709 et 1737 du Code civil,
Vu l'article L. 441-6 ancien du Code de commerce,
Vu les pièces versées aux débats,
(...)
- RÉFORMER totalement le jugement du Tribunal de Commerce d'ARRAS en ce qu'il :
Déboute la SARL GOMARSALL de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Condamne la SARL GOMARSALL à payer à la SARL DUMA RENT FRANCE la somme de 7.200 € en principal, avec intérêts selon le taux appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points et ce à compter de la date d'échéance de chacune des factures ;
Ordonne l'anatocisme des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil ;
Condamne la SARL GOMARSALL à payer à la SARL DUMA RENT FRANCE la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC ;
Condamne la SARL GOMARSALL aux entiers frais et dépens de l'instance, incluant les frais et débours de greffe taxés et liquidés à la somme de 63.36 € ;
Statuant de nouveau, par l'effet dévolutif de l'appel,
- JUGER la société GOMARSALL recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- DÉBOUTER la société DUMA RENT FRANCE de toutes ses prétentions ;
A titre principal,
- JUGER que le contrat de location n° 18-04131 relatif à la mini-pelle et le contrat n° 18-04132 relatif à la pince de tri sont inopposables à la société GOMARSALL à défaut de signature et d'acceptation non équivoque ;
- JUGER que les conditions générales de location sont inopposables à la société GOMARSALL à défaut de connaissance préalable, de signature et d'acceptation non équivoque ;
- En conséquence, DEBOUTER la société DUMA RENT FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
- JUGER que la clause relative à la durée de la garde juridique de la chose louée est abusive ;
- JUGER que cette clause doit être réputée non écrite ;
- JUGER que seule la société DUMA RENT FRANCE était responsable du matériel objet des trois locations au moment des prétendus vols en sa qualité de propriétaire, les locations ayant pris fin avant le sinistre allégué ;
- En conséquence, DEBOUTER la société DUMA RENT FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre infiniment subsidiaire,
- JUGER que la clause relative à l'assurance « bris de machine » n'a pas vocation à s'appliquer en cas de vol ;
- JUGER que la preuve des vols allégués n'est pas rapportée ;
- JUGER qu'aucune franchise ne saurait être réclamée ;
- En conséquence, DEBOUTER la société DUMA RENT FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause,
A titre reconventionnel,
- CONDAMNER la société DUMA RENT FRANCE à payer à la société GOMARSALL la somme de 23.20 € en restitution des sommes payées indument, avec intérêt au taux légal à compter du jugement à intervenir ;
- CONDAMNER la société DUMA RENT FRANCE à payer à la société GOMARSALL la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- La CONDAMNER aux entiers frais et dépens de la présente instance.
La société Gomarsall conteste l'authenticité de la fiche de renseignements produite aux débats à hauteur d'appel, indiquant n'avoir aucun souvenir d'avoir signé un tel document.
Elle souligne que la société Duma Rent France reconnaît que les deux premiers contrats ne sont pas signés par la locataire. Dès lors, les conditions générales lui sont inopposables.
Elle fait valoir que les locations des 24 avril et 16 mai 2018 constituent les seules et uniques commandes passées. Il n'est donc aucunement question de relations commerciales établies.
Elle considère qu'il ne peut être tiré aucune conséquence de la présence, à une date indéterminée, des conditions générales de location de la société Duma Rent France sur son site internet, puisqu'elles ont été ajoutées le 26 juillet 2018 seulement.
Elle plaide que la plainte qu'elle a déposée le 4 mai 2018 ne peut valoir reconnaissance de la responsabilité de la garde du matériel. En effet, elle a été sollicitée de manière particulièrement insistante par la société Duma Rent France, qui lui avait à l'époque assuré qu'elle était nécessaire pour lui permettre d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi.
En outre, les deux factures litigieuses mettent à la charge de la locataire le coût d'une assurance alors que celle-ci avait refusé de prendre l'assurance proposée. La société Duma Rent France a donc facturé à la société Gomarsall des prestations refusées en amont, et après sinistre, tente de faire peser sur sa locataire une franchise d'assurance dont elle n'a jamais eu connaissance. Il appartient à la société Duma Rent France de produire le contrat d'assurance dont il s'agit et de justifier de ce que son assureur lui a réclamé le paiement des franchises qu'elle refacture à la société Gomarsall.
A titre subsidiaire, la société Gomarsall soutient que les conditions générales de location de la société Duma Rent France contiennent une clause relative à la garde juridique de la chose qui doit être réputée non écrite comme abusive. Elle indique que la location n'a duré qu'une journée, et soutient que le fait pour le locataire d'être soumis au bon vouloir du bailleur, qui décide discrétionnairement, en fonction de ses propres besoins, de la date à laquelle il va reprendre possession des biens loués, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
A titre infiniment subsidiaire, la société Gomarsall conclut au débouté de la demande en paiement faute de preuve d'un vol ou d'une dégradation, tout en soutenant parallèlement qu'en application des conditions générales de location de la société Duma Rent France, il ne peut pas y avoir facturation d'une franchise en cas de vol, ou pour les accessoires comme une pince de tri.
Elle considère enfin que l'application du taux BCE est sollicitée abusivement, soutenant qu'il appartient à la partie qui s'en prévaut de démontrer que ses conditions générales prévoient bien l'application de cet intérêt, et que lesdites conditions générales de vente sont opposables à la partie à laquelle elle entend les opposer.
A titre reconventionnel, elle demande la condamnation de la société Duma Rent France à lui restituer la somme de 11,20 euros au titre de la facture n°18302367, 6 euros au titre de la facture n°18302368 et 6 euros au titre de la facture n°18302850, surcoûts liés à l'assurance qu'elle a refusée.
[*]
Par conclusions régularisées par le RPVA le 27 janvier 2022, la société Duma Rent France demande à la cour de :
Vu l'article L. 441-6 du Code de commerce ;
Vu l'article 1343-2 (ancien 1154) du Code civil ;
Vu les pièces versées au débat ;
DIRE la société DUMA RENT France recevable et bien fondée dans ses demandes, fins et conclusions ;
CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras du 23 avril 2021 en toutes ses dispositions
EN CONSÉQUENCE :
CONDAMNER la société GOMARSALL à payer à la société DUMA RENT FRANCE la somme de 7.200 € en principal, avec intérêts égal au taux appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points (article L. 441-6 du code de commerce) et ce à compter de la date d'échéance de chacune des factures pour son montant ;
ORDONNER l'anatocisme des intérêts en application de l'article 1343-2 (ancien 1154) du Code civil ;
EN TOUTE HYPOTHESE,
JUGER la société GOMARSALL mal fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
DÉBOUTER la société GOMARSALL de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER la société GOMARSALL au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
CONDAMNER la société GOMARSALL aux dépens d'instance et d'appel.
La société Duma Rent France observe que la société Gomarsall vise expressément l'application des dispositions de l'article 442-6 ancien du code du commerce, qui portent sur la sanction des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Elle souligne que la sanction de l'article L. 442-6 n'est pas la nullité ou l'inopposabilité de la clause mais l'octroi de dommages et intérêts, et demande en tout état de cause que la cour déclare les demandes fondées sur cet article irrecevables comme ne disposant pas, tout comme le tribunal de commerce d'Arras, du pouvoir juridictionnel pour en connaître.
La société Gomarsall vise également de manière inopérante les dispositions des articles 1353 et 1171 du Code civil, puisque conformément aux dispositions de l'article 1732 du Code civil, elle avait la garde du matériel loué pendant la durée du contrat de location et tant qu'elle n'avait pas restitué le matériel loué au bailleur.
Ayant signé les 3ème et 4ème contrats, la société Gomarsall a bien pris connaissance des conditions générales de location. Les 1er et 2ème contrats lui avaient par ailleurs été envoyés par mail, et il doit être retenu qu'elle avait déjà tacitement accepté lesdites conditions, les dispositions de l'article L 441-1 du code de commerce prévoyant que la communication peut s'effectuer par tout moyen dès lors qu'il constitue un support durable. Il est clairement précisé aux contrats qu'elle a retourné signés ou non la mention suivante : « Merci de nous retourner ce document signé et daté Sans retour de votre part sous 24 h le contrat ainsi que les conditions générales de location seront considérés comme acceptés ». La société Gomarsall n'a d'ailleurs émis aucune contestation à la réception des factures de location qui indiquent expressément que le locataire reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales interprofessionnelles sur le site internet de la société Duma Rent France, qu'elle a réglées.
La société Gomarsall ayant opté pour sa propre assurance, ainsi qu'il résulte de la fiche de renseignement du 29 septembre 2017, l'article 12.3 des conditions générales de location est applicable, lequel prévoit que « toute franchise ou coût de réparation du matériel sera pris en charge par le locataire, et ce qu'elle qu'en soit l'origine ».
Enfin, l'article 6.2 des conditions générales de location prévoit : « Le locataire reste tenu de toutes ses obligations découlant du contrat jusqu'à récupération effective par le bailleur. Il reste notamment gardien de la chose louée et s'engage à la conserver sous sa surveillance. Le matériel ne sera considéré restitué, et la garde juridique transférée au bailleur, qu'après remise d'un bon de retour signé par le bailleur (...). »
[*]
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 février 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
I - Sur l'étendue de la saisine :
1) Sur la communication de pièces :
Aux termes de l'article 954 du Code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Il en résulte que la cour n'est pas saisie des prétentions de la société Gomarsall visant à faire enjoindre à la société Duma Rent France de produire :
- son contrat d'assurance avec les conditions générales et particulières,
- sa déclaration de sinistre à l'assurance pour le vol de la pince de tri et du marteau hydraulique,
- la plainte au procureur prévue au terme des conditions générales de location qu'elle produit en cours de procédure,
- le montant de l'indemnisation reçue par l'assurance, avec mention de la déduction de la somme de 3.000 euros HT au titre de la franchise,
qui figurent exclusivement dans le corps de ses écritures et ne sont pas reprises au dispositif.
Il n'y sera pas répondu.
2) Sur la recevabilité de la demande visant à faire déclarer abusive et non écrite la clause relative à la durée de la garde juridique de la chose louée :
S'agissant des développements de la société Duma Rent France sur la recevabilité des demandes formées par la société Gomarsall sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, il s'impose de constater qu'ils n'ont pas davantage donné lieu à la formulation d'une prétention saisissant la cour conformément aux dispositions précitées de l'article 954 du Code de procédure civile.
Pour autant, s'agissant d'un moyen d'ordre public, la cour doit examiner d'office cette question. Or si les écritures de l'appelante contiennent effectivement des développements relatifs au déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, la société Gomarsall indique cependant fonder sa demande, qui vise à faire déclarer non écrite une clause qualifiée d'abusive, non pas sur les dispositions de l'article L. 442-6 ancien du Code de commerce, mais sur celles de l'article 1171 du Code civil.
Il n'y a donc pas lieu de déclarer cette prétention irrecevable d'office.
II - Sur la demande en paiement des franchises présentée par la société Duma Rent France à l'encontre de la société Gomarsall :
Aux termes de l'article L. 441-6-I du Code de commerce, en sa version applicable au présent litige, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Elles comprennent :
- les conditions de vente ;
- le barème des prix unitaires ;
- les réductions de prix ;
- les conditions de règlement.
La communication prévue au premier alinéa s'effectue par tout moyen conforme aux usages de la profession.
Aux termes de l'article 1119 du Code civil, les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.
Aux termes des articles 6 et 9 du Code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
L'article L. 110-3 du Code de commerce précise qu'à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
Il résulte de ces textes que tous les modes de preuves sont admissibles en matière commerciale, la preuve par présomption comme la preuve par témoins, sous réserve toutefois du principe selon lequel nul ne peut se créer de preuve à soi-même.
En l'espèce, il n'est pas établi que les parties étaient en relation d'affaires antérieurement aux locations en date du 25 avril 2018, aucune conclusion en ce sens ne pouvant être tirée de la simple fiche de renseignements versée aux débats.
La société Duma Rent France ne démontre aucunement avoir envoyé les contrats n°18-4131 et 18-4132 qu'elle produit, lesquels sont non signés, la société Gomarsall ayant toujours nié les avoir réceptionnés.
Les contrats n°18-4660 et 18-4861 ont quant à eux été signés. Ils mentionnent :« Merci de nous retourner ce document signé et daté. Sans retour de votre part sous 24h, le contrat ainsi que les conditions générales de location seront considérées comme acceptées », mais ils ne comportent pas les conditions générales de location invoquées.
Si la société Duma Rent indique que ces dernières sont consultables sur son site internet, et produit aux débats la version sur laquelle elle fonde ses demandes, la société Gomarsall établit l'existence d'une modification à la date du 26 juillet 2018.
L'intimée échoue donc à rapporter la preuve qui lui incombe de leur contenu applicable aux contrats litigieux. Dès lors, elle ne démontre pas que les stipulations de l'article 12 qu'elle invoque pour justifier le paiement de franchises suite au vol des matériels sont applicables à la société Gomarsall.
La société Duma Rent France doit donc être déboutée de sa demande en paiement et la décision entreprise infirmée en ce qu'elle a condamné la société Gomarsall à lui payer la somme de 7 200 euros en principal, avec intérêts selon le taux appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points à compter de la date d'échéance de chacune des factures, avec anatocisme.
III - Sur la demande en remboursement des frais d'assurance présentée par la société Gomarsall à l'encontre de la société Duma Rent France :
Aux termes des articles 1103 et 1104 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
La société Gomarsall démontre que la société Duma Rent France lui a facturé au titre de frais d'assurance :
- la somme de 11,20 euros au titre de la location de la mini-pelle sur chenilles Yanmar (facture n°18302367) ;
- la somme de 6 euros au titre de la location de la pince de tri Pladdet (facture n°18302368) ;
- la somme de 6 euros au titre de la location du marteau hydraulique Bobcat (facture n°18302850).
Or la fiche de renseignements remplie le 29 septembre 2017 produite aux débats par la société Duma Rent France, laquelle porte incontestablement tant la signature du représentant légal que le cachet de la société Gomarsall, quand bien même son représentant légal, de manière aussi contradictoire qu'incohérente, tente de dénier sa signature tout en se prévalant des mentions de ce document, indique que la future locataire dispose de sa propre assurance et ne souhaite pas bénéficier de « l'assurance Duma Rent soit 10 % par jour calendaire ».
La société Duma Rent France n'oppose aucun argument à la demande en remboursement de la somme de 23,20 euros présentée de ce chef par la société Gomarsall. Elle doit donc être condamnée de ce chef. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
IV - Sur les demandes accessoires :
1) Sur les dépens :
Aux termes de l'article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
L'issue du litige justifie de condamner la société Duma Rent France aux dépens d'appel et de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.
2) Sur les frais irrépétibles :
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société Gomarsall à payer à la société Duma Rent France la somme de 1.500 euros au titre au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Duma Rent France, tenue aux dépens d'appel, sera en outre condamnée à verser à la société Gomarsall la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel et de première instance, et déboutée de sa propre demande de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement rendu le 23 avril 2021 par le tribunal de commerce d'Arras en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable la demande de la société Gomarsall visant à faire déclarer abusive et non écrite la clause des conditions générales de location de la société Duma Rent France relative à la durée de la garde juridique de la chose louée ;
Déboute la société Duma Rent France de sa demande en paiement ;
Condamne la société Duma Rent France à payer à la société Gomarsall la somme de 23,20 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Condamne la société Duma Rent France à payer à la société Gomarsall la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Déboute la société Duma Rent France de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne la société Duma Rent France aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président
Marlène Tocco Laurent Bedouet
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