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CA NÎMES (1re ch. civ.), 12 mai 2022

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (1re ch. civ.), 12 mai 2022
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 1re ch. civ.
Demande : 21/00841
Date : 12/05/2022
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 26/02/2021
Référence bibliographique : 5705 (imprescriptibilité de l’action)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9617

CA NÎMES (1re ch. civ.), 12 mai 2022 : RG n° 21/00841 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les appelants concluent à l'imprescriptibilité de leur action au moyen du caractère abusif de la clause figurant en page 33 de l'offre afférente aux intérêts intercalaires de la période d'anticipation libellée comme suit :

« Les intérêts courent du jour de l'envoi des fonds. Les sommes versées avant le point de départ d'une période produisent à compter de leur envoi et jusqu'au dit point de départ, des intérêts calculés au taux du prêt. Ces intérêts ne sont pas compris dans le coût total prévisionnel du prêt indiqué aux conditions particulières. Ils sont exigibles à la première échéance ou portés au débit du compte courant si l'emprunteur a choisi cette formule ».

En application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'espèce, la clause litigieuse indiquant que les intérêts intercalaires ne sont pas compris dans le coût total prévisionnel du prêt indiqué aux conditions particulières ne crée cependant aucun déséquilibre significatif entre les parties en ce qu'elle a pour seul objet de déterminer les modalités de calcul du coût total du crédit.

Au regard des mentions parfaitement claires et explicites sur les modalités de calcul du taux effectif global indiqué dans l'offre excluant expressément le coût des frais liés à la période de préfinancement de son assiette de calcul sur laquelle se fondent précisément les emprunteurs au soutien de l'erreur alléguée, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré leur action prescrite compte tenu de la date de délivrance de l'assignation le 21 février 2019.

C'est vainement que les appelants se prévalent de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur ce point alors que M. et Mme Y. disposaient à la lecture de l'offre de prêt de tous les éléments d'information leur permettant d'avoir précisément connaissance que les frais engendrés par la période de préfinancement n'étaient pas intégrés dans le calcul du taux effectif global mentionné dans l'offre de prêt et ils ne peuvent ainsi exciper de l'absence d'effectivité de leurs droits tiré d'une application des règles de prescription en droit interne.

Les appelants sont également mal fondés à exciper d'un fractionnement de la prescription fondé sur le principe de l'égalité des armes au moyen tiré de ce que le crédit immobilier litigieux étant en cours d'amortissement, il constitue une dette payable par termes successifs dont la banque bénéficie d'un point de départ de la prescription à chaque échéance dans la mesure où l'action engagée par les emprunteurs ne porte pas sur l'exécution du contrat mais sur ses conditions de formation. Leur argumentation est ainsi inopérante.

L'action en déchéance du droit aux intérêts fondée sur l'allégation d'une erreur du TEG dans l'offre de prêt acceptée le 13 juin 2011 sera donc déclarée irrecevable par voie de confirmation de la décision déférée sur ce point. »

2/ « Il est acquis que le mois normalisé, d'une durée de 30,41666 jours prévu à l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, a vocation à s'appliquer au calcul des intérêts conventionnels lorsque ceux-ci sont calculés sur la base d'une année civile et que le prêt est remboursable mensuellement.

Il est par ailleurs établi que le résultat du calcul des intérêts mensuels est le même quelque soit le rapport utilisé, que les intérêts soient calculés par référence au mois normalisé de 30,41666 jours prévu à l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation, en appliquant le rapport 30,41666/365 ou qu'ils le soient par référence à un mois de 30 jours et à l'année lombarde de 360 jours en appliquant le rapport 30/360. Cette équivalence est étayée par les exemples de calculs réalisés par la banque dans ses écritures attestant du résultat similaire des intérêts conventionnels figurant dans le tableau d'amortissement pour l'ensemble des échéances mensuelles et ce, quelque soit le rapport utilisé.

Contrairement aux allégations des appelants, aucune erreur de calcul des intérêts conventionnels n'est ainsi caractérisée pour l'ensemble des échéances mensuelles figurant dans le tableau d'amortissement du prêt.

S'agissant du calcul des intérêts conventionnels de la période de préfinancement au cours desquelles ont été appliquées des échéances brisées infra-mensuelles, le rapport d'analyse mathématique établit que le diviseur 360 a été utilisé pour le calcul des intérêts conventionnels figurant dans le tableau d'amortissement.

La banque se prévaut de son côté d'une application du jour normalisé correspondant à une fraction du mois normalisé de 1,01388867. Les appelants ne précisent cependant pas en quoi le recours à cette méthode pour le calcul des intérêts intercalaires aurait généré un surcoût supérieur à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation alors que la sanction de la déchéance au droit aux intérêts, seule encourue en pareille hypothèse, suppose la démonstration de cette incidence mathématique.

Les appelants se contentent sur ce point de critiquer la jurisprudence de la Cour de cassation et considèrent qu'il ne peut pas être fait effectué d'application rétroactive de la jurisprudence récente à leur offre de prêt du 31 mai 2011. L'argumentation des appelants ne saurait cependant prospérer car le principe de la sécurité juridique ne peut consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée.

C'est ainsi vainement que les appelants sollicitent la nullité de la stipulation d'intérêts et la substitution du taux légal au taux contractuel alors que le recours au diviseur 360 pour le calcul des intérêts conventionnels n'est sanctionné que la par la seule déchéance du droit aux intérêts et que les conditions de cette action ne sont pas réunies en l'espèce, à défaut de la preuve du surcoût généré par le calcul des intérêts de la période de préfinancement par rapport à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation. »

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 12 MAI 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/00841. N° Portalis DBVH-V-B7F-H6YS. [Sur appel de] TRIBUNAL DE COMMERCE DE NÎMES, 29 octobre 2020 : R.G. n° 2019J185.

 

APPELANTS :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], [...], [...]

Monsieur Y.

né le [date] à [ville], [...], [...]

Représentés par Maître Karine H.-A., Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON, Représentés par Maître Jérémie B., Plaidant, avocat au barreau de DOUAI

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social [...], [...], Représentée par Maître Sonia H. de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Georges J. de l'ASSOCIATION V.J., Plaidant, avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente, Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER : Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS : À l'audience publique du 14 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 12 mai 2022 : les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente, le 12 mai 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. Y. et Mme Y. ont fait appel au Crédit Foncier de France afin de financer l'acquisition d'un bien immobilier.

Une offre de prêt a été émise le 31 mai 2011 et acceptée le 13 juin 2011, comportant deux prêts d'un montant respectif de 41.300 euros sous forme d'un prêt relais d'une durée de 24 mois avec au taux d'intérêts conventionnels de 3,60 % et application d'un TEG de 4,01 % et de 144.318 euros sous forme d'un prêt amortissable en 348 mensualités avec une période de préfinancement de 36 mois stipulant un taux nominal d'intérêts de 4,65 % et un TEG de 5,35 %.

Par acte du 21 février 2019, les époux Y. ont assigné la société Crédit Foncier de France devant le tribunal de commerce de Nîmes afin de voir :

- ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial,

- enjoindre la société Crédit Foncier de France à établir de nouveaux tableaux d'amortissement en tenant compte de cette substitution,

- condamner la société Crédit Foncier de France à leur restituer le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel du prêt n° 2396135 et du prêt n°2396136 et les intérêts au taux légal, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- juger que lesdites sommes devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la société,

- condamner la société Crédit Foncier de France à leur payer la somme de 10.000 à titre de dommages-intérêts,

- condamner la société Crédit Foncier de France à leur payer la somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 19 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nîmes a :

- déclaré prescrite l'action en nullité de l'action de M. Y. et Mme Y. à l'encontre du Crédit Foncier de France pour TEG erroné, ou nullité des stipulations des intérêts conventionnels ;

- déclaré prescrite l'action de M. Y. et Mme Y. en dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle ;

- condamné M. Y. et Mme Y. à régler à la SA Crédit Foncier de France la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

- condamné M. Y. et Mme Y. aux dépens de l'instance que le Tribunal liquide et taxe à la somme de 95,30 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.

[*]

Par déclaration du 26 février 2021, les époux Y. ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2022 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, les appelants demandent à la cour de déclarer leur appel recevable, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :

- déclarer leurs demandes recevables et biens fondées,

- prononcer l'annulation de la stipulation d'intérêts du contrat initial qu'ils ont souscrit,

- ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial consécutivement à l'annulation de la stipulation d'intérêts,

- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels des prêts 2396135 et 2396136 qu'ils ont souscrit auprès de la société Crédit Foncier de France,

- condamner la société Crédit Foncier de France à leur restituer le montant des intérêts indûment par l'effet de la pratique du diviseur 360,

- condamner la société Crédit Foncier de France à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle,

- condamner la société Crédit Foncier de France à leur payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la société Crédit Foncier de France.

Ils font notamment valoir que :

- leur action est recevable puisque la prescription telle que définie à l'article 2224 du code civil n'est pas encourue en matière de clause abusive ainsi que le prévoit l'article L. 212-1 du code de la consommation et que, le prêt litigieux étant toujours en cours d'exécution, aucune prescription ne peut être acquise ;

- les conditions de mise en œuvre de la responsabilité contractuelle de la banque sont réunies, cette dernière ayant manqué à son obligation de loyauté dans la conclusion et l'exécution du contrat en occultant le coût du préfinancement dans la présentation du TEG et du coût final du crédit qui a été fait en mettant en place un calcul des intérêts périodiques basé sur la pratique prohibée du diviseur 360 jours ;

- au regard de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil de l'UE du 4 février 2014 et de la jurisprudence de la CJUE d'une part, et de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 d'autre part, les sanctions devant être prononcées à l'égard de la banque sont la nullité de la stipulation d'intérêts et à défaut la déchéance totale du droit aux intérêt outre la condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts.

[*]

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2022 auxquelles il sera également renvoyé, l'intimée demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures et y faisant droit,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant :

- déclarer prescrite et comme telle irrecevable l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels.

A défaut :

- déclarer mal fondées les demandes des époux Y. et les débouter de l'ensemble de leurs demandes.

En tout état de cause,

- condamner solidairement les époux Y. à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait essentiellement valoir que :

- l'action engagée par les emprunteurs est prescrite quelle que soit la sanction encourue au regard des termes clairs et précis mentionnés dans l'offre de prêt concernant les modalités de calcul du TEG ;

- l'erreur alléguée de TEG n'est pas caractérisée car la période de préfinancement ne devait pas être incluse dans son assiette de calcul et que la prise en compte de la période de préfinancement aurait précisément conduit à une minoration du TEG et aucune erreur supérieure à la décimale du TEG n'est établie s'agissant de l'application contestée du diviseur 360 au calcul des intérêts conventionnels qui a été effectué en tenant compte du mois normalisé ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

[*]

Par ordonnance du 17 décembre 2021, la procédure a été clôturée le 28 février 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 14 mars 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 12 mai 2022.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Il est désormais acquis que tant la mention dans une offre de prêt d'un taux effectif global erroné que la mention d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année lombarde de 360 jours sont toutes deux sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts, cette sanction ne pouvant cependant être prononcée que sous certaines conditions.

Si l'erreur affectant la mention du taux effectif global est inférieure à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, elle ne peut justifier la déchéance des intérêts et cette erreur doit par ailleurs venir au détriment de l'emprunteur, ce qui implique la démonstration que le TEG réel soit supérieur au TEG stipulé dans l'offre de prêt.

Il résulte par ailleurs des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016, que la mention, dans l'offre de prêt acceptée, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que ce calcul ait généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 précité.

En l'espèce, les appelants sollicitent, dans le dispositif de leurs écritures, l'annulation de la stipulation d'intérêts et la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel ainsi que la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels des deux prêts souscrits selon offre du 31 mai 2011, outre la restitution des intérêts indûment perçus par l'effet de la pratique du diviseur 360.

Au soutien de leurs prétentions, ils excipent d'une part, de la violation des règles gouvernant le calcul du TEG en raison de l'omission du coût de la période de préfinancement de 36 mois stipulée dans l'offre initiale de prêt et se prévalent d'autre part, de la pratique prohibée du diviseur 360 pour le calcul des intérêts périodiques dans l'offre.

La demande des appelants repose ainsi sur deux actions différentes, l'une fondée sur l'erreur du taux effectif global et l'autre fondée sur la contestation du calcul des intérêts conventionnels.

 

- Sur la prescription de l'action fondée sur l'erreur alléguée de TEG :

L'action en déchéance du droit aux intérêts, antérieurement soumise à la prescription décennale, et désormais quinquennale suite à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, est prévue par les dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce, dont le point de départ est fixé conformément au régime de droit commun découlant des dispositions de l'article 2224 du code civil au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est constant que ce jour doit être fixé à la date d'acceptation de l'offre lorsque l'examen de sa teneur permettait à l'emprunteur de déceler l'erreur alléguée à sa seule lecture sans qu'il soit nécessaire de recourir à des éléments extérieurs à l'offre.

En l'espèce, il ressort de l'offre acceptée par les emprunteurs le 13 juin 2011 que le prêt n°2396136 d'un montant de 144.318 euros remboursable sur une période d'amortissement de 348 échéances prévoyait une période de préfinancement de 36 mois avec l'application dans les deux cas d'un taux nominal d'intérêts de 4,65 %.

Le paragraphe afférent au taux effectif global stipule que :

« le taux effectif global et le taux de période sont calculés pour un prêt entièrement débloqué en une seule fois ». Il mentionne un TEG de 5,35 % incluant les frais de dossier de 500 euros, les frais de garantie de 1.200 euros, l'assurance obligatoire sur la durée prévisionnelle du prêt (hors période de préfinancement).

Le paragraphe concernant le coût total prévisionnel du prêt indique que son coût s'élève à 138420,92 euros et précise que « outre les intérêts, ce coût inclut, le cas échéant les assurances obligatoires sur la durée initiale du prêt (hors période de préfinancement), les frais de dossier, les frais de garantie et les frais de courtage ».

Les appelants concluent à l'imprescriptibilité de leur action au moyen du caractère abusif de la clause figurant en page 33 de l'offre afférente aux intérêts intercalaires de la période d'anticipation libellée comme suit :

« Les intérêts courent du jour de l'envoi des fonds. Les sommes versées avant le point de départ d'une période produisent à compter de leur envoi et jusqu'au dit point de départ, des intérêts calculés au taux du prêt. Ces intérêts ne sont pas compris dans le coût total prévisionnel du prêt indiqué aux conditions particulières. Ils sont exigibles à la première échéance ou portés au débit du compte courant si l'emprunteur a choisi cette formule ».

En application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'espèce, la clause litigieuse indiquant que les intérêts intercalaires ne sont pas compris dans le coût total prévisionnel du prêt indiqué aux conditions particulières ne crée cependant aucun déséquilibre significatif entre les parties en ce qu'elle a pour seul objet de déterminer les modalités de calcul du coût total du crédit.

Au regard des mentions parfaitement claires et explicites sur les modalités de calcul du taux effectif global indiqué dans l'offre excluant expressément le coût des frais liés à la période de préfinancement de son assiette de calcul sur laquelle se fondent précisément les emprunteurs au soutien de l'erreur alléguée, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré leur action prescrite compte tenu de la date de délivrance de l'assignation le 21 février 2019.

C'est vainement que les appelants se prévalent de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur ce point alors que M. et Mme Y. disposaient à la lecture de l'offre de prêt de tous les éléments d'information leur permettant d'avoir précisément connaissance que les frais engendrés par la période de préfinancement n'étaient pas intégrés dans le calcul du taux effectif global mentionné dans l'offre de prêt et ils ne peuvent ainsi exciper de l'absence d'effectivité de leurs droits tiré d'une application des règles de prescription en droit interne.

Les appelants sont également mal fondés à exciper d'un fractionnement de la prescription fondé sur le principe de l'égalité des armes au moyen tiré de ce que le crédit immobilier litigieux étant en cours d'amortissement, il constitue une dette payable par termes successifs dont la banque bénéficie d'un point de départ de la prescription à chaque échéance dans la mesure où l'action engagée par les emprunteurs ne porte pas sur l'exécution du contrat mais sur ses conditions de formation. Leur argumentation est ainsi inopérante.

L'action en déchéance du droit aux intérêts fondée sur l'allégation d'une erreur du TEG dans l'offre de prêt acceptée le 13 juin 2011 sera donc déclarée irrecevable par voie de confirmation de la décision déférée sur ce point.

 

- Sur la prescription de l'action fondée sur la contestation des intérêts conventionnels :

Les règles rappelées ci-dessus trouvent également à s'appliquer dans l'hypothèse d'une contestation des intérêts conventionnels en faisant la distinction selon que le mode de calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours et d'un mois de 30 jours est explicitement mentionné dans l'offre de crédit et donc immédiatement décelable par la lecture de l'offre ou que l'offre ne prévoit expressément aucune indication sur la méthode de calcul des intérêts.

En l'espèce, l'offre de prêt du 31 mai 2011 ne comporte pas de clause de calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours et les appelants exposent avoir découvert le recours à l'application du diviseur 360 au terme d'un rapport d'analyse mathématique réalisé à leur demande le 7 octobre 2019.

Leur action sera déclarée recevable en ce qu'ils n'étaient pas en mesure de décerner cet élément à la seule lecture des documents contractuels signés par leurs soins.

La décision sera donc infirmée sur ce chef.

 

Sur l'erreur alléguée de calcul des intérêts conventionnels :

Le recours au calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours n'est pas admis à l'égard des emprunteurs consommateurs et non professionnels, la méthodologie de calcul des intérêts conventionnels devant s'effectuer sur la base d'une année civile.

Il revient cependant aux emprunteurs de rapporter la preuve que la banque a calculé les intérêts conventionnels sur la base d'une année lombarde et non d'une année civile et il appartient aux emprunteurs d'établir, par le recours à une démonstration mathématique, qu'il a été fait application du diviseur 360 en lieu et place du diviseur 365.

Il est acquis que si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la libre discussion contradictoire des parties, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise amiable réalisée à la demande de l'une des parties.

Au soutien de leurs prétentions, les appelants produisent un rapport d'analyse mathématique et financière réalisé par M. P. le 7 octobre 2019 dont les conclusions sont les suivantes :

« C'est le diviseur 360 qui a servi de base au calcul des intérêts des déblocages intermédiaires précédant la phase d'amortissement du prêt.

Les intérêts périodiques ont été calculés non pas sur l'année civile mais sur la base d'une année de 360 jours pour chacune des échéances du prêt jusqu'à son terme ».

La banque se prévaut de son côté du calcul des intérêts conventionnels du prêt sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours et une année de 365 jours et de l'équivalence des rapports à l'appui de la régularité du calcul des intérêts conventionnels dans l'offre de prêt.

Il est acquis que le mois normalisé, d'une durée de 30,41666 jours prévu à l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, a vocation à s'appliquer au calcul des intérêts conventionnels lorsque ceux-ci sont calculés sur la base d'une année civile et que le prêt est remboursable mensuellement.

Il est par ailleurs établi que le résultat du calcul des intérêts mensuels est le même quelque soit le rapport utilisé, que les intérêts soient calculés par référence au mois normalisé de 30,41666 jours prévu à l'annexe de l'article R. 313-1 du code de la consommation, en appliquant le rapport 30,41666/365 ou qu'ils le soient par référence à un mois de 30 jours et à l'année lombarde de 360 jours en appliquant le rapport 30/360.

Cette équivalence est étayée par les exemples de calculs réalisés par la banque dans ses écritures attestant du résultat similaire des intérêts conventionnels figurant dans le tableau d'amortissement pour l'ensemble des échéances mensuelles et ce, quelque soit le rapport utilisé.

Contrairement aux allégations des appelants, aucune erreur de calcul des intérêts conventionnels n'est ainsi caractérisée pour l'ensemble des échéances mensuelles figurant dans le tableau d'amortissement du prêt.

S'agissant du calcul des intérêts conventionnels de la période de préfinancement au cours desquelles ont été appliquées des échéances brisées infra-mensuelles, le rapport d'analyse mathématique établit que le diviseur 360 a été utilisé pour le calcul des intérêts conventionnels figurant dans le tableau d'amortissement.

La banque se prévaut de son côté d'une application du jour normalisé correspondant à une fraction du mois normalisé de 1,01388867.

Les appelants ne précisent cependant pas en quoi le recours à cette méthode pour le calcul des intérêts intercalaires aurait généré un surcoût supérieur à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation alors que la sanction de la déchéance au droit aux intérêts, seule encourue en pareille hypothèse, suppose la démonstration de cette incidence mathématique.

Les appelants se contentent sur ce point de critiquer la jurisprudence de la Cour de cassation et considèrent qu'il ne peut pas être fait effectué d'application rétroactive de la jurisprudence récente à leur offre de prêt du 31 mai 2011.

L'argumentation des appelants ne saurait cependant prospérer car le principe de la sécurité juridique ne peut consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée.

C'est ainsi vainement que les appelants sollicitent la nullité de la stipulation d'intérêts et la substitution du taux légal au taux contractuel alors que le recours au diviseur 360 pour le calcul des intérêts conventionnels n'est sanctionné que la par la seule déchéance du droit aux intérêts et que les conditions de cette action ne sont pas réunies en l'espèce, à défaut de la preuve du surcoût généré par le calcul des intérêts de la période de préfinancement par rapport à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation.

Les appelants seront par conséquent déboutés de l'intégralité de leurs prétentions.

 

Sur la demande de dommages-intérêts :

Succombant en leur prétention principale, les appelants seront déboutés de leur demande de dommages-intérêts fondée sur l'allégation d'un manquement de la banque à son obligation de loyauté contractuelle fondée sur les mêmes griefs que ceux développés à l'appui de leur demande aux fins de nullité et de déchéance du droit aux intérêts.

Les appelants fondent par ailleurs leur demande de dommages-intérêts sur la présentation incomplète du coût du crédit sur laquelle ils estiment avoir été trompés par la banque dans la mesure où le coût stipulé dans l'offre à hauteur de la somme de 138 420,92 euros n'incluait pas les frais liés à la période de préfinancement et ne liquidait pas le coût total de l'assurance s'élevant à la somme de 1 872,36 euros.

Les appelants excipent ainsi de l'irrégularité de l'offre et de sa non conformité avec les dispositions de l'article L312-8 du code de la consommation, dansa sa rédaction applicable à la date de l'offre, mais une telle irrégularité n'est sanctionnée que par la déchéance du droit aux intérêts et non par l'engagement de la responsabilité de la banque et leur demande ne peut par conséquent prospérer.

Ils seront ainsi déboutés de leur demande de dommages-intérêts.

 

Sur les autres demandes :

Succombant à l'instance, M. et Mme Y. seront condamnés in solidum à en régler les entiers dépens, de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande par ailleurs de les condamner à payer au Crédit foncier de France la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celui-ci en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants seront déboutés de leur prétention du même chef en ce qu'ils succombent.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a déclaré prescrite l'action de M. et Mme Y. pour nullité des stipulations des intérêts conventionnels ;

Statuant à nouveau sur ce chef,

Déclare recevable la demande d'annulation de la stipulation d'intérêts conventionnels fondée sur la contestation du calcul des intérêts conventionnels dans l'offre de prêt du 31 mai 2011 acceptée le 13 juin 2011 ;

Déboute M. Y. et Mme Y. de l'intégralité de leurs prétentions ;

Confirme la décision déférée pour le surplus ;

Condamne in solidum M. Y. et Mme Y. à payer à la SA Crédit Foncier de France la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. Y. et Mme Y. aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE,                            LA PRÉSIDENTE,