CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 3 mai 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9620
CA REIMS (ch. civ. 1re sect.), 3 mai 2022 : RG n° 21/00952
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Selon l'article 6 du code civil, « […] » Selon l'article L. 585-25 du code de l'environnement, « […] » Il ressort de la teneur de ce dernier texte que le contrat de louage d'emplacement publicitaire ne peut être conclu pour une durée supérieure à six ans à compter de sa signature, et que la stipulation d'une durée plus longue est soumise à réduction (Cass. 1ère civ. 13 novembre 2002 : n° 99-21816 ; Bull. 2002, I, n° 270).
En l'espèce, l'article 3 du contrat passé entre les parties indique être conclu pour une durée de 6 ans à compter de la mise en service du matériel. Et la société Oxial indique elle-même que la volonté des parties consistait à contourner la loi fixant cette durée maximale, puisqu'elle soutient dans ses écritures que la rédaction de cette clause a uniquement pour but de faire débuter le contrat à compter de la mise en œuvre effective des panneaux, puisqu'un temps de latence est nécessaire afin de permettre aux techniciens de procéder à l'installation électrique, tout en ajoutant que la computation de ce point de départ du contrat est une coutume dans son secteur d'activité (pages 13 et 14 de ses écritures). Enfin, il ressort du constat d'huissier du19 octobre 2018 et du mail émanant de la société Oxial elle-même du 23 mars 2020 qu'à leurs dates respectives, le matériel n'avait toujours pas été mis en service. Alors que le contrat de location avait été signé le 6 septembre 2017, l'application des clauses contractuelles conduit ainsi à dépasser la limite légale fixée par le contrat d'au moins 2 ans et demi.
Cependant, à la supposer établi, le dépassement de la durée du contrat par rapport aux prévisions légales d'ordre public ne peut pas conduire à sa nullité, mais à sa seule réduction.
De plus, l'article 4 du contrat (conditions générales du bail), comporte un 1°) reproduit intégralement l'article L. 581.25 du code de l'environnement, plus haut cité.
Dès lors, la société Sdsa ne peut pas soutenir que les 4 premiers alinéas de ce texte n'auraient pas été mentionnés dans le contrat litigieux, de telle sorte qu'elle aurait été induite en erreur quant à la computation de sa durée. »
2/ « Selon l'article L. 221-3 du code de la consommation, « Les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employé par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »
Alors que la société Sdsa a pour activité les supports juridiques de patrimoine immobilier, et précise elle-même que son activité consiste en la gestion d'un patrimoine immobilier en indivision, succession, etc, (page 15 de ses écritures), le présent contrat, ayant pour objet et pour effet de donner à bail le bien dont elle se prétendait propriétaire aux fins d'y installer une enseigne publicitaire, entre exactement dans le champ de son activité principale. Elle ne peut donc pas se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation, et faire ainsi grief à la société Oxial d'un contrat ne respectant pas le formalisme protecteur du consommateur, notamment en ce qu'il ne comporterait pas de formulaire de rétractation lui permettant d'exercer sa faculté y afférente.
Il conviendra donc de rejeter la demande de la société Sdsa tendant à la nullité du contrat de louage d'emplacement publicitaire signé le 6 décembre 2017 avec la société Oxial, et le jugement, qui a prononcé cette nullité, sera infirmé de ce chef. Il conviendra de prononcer la réduction de la durée du contrat de louage d'emplacement publicitaire signé le 6 décembre 2017 entre la société Oxial et la société Sdsa, et de dire que celui-ci viendra à expiration le 6 décembre 2023. »
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE CIVILE – PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 3 MAI 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. 21/00952. N° Portalis DBVQ-V-B7F-FAAG.
APPELANTE :
d'un jugement rendu le 9 avril 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TROYES
SARL OXIAL
[...], [...], Représentée par Maître Isabelle C. de la SCP D. - C.-R. - C. AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉE :
Société SDSA TROYES
[...], [...], Représentée par Maître Morgane S., avocat au barreau de l'AUBE et ayant pour conseil Maître H. avocat au barreau des Ardennes
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme PILON conseiller, et Monsieur LECLER conseiller, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées. Ils en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, Mme Sandrine PILON, conseiller, Monsieur LECLER conseiller
GREFFIER : Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier
DÉBATS : A l'audience publique du 15 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 3 mai 2022,
ARRÊT : Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 3 mai 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par contrat de louage d'emplacement en date du 6 décembre 2017, la société civile immobilière Sdsa Troyes (la société Sdsa) a donné à bail une assiette foncière située [...] à la société à responsabilité limitée Oxial (la société Oxial), qui exploitait des panneaux numériques à vocation publicitaire.
À l'automne 2017, la société Oxial a commencé des travaux sur cette parcelle pour la pose d'un panneau publicitaire, en réglant une facture relative au raccordement en électricité à la société Enedis.
Le 13 décembre 2017, la Compagnie Auboise immobilière de gestion (la compagnie), syndic de copropriété de l'immeuble dans lequel se situait le lot propriété de la société Sdsa, a mis en demeure cette dernière de procéder à la dépose du panneau, en lui signifiant qu'elle n'avait obtenu aucune autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires afin de conclure le contrat de louage d'emplacement publicitaire.
Le 9 mars 2018, la compagnie a assigné la société Sdsa devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Troyes.
Par ordonnance en date du 26 juin 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Troyes, saisi par la compagnie, a ordonné à la société Sdsa de procéder ou faire procéder au retrait du panneau publicitaire et des deux boîtiers PVC installés sur la partie commune de la copropriété située [...] et cadastrée section BN [...], ainsi qu'à la remise en état du dit emplacement, à ses frais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard courant à compter d'un délai de huit jours à compter de la signification de la décision.
Le 19 octobre 2018, et à la diligence de la compagnie, il a été procédé à un constat d'huissier aux fins de constater que le panneau publicitaire construit au [...] était toujours en place.
Par jugement en date du 29 janvier 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Troyes a prononcé la liquidation de l'astreinte à hauteur de 10.500 euros au profit de la compagnie.
La société Sdsa a relevé appel de ce dernier jugement.
Le 26 mars 2019, la société Sdsa a assigné la société Oxial devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Troyes.
Par ordonnance en date du 25 juin 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Troyes a ordonné à la société Oxial de procéder ou faire procéder au retrait du panneau publicitaire et de boîtiers PVC, installé sur une partie commune sans autorisation, ainsi qu'à la remise en état du dit emplacement, à ses frais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de l'ordonnance, durant six mois.
Le 10 avril 2019, la société Oxial a assigné au fond la société Sdsa devant le tribunal de grande instance de Troyes aux fins de rechercher sa responsabilité contractuelle.
Par ordonnance d'incident en date du 31 juillet 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Troyes a rejeté la demande de provision formée par la société Oxial.
En dernier lieu, la société Oxial a demandé :
- d'ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture du 26 janvier 2021 et la reporter en conséquence à la date de plaidoirie ou à défaut renvoyer la présente affaire une autre audience de mise en état ;
- condamner la société Sdsa à lui payer les sommes suivantes :
* forfait lié à l'installation du matériel
* coffret électrique, génie civil, pose
* stickers Amazonia
* contrôle Veritas
* frais de transport 6.229 euros hors taxes (ht)
* acquisition d'un écran numérique Environ 40.000 euros hors taxes ;
* coût du démontage du matériel 6.229 euros hors taxes
* perte de chance de réaliser du chiffre d'affaires sur la période du bail (soit six ans), En se basant sur la production d'un panneau Oxial de même type (30.000 euros hors taxes par an) soit 30.000 × 6 ans : 180.000 euros hors taxes ;
soit un total de 232.458 euros hors taxes et 278.949 euros toutes taxes comprises (ttc);
- en tout état de cause, de débouter la société Sdsa de l'ensemble de ses demandes ;
- de condamner la société Sdsa à lui payer la somme de 3.500 euros titre des frais irrépétibles.
En dernier lieu, la société Sdsa a demandé :
- à être dite et jugée tant recevable que bien fondée en ses demandes ;
- de débouter la société Oxial de l'intégralité de ses demandes ;
- de prononcer la nullité absolue du contrat de louage d'emplacement et de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du dit contrat ;
- de constater que la société Oxial avait causé un trouble manifestement illicite à la copropriété au préjudice de la société Sdsa ;
- de constater l'absence de vice caché inhérent la chose louée ;
En tout état de cause, de condamner la société Oxial à lui verser les sommes de :
- 20.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- 15.500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
- 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire en date du 9 avril 2021, le tribunal judiciaire de Troyes a :
- rejeté la demande rabat de l'ordonnance de clôture en date du 26 janvier 2021 ;
- prononcé la nullité absolue du contrat de louage d'emplacement signé le 6 septembre 2017 entre la société Oxial inscrite au Rcs d'Arras sous le n° XXX dont le siège social était situé [...] et la société Sdsa inscrite au Rcs de Chalon-sur-Saône sous le n° YYY dont le siège social était situé [...];
- condamné la société Oxial inscrite au Rcs d'Arras sous le n° XXX dont le siège social était situé [...] à payer à la société Sdsa inscrite au Rcs de Chalon-sur-Saône sous le n° YYY dont le siège social était situé [...] la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement ;
- débouté la société Oxial inscrite au Rcs d'Arras sous le n° XXX dont le siège social était situé [...] de l'ensemble de ses demandes ;
- débouté la société Sdsa inscrite au Rcs de Chalon-sur-Saône sous le n° YYY dont le siège social était situé [...] de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de la résistance abusive ;
- condamné la société Oxial inscrite au Rcs d'Arras sous le n° XXX dont le siège social était situé [...] à payer à la société Sdsa inscrite au Rcs de Chalon-sur-Saône sous le n° YYY dont le siège social était situé [...] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif.
Le 14 mai 2021, la société Oxial a relevé appel de ce jugement.
15 février 2022, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures déposées par les parties :
- le 5 janvier 2022 par la société Oxial, appelante ;
- le 27 janvier 2022 par la société Sdsa, intimée.
La société Oxial demande l'infirmation intégrale du jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de rabat de l'ordonnance de clôture.
A titre principal, elle demande de juger le contrat litigieux régulier, et de prononcer la réduction du contrat litigieux à 6 ans à compter de la date de signature.
En tout état de cause, elle demande le débouté de l'ensemble des prétentions de la société Sdsa, et la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 278.949 euros en réparation du préjudice financier subi (ou à titre subsidiaire, de 121.994,56 euros), outre 2.500 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.
La société Sdsa demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, pour réitérer sa demande indemnitaire initiale de ce chef.
A titre subsidiaire, la société Sdsa demande de débouter la société Oxial de l'intégralité de ses demandes, et de constater l'absence de prise d'effet du contrat de louage d'emplacement signé le 6 septembre 2017 entre les parties.
A titre infiniment subsidiaire, la société Sdsa demande de débouter la société Oxial de l'intégralité de ses demandes, et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de louage d'emplacement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, conformément à la demande de la Sdsa, et ce en l'absence de toute prétention de la société Oxial à cet égard.
Sur la nullité du contrat de louage d'emplacement publicitaire :
Selon l'article 6 du code civil, « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs. »
Selon l'article L. 585-25 du code de l'environnement, « Le contrat de louage d'emplacement privé aux fins d'apposer de la publicité ou d'installer une préenseigne se fait par écrit. Il est conclu pour une période qui ne peut excéder six ans à compter de sa signature. Il peut être renouvelé par tacite reconduction par périodes d'une durée maximale d'un an, sauf dénonciation par l'une des parties trois mois au moins avant son expiration.
Le preneur doit maintenir en permanence l'emplacement loué en bon état d'entretien. Faute d'exécution de cette obligation, et après mise en demeure, le bailleur peut obtenir, à l'expiration d'un délai d'un mois, du juge des référés, à son choix, soit l'exécution des travaux nécessaires, soit la résolution du contrat et la remise des lieux en bon état aux frais du preneur.
À défaut de paiement du loyer, le contrat est résilié de plein droit au bénéfice du bailleur après mise en demeure de payer restée sans effet durant un mois.
Le preneur doit remettre l'emplacement loué dans son état antérieur dans les trois mois suivant l'expiration du contrat.
Le contrat doit comporter la reproduction des quatre alinéas précédents.
Les dispositions du présent article sont d'ordre public. »
Il ressort de la teneur de ce dernier texte que le contrat de louage d'emplacement publicitaire ne peut être conclu pour une durée supérieure à six ans à compter de sa signature, et que la stipulation d'une durée plus longue est soumise à réduction (Cass. 1ère civ. 13 novembre 2002 : n° 99-21816 ; Bull. 2002, I, n° 270).
En l'espèce, l'article 3 du contrat passé entre les parties indique être conclu pour une durée de 6 ans à compter de la mise en service du matériel.
Et la société Oxial indique elle-même que la volonté des parties consistait à contourner la loi fixant cette durée maximale, puisqu'elle soutient dans ses écritures que la rédaction de cette clause a uniquement pour but de faire débuter le contrat à compter de la mise en œuvre effective des panneaux, puisqu'un temps de latence est nécessaire afin de permettre aux techniciens de procéder à l'installation électrique, tout en ajoutant que la computation de ce point de départ du contrat est une coutume dans son secteur d'activité (pages 13 et 14 de ses écritures).
Enfin, il ressort du constat d'huissier du19 octobre 2018 et du mail émanant de la société Oxial elle-même du 23 mars 2020 qu'à leurs dates respectives, le matériel n'avait toujours pas été mis en service.
Alors que le contrat de location avait été signé le 6 septembre 2017, l'application des clauses contractuelles conduit ainsi à dépasser la limite légale fixée par le contrat d'au moins 2 ans et demi.
Cependant, à la supposer établi, le dépassement de la durée du contrat par rapport aux prévisions légales d'ordre public ne peut pas conduire à sa nullité, mais à sa seule réduction.
De plus, l'article 4 du contrat (conditions générales du bail), comporte un 1°) reproduit intégralement l'article L. 581.25 du code de l'environnement, plus haut cité.
Dès lors, la société Sdsa ne peut pas soutenir que les 4 premiers alinéas de ce texte n'auraient pas été mentionnés dans le contrat litigieux, de telle sorte qu'elle aurait été induite en erreur quant à la computation de sa durée.
* * *
Selon l'article L. 221-3 du code de la consommation,
« Les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employé par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »
Alors que la société Sdsa a pour activité les supports juridiques de patrimoine immobilier, et précise elle-même que son activité consiste en la gestion d'un patrimoine immobilier en indivision, succession, etc, (page 15 de ses écritures), le présent contrat, ayant pour objet et pour effet de donner à bail le bien dont elle se prétendait propriétaire aux fins d'y installer une enseigne publicitaire, entre exactement dans le champ de son activité principale.
Elle ne peut donc pas se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation, et faire ainsi grief à la société Oxial d'un contrat ne respectant pas le formalisme protecteur du consommateur, notamment en ce qu'il ne comporterait pas de formulaire de rétractation lui permettant d'exercer sa faculté y afférente.
Il conviendra donc de rejeter la demande de la société Sdsa tendant à la nullité du contrat de louage d'emplacement publicitaire signé le 6 décembre 2017 avec la société Oxial, et le jugement, qui a prononcé cette nullité, sera infirmé de ce chef.
Il conviendra de prononcer la réduction de la durée du contrat de louage d'emplacement publicitaire signé le 6 décembre 2017 entre la société Oxial et la société Sdsa, et de dire que celui-ci viendra à expiration le 6 décembre 2023.
Sur la responsabilité contractuelle de la société Sdsa :
Sur le principe de la responsabilité :
Le bailleur est tenu d'assurer au preneur la délivrance de la chose louée, et de lui assurer possession paisible pendant la durée du bail.
En ce que la cour vient de prononcer la réduction du contrat à la limite légale, la société Sdsa est mal venue à soutenir que ce dernier n'aurait jamais pris effet, en l'absence de mise en service des dispositifs publicitaire, et en l'absence de versement de tout loyer par la société Oxial.
En tout état de cause, l'absence de prise d'effet d'un contrat valablement formé n'aurait pas pu empêcher la société Oxial de s'en prévaloir.
Le moyen de la société Sdsa, soutenant qu'en l'absence de prise d'effet du contrat, la responsabilité contractuelle de la société Sdsa ne peut pas être retenue, est donc inopérant.
Selon les termes du contrat, la société Sdsa s'est déclarée seule propriétaire de l'emplacement donné à bail à la société Oxial, et à en assurer la jouissance paisible au regard de la spécificité du contrat.
Cependant, il résulte des échanges par mail des parties avec le syndic de copropriété, ainsi que du prononcé des décisions ordonnant sous astreinte la dépose du panneau publicitaire et de ses accessoires, prononcés tant à l'égard de la société Sdsa que de la société Oxial, et dont la teneur n'est pas combattue par la société Sdsa, que cette dernière n'était pas propriétaire de l'emplacement qu'elle avait donné à bail, qu'il était apparu ultérieurement que le carré de gazon où était installé le panneau relevait des parties communes.
Il en ressort aussi qu'en tout état de cause, la société Sdsa n'avait jamais sollicité l'autorisation du syndicat des copropriétaires pour faire installer un tel panneau sur les parties communes, alors qu'elle en avait l'obligation, tandis que le règlement de copropriété autorisait pourtant expressément la pose d'une enseigne publicitaire au profit de l'exploitant au rez-de-chaussée commercial.
Si le contrat stipule que le preneur fera son affaire personnelle de l'obtention de toute autorisation nécessaire, ou formalité légale ou réglementaire qui sont prescrites ou qui viendraient à lui être prescrites, cette clause ne peut pas imposer à la société Oxial de solliciter une quelconque autorisation du syndicat des copropriétaires, qui ne peut qu'incomber éventuellement au bailleur, alors précisément que ce dernier s'était engagé à le lui délivrer et à en assurer la jouissance paisible.
Dès lors, la société Sdsa a manqué à ses obligations contractuelles de délivrance et de jouissance paisible à l'égard de la société Oxial, en lui donnant à bail un bien sans s'être assurée des limites de son lot privatif et de la conformité du bail avec le règlement de copropriété, mais encore en s'abstenant de demander l'inscription de l'autorisation de pose d'une enseigne publicitaire sur les parties communes à l'ordre du jour des assemblées générales de copropriétaires.
Sur l'évaluation des préjudices :
La société Oxial demande une somme de 6.229 euros hors taxe au titre du forfait lié à l'installation du matériel, du coffret électrique, du génie civil, des stickers Amazonia, du contrôle Veritas, et des frais de transports.
S'agissant du raccordement nécessaire à l'alimentation électrique du panneau, elle justifie d'un devis accepté de la société Enedis du 5 octobre 2017 à hauteur de 1.112,64 euros hors taxes ou de 1.335,17 euros ttc, dont le montant sera retenu.
S'agissant du coût des stickers Amazonia, elle présente un devis accepté le 5 novembre 2017 de la société Signarama, pour un total de 695 euros hors taxes ou de 834 euros ttc, dont le montant sera retenu.
S'agissant du coût de transport, elle présente un devis accepté de la société C. du 26 avril 2019, d'un montant de 1580 euros hors taxes s'agissant du coût de transport d'un panneau et de ses accessoires à Troyes, le surplus du devis, concernant des transports de panneaux sur d'autres sites, étant étranger au contrat litigieux : le montant susdit sera retenu.
Pour le surplus du coût des opérations de montage, la société Oxial se borne à renvoyer leur évaluation à une simple attestation de son gérant, en elle-même insuffisante à justifier du quantum de cette dépense. Cependant qu'il est justifié du montage du matériel, les frais y afférents seront évalués par référence aux frais de démontage, soit à hauteur de 463 euros hors taxes, comme précisé plus bas.
Si la société Oxial a réclamé la somme de 40.000 euros hors taxes au titre de l'acquisition d'un écran numérique, elle n'a produit aucune pièce justifiant d'un tel coût d'acquisition, et en tout état de cause, elle n'a pas démontré que l'écran ainsi acquis, effectivement posé, et effectivement démonté, n'aurait pas pu être utilisé postérieurement sur d'autres emplacements.
Dès lors, il n'y a pas lieu d'intégrer le coût d'acquisition de l'écran numérique dans le préjudice de la société Oxial.
S'agissant du coût de démontage du matériel, la société Oxial réclame de ce chef la somme de 6229 euros ht.
Elle justifie d'un devis accepté de démontage de la société D. du 17 avril 2019, pour un total de 463 euros ht, soit 555,60 euros ttc, dont le montant sera retenu.
Pour le surplus du coût des opérations de démontage, la société Oxial se borne à renvoyer pour leur évaluation à une simple attestation de son gérant, comme telle dépourvue de valeur probante, de telle sorte qu'il sera retenu qu'elle n'a pas justifié du surplus des dépenses ainsi alléguées.
Le coût de ces prestations matérielles sera entièrement évalué à la somme de 4.313,64 euros.
Dans la mesure où la société Oxial, de forme commerciale, se trouve en capacité de récupérer la tva, la somme susdite a nécessairement été évaluée hors taxes.
S'agissant de la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires sur la période du bail, soit 6 ans, la société Oxial soutient, en se basant sur la production alléguée d'un panneau Oxial de même type, à une perte de chiffre d'affaires annuel de 30.000 euros ht, soit, sur la durée du bail de 6 ans, soit à un total de 180.000 euros ht.
La société Oxial précise, par l'écrit de son gérant, avoir chiffré le montant du manque à gagner sur 6 ans correspondant à la durée du bail à la somme de 58.427,72 euros, calculé en fonction de la redevance facturée par la société Oxial à la société Oxialive pour la mise à disposition des écrans, sur la base d'une redevance moyenne ainsi calculée: redevance du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2019, divisée par le nombre moyen d'écrans en service sur la période considérée.
Cependant, il n'a été produit aucun élément relatif à la facturation de la mise à disposition de ses écrans, par la société Oxial, à la société Oxialive.
Et si la société Oxialive produit une attestation de son expert-comptable relative au montant de la marge moyenne par écran avant amortissement pour les exercices 2016-2017 à 2019-2020, il conviendra de retenir que cette attestation se borne à valider d'un point de vue comptable les évaluations y afférentes faites par le gérant de la société Oxialive, sans plus apporter d'élément quant au coût de la facturation du panneau à celle-ci par la société Oxial, dont cette dernière a été privée par la faute de la société Sdsa.
Au regard de ses éléments, la perte financière de la société Oxial sera entièrement évaluée à 30 000 euros.
Au regard de ces éléments, le préjudice financier de la société Oxial sera entièrement réparé par une indemnité de 34 313,64 euros, que la société Sdsa sera condamnée à lui payer, et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de louage d'emplacement présenté par la société Sdsa :
La résiliation d'un contrat peut être prononcée en cas de manquement d'une partie à ses obligations contractuelles dont la gravité est telle qu'elle empêche la poursuite des relations contractuelles.
Il ressort de la stipulation y afférente que l'obligation à paiement ne naît qu'à compter de l'installation du matériel, et celle-ci n'est pas touchée par la décision de la cour sanctionnant l'irrespect des dispositions d'ordre public par le contrat, qui ne tend à réduire que la seule la durée du contrat, en laissant intactes ses autres stipulations.
Si la société Sdsa fait grief à la société Oxial de n'avoir jamais payé le loyer contractuellement convenu, il sera observé qu'en l'absence de mise en service du panneau, elle n'était contractuellement tenue à aucun paiement.
Ainsi qu'il l'a été établi plus haut, cette absence de mise en service est exclusivement imputable à la société Sdsa elle-même, de telle sorte qu'en l'absence d'entrée en jouissance et de possession paisible du chef de la preneuse, à le supposer établi, le manquement éventuel de la société Oxial à son obligation de paiement du loyer n'est pas d'une gravité de nature à emporter la rupture du contrat.
Il conviendra donc de débouter la société Sdsa de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de louage d'emplacement, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande indemnitaire formée par la société Sdsa à l'encontre de la société Oxial :
Pour être indemnisé, un préjudice doit être en lien avec le fait générateur invoqué.
La société Sdsa fait grief à la société Oxial d'avoir manqué à son obligation pré-contractuelle d'information, notamment s'agissant du caractère d'ordre public de l'article L. 581-25 du code de l'environnement, en particulier du point de départ du contrat de location d'emplacement.
Cependant, la société Sdsa n'a pas caractérisé le préjudice susceptible d'en résulter, pour se borner à faire référence à sa condamnation sous astreinte à procéder à la dépose du panneau publicitaire.
Par ordonnance de référé en date du 26 juin 2018, la société Sdsa a été condamnée à procéder au faire procéder au retrait du panneau publicitaire et des deux boîtiers PVC installés sur la partie commune de la copropriété située [...] et cadastrée section BN 462, [...] ainsi qu'à la remise en état du dit emplacement, à ses frais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard courant à compter d'un délai de huit jours à compter de la signification de la décision.
Par jugement en date du 29 janvier 2019 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Troyes a prononcé la liquidation de l'astreinte à hauteur de 10'500 euros au profit de la compagnie.
Cependant, au regard des éléments susmentionnés, il ressort que ces condamnations de la société Sdsa procèdent de ses propres manquements contractuels, que le panneau était posé sur une partie commune, que sa pose nécessitait l'accord du syndicat des copropriétaires, que la société Sdsa s'était présentée comme légitime propriétaire de l'emplacement objet du contrat de location, et qu'elle n'a jamais demandé l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée générale du syndicat de copropriétaires de l'autorisation de procéder à la pose de l'enseigne publicitaire, alors que cette initiative n'appartenait qu'à elle seule.
Au regard de ses éléments, il n'est ainsi pas établi qu'exactement informée de l'exacte computation de la durée de son engagement selon les dispositions d'ordre public sus évoquées, la société Sdsa aurait renoncé à souscrire le contrat litigieux.
Dès lors, il n'apparaît pas de lien de causalité entre le préjudice invoqué par la société Sdsa et le manquement allégué de la société Oxial à son obligation d'information pré-contractuelle.
Pour le surplus, la société Sdsa n'établit l'existence d'aucun autre manquement de la société Oxial susceptible de générer un préjudice de son chef.
La société Sdsa sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts, et le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive présentée par la société Sdsa à l'encontre de la société Oxial:
Selon l'article 1240 du Code civil,
Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer.
En faisant grief à la société Oxial de l'avoir directement démarché aux fins de contrat après avoir essuyé un refus par le syndic, la société Sdsa se prévaut de la même faute contractuelle et du même préjudice que ceux évoqués plus haut, et qui n'ont pas prospéré.
Si la société Sdsa fait grief à la société Oxial de n'avoir jamais versé de loyer, il ressort de la stipulation y afférente que l'obligation à paiement ne naît qu'à compter de l'installation du matériel, et celle-ci n'est pas touchée par la décision de la cour sanctionnant l'irrespect des dispositions d'ordre public par le contrat, qui ne tend à réduire que la seule la durée du contrat, en laissant intactes ses autres stipulations.
Ainsi, en s'abstenant d'avoir versé le loyer alors que le matériel n'a jamais été mis en service, la société Oxial n'a commis aucune faute.
La société Sdsa fait grief à la société Oxial de s'être obstinée dans son refus de retirer le panneau publicitaire.
S'il résulte des éléments figurant plus haut que la société Sdsa a été condamnée sous astreinte à procéder à la dépose des panneaux, et que l'astreinte y afférente aurait été liquidée, il ne résulte aucun abus de la part de la société Oxial de n'avoir pas alors procédé à la dépose des panneaux, alors qu'elle-même n'était pas partie aux procédures ayant conduit au prononcé et à la liquidation de l'astreinte.
A l'inverse, la société Sdsa indique qu'ensuite de la condamnation de la société Oxial à procéder à la dépose des panneaux sous astreinte le 25 juin 2019, cette dernière s'est exécutée, et ce sans démonstration contraire par la bailleresse, de telle sorte qu'aucun résistance abusive de la société Oxial ne peut dès lors être retenue, pas plus qu'aucun préjudice du chef de la société Sdsa.
La société Sdsa sera déboutée de sa demande indemnitaire pour résistance abusive, et le jugement sera confirmé de ce chef.
* * *
Le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Oxial aux dépens de première instance, et à payer à la société Sdsa la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, et pour avoir débouté la société Oxial de sa demande au même titre.
La société Sdsa sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles des deux instances, et sera condamnée à payer au même titre à la société Oxial la somme de 2.500 euros.
La société Sdsa sera condamnée aux dépens des deux instances.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :
- rejeté la demande de rabat de l'ordonnance de clôture en date du 26 janvier 2021 ;
- débouté la société civile immobilière Sdsa Troyes de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de louage d'emplacement ;
- débouté la société civile immobilière Sdsa Troyes de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Confirme le jugement de ces seuls chefs ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Ordonne la réduction de la durée du contrat de louage d'emplacement publicitaire signé le 6 décembre 2017 entre la société à responsabilité limitée Oxial et la société civile immobilière Sdsa, et dit que celui-ci a été conclu pour une durée venant à expiration le 6 décembre 2023 ;
Condamne la société civile immobilière Sdsa Troyes à payer à la société à responsabilité limitée Oxial la somme de 34 313,64 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice financier ;
Déboute la société civile immobilière Sdsa Troyes de sa demande de dommages-intérêts ;
Rappelle que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré ;
Déboute la société civile immobilière Sdsa Troyes de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Condamne la société civile immobilière Sdsa Troyes aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à la société à responsabilité limitée Oxial la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente
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