CASS. CIV. 1re, 9 mars 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9635
CASS. CIV. 1re, 9 mars 2022 : pourvoi n° 20-23687 ; arrêt n° 224
Publication : Legifrance
Extrait : « 3. Si, en application de l'article 2308, alinéa 2, du code civil, un débiteur peut faire valoir à sa caution qu'il aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte avant qu'elle ne paye le créancier en ses lieu et place, ce débiteur ne peut toutefois pas se prévaloir de l'irrégularité de la déchéance du terme de sa dette, celle-ci n'étant pas une cause d'extinction de ses obligations.
4. Ayant relevé que l'emprunteur s'était retrouvé dans l'impossibilité de rembourser le capital restant dû, que la banque avait réclamé le paiement à la caution, que l'emprunteur ne contestait pas avoir été averti du paiement à intervenir par celle-ci et qu'il ne soutenait pas l'avoir informée de l'irrégularité alléguée de la déchéance du terme, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument omises, en a exactement déduit que le caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée ne pouvait pas être opposé à la caution.
5. Il s'ensuit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 9 MARS 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : K 20-23.687. Arrêt n° 224 F-D.
DEMANDEUR à la cassation : Mme X.
DÉFENDEUR à la cassation : Société Compagnie européenne de garanties et cautions
Président : M. Chauvin (président). Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats, SCP Yves et Blaise Capron.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Mme X., domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-23.687 contre l'arrêt rendu le 8 octobre 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Compagnie européenne de garanties et cautions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme X., de la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société Compagnie européenne de garanties et cautions, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 8 octobre 2020), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 10 octobre 2018, pourvoi n° 17-20441), suivant offre de prêt acceptée le 20 mai 2011, la société Banque de Tahiti (la banque) a consenti à Mme X. (l'emprunteur) un prêt immobilier, garanti par le cautionnement de la société Compagnie européenne de garanties et de caution (la caution), pour financer la construction d'une maison d'habitation à usage de résidence principale. En application de l'article 9 des conditions générales, qui prévoit le cas de déclaration inexacte de la part de l'emprunteur, la banque lui a notifié l'exigibilité anticipée de toutes les sommes dues au titre du prêt. Ayant désintéressé la banque, la caution a assigné l'emprunteur en paiement.
Examen du moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen :
2. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de le condamner à paiement, alors :
« 1°/ que la caution qui a payé le créancier ne peut exercer son recours personnel contre le débiteur principal, qu'à la condition que l'obligation de celle-ci soit exigible ; qu'en énonçant que « la nature personnelle du recours de la caution en ce qui concerne les sommes acquittées auprès de la [Banque de Tahiti] ne permet [?] pas à Mme X., débitrice [principale], d'opposer à la Cegc [caution qui a payé] le caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée mise en oeuvre par la banque, pas plus qu'elle ne lui permet de remettre en cause ce recours du fait de la mise en œuvre injustifiée de la clause d'exigibilité anticipée », quand l'exigibilité de l'obligation de Mme X. envers la Banque de Tahiti dépendait directement de cette validité de la clause d'exigibilité anticipée, clause abusive dont la Banque de Tahiti s'est prévalue contre elle, et qui, comme telle, doit être réputée non écrite, la cour d'appel a violé l'article 2028 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française (article 2305 du code civil applicable en métropole) ;
2°/ que, dans ses écritures d'appel, Mme X. faisait valoir, d'une part, que « la mise en œuvre du recours [personnel] de la caution [qui a payé contre le débiteur principal] est subordonnée à l'existence de la défaillance de l'emprunteur », et, d'autre part, que « la cour d'appel : / – jugera que l'article 9 du contrat de prêt [invoqué par la Banque de Tahiti contre elle] crée un déséquilibre significatif, et / – jugera que ladite clause est abusive et par conséquent réputée non écrite ; – jugera que la clause de remboursement anticipé étant non écrite, Mme X. n'était pas défaillante / – déboutera Cegc de son recours » ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
3°/ que la cour d'appel, qui énonce que Mme [V] [W] et la Banque de Tahiti ont «clairement prévu dans le contrat de prêt [du 20 mai 2011] l'exercice d'un recours personnel de la caution, soumis à la seule obligation pour celle-ci de produire une quittance justifiant du règlement effectué », constate cependant que, suivant la même clause du même contrat de prêt qu'elle vise, « en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du présent prêt et consécutivement d'exécution par la caution de son obligation de règlement, la caution exercera son recours contre l'emprunteur conformément aux dispositions de l'article 2305 du code civil, sur simple production d'une quittance justifiant le règlement effectué » ; qu'elle méconnaît que le contrat de prêt du 20 mai 2011 subordonne le recours personnel de la caution non seulement à la délivrance d'une quittance par le créancier que la caution a payé, mais aussi, et surtout, à la défaillance préalable du débiteur principal, laquelle suppose que celui-ci ne soit pas bénéficiaire d'un terme ; qu'elle a violé le principe de la force obligatoire des conventions. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour
3. Si, en application de l'article 2308, alinéa 2, du code civil, un débiteur peut faire valoir à sa caution qu'il aurait eu des moyens pour faire déclarer sa dette éteinte avant qu'elle ne paye le créancier en ses lieu et place, ce débiteur ne peut toutefois pas se prévaloir de l'irrégularité de la déchéance du terme de sa dette, celle-ci n'étant pas une cause d'extinction de ses obligations.
4. Ayant relevé que l'emprunteur s'était retrouvé dans l'impossibilité de rembourser le capital restant dû, que la banque avait réclamé le paiement à la caution, que l'emprunteur ne contestait pas avoir été averti du paiement à intervenir par celle-ci et qu'il ne soutenait pas l'avoir informée de l'irrégularité alléguée de la déchéance du terme, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument omises, en a exactement déduit que le caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée ne pouvait pas être opposé à la caution.
5. Il s'ensuit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X. aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme X. et la condamne à payer à la société Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller référendaire rapporteur le président
Le greffier de chambre
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme X.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mme X., qui a emprunté le 20 mai 2011 une somme de 30.000.000 fcp à la Banque de Tahiti, fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à la Cegc, caution du remboursement de ce prêt, la somme de 28.618.514 fcp, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2013 ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1. ALORS QUE la caution qui a payé le créancier ne peut exercer son recours personnel contre le débiteur principal, qu'à la condition que l'obligation de celle-ci soit exigible ; qu'en énonçant que « la nature personnelle du recours de la caution en ce qui concerne les sommes acquittées auprès de la [Banque de Tahiti] ne permet [?] pas à Mme X., débitrice [principale], d'opposer à la Cegc [caution qui a payé] le caractère abusif de la clause d'exigibilité anticipée mise en œuvre par la banque, pas plus qu'elle ne lui permet de remettre en cause ce recours du fait de la mise en œuvre injustifiée de la clause d'exigibilité anticipée », quand l'exigibilité de l'obligation de Mme X. envers la Banque de Tahiti dépendait directement de cette validité de la clause d'exigibilité anticipée, clause abusive dont la Banque de Tahiti s'est prévalue contre elle, et qui, comme telle, doit être réputée non écrite, la cour d'appel a violé l'article 2028 du code civil dans sa rédaction applicable en Polynésie française (l'article 2305 du code civil applicable en métropole) ;
2. ALORS QUE, dans ses écritures d'appel (p. 15, 5e et 6e alinéas pour les motifs, et p. 24, « statuant à nouveau », pour le dispositif), Mme X. faisait valoir, d'une part, que « la mise en œuvre du recours [personnel] de la caution [qui a payé contre le débiteur principal] est subordonnée à l'existence de la défaillance de l'emprunteur », et, d'autre part, que « la cour d'appel : / – jugera que l'article 9 du contrat de prêt [invoqué par la Banque de Tahiti contre elle] crée un déséquilibre significatif, et / – jugera que ladite clause est abusive et par conséquent réputée non écrite ; – jugera que la clause de remboursement anticipé étant non écrite, Mme X. n'était pas défaillante / – déboutera Cegc de son recours » ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
3. ALORS QUE la cour d'appel, qui énonce que Mme [V] [W] et la Banque de Tahiti ont « clairement prévu dans le contrat de prêt [du 20 mai 2011] l'exercice d'un recours personnel de la caution, soumis à la seule obligation pour celle-ci de produire une quittance justifiant du règlement effectué », constate cependant que, suivant la même clause du même contrat de prêt qu'elle vise, « en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du présent prêt et consécutivement d'exécution par la caution de son obligation de règlement, la caution exercera son recours contre l'emprunteur conformément aux dispositions de l'article 2305 du code civil, sur simple production d'une quittance justifiant le règlement effectué » ; qu'elle méconnaît que le contrat de prêt du 20 mai 2011 subordonne le recours personnel de la caution non seulement à la délivrance d'une quittance par le créancier que la caution a payé, mais aussi, et surtout, à la défaillance préalable du débiteur principal, laquelle suppose que celui-ci ne soit pas bénéficiaire d'un terme ; qu'elle a violé le principe de la force obligatoire des conventions.
Le greffier de chambre