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CJUE (6e ch.), 10 avril 2022

Nature : Décision
Titre : CJUE (6e ch.), 10 avril 2022
Pays : France
Juridiction : Cour de Justice de l'UE (6e ch.)
Demande : C-472/20
Date : 10/04/2021
Numéro ECLI : ECLI:EU:C:2022:242
Nature de la décision : Question préjudicielle (CJUE)
Mode de publication : Site Curia (CJUE)
Date de la demande : 30/09/2020
Référence bibliographique : 5740 et 5748 (retour au droit supplétif)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9637

CJUE (6ech.), 10 avril 2121 : affaire n° C-472/20

Publication : Site Curia

 

Extrait : « 1) La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens que l’effet utile des dispositions de celle-ci ne peut, en l’absence d’une règle de droit national à caractère supplétif régissant une telle situation, être assuré uniquement par un avis non contraignant de la juridiction suprême de l’État membre concerné indiquant aux juridictions inférieures l’approche à suivre pour déclarer un contrat comme étant valide ou comme ayant sorti ses effets entre parties lorsque ce contrat ne peut subsister en raison du caractère abusif d’une clause se rapportant à son objet principal.

2) La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce que le juge national compétent décide de rétablir les parties à un contrat de prêt dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu au motif qu’une clause dudit contrat se rapportant à son objet principal doit être déclarée abusive en vertu de cette directive, étant entendu que, si ce rétablissement s’avère impossible, il lui appartient de veiller à ce que le consommateur se trouve en définitive dans la situation qui aurait été la sienne si la clause jugée abusive n’avait jamais existé. ».

 

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

SIXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 31 MARS 2022

 

Dans l’affaire C‑472/20, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie), par décision du 28 août 2020, parvenue à la Cour le 30 septembre 2020, dans la procédure

Lombard Pénzügyi és Lízing Zrt.

contre

PN,

LA COUR (sixième chambre),

Composée de M. L. Bay Larsen, vice–président de la Cour, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. N. Jääskinen (rapporteur) et M. Safjan, juges,

Avocate générale : Mme J. Kokott,

Greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

- pour Lombard Pénzügyi és Lízing Zrt., par Me Zs. Bohács, ügyvéd,

- pour PN, par Me L. Gönczi, ügyvéd,

- pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

- pour la Commission européenne, par Mmes I. Rubene et Zs. Teleki ainsi que par MM. N. Ruiz García et L. Havas, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Lombard Pénzügyi és Lízing Zrt. (ci-après « Lombard ») à PN au sujet des effets juridiques d’une clause contractuelle relative au risque de change supporté par le consommateur dans le cas d’un contrat de crédit libellé en devise mais remboursable en monnaie nationale.

 

Le cadre juridique :

Le droit de l’Union :

3. L’article 4 de la directive 93/13 est libellé comme suit :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

4. Aux termes de l’article 5, première phrase, de ladite directive, « [d]ans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible ».

5. L’article 6, paragraphe 1, de la même directive énonce :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

6. L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 dispose :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

7. Aux termes de l’article 8 de cette directive :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »

 

Le droit hongrois

8. L’article 209 de la Polgári Törvénykönyvről szóló 1959. évi IV. törvény (loi n° IV de 1959, instituant le code civil), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« ancien code civil »), prévoyait :

« (1) Toute clause énonçant une condition générale d’affaires ou toute clause d’un contrat de consommation n’ayant pas été individuellement négociée est abusive si, au mépris des exigences de bonne foi et d’équité, elle détermine, unilatéralement et sans justification, les droits et obligations des parties découlant du contrat de façon à désavantager le cocontractant de celui qui impose la clause contractuelle en question.

(2) Aux fins de constater le caractère abusif d’une clause, il y a lieu de prendre en considération toutes les circonstances existant à la date de la conclusion du contrat et qui en ont déterminé la conclusion, ainsi que la nature de la prestation convenue et le lien de la clause en question avec d’autres clauses du contrat ou avec d’autres contrats.

(3) Une législation spéciale pourra déterminer les clauses qui seront considérées comme abusives dans les contrats conclus avec un consommateur ou qui devront être considérées comme telles jusqu’à preuve du contraire.

(4) Une clause contractuelle générale, ou une clause contractuelle non individuellement négociée d’un contrat de consommation, est également abusive du seul fait qu’elle n’est pas rédigée de manière claire ou compréhensible.

(5) Les dispositions relatives aux clauses contractuelles abusives ne sont pas applicables aux stipulations qui définissent la prestation principale ni à celles qui déterminent la proportion entre la prestation et la contrepartie, pour autant que lesdites stipulations soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

9. Aux termes de l’article 209/A de l’ancien code civil :

« (1) La partie lésée peut contester une clause abusive intégrée au contrat en tant que condition générale.

(2) Sont nulles les clauses abusives intégrées dans des contrats de consommation en tant que conditions générales ou que le professionnel a rédigées de manière unilatérale, au préalable et sans négociation individuelle. La nullité ne peut être invoquée que dans l’intérêt du consommateur. »

10. L’article 237 de ce code était libellé comme suit :

« (1) En cas de contrat dépourvu de validité, il convient de revenir à la situation qui prévalait antérieurement à la conclusion dudit contrat.

(2) S’il n’est pas possible de revenir à la situation qui prévalait antérieurement à la conclusion du contrat, le juge peut déclarer le contrat applicable jusqu’à ce qu’il ait statué. Un contrat dépourvu de validité peut être déclaré valide s’il est possible de supprimer la cause de l’invalidité, en particulier par la suppression de l’avantage disproportionné en cas de disproportion des prestations des parties dans un contrat usuraire. Dans de tels cas, il convient d’ordonner la restitution de la prestation restant due, le cas échéant, sans contre-prestation. »

11. L’article 203, paragraphes 4 et 5, de la hitelintézetekről és a pénzügyi vállalkozásokról szóló 1996. évi CXII. törvény (loi n° CXII de 1996 relative aux établissements de crédit et aux entreprises financières), dans sa version applicable au litige au principal, disposait :

« (4) En cas de contrat conclu avec un client ayant qualité de consommateur qui a pour objet l’octroi d’un prêt en devise ou qui implique une option d’achat sur un bien immeuble, l’établissement de crédit doit expliquer au client le risque auquel il s’expose en raison de l’opération contractuelle et établir au moyen de la signature du client qu’il en a pris connaissance.

(5) La déclaration visée au paragraphe 4 doit comporter :

a) en cas de contrat visant à accorder un crédit libellé en devise, la présentation du risque de change de même que son incidence sur le montant des échéances de remboursement,

[...] »

12. L’article 1er de la Kúriának a pénzügyi intézmények fogyasztói kölcsönszerződéseire vonatkozó jogegységi határozatával kapcsolatos egyes kérdések rendezéséről szóló 2014. évi XXXVIII. törvényben rögzített elszámolás szabályairól és egyes egyéb rendelkezésekről szóló 2014. évi XL. törvény [loi n° XL de 2014 relative aux règles applicables au décompte prévu dans la loi n° XXXVIII de 2014 relative au règlement de certaines questions liées à la décision rendue par la Kúria (Cour suprême, Hongrie) dans l’intérêt d’une interprétation uniforme des dispositions de droit civil à propos des contrats de prêt conclus par les établissements financiers avec les consommateurs, ainsi qu’à diverses autres dispositions, ci–après la « loi DH2 »] dispose :

« L’effet de la présente loi s’étend aux contrats de prêt conclus avec les consommateurs relevant du champ d’application de la (Kúriának a pénzügyi intézmények fogyasztói kölcsönszerződéseire vonatkozó jogegységi határozatával kapcsolatos egyes kérdések rendezéséről szóló 2014. évi XXXVIII. törvény [loi n° XXXVIII de 2014 relative au règlement de certaines questions liées à la décision rendue par la Kúria (Cour suprême) dans l’intérêt d’une interprétation uniforme des dispositions de droit civil à propos des contrats de prêt conclus par les établissements financiers avec les consommateurs]). »

13. L’article 37 de la loi DH2 est ainsi libellé :

« (1) La partie ne peut, au regard de contrats relevant du champ d’application de la présente loi, conclure à ce que la juridiction constate l’invalidité du contrat ou de certaines de ses stipulations (ci–après l’“invalidité partielle”) – quel que soit le motif d’invalidité – qu’en concluant également à ce que ladite juridiction applique les conséquences juridiques de l’invalidité, à savoir que le contrat soit déclaré comme étant valide ou comme produisant effet jusqu’à la date à laquelle est rendue la décision. À défaut, et si la partie ne donne pas suite à une demande de régularisation, la juridiction ne peut pas se prononcer sur le fond du recours. Si la partie conclut à ce que la juridiction tire la conséquence juridique de l’invalidité ou de l’invalidité partielle, elle doit également indiquer quelle est la conséquence juridique dont elle demande l’application. En ce qui concerne l’application de la conséquence juridique, la partie doit soumettre une demande précise et chiffrée qui inclut le décompte entre les parties.

(2) Compte tenu des dispositions du paragraphe 1, il convient, en ce qui concerne les contrats relevant du champ d’application de cette même loi, sur le fondement de l’article 239/A, paragraphe 1, de [l’ancien code civil], ou de l’article 6:108, paragraphe 2, de la [Polgári törvénykönyvről szóló 2013. évi V. törvény (loi n° V de 2013 instituant le code civil)] – si les conditions prévues dans la présente loi sont remplies – de rejeter la requête sans émettre de citation dans les procédures pendantes engagées aux fins de la constatation de l’invalidité totale ou partielle d’un contrat, ou de mettre fin à ces procédures. Il n’y a pas lieu de rejeter la requête sans émettre de citation, ou de mettre fin à la procédure dès lors que la partie, outre la conclusion visant à la constatation de l’invalidité totale ou partielle, a également formulé une autre conclusion ; dans ce cas, il faut considérer qu’elle ne maintient pas la conclusion visant à la constatation de l’invalidité. Il convient de procéder de cette manière également dans les procédures reprises à la suite d’une suspension. »

14. Conformément à l’article 33, paragraphe 1, de la bíróságok szervezetéről és igazgatásáról szóló 1997. évi LXVI. törvény (loi n° LXVI de 1997 relative à l’organisation et à l’administration judiciaire), la chambre mixte de la Kúria (Cour suprême) analyse la jurisprudence et donne un avis sur les questions litigieuses d’application du droit afin d’assurer l’uniformité de la jurisprudence.

 

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15. Le 4 décembre 2009, PN a conclu avec Lombard Finanszírozási Zrt. un contrat de prêt individuel à taux variable aux fins de l’achat d’un véhicule (ci-après le « contrat de prêt en cause »). Ce contrat était libellé en francs suisses (CHF) et les mensualités à rembourser étaient converties en forints hongrois (HUF).

16. Lors de la conclusion dudit contrat, PN a signé une déclaration de prise de connaissance du risque. Cette dernière précisait, d’une part, que l’existence du risque de change pesait sur le consommateur, et, d’autre part, que l’évolution future du cours des devises était imprévisible. Ainsi, les mensualités étaient fixées en francs suisses, puis converties en forints hongrois et l’écart de change, calculé lors de cette conversion, devait être supporté par l’emprunteur. Il ressortait également de ce document que, lorsque le cours de la devise par rapport au forint hongrois à la date de l’échéance variait par rapport au taux de change de référence défini lors de la conclusion du contrat, l’écart entre les cours vendeur et acheteur était également à la charge de l’emprunteur.

17. Le 31 août 2010, Lombard Finanszírozási Zrt. a été dissoute par absorption et Lombard lui a succédé en tant qu’ayant droit à titre universel. Par conséquent, l’ensemble des obligations et des droits de Lombard Finanszírozási Zrt. ont été transférés à Lombard.

18. Au mois d’avril 2015, le contrat de prêt en cause a fait l’objet d’une régularisation, par voie de décompte, en vertu de la loi DH2. À l’issue de ce décompte, une somme de 284.502 HUF (environ 800 euros), considérée comme ayant été indûment perçue par l’organisme prêteur, a été déduite du montant dû par PN. En revanche, le taux d’intérêt annuel, qui était de 22,32 % avant la régularisation du contrat de prêt en cause, est resté identique. Ce décompte a été envoyé à PN qui n’a pas déposé de réclamation.

19. PN accusant des retards de paiement des mensualités du contrat de prêt en cause, Lombard lui a indiqué, le 12 août 2015, qu’il était redevable de la somme de 121.722 HUF (environ 342 euros) d’arriérés, en précisant que, en cas de non‑paiement, ce contrat serait résilié avec effet immédiat. PN n’a pas satisfait à cette demande, de telle sorte que Lombard a résilié unilatéralement ledit contrat le 14 septembre 2015 et a sommé PN de s’acquitter du solde restant dû de 472.399 HUF (environ 1.320 euros). PN a reçu cette sommation le 15 octobre 2015.

20. Lombard a ensuite saisi la juridiction de première instance, en sollicitant que le contrat de prêt en cause soit déclaré valide, de manière rétroactive, et que PN soit condamné au paiement d’une somme de 490.102 HUF (environ 1.370 euros) au titre du capital de la créance contractuelle, ainsi qu’au paiement des intérêts de retard.

21. PN a invoqué, pour sa part, le caractère abusif des clauses contenues dans le contrat de prêt en cause mettant intégralement à sa charge le risque de change. Il a contesté le fait que la notice d’information sur le risque de change ait été claire et compréhensible. À titre reconventionnel, il a notamment demandé que Lombard soit condamnée à lui rembourser une somme de 1 734 144 HUF (environ 4 870 euros) au titre d’un enrichissement sans cause résultant du défaut de validité de ce contrat.

22. La juridiction de première instance a notamment examiné les conditions dans lesquelles un contrat tel que le contrat de prêt en cause peut être déclaré valide au regard de l’avis rendu au mois de juin 2019 par l’organe consultatif de la Kúria (Cour suprême) (ci-après l’« avis de la Kúria »). Selon ledit avis, lorsqu’un contrat de prêt dépourvu de validité est déclaré comme étant valide, deux solutions s’offrent aux juridictions. Soit elles pourraient déclarer le contrat comme étant valide, de telle sorte que celui–ci est réputé avoir été libellé en forints hongrois, moyennant un taux d’intérêt correspondant à la valeur du taux d’intérêt en vigueur pour les transactions en forints hongrois à la date de la conclusion dudit contrat, majoré de la marge appliquée. Soit elles pourraient déclarer le contrat comme étant valide en maximisant le cours de change entre la devise et le forint hongrois, le taux d’intérêt fixé dans le contrat restant quant à lui inchangé jusqu’à la date de conversion en forints hongrois.

23. La juridiction de première instance a décidé que, bien que le fait que la stipulation du contrat de prêt en cause selon laquelle le risque de change devait être supporté par PN revêtît un caractère abusif, ce contrat devait être considéré comme étant valide avec effet rétroactif à la date de sa conclusion, mais comme ayant été, depuis cette même date, libellé en forints hongrois. Elle a, par ailleurs, décidé que le taux d’intérêt annuel devait être fixé à 23,07 %, en se fondant sur le calcul, effectué par Lombard, basé sur la différence entre le montant initial du prêt et le montant total des mensualités remboursées par PN. En l’occurrence, le montant initial du prêt était de 1.417.500 HUF (environ 4 000 euros) et il était prévu que le montant total des mensualités de remboursement s’élèverait à 2.689.225 HUF (environ 7.600 euros). PN s’étant, dans les faits, acquitté d’une somme de 3.151.644 HUF (environ 8 900 euros), la juridiction de première instance a condamné Lombard, au titre de l’enrichissement sans cause, au remboursement de la différence entre ces deux derniers montants, à savoir 462.419 HUF (environ 1 300 euros).

24. Lombard a interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale, Hongrie), en contestant la décision selon laquelle le contrat de prêt en cause devait être considéré comme ayant été, depuis la date de sa conclusion, libellé en forints hongrois. Elle fait notamment valoir que la déclaration de validité de ce contrat ne saurait avoir pour conséquence de bouleverser l’équilibre contractuel entre les parties dans une mesure et d’une manière telles qu’un déséquilibre s’installe, dans le rapport juridique, entre les valeurs respectives de la prestation et de la contrepartie. En outre, selon Lombard, de tels contrats, libellés en devise et mettant le risque de change à la charge des consommateurs, ne sauraient être déclarés illégaux en tant que tels.

25. La juridiction de renvoi éprouve des doutes quant aux options légales envisageables lorsqu’un contrat, en cas de défaut de validité relatif à son objet principal, est déclaré comme étant valide, ou comme ayant sorti ses effets entre les parties.

26. Dans ces conditions, la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest-Capitale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’effet utile des dispositions de la directive [93/13] est-il complètement assuré par le fait que, lorsque la clause contractuelle abusive (un renseignement inadéquat sur le risque de change) se rapporte à l’objet principal du contrat, ce qui a pour conséquence que ledit contrat ne peut subsister, et que les parties ne se mettent pas d’accord, c’est, en l’absence d’une disposition à caractère supplétif en droit national, une prise de position adoptée par la juridiction suprême, mais non contraignante pour les juridictions inférieures, qui donne des orientations concernant l’approche à suivre pour déclarer le contrat comme étant valide ou comme produisant effet [?]

2) En cas de réponse négative à la première question, le rétablissement de la situation antérieure est-il possible lorsque le contrat, en raison de la clause abusive portant sur l’objet principal dudit contrat, ne peut subsister, que les parties ne se mettent pas d’accord, et que la prise de position précitée ne peut pas faire autorité [?]

3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question, dans le cas de contrats de ce type, en cas de recours en constatation du défaut de validité relatif à l’objet principal du contrat, la loi peut-elle imposer au consommateur d’assortir son recours d’une demande visant à ce que le contrat soit déclaré comme étant valide ou comme produisant effet [?]

4) En cas de réponse négative à la deuxième question, si le rétablissement de la situation antérieure n’est pas possible, les contrats pourraient-ils [alors], par l’adoption d’une législation ultérieure, être déclarés comme étant valides, ou comme produisant effet, afin d’assurer un équilibre entre les parties [?] »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur les questions préjudicielles :

Sur la première question :

Sur la recevabilité :

27. Il convient de rappeler que, afin de permettre à la Cour de fournir une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national, l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour exige que la demande de décision préjudicielle contienne l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal (arrêt du 17 septembre 2020, Burgo Group, C‑92/19, EU:C:2020:733, point 38).

28. Selon une jurisprudence constante de la Cour, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour, lesquelles bénéficient d’une présomption de pertinence. Partant, dès lors que la question posée porte sur l’interprétation ou la validité d’une règle du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer, sauf s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à ladite question (arrêt du 21 décembre 2021, Trapeza Peiraios, C‑243/20, EU:C:2021:1045, point 25 et jurisprudence citée).

29. Il est également constant que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour interpréter et appliquer des dispositions de droit national, tandis que la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un texte de l’Union, à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (arrêt du 21 décembre 2021, Trapeza Peiraios, C‑243/20, EU:C:2021:1045, point 26 et jurisprudence citée).

30. En l’occurrence, comme le souligne le gouvernement hongrois dans ses observations écrites, les indications fournies par la juridiction de renvoi quant aux raisons pour lesquelles il est nécessaire d’interpréter le droit de l’Union et à la pertinence de la première question aux fins de la solution du litige au principal sont, certes, laconiques.

31. Néanmoins, il ressort de la décision de renvoi que Lombard a interjeté appel du jugement de première instance devant la juridiction de renvoi, en contestant, en particulier, la requalification du contrat de prêt en cause en tant que contrat libellé en forints hongrois. Or, il ressort également de ladite décision que cette requalification a été opérée en application de la première solution figurant dans l’avis de la Kúria.

32. Eu égard à ces éléments, il n’apparaît pas de manière manifeste que la première question, portant sur la possibilité, au regard de la directive 93/13, d’avoir recours à un tel avis en vue de déterminer l’approche à suivre pour déclarer un contrat comme étant valide ou comme ayant produit effet lorsque ce contrat ne peut subsister en raison du caractère abusif d’une clause se rapportant à son objet principal, est dénuée de pertinence aux fins de la solution du litige au principal.

33. Il s’ensuit que la première question est recevable.

 

Sur le fond :

34. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que l’effet utile des dispositions de celle-ci peut être assuré, en l’absence d’une règle de droit national à caractère supplétif régissant une telle situation, par un avis non contraignant émanant de la juridiction suprême de l’État membre concerné indiquant aux juridictions inférieures l’approche à suivre pour déclarer un contrat comme étant valide ou comme ayant produit des effets entre parties lorsque ce contrat ne peut subsister en raison du caractère abusif d’une clause se rapportant à son objet principal.

35. Il importe de rappeler d’emblée que, s’il résulte certes de l’article 288, troisième alinéa, TFUE que les États membres, lors de la transposition d’une directive, disposent d’une ample marge d’appréciation quant au choix des voies et des moyens destinés à en assurer la mise en œuvre, cette liberté laisse entière l’obligation, pour chacun de ces États, de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le plein effet de la directive concernée, conformément à l’objectif que celle-ci poursuit (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Fashion ID, C‑40/17, EU:C:2019:629, point 49 et jurisprudence citée).

36. S’agissant de la directive 93/13, celle-ci impose aux États membres de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C‑618/10, EU:C:2012:349, point 68).

37. En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il ne saurait être exclu que, dans leur rôle d’harmonisation dans l’interprétation du droit et dans un souci de sécurité juridique, les juridictions suprêmes d’un État membre puissent, dans le respect de la directive 93/13, élaborer certains critères à l’aune desquels les juridictions inférieures doivent examiner le caractère abusif des clauses contractuelles (voir, en ce sens, arrêt du 7 août 2018, Banco Santander et Escobedo Cortés, C‑96/16 et C‑94/17, EU:C:2018:643, point 68).

38. Il en ressort également que les orientations émanant de ces juridictions suprêmes et contenant de tels critères ne sauraient toutefois avoir pour effet d’empêcher le juge national compétent, d’une part, d’assurer le plein effet de la directive 93/13 en écartant, au besoin de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, y compris toute pratique judiciaire contraire, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celles‑ci par voie législative, judiciaire ou par tout autre procédé constitutionnel et, d’autre part, de s’adresser à la Cour à titre préjudiciel (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2019, Dunai, C‑118/17, EU:C:2019:207, point 61).

39. La Cour a ainsi jugé que la directive 93/13, lue à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction suprême d’un État membre adopte, dans l’intérêt d’une interprétation uniforme du droit, des décisions contraignantes au sujet des modalités de mise en œuvre de cette directive, pour autant que celles-ci n’empêchent le juge compétent ni d’assurer le plein effet des normes prévues dans ladite directive et d’offrir au consommateur un recours effectif en vue de la protection des droits qu’il peut en tirer, ni de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle à ce titre (arrêt du 14 mars 2019, Dunai, C‑118/17, EU:C:2019:207, point 64).

40. Pour autant, l’existence d’un avis non contraignant d’une juridiction suprême d’un État membre, permettant ainsi aux juridictions inférieures, amenées à le suivre, de s’en écarter librement, ne saurait être considérée comme étant de nature à assurer l’effet utile de la directive 93/13, en garantissant aux personnes lésées par la clause abusive d’être pleinement protégées.

41. Certes, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, si un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur devait en principe être annulé dans son ensemble après que le juge national a décidé de la suppression d’une clause contractuelle abusive, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’oppose pas à ce que le juge national, en application de principes du droit des contrats, supprime la clause abusive en lui substituant une disposition de droit national à caractère supplétif dans des situations dans lesquelles l’invalidation de la clause abusive obligerait le juge à annuler le contrat dans son ensemble, exposant par là le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que ce dernier en serait pénalisé (arrêt du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 61 et jurisprudence citée).

42. Or, il y a lieu de considérer qu’un avis non contraignant d’une juridiction suprême d’un État membre, tel que l’avis de la Kúria, ne saurait être assimilé à une telle disposition de droit national à caractère supplétif appelée à se substituer à une clause d’un contrat de prêt jugée comme étant abusive.

43. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens que l’effet utile des dispositions de celle-ci ne peut, en l’absence d’une règle de droit national à caractère supplétif régissant une telle situation, être assuré uniquement par un avis non contraignant de la juridiction suprême de l’État membre concerné indiquant aux juridictions inférieures l’approche à suivre pour déclarer un contrat comme étant valide ou comme ayant sorti ses effets entre parties lorsque ce contrat ne peut subsister en raison du caractère abusif d’une clause se rapportant à son objet principal.

 

Sur la deuxième question :

Sur la recevabilité :

44. Au regard de la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 27 à 29 du présent arrêt ainsi que des éléments relevés au point 31 de celui-ci, il n’apparaît pas de manière manifeste qu’est dénuée de pertinence aux fins de la solution du litige au principal la deuxième question, portant sur la possibilité de rétablir les parties à un contrat de prêt dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu lorsque ledit contrat, en raison de la clause abusive portant sur son objet principal, ne peut subsister, que les parties ne se mettent pas d’accord et que l’avis non contraignant évoqué dans le cadre de la première question ne peut faire autorité.

45. Il s’ensuit que la deuxième question est recevable.

 

Sur le fond :

46. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que le juge national compétent décide de rétablir les parties à un contrat de prêt dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu au motif qu’une clause dudit contrat se rapportant à son objet principal doit être déclarée abusive en vertu de cette directive.

47. D’emblée, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, l’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte pas sur la définition de l’objet principal du contrat, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

48. Toutefois, l’article 8 de cette directive prévoit la possibilité pour les États membres d’adopter ou de maintenir, dans le domaine régi par celle-ci, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur.

49. Ainsi, aux points 30 à 35, 40 et 43 de l’arrêt du 3 juin 2010, Caja de Ahorros y Monte de Piedad de Madrid (C‑484/08, EU:C:2010:309), la Cour, après avoir constaté que les clauses visées à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 relèvent du domaine régi par cette dernière et que, partant, l’article 8 de celle‑ci s’applique également audit article 4, paragraphe 2, a jugé que ces deux dispositions ne s’opposent pas à une réglementation nationale permettant un contrôle juridictionnel du caractère abusif de telles clauses qui assure au consommateur un niveau de protection plus élevé que celui établi par cette directive.

50. Dans ce contexte, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contractuelle déclarée abusive doit être considérée, en principe, comme n’ayant jamais existé, de sorte qu’elle ne saurait avoir d’effet à l’égard du consommateur. Partant, la constatation judiciaire du caractère abusif d’une telle clause doit, en principe, avoir pour conséquence le rétablissement de la situation en droit et en fait du consommateur dans laquelle il se serait trouvé en l’absence de ladite clause (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 61).

51. La Cour a également jugé que l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des contractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers (voir, en ce sens, arrêts du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C‑453/10, EU:C:2012:144, point 28, ainsi que du 3 mars 2020, Gómez del Moral Guasch, C‑125/18, EU:C:2020:138, point 62 et jurisprudence citée).

52. En ce qui concerne l’incidence d’une constatation du caractère abusif des clauses contractuelles sur la validité du contrat concerné, il importe de souligner que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, in fine, de la directive 93/13, ledit « contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives » (arrêts du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C‑453/10, EU:C:2012:144, point 29, et du 29 avril 2021, Bank BPH, C‑19/20, EU:C:2021:341, point 53).

53. Dans ce contexte, les juridictions nationales qui constatent le caractère abusif des clauses contractuelles sont tenues, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, d’une part, de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national, afin que le consommateur ne soit pas lié par lesdites clauses, et, d’autre part, d’apprécier si le contrat concerné peut subsister sans ces clauses abusives (ordonnance du 22 février 2018, ERSTE Bank Hungary, C‑126/17, non publiée, EU:C:2018:107, point 38 et jurisprudence citée).

54. En effet, l’objectif poursuivi par le législateur de l’Union dans le cadre de la directive 93/13 consiste à rétablir l’équilibre entre les parties, tout en maintenant, en principe, la validité de l’ensemble d’un contrat, et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2019, Dunai, C‑118/17, EU:C:2019:207, point 40 et jurisprudence citée, ainsi que du 2 septembre 2021, OTP Jelzálogbank e.a., C‑932/19, EU:C:2021:673, point 40).

55. La Cour a itérativement jugé que, s’il appartient aux États membres, au moyen de leur droit national, de définir les modalités dans le cadre desquelles le constat du caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat est établi et les effets juridiques concrets de ce constat sont matérialisés, il n’en demeure pas moins qu’un tel constat doit permettre de rétablir la situation en droit et en fait qui aurait été celle du consommateur en l’absence de cette clause abusive, notamment en fondant un droit à restitution des avantages indûment acquis, à son détriment, par le professionnel sur le fondement de ladite clause abusive (arrêt du 31 mai 2018, Sziber, C‑483/16, EU:C:2018:367, point 34 et jurisprudence citée).

56. Par ailleurs, lorsque le juge national estime que le contrat de prêt en cause dans l’affaire dont il est saisi ne peut, conformément au droit des contrats, juridiquement subsister après la suppression des clauses abusives concernées et lorsqu’il n’existe aucune disposition de droit national à caractère supplétif ou de disposition applicable en cas d’accord des parties au contrat susceptible de se substituer auxdites clauses, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où le consommateur n’a pas exprimé son souhait de maintenir les clauses abusives et où l’annulation du contrat exposerait ce consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, le niveau élevé de protection du consommateur, qui doit être assuré conformément à la directive 93/13, exige que, afin de restaurer l’équilibre réel entre les droits et les obligations réciproques des cocontractants, le juge national prenne, en tenant compte de l’ensemble de son droit interne, toutes les mesures nécessaires afin de protéger le consommateur des conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation du contrat de prêt en cause pourrait provoquer, notamment du fait de l’exigibilité immédiate de la créance du professionnel à l’égard de celui-ci (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 41).

57. Il ressort des considérations qui précèdent que, si, dans une situation telle que celle en cause au principal, compte tenu de la nature du contrat de prêt, le juge national estime qu’il n’est pas possible de rétablir les parties dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu, il lui appartient de veiller à ce que le consommateur se trouve en définitive dans la situation qui aurait été la sienne si la clause jugée abusive n’avait jamais existé.

58. Dans une situation telle que celle en cause au principal, les intérêts du consommateur pourraient être ainsi sauvegardés au moyen, notamment, d’un remboursement en sa faveur des sommes indûment perçues par le prêteur sur le fondement de la clause jugée abusive, un tel remboursement intervenant au titre de l’enrichissement sans cause. En l’occurrence, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, la juridiction de première instance a requalifié le contrat de prêt en cause de contrat de prêt libellé en forints hongrois, puis a déterminé le taux d’intérêt applicable et a obligé Lombard à rembourser le montant correspondant à un tel enrichissement sans cause.

59. Toutefois, il importe de rappeler que les pouvoirs du juge ne sauraient s’étendre au-delà de ce qui est strictement nécessaire afin de rétablir l’équilibre contractuel entre les parties au contrat et ainsi de protéger le consommateur des conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation du contrat de prêt en cause pourrait provoquer (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 44).

60. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce que le juge national compétent décide de rétablir les parties à un contrat de prêt dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu au motif qu’une clause dudit contrat se rapportant à son objet principal doit être déclarée abusive en vertu de cette directive, étant entendu que, si ce rétablissement s’avère impossible, il lui appartient de veiller à ce que le consommateur se trouve en définitive dans la situation qui aurait été la sienne si la clause jugée abusive n’avait jamais existé.

 

Sur la troisième question :

61. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre imposant au consommateur introduisant un recours en constatation du défaut de validité relatif à l’objet principal du contrat, d’assortir son recours d’une demande visant à ce que le contrat de prêt soit déclaré valide ou comme ayant sorti ses effets.

62. À cet égard, il convient de relever, d’une part, qu’il ressort de la décision de renvoi que, dans le litige au principal, le consommateur est, ainsi que l’a souligné Lombard dans ses observations écrites, non pas le requérant, mais le défendeur.

63. D’autre part, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour qu’une telle exigence procédurale serait applicable ou aurait été appliquée à son recours reconventionnel devant la juridiction de première instance, la juridiction de renvoi n’indiquant pas dans quelle mesure une réponse à la troisième question serait nécessaire pour trancher le litige dont elle est saisie.

64. Par conséquent, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas exposé avec un niveau de clarté et de précision suffisant les raisons qui l’ont conduite à poser sa troisième question, la juridiction de renvoi ne s’est pas conformée à l’exigence visée à l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour, rappelée au point 27 du présent arrêt.

65. Dans ces conditions, cette question est irrecevable.

 

Sur la quatrième question :

66. Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si, dans le cas où le rétablissement des parties dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu, évoqué dans le cadre de la deuxième question, ne serait pas possible, le contrat de prêt en cause pourrait, par l’adoption d’une législation ultérieure, être déclaré valide ou comme ayant sorti ses effets afin d’assurer un équilibre entre les parties.

67. Ainsi que l’a souligné le gouvernement hongrois dans ses observations écrites, force est de constater, d’une part, que la juridiction de renvoi n’a pas défini ce qu’elle entend par l’« adoption d’une législation ultérieure » à laquelle elle fait allusion dans cette question.

68. D’autre part, la juridiction de renvoi n’indique pas non plus dans quelle mesure une réponse à ladite question serait nécessaire pour trancher le litige dont elle est saisie.

69. Par conséquent, pour la même raison que celle retenue au point 64 du présent arrêt, cette question est irrecevable.

 

Sur les dépens :

70.  La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

1) La directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens que l’effet utile des dispositions de celle-ci ne peut, en l’absence d’une règle de droit national à caractère supplétif régissant une telle situation, être assuré uniquement par un avis non contraignant de la juridiction suprême de l’État membre concerné indiquant aux juridictions inférieures l’approche à suivre pour déclarer un contrat comme étant valide ou comme ayant sorti ses effets entre parties lorsque ce contrat ne peut subsister en raison du caractère abusif d’une clause se rapportant à son objet principal.

2) La directive 93/13 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce que le juge national compétent décide de rétablir les parties à un contrat de prêt dans la situation qui aurait été la leur si ce contrat n’avait pas été conclu au motif qu’une clause dudit contrat se rapportant à son objet principal doit être déclarée abusive en vertu de cette directive, étant entendu que, si ce rétablissement s’avère impossible, il lui appartient de veiller à ce que le consommateur se trouve en définitive dans la situation qui aurait été la sienne si la clause jugée abusive n’avait jamais existé.

Signatures

Langue de procédure : le hongrois.