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CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 2 juin 2022

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 2 juin 2022
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 8e ch. sect. 1
Demande : 20/01344
Décision : 22/588
Date : 2/06/2022
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 10/03/2020
Numéro de la décision : 588
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9653

CA DOUAI (ch. 8 sect. 1), 2 juin 2022 : RG n° 20/01344 ; arrêt n° 22/588 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Or, comme l'a à juste titre souligné le premier juge, la définition de l'indemnité de réemploi et de son calcul différait considérablement d'une part, par sa forme limitée à un paragraphe de celle figurant dans le contrat de prêt annexé à l'acte notarié rédigée sur une page, et d'autre part, par sa teneur puisque le TEC10 n'est plus repris, et que surtout le plafond de l'indemnité et sa définition n'y figurent plus, alors que le plafond de l'indemnité de remboursement faisait l'objet d'un paragraphe entier dans l'acte de prêt annexé à l'acte notarié.

La cour constate que le prêteur a expressément et clairement informé l'emprunteur des clauses modifiées, qui apparaissent distinctement, et il ne peut lui être reproché une quelconque dissimulation des nouvelles conditions du prêt, l'absence de plafonnement de l'indemnité de remboursement anticipé du prêt étant parfaitement apparente dans l'avenant. Aussi, tout contractant raisonnablement attentif aurait pu constater les modifications de la formule à appliquer et l'absence de plafonnement de l'indemnité en cas de remboursement.

De plus, il résulte des éléments du dossiers que M. Y, gérant de la SCI Régal 59 était également gérant de 14 entreprises, 9 encore en activité dont 4 sociétés civiles immobilières, qu'il est courtier en assurances spécialisées dans les risques d'entreprises et exerce également les fonctions d'adjoint aux finances et au contrôle de gestion de la ville de M., et est nécessairement, en cette qualité, amené à mettre en place et gérer des instruments financiers. Il est également acquis que l'avenant litigieux est un avenant à un prêt professionnel souscrit par la SCI Regal 59, destiné au financement d'un investissement immobilier de grande ampleur, cette dernière agissant dans le cadre son activité immobilière. Dès lors il est manifeste que M. Y est un dirigeant d'entreprise rompu aux affaires qui a nécessairement des compétences en matière financière, en sorte que SCI Régal 59, dont l'emprunt était professionnel, doit être considérée comme emprunteur averti.

En conséquence, la SCI Regal 59 disposait manifestement, par le biais de son gérant, des aptitudes financières lui permettant de comprendre la portée de la clause de remboursement anticipé et il lui appartenait en tout état de cause, alors qu'elle en souligne le caractère complexe ou l'absence de d'illustration, de se renseigner sur les conséquences de sa modification et son impact avant de signer l'avenant, de sorte qu'elle ne peut valablement se prévaloir d'une erreur excusable. En sa qualité de professionnelle, elle ne peut pas davantage reprocher à la banque un manquement à son devoir d'information précontractuelle telle que prévue par l'article 1112-1 du code civil. En outre, au titre de ces dispositions, l'information n'est due que lorsque légitimement l'autre partie ignore cette information, ce qui n'est absolument pas le cas en l'espèce, dans la mesure où l'absence de plafonnement de l'indemnité de remboursement anticipé étant parfaitement apparente dans l'avenant de la SCI Regal 59.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Regal 59 de sa demande de nullité de la clause de remboursement anticipé. »

2/ « La SCI Regal soutient également que la clause de remboursement anticipé insérée à l'avenant doit être réputée non-écrite au motif que cet acte s'analyse en un contrat d'adhésion et que cette clause entraîne un déséquilibre significatif entre les parties.

En vertu de l'article 1110 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : « Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties. Le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties ». Il est constant que le fait pour la banque de proposer des clauses prérédigées n'est pas interdit dès lors qu'elles peuvent être modifiées à l'issue d'une négociation entre les parties.

En vertu de l'article 1171 du même code « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »

En application de l'article 9 du code de procédure civile, c'est à l'auteur de la demande de rapporter la preuve que le contrat est d'adhésion, et il appartient à celui qui se prétend « adhérent » de prouver, non pas l'absence de discussion de telle(s) clause(s), mais l'impossibilité d'avoir pu discuter telle(s) clause(s).

En l'espèce, il est acquis aux débats qu'en raison des difficultés financières de son locataire, la SCI Regal a sollicité auprès du Crédit Agricole un réaménagement du crédit initial, réaménagement que la banque n'était pas obligée d'accepter ; l'avenant litigieux est donc nécessairement né d'une négociation entre les parties sur les modifications des conditions particulières du contrat de prêt initial.

Ainsi que la relevé le premier juge, des négociations préalables à l'établissement de l'avenant ont nécessairement eu lieu puisque les échéances initiales de 8.822,08 euros ont été diminuées à hauteur de 2.719,44 euros pendant 12 mois, qu'il a été prévu le paiement par la SCI de 10 échéances soit 27.194,40 euros le jour de la signature de l'avenant et une prise de garantie supplémentaires au profit de la banque, soit une convention de cession de créance sur l'ensemble des loyers à percevoir au titre du bail commercial.

Au surplus, la SCI Regal 59 ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu’il lui était interdit de discuter a priori les clauses de l'avenant, dont celle concernant l'indemnité de remboursement anticipé.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a relevé que la SCI Regal 59 n'établit pas que l'avenant du 15 décembre 2017 est un contrat d'adhésion au sens de l'article 1110 du code civil et qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner l'existence ou non d'un déséquilibre significatif entre les parties sur le fondement de l'article 1171 du code civil, et l'a déboutée de sa demande tendant à voir déclarer la clause de remboursement anticipé non-écrite. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 2 JUIN 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/01344. Arrêt n° 22/588. N° Portalis DBVT-V-B7E-S6LT. Jugement (R.G. n° 18/08866) rendu le 10 janvier 2020 par le TJ hors jaf, jex, jld, j. expro, jcp de Lille.

 

APPELANTE :

Sci Regal 59

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domiciilé en cette qualité audit siège, [adresse], Représentée par Maître Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai et Maître Philippe Larivière, avocat au barreau de Lille substitué par Maître Audrey Bueche, avocat au barreau de Lille

 

INTIMÉE :

Société Crédit Agricole Nord de France (Crédit Agricole Nord de France)

[adresse], Représentée par Maître Martine Mespelaere, avocat au barreau de Lille

 

DÉBATS à l'audience publique du 23 mars 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Yves Benhamou, président de chambre, Catherine Ménegaire, conseiller, Catherine Convain, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 2 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 10 mars 2022

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant acte authentique en date du 10 juillet 2015, reçu par Maître X., notaire à [ville], la Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel Nord de France (ci-après dénommé le Crédit Agricole) a consenti à la SCI Regal 59 un prêt professionnel d'un montant de 1.300.000 euros d'une durée de 180 mois, au taux d'intérêt annuel fixe de 2,75 % l'an et au taux effectif global de 3,13 %, destiné à l'acquisition d'un immeuble sis à [adresse], donné à bail à la SAS Union Biscuit.

La société BPI France a cofinancé cette acquisition avec le Crédit Agricole à hauteur de 1.300.000 euros.

A la suite de difficultés rencontrées par sa locataire dans le paiement des loyers, la SCI Regal 59 s'est rapprochée du Crédit Agricole afin de solliciter la mise en place d'un moratoire, auquel le Crédit Agricole a répondu favorablement, ce qui a donné lieu à l'établissement d'un avenant signé le 15 décembre 2017.

Courant 2018, la SCI Regal 59 a entendu vendre l'immeuble, objet du financement, et procéder au remboursement anticipé des sommes dues au titre du prêt susvisé consenti par le Crédit Agricole.

Par courrier du 9 août 2018, le Crédit Agricole a informé le notaire en charge de régulariser la vente que le montant à rembourser par anticipation s'élevait à la somme totale de 1.395.947,96 euros, dont 163.480,61 euros au titre de l'indemnité de réemploi calculée en application de la clause de remboursement anticipé insérée à l'avenant du 15 décembre 2017.

Le notaire en charge de la vente au prix de 3.060.000 euros a procédé au remboursement de la somme de 1.397.511,61 euros dont 165.044,26 euros au titre de l'indemnité de réemploi selon décompte arrêté au 4 septembre 2018.

Contestant le montant de cette indemnité de réemploi qu'elle juge exorbitante, la SCI Regal 59, par exploit d'huissier en date du 19 novembre 2018, a assigné en justice le Crédit Agricole aux fins de voir annuler la clause de remboursement anticipée insérée à l'avenant du 15 décembre 2017, subsidiairement la voir déclarer non-écrite, condamner la banque à lui rembourser la somme de 132.410,99 euros au titre du trop-perçu d'indemnité, et à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

Par jugement contradictoire en date du 10 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

- débouté la SCI Regal 59 de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SCI Regal 59 aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile avec exécution provisoire,

- condamné la SCI Regal 59 à payer au Crédit Agricole la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de civile.

La SCI Regal 59 a relevé appel de l'ensemble du jugement par déclaration reçue par le greffe de la cour le 10 mars 2020.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 novembre 2020, elle demande à la cour de :

- vu les dispositions des articles 1103, 1130 et 1231-1 du Code civil, vu les pièces versées aux débats,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 10 janvier 2020 en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, condamnée aux dépens avec exécution provisoire ainsi qu'à payer au Crédit Agricole la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant de nouveau de ces chefs,

à titre principal,

- constater de la part du Crédit Agricole le défaut d'information précontractuelle lors de la conclusion de l'avenant du 15 décembre 2017,

- constater, dire et juger que son erreur est excusable lors de la conclusion de l'avenant du 15 décembre 2017 et ce faisant, un vice du consentement,

- dire et juger que la clause d'indemnité de remboursement anticipé contenue dans l'avenant du 15 décembre 2017 est nulle,

à titre subsidiaire,

- constater, dire et juger que l'avenant du 15 décembre 2017 s'analyse comme un contrat d'adhésion,

- constater, dire et juger le déséquilibre significatif entre ses droits et obligations et ceux du Crédit Agricole dans la clause de remboursement anticipé de l'avenant du 15 décembre 2017,

- dire et juger que la clause d'indemnité de remboursement anticipé contenu dans l'avenant du 15 décembre 2017 est non-écrite,

en tout état de cause,

- condamner le Crédit Agricole à lui rembourser la somme de 132.410,99 euros au titre du trop-perçu d'indemnité,

- débouter le Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le Crédit Agricole à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le Crédit Agricole aux entiers frais et dépens de l'instance avec droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions par voie électronique le 26 août 2021, le Crédit Agricole demande à la cour :

- vu les articles 1103 et suivants du code civil,

- confirmer l'ensemble des chefs du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 10 janvier 2020,

- en toute hypothèse, condamner la SCI Regal 59 au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

[*]

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur demande de nullité de la clause de remboursement anticipé :

La SCI Regal 59 expose que compte tenu des difficultés financières rencontrées par son locataire, son dirigeant M. Y. a pris attache en 2017 avec le Crédit Agricole dans le but de rééchelonner le prêt initialement souscrit et qu'un avenant de réaménagement a été signé entre les parties le 15 décembre 2017.

La SCI soutient qu'elle a signé en toute bonne foi cet avenant en ignorant avoir consenti au déplafonnement de l'indemnité de remboursement anticipé, aucune information ne lui ayant été communiquée par la banque sur ce déplafonnement qui n'a fait l'objet d'aucune discussion ou négociation, ayant eu la surprise de le découvrir lors de vente de l'immeuble. Au visa des articles 1130, 1132, 1112-1 du code civil, elle soutient que son consentement a été vicié par une erreur déterminante et excusable, la banque n'ayant pas respecté son obligation d'information précontractuelle. Elle fait grief au premier juge de n'avoir pas relevé la complexité et l'inintelligibilité de la clause de remboursement anticipé, ni la volonté de dissimulation de la banque, ni le manquement de cette dernière à son devoir de mise en garde et de conseil, et souligne que son gérant, M. Y ne disposait pas de compétence spécifique en matière de crédit lui permettant d'anticiper les impacts de la nouvelle rédaction de la clause de remboursement anticipé, alors que son attention n'avait pas été attirée par la banque sur cette clause qui n'entrait pas dans l'objet de l'avenant.

Selon l'article 1132 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la date de l'avenant :

« L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle soit inexcusable est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou celles du cocontractant ».

Le caractère inexcusable ou excusable de l'erreur s'apprécie in concreto en tenant compte des aptitudes ou insuffisance de l'errans ; l'erreur n'est pas excusable lorsque l'errans disposait des aptitudes lui permettant de se renseigner utilement.

Il résulte des éléments du dossier que le réaménagement du prêt notarié a donné lieu à l'établissement d'un avenant signé le 15 décembre 2017 par M. Y, gérant de la SCI Régal 59.

Cet acte de 4 pages stipule aux paragraphes « Conditions financières et particulières du prêt réaménagé » « objet du présent avenant » que « l'avenant a pour objet de modifier les conditions particulières liées à l'amortissement du prêt, la signature d'une cession de loyers ainsi que l'actualisation de certaines conditions générales. Le présent avenant a été souhaité par L'EMPRUNTEUR qui en a fait la demande au PRETEUR. Ce dernier l'accepte aux conditions qui suivent : ».

Ces conditions actualisées sont listées de façon apparentes (en gras, en majuscule et surligné) et reprises dans quatre paragraphes distincts soit,

- le taux effectif global,

- les conditions de remboursement,

- les garanties,

- le remboursement anticipé,

étant précisé en dernière ligne que « Les autres conditions financières et particulières du prêt restent inchangées ».

S'agissant du remboursement anticipé, il est stipulé un paragraphe selon lequel :

« Le prêteur ouvre à l'emprunteur un droit à remboursement anticipé aux conditions suivantes : le prêteur devra être prévenu au minimum 1 (un) mois avant la date prévue pour le remboursement anticipé par lettre recommandée avec avis de réception portant mention de la date précise du remboursement anticipé. Si cette date coïncide avec une date d'échéance, cette échéance sera exigible et le capital à rembourser par anticipation sera celui restant dû après cette échéance. Tout remboursement anticipé donnera lieu au paiement par l'emprunteur des indemnités suivantes :

- dans tous les cas, une indemnité de gestion égale à 2 % du capital remboursé par anticipé avec un minimum de deux mois d'intérêts calculés au taux d'intérêt sur le capital remboursé par anticipation ;

- de plus une indemnité de réemploi sera du, définie comme suit :

l'indemnité de réemploi du prêt correspond à la perte supportée par le prêteur en cas de remboursement anticipé du prêt. Elle est déterminée forfaitairement comme la somme que l'emprunteur verserait au prêteur pour mettre en place une opération d'échange de taux d'intérêt, dans laquelle l'emprunteur verserait l'euribor 3 mois, pour le montant du capital remboursé du prêt, le profil d'amortissement et la durée comprise entre la date de remboursement anticipé et la date d'échéance finale du prêt, en échange du taux du prêt, dans le cadre d'une opération d'échange de taux soumis aux dispositions de la convention cadre AFB et de ses additifs techniques relatifs aux opérations de marché à terme dans leur édition vigueur à la date de remboursement anticipé.

Les intérêts normaux courront jusqu'au jour du remboursement anticipé effectif »

Or, comme l'a à juste titre souligné le premier juge, la définition de l'indemnité de réemploi et de son calcul différait considérablement d'une part, par sa forme limitée à un paragraphe de celle figurant dans le contrat de prêt annexé à l'acte notarié rédigée sur une page, et d'autre part, par sa teneur puisque le TEC10 n'est plus repris, et que surtout le plafond de l'indemnité et sa définition n'y figurent plus, alors que le plafond de l'indemnité de remboursement faisait l'objet d'un paragraphe entier dans l'acte de prêt annexé à l'acte notarié.

La cour constate que le prêteur a expressément et clairement informé l'emprunteur des clauses modifiées, qui apparaissent distinctement, et il ne peut lui être reproché une quelconque dissimulation des nouvelles conditions du prêt, l'absence de plafonnement de l'indemnité de remboursement anticipé du prêt étant parfaitement apparente dans l'avenant. Aussi, tout contractant raisonnablement attentif aurait pu constater les modifications de la formule à appliquer et l'absence de plafonnement de l'indemnité en cas de remboursement.

De plus, il résulte des éléments du dossiers que M. Y, gérant de la SCI Régal 59 était également gérant de 14 entreprises, 9 encore en activité dont 4 sociétés civiles immobilières, qu'il est courtier en assurances spécialisées dans les risques d'entreprises et exerce également les fonctions d'adjoint aux finances et au contrôle de gestion de la ville de M., et est nécessairement, en cette qualité, amené à mettre en place et gérer des instruments financiers. Il est également acquis que l'avenant litigieux est un avenant à un prêt professionnel souscrit par la SCI Regal 59, destiné au financement d'un investissement immobilier de grande ampleur, cette dernière agissant dans le cadre son activité immobilière. Dès lors il est manifeste que M. Y est un dirigeant d'entreprise rompu aux affaires qui a nécessairement des compétences en matière financière, en sorte que SCI Régal 59, dont l'emprunt était professionnel, doit être considérée comme emprunteur averti.

En conséquence, la SCI Regal 59 disposait manifestement, par le biais de son gérant, des aptitudes financières lui permettant de comprendre la portée de la clause de remboursement anticipé et il lui appartenait en tout état de cause, alors qu'elle en souligne le caractère complexe ou l'absence de d'illustration, de se renseigner sur les conséquences de sa modification et son impact avant de signer l'avenant, de sorte qu'elle ne peut valablement se prévaloir d'une erreur excusable. En sa qualité de professionnelle, elle ne peut pas davantage reprocher à la banque un manquement à son devoir d'information précontractuelle telle que prévue par l'article 1112-1 du code civil. En outre, au titre de ces dispositions, l'information n'est due que lorsque légitimement l'autre partie ignore cette information, ce qui n'est absolument pas le cas en l'espèce, dans la mesure où l'absence de plafonnement de l'indemnité de remboursement anticipé étant parfaitement apparente dans l'avenant de la SCI Regal 59.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Regal 59 de sa demande de nullité de la clause de remboursement anticipé.

Enfin, c'est à tort que l'appelante invoque un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, dans la mesure où ce devoir consiste à consentir un prêt adapté aux capacités financières de l'emprunteur et, le cas échéant, à l'alerter sur les risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, étant observé que le manquement au devoir de mise en garde ne peut donner lieu qu'à l'octroi de dommages et intérêts correspondant à la perte de chance de ne pas contracter et non à la nullité de la clause.

 

Sur le contrat d'adhésion :

La SCI Regal soutient également que la clause de remboursement anticipé insérée à l'avenant doit être réputée non-écrite au motif que cet acte s'analyse en un contrat d'adhésion et que cette clause entraîne un déséquilibre significatif entre les parties.

En vertu de l'article 1110 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

« Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont négociables entre les parties. Le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties ». Il est constant que le fait pour la banque de proposer des clauses prérédigées n'est pas interdit dès lors qu'elles peuvent être modifiées à l'issue d'une négociation entre les parties.

En vertu de l'article 1171 du même code « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »

En application de l'article 9 du code de procédure civile, c'est à l'auteur de la demande de rapporter la preuve que le contrat est d'adhésion, et il appartient à celui qui se prétend « adhérent » de prouver, non pas l'absence de discussion de telle(s) clause(s), mais l'impossibilité d'avoir pu discuter telle(s) clause(s).

En l'espèce, il est acquis aux débats qu'en raison des difficultés financières de son locataire, la SCI Regal a sollicité auprès du Crédit Agricole un réaménagement du crédit initial, réaménagement que la banque n'était pas obligée d'accepter ; l'avenant litigieux est donc nécessairement né d'une négociation entre les parties sur les modifications des conditions particulières du contrat de prêt initial.

Ainsi que la relevé le premier juge, des négociations préalables à l'établissement de l'avenant ont nécessairement eu lieu puisque les échéances initiales de 8.822,08 euros ont été diminuées à hauteur de 2.719,44 euros pendant 12 mois, qu'il a été prévu le paiement par la SCI de 10 échéances soit 27.194,40 euros le jour de la signature de l'avenant et une prise de garantie supplémentaires au profit de la banque, soit une convention de cession de créance sur l'ensemble des loyers à percevoir au titre du bail commercial.

Au surplus, la SCI Regal 59 ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu’il lui était interdit de discuter a priori les clauses de l'avenant, dont celle concernant l'indemnité de remboursement anticipé.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a relevé que la SCI Regal 59 n'établit pas que l'avenant du 15 décembre 2017 est un contrat d'adhésion au sens de l'article 1110 du code civil et qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner l'existence ou non d'un déséquilibre significatif entre les parties sur le fondement de l'article 1171 du code civil, et l'a déboutée de sa demande tendant à voir déclarer la clause de remboursement anticipé non-écrite.

 

Sur les demandes accessoires :

Les motifs pertinents du premier juge sur ces points méritant d'être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Regal, qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile ainsi qu'à payer au Crédit Agricole la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne la SCI Regal 59 à payer à la Caisse de Crédit Régional de Crédit Agricole Nord de France la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SCI Regal 59 de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Regal 59 aux dépens d'appel .

Le greffier,                                        Le président,

G. Przedlacki                                    Y. Benhamou