CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA NÎMES (1re ch.), 2 juin 2022

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (1re ch.), 2 juin 2022
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 1re ch.
Demande : 21/00764
Date : 2/06/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/02/2021
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 9661

CA NÎMES (1re ch.), 2 juin 2022 : RG n° 21/00764 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Au préalable, il convient de constater qu'en cause d'appel, Mme X. et M. Y. ne poursuivent plus leur action en nullité de la stipulation d'intérêts, mais sollicitent seulement, aux termes du dispositif de leurs conclusions, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Les appelants fondent leur action sur le fait que la banque ait fait mention dans son offre de prêt d'une clause abusive en se référant pour le calcul des intérêts contractuels de l'emprunt sur la base d'une année lombarde.

Pour ce faire, ils s'appuient sur les conditions financières de l'offre de prêt mentionnant que :

« les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ».

Cependant, l'action en déchéance au droit aux intérêts est régie par l'article L. 110-4 du code de commerce qui prévoit que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par 5 ans.

Il est constant que le point de départ de cette prescription est celui auquel l'emprunteur a pu connaître ou déceler l'irrégularité invoquée ou l'erreur affectant le TEG.

En l'espèce, et même pour un profane, les conditions financières prévues dans l'offre de prêt, et ci-dessus rappelées, étaient parfaitement claires quant au calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours, et permettaient aux appelants de déceler l'irrégularité qu'ils invoquent à leur seule lecture. Ils auraient pu, par ailleurs, comme l'a relevé le juge de première instance, interroger à ce sujet leur conseiller financier pendant le délai de réflexion faisant suite à cette offre de prêt.

Par ailleurs, le fait que le contrat de prêt soit encore en cours d'exécution n'a pas d'incidence sur la prescription, les appelants n'indiquant d'ailleurs pas pourquoi il serait interdit d'« opposer aux consommateurs une prescription dès lors que le prêt est en cours d'exécution au jour de la demande en justice. »

A cet égard, la décision, non produite, rendue par la Cour de Justice de l'Union européenne le 5 mars 2020, et invoquée à l'appui de cette affirmation, est en tout état de cause sans aucun rapport avec le présent litige, s'agissant de la réponse à une question préjudicielle sur la nécessité d'examiner, d'office, par la juridiction nationale, l'existence d'une violation de l'obligation pré-contractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur....

Ainsi, c'est à juste titre que le juge de première instance a fixé le point de départ du délai de prescription à la date de l'acceptation de l'offre de prêt, soit le 24 juin 2012, et, considérant que l'action avait été introduite le 26 juillet 2018, l'a déclarée prescrite, de telle sorte que le jugement déféré doit être confirmé en cette disposition. »

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 2 JUIN 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/00764. N° Portalis DBVH-V-B7F-H6SL. TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES, 14 janvier 2021 : R.G. n°18/04285.

 

APPELANTS :

Madame X.

née le [Date naissance 1] à [Localité 5], [Adresse 2], [Adresse 2]

Monsieur Y.

né le [Date naissance 3] à [Localité 6], [Adresse 2], [Adresse 2]

Représentés par Maître Pauline GARCIA de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentés par Maître Aurélie ABBAL de la SCP ABBAL - CECCOTTI, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉE :

Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social [Adresse 4], [Adresse 4], Représentée par Maître Sonia HARNIST de la SCP RD AVOCATS et ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Monique SAKRI, Magistrate à titre honoraire, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente, Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, Mme Monique SAKRI, Magistrate à titre honoraire

GREFFIER : Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats et du prononcé,

DÉBATS : À l'audience publique du 24 mars 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 19 mai 2022, et prorogé au 2 juin 2022,

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;

ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente, le 2 juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Selon offre de prêt du 12 juin 2012, acceptée le 24 juin 2012, la société Banque Populaire Val de France a consenti à Mme X. et M. Y. un prêt de 271.300 euros sur une période de 300 mois. Un avenant était signé par les parties le 31 mai 2016.

Arguant d'irrégularités quant à la détermination du TEG, Mme X. et M. Y. ont, par acte en date du 27 juillet 2018, assigné la société Banque Populaire du Val de France devant le tribunal de grande instance de Nîmes, aux fins de voir, à titre principal, ordonner la nullité de la stipulation d'intérêt, subsidiairement d'ordonner la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, dire et juger que le prêt sera soumis aux seuls intérêts légaux et condamner la banque à leur rembourser la somme de 35.594,90 représentant le trop-perçu pour la période échue et au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a, pour l'essentiel, déclaré irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts, constaté la prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts sur le grief tenant à l'usage d'une année lombarde et les a débouté de l'ensemble de leurs demandes.

Par déclaration du 22 février 2021, M. Y. et Mme X. ont interjeté appel de cette décision.

[*]

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2021 ils demandent à la cour d' infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau de juger que les intérêts des prêts n'ont pas été calculés sur la base d'une année civile, et que le taux effectif global mentionné dans l'offre de prêt du 12 juin 2012 et dans l'avenant du 31 mai 2016 est erroné de plus d'une décimale, prononcer en conséquence la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et condamner la banque populaire à restituer la somme de 28.000 euros s'agissant de l'offre de prêt et au trop perçu s'agissant de l'avenant, condamner la Banque Populaire à établir un nouveau tableau d'amortissement annuel en substituant au taux contractuel le taux légal année par année jusqu'à la fin du prêt, et enfin de condamner la Banque Populaire à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que leur action n'est pas prescrite puisque la prescription quinquennale n'est pas applicable à l'action formée par un non-professionnel tendant à la constatation du caractère abusif d'une clause, qu'elle ne peut courir à l'encontre d'un contrat toujours en cours d'exécution, qu'en tout état de cause cette prescription ne peut commencer à courir, non pas dès l'acceptation du prêt mais à partir du moment où ils ont eu connaissance de l'erreur, qu'elle serait de 20 ans (…).

Ils prétendent également que le TEG appliqué, soit : 3,8 % est non conforme à celui indiqué par le prêteur, à savoir : 3,7 %, (Après arrondi au dixième), cet écart étant donc de : 0,1 % , ils sont en conséquence fondés à solliciter la nullité de la stipulation d'intérêt au vu l'absence de stipulation écrite claire du taux d'intérêt annuel, non conforme aux dispositions de l'article L 313-1 du code monétaire et financier, créant un déséquilibre au détriment du consommateur et constituant en ce sens une clause abusive telle que visée par la Commission des clauses abusives- à tout le moins, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts.

[*]

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 août 2021, la Banque Populaire demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter M. Y. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes, en ce compris de l'argument, nouveau en cause d'appel, tenant au caractère prétendument abusif de la clause 30/360, et de condamner solidairement M. Y. et Mme X. à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle conclut, en substance, que l'action des emprunteurs est prescrite au regard du délai qui a commencé à courir à la date de l'offre de prêt, que les échéances soient calculées sur une base de périodes mensuelles ou qu'elles le soient sur la base d'une année civile, il existe une équivalence financière du coût du crédit, de sorte que les appelant ne rapportent pas la preuve qui leur incombe qu'une irrégularité dans l'assiette du TEG pourrait affecter le résultat de calcul du TEG, enfin, la clause 30/360 n'encourt pas la nullité puisqu'elle ne revêt pas de caractère abusif.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Au préalable, il convient de constater qu'en cause d'appel, Mme X. et M. Y. ne poursuivent plus leur action en nullité de la stipulation d'intérêts, mais sollicitent seulement, aux termes du dispositif de leurs conclusions, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Les appelants fondent leur action sur le fait que la banque ait fait mention dans son offre de prêt d'une clause abusive en se référant pour le calcul des intérêts contractuels de l'emprunt sur la base d'une année lombarde.

Pour ce faire, ils s'appuient sur les conditions financières de l'offre de prêt mentionnant que :

« les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé aux conditions particulières sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours ».

Cependant, l'action en déchéance au droit aux intérêts est régie par l'article L. 110-4 du code de commerce qui prévoit que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par 5 ans.

Il est constant que le point de départ de cette prescription est celui auquel l'emprunteur a pu connaître ou déceler l'irrégularité invoquée ou l'erreur affectant le TEG.

En l'espèce, et même pour un profane, les conditions financières prévues dans l'offre de prêt, et ci-dessus rappelées, étaient parfaitement claires quant au calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours, et permettaient aux appelants de déceler l'irrégularité qu'ils invoquent à leur seule lecture. Ils auraient pu, par ailleurs, comme l'a relevé le juge de première instance, interroger à ce sujet leur conseiller financier pendant le délai de réflexion faisant suite à cette offre de prêt.

Par ailleurs, le fait que le contrat de prêt soit encore en cours d'exécution n'a pas d'incidence sur la prescription, les appelants n'indiquant d'ailleurs pas pourquoi il serait interdit d'« opposer aux consommateurs une prescription dès lors que le prêt est en cours d'exécution au jour de la demande en justice. »

A cet égard, la décision, non produite, rendue par la Cour de Justice de l'Union européenne le 5 mars 2020, et invoquée à l'appui de cette affirmation, est en tout état de cause sans aucun rapport avec le présent litige, s'agissant de la réponse à une question préjudicielle sur la nécessité d'examiner, d'office, par la juridiction nationale, l'existence d'une violation de l'obligation pré-contractuelle du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur....

Ainsi, c'est à juste titre que le juge de première instance a fixé le point de départ du délai de prescription à la date de l'acceptation de l'offre de prêt, soit le 24 juin 2012, et, considérant que l'action avait été introduite le 26 juillet 2018, l'a déclarée prescrite, de telle sorte que le jugement déféré doit être confirmé en cette disposition.

De même, pas plus devant la cour qu'en première instance, les appelants ne rapportent la preuve de la différence qu'ils invoquent entre le TEG mentionné au contrat, soit 3,7 % et celui qui aurait été appliqué, soit 3,8 %.

En effet, la seule analyse de la société 2CLM, produite par les appelants, qui estime que ce taux relève du calcul opéré sur la base d'une année lombarde de 360 jours et non sur celle d'une année civile, n'est pas probante à cet égard puisqu'elle est tout autant combattu par le rapport établi, à la demande de la banque par la société Prim' Act qui conclut que le taux d'intérêt conventionnel appliqué est identique à celui indiqué dans l'offre de prêt, les calculs opérés dans ce dernier rapport, pour arriver à cette conclusion apparaissant particulièrement rigoureux.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions et il serait inéquitable de laisser à la charge de la Banque Populaire Val de France les frais irrépétibles exposés en appel et il convient de lui allouer la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme X. et M. Y., succombant en leur appel, doivent être condamnés aux entiers dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré

Y ajoutant

Condamne in solidum Mme X. et M. Y. à payer à la Banque Populaire Val de France la somme de 1.200 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum Mme X. et M. Y. aux entiers dépens.

Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente et par Mme BACHIMONT, Greffière.

LA GREFFIÈRE,                            LA PRÉSIDENTE,