CA NÎMES (ch. com.), 15 juin 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9678
CA NÎMES (ch. com.), 15 juin 2022 : RG n° 20/01428
Publication : Jurica
Extrait (rappel des faits) : « En 2004, Monsieur X., par l'intermédiaire de la SAS VIGACHA, acquiert la totalité des titres de la SAS THIRIX, détenant le magasin INTERMARCHE « [Adresse 10] » à [Localité 8], pour le prix de 2.600.000 €. Cette acquisition est possible, grâce à l'octroi auprès de la CRCAML, le 30 juin 2004, d'un prêt de 2.000.000 € sur 96 mois, au bénéfice de la SAS VIGACHA. »
Extrait (motifs) : « Sur le déséquilibre significatif : Ainsi que l'indique la banque, les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5o, du code de commerce relatives à la rupture brutale d'une relation commerciale établie sont inopposables au dispensateur de crédit, la rupture ou le non-renouvellement du crédit faisant l'objet de dispositions spécifiques et dérogatoires prévues par le code monétaire et financier.
Surabondamment, la rupture brutale d'une relation commerciale établie relève de la compétence de juridictions spécialisées. »
COUR D’APPEL DE NÎMES
QUATRIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 15 JUIN 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/01428. N° Portalis DBVH-V-B7E-HXGR. [Sur appel de] TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES, 3 mars 2020 : R.G. n° 2012J455.
APPELANTS :
Monsieur X.
APPELANT et intimé, né le [Date naissance 1] à [Localité 11], [Adresse 3], [Adresse 3], [Localité 5], Représenté par Maître Jean-pascal PELLEGRIN de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
SAS VIGACHA
société par actions simplifiée au capital de 266.192 €, immatriculée au RCS de Nîmes sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 12], [Adresse 12], [Localité 8], Représentée par Maître Jean-pascal PELLEGRIN de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
SCI DU MOULIN
société civile immobilière au capital de 1.500 €, immatriculée au RCS de Nîmes sous le numéro YYY, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 12], [Adresse 12], [Localité 8], Représentée par Maître Jean-pascal PELLEGRIN de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
SCI DU VILLAGE
société civile immobilière au capital de 1.500 €, immatriculée au RCS de Nîmes sous le numéro ZZZ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 12], [Adresse 12], [Localité 8], Représentée par Maître Jean-pascal PELLEGRIN de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
SCI LA PIERRE PLANTÉE
société civile immobilière au capital de 1.500 €, immatriculée au RCS de Nîmes sous le numéro WWW, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 12], [Adresse 12], [Localité 8], Représentée par Maître Jean-pascal PELLEGRIN de la SELARL CABINET PELLEGRIN AVOCAT-CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Maître I. M. agissant ès qualités de liquidateur judiciaire des SCI DU VILLAGE et SCI LA PIERRE PLANTEE
fonction à laquelle il a été nommé suivant jugements rendus par le Tribunal de commerce de NIMES des 28 juillet 2016 et 28 février 2017, assignée à domicile, INTIME et appelant, né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 13], [Adresse 4], [Localité 8], Représenté par Maître Jean-Marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL et ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC
Société Coopérative à capital et personnel variables, régie par les articles L. 512-20 et L.512-54 du Code Monétaire et Financier et par l'ancien Livre V du Code Rural, agissant par son Président du Conseil d'administration en exercice, domicilié ès qualités audit siège, venant en suite d'opérations de fusion aux droits et obligations de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU GARD, Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NIMES sous le n° S AAA, ayant son siège social [Adresse 7], [Adresse 9], [Localité 6], Représentée par Maître Pascale COMTE de la SCP AKCIO BDCC AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN - ADDE - SOUBRA, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
SELARL SBCMJ
immatriculée au RCS de Nîmes sous le n° BBB, prise en la personne de Maître [L] [N], agissant ès qualités de Liquidateur judiciaire des SAS THIRIX, SCI DU VILLAGE et SCI LA PIERRE PLANTEE, fonction à laquelle il a été nommé en remplacement de Maître I. M., ès-qualités, par ordonnances du Président du Tribunal de Commerce de Nîmes des 5 et 12 décembre 2020.
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
[Adresse 4], [Localité 8], Représentée par Maître Jean-Marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL et ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
SELARL SBCMJ, immatriculée au RCS de Nîmes sous le n° CCC, prise en la personne de Maître [L] [N], agissant ès-qualités de mandataire judiciaire de la SAS VIGACHA, fonction à laquelle il a été nommé, suivant jugement du Tribunal de commerce de Nîmes en date du 22 mars 2022.
INTERVENANTE VOLONTAIRE
[Adresse 4], [Localité 8], Représentée par Me Jean-Marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL et ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, Mme Corinne STRUNK, Conseillère, Madame Claire OUGIER, Conseillère.
GREFFIER : Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au Ministère Public qui a présenté ses observations écrites, transmises aux conseils constitués.
DÉBATS : A l'audience publique du 5 mai 2022, où l'affaire a été mise en délibéré au 15 juin 2022.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 15 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ :
Vu l'appel interjeté le 19 juin 2020 par Monsieur X., la SAS Vigacha, la SCI du Moulin, la SCI du Village, la SCI de la Pierre Plantée, la SAS Thirix à l'encontre du jugement prononcé le 3 mars 2020 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n°2012J455.
Vu l'appel interjeté le 2 décembre 2020 par Maître M. pris en sa qualité de liquidateur de la SCI du Village, la SCI de la Pierre Plantée, la SAS Thirix à l'encontre du jugement prononcé le 3 mars 2020 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n°2012J455.
Vu l'ordonnance du 10 décembre 2020 de jonction des deux procédures.
Vu l'ordonnance prononcée le 3 février 2021 par la conseillère de la mise en état, déclarant recevable l'intervention volontaire de la SELARL SBCMJ prise en la personne de Me [N], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCI du Village, la SCI de la Pierre Plantée, la SAS Thirix, en remplacement de Me [M], déclarant irrecevable la déclaration d'appel de Me [M] es qualités de liquidateur judiciaire de la société Thirix faite le 2 décembre 2020.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 21 avril 2022 par les appelants et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 20 avril 2022 par Me [M] es qualités de liquidateur judiciaire de la société Thirix, intimé et appelant incident, Me [M] es qualités de liquidateur judiciaire de la SCI du Village et de la SCI de la Pierre Plantée, appelant, de la SELARL SBCMJ es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Thirix, de la SCI du Village et de la SCI La Pierre Plantée, intervenante volontaire, de la SELARL SBCMJ es qualités de mandataire judiciaire de la SAS Vigacha, intervenante volontaire et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 20 avril 2022 par la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc, intimée et le bordereau de pièces qui y est annexé.
Vu la communication de la procédure au Ministère Public qui a notifié aux parties constituées le 15 avril 2022 : « vu au parquet général s'en rapporte à l'appréciation de la cour ».
Vu l'ordonnance du 19 décembre 2021 de clôture de la procédure à effet différé au 21 avril 2022.
* * *
En 2004, Monsieur X., par l'intermédiaire de la SAS VIGACHA, acquiert la totalité des titres de la SAS THIRIX, détenant le magasin INTERMARCHE « [Adresse 10] » à [Localité 8], pour le prix de 2.600.000 €. Cette acquisition est possible, grâce à l'octroi auprès de la CRCAML, le 30 juin 2004, d'un prêt de 2.000.000 € sur 96 mois, au bénéfice de la SAS VIGACHA.
Le cédant ayant obtenu l'autorisation d'agrandir le point de vente de 2.500 m² supplémentaires, Monsieur X. va procéder en 2006 à cette extension. Pour ce faire, la SAS THIRIX bénéficiera le 6 octobre 2005, d'un prêt de la CRCAML d'un montant de 1.200.000 €.
Deux sociétés civiles immobilières sont créées à cette occasion, la SCI DU VILLAGE, et la SCI PIERRE PLANTEE.
La SCI PIERRE PLANTEE bénéficiera en août 2006, d'un prêt de 2.227.580 € de la CRCAML, pour acquérir les murs commerciaux occupés par la SAS THIRIX. Monsieur X. précise que malgré l'extension réalisée, le chiffre d'affaires de 12.500.000 €, n'aurait pas été à la hauteur du prévisionnel de 18.000.000 €, de sorte qu'il a entendu développer un nouveau projet de galerie commerciale sur la ville d'[Localité 8].
A ce titre, Monsieur X. va obtenir en juin 2008, une première autorisation d'urbanisme commerciale auprès de la Préfecture du Gard, laquelle donnera lieu à de nombreux recours du propriétaire des murs d'un HYPER-U et de sa galerie marchande située, qui ne seront définitivement purgés qu'en 2014.
Face à ce blocage, Monsieur X. indique s'être rapproché, dès 2008, du groupe AUCHAN, afin de concrétiser un programme d'implantation d'un ensemble de 5.000 / 6000 m² alimentaire, exploité sous l'enseigne AUCHAN, outre une galerie marchande de 2.500 m² attenant.
Il apparait en effet, qu'entre les acquisitions de la SCI LA PIERRE PLANTEE d'un foncier de 19.000 m² en 2006, et les 20.000 m² achetés par les différentes SCI de Monsieur X., le groupe de sociétés disposait d'un foncier global d'environ 39.000 m² permettant d'accueillir le projet d'AUCHAN.
Un nouveau permis de construire est donc obtenu à cet effet.
Monsieur X. s'est à nouveau rapproché de sa banque, la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel du Languedoc afin d'obtenir son soutien sur le projet, et obtenir plusieurs financements.
Un prêt de 4.000.000 € est accordé le 27 avril 2009 à la SCI DU VILLAGE pour couvrir ses besoins en trésorerie, et la construction d'un bâtiment à usage commercial. Ce prêt n'a pas été entièrement débloqué par la banque, puisque seule la somme de 2.412.608,60 € sera réellement mise à disposition de société, suite à un refus de déblocage du solde opposé par la banque.
Un second prêt de 800.000 € est accordé en juillet 2009 à la SCI DU VILLAGE aux fins de constituer une réserve foncière.
Un troisième prêt d'un montant de 2.000.000 € est accordé à la SCI LA PIERRE PLANTEE en octobre 2010, aux fins de constituer une réserve foncière.
En fin d'année 2011, la banque rejette le paiement d'un chèque de 109.000 € effectué par la SCI DU VILLAGE au Bureau D'études Techniques Architecturales Et Coordination mobilisé dans le cadre du projet. Une demande de différé de paiement des échéances des prêts en cours, est refusée en mars 2012 par la banque. Le conseil de la SCI DU VILLAGE adresse le 19 avril 2012, une mise en demeure à la banque, de procéder au déblocage du solde restant au titre du contrat de prêt notarié de 4.000.000 € en date du 27 avril 2009, soit la somme d'environ 1.500.000 €.
La banque ne fera pas suite favorablement à cette mise en demeure, et s'en tiendra au prononcé de la déchéance des termes de tous les prêts en cours, en demandant le paiement de l'ensemble des engagements sous huitaine, par mise en demeure du 16 avril 2012.
Après la déchéance des termes, la banque assignera le 12 août 2012 la SAS VIGACHA et Monsieur X., conjointement et solidairement en paiement :
- De la somme de 1 539 619,21 €, majorée des intérêts au taux conventionnel de 3,90 %, l'an à compter du 10 mai 2012, au titre du prêt n° 529675011PR,
- De la somme de 291 667,20 € majorée des intérêts au taux conventionnel de 3,50 % l'an à compter du 10 mai 2012, au titre du prêt n° G01P8C015PR,
- De la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,
- De la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
et des dépens.
Le 20 août 2012, la SCI DU VILLAGE, la SCI LA PIERRE PLANTEE, la SCI DU MOULIN, la SAS VIGACHA et la SAS THIRIX, assigneront la banque, aux fins d'obtention de dommages intérêts, sa responsabilité étant engagée.
Une jonction des deux affaires sera prononcée par jugement avant dire droit du tribunal de commerce de Nîmes en date du 5 septembre 2012.
Par jugement du 3 mars 2020, le tribunal de commerce de Nîmes a condamné la caution, Monsieur X. à payer à la banque la somme de 1.539.619,21 euros à majorer des intérêts au taux conventionnel de 3,9 % l'an du 10 mai 2012 jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°529675011PR, celle de 291.667,20 euros à majorer des intérêts au taux conventionnel de 3,5% l'an du 10 mai 2012 jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°G01P8C015PR. La capitalisation des intérêts a été ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil. Le tribunal a dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts et a débouté les diverses sociétés, le liquidateur es qualités, la caution de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.
Un appel sera interjeté par Monsieur X. et ses sociétés le 19 juin 2020 devant la cour d'appel de Nîmes. La signification de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelants, est effectuée à l'égard de Maître I. M., ès-qualités de Liquidateur judiciaire des sociétés THIRIX, DU VILLAGE et LA PIERRE PLANTEE, le 18 septembre 2020.
Maître I. M., ès-qualités de Liquidateur Judiciaire de la société THIRIX, intimé à l'appel, entend faire appel incident sur le jugement du 3 mars 2020, tandis que Maître I. M., ès-qualités de Liquidateur judiciaire des SCI DU VILLAGE et LA PIERRE PLANTEE, est appelant à l'encontre dudit jugement. La SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], ayant été désignée en remplacement de Maître I. M., ès-qualités, en la qualité de Liquidateur Judiciaire des sociétés THIRIX, DU VILLAGE, et LA PIERRE PLANTEE, par le Président du Tribunal de Commerce de Nîmes, intervient volontairement à la procédure aux fins de régularisation.
Chacune des sociétés concernées est en effet sous procédure collective (sauf la SCI du Moulin). L'historique est le suivant :
- 22.06.2012 ' Jugement ouvrant la procédure de Sauvegarde de la société THIRIX
- 04.03.2014 ' Jugement arrêtant le plan de Sauvegarde de la société THIRIX
- 30.03.2014 ' Date de cessation des paiements (fixée par jugement 03.02.2015)
- 03.02.2015 ' Résolution plan de Sauvegarde THIRIX ouverture Redressement Judiciaire
- Ordonnance admission passif du redressement Judiciaire non contesté 4 945 219, 43 €
- 26.07.2016 ' Liquidation Judiciaire de la société THIRIX
- 28.02.2017 ' Extension de la Liquidation Judiciaire aux Sociétés Civiles Immobilières PIERRE PLANTEE et DU VILLAGE
- 5 Décembre 2020 ' Ordonnance désignant la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], en qualité de Liquidateur judiciaire de la SAS THIRIX, en remplacement de Maître I. M.
- 12 Décembre 2020 ' Ordonnances désignant la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], en qualité de Liquidateur judiciaire des SCI PIERRE PLANTEE et DU VILLAGE, en remplacement de Maître I. M.
- 26 janvier 2022 ' Arrêt Cour d'appel de Nîmes du 26 janvier 2022, prononçant l'ouverture du redressement judiciaire de la SAS VIGACHA,
- 22 mars 2022 ' Jugement de désignation des organes de la procédure du Tribunal de Commerce de Nîmes, désignant la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], en qualité de Mandataire judiciaire de la SAS VIGACHA.
Les passifs des sociétés sont les suivants :
- pour la société THIRIX, les déclarations de créances enregistrées pour 5 740 746 € sont admises pour 5 433 874 €.
- pour la société PIERRE PLANTEE, le passif est déclaré à hauteur de 6 585 k€ (dont instance en cours contre le CRCA)
- celui de la société DU VILLAGE est déclaré à hauteur de 6 381 k€ (dont instance en cours contre le CRCA)
Maître [M], ès-qualités, ayant désormais était remplacé par la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], agissant ès-qualités de Liquidateur judiciaire des SAS THIRIX, SCI DU VILLAGE et SCI LA PIERRE PLANTEE, celui-ci entend solliciter sa mise hors de cause. Dans l'intervalle, la SAS VIGACHA ayant été placée en redressement judiciaire, la SELARL SBCMJ ès-qualités, intervient volontairement à la présente instance, afin de régulariser la procédure.
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Dans leurs dernières conclusions, Monsieur X. et la SAS Vigacha, la SCI du Moulin, la SCI du Village, la SCI de la Pierre Plantée, la SAS Thirix demandent à la cour de :
SUR L'INCIDENT de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard :
- DECLARER recevables les conclusions notifiées par [U] [T] le 12 avril 2022 et le 15 avril 2022 ;
- DECLARER recevables les pièces 144 et 146 à 149 notifiées le 12 avril 2022 et le 15 avril 2022 ;
- DEBOUTER la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Gard de ses demandes, fins et conclusions :
En tant que de besoin :
- REVOQUER l'ordonnance de clôture en date du 9 décembre 2021 et RENVOYER l'affaire à une audience ultérieure ;
AU FOND :
- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Nîmes du 3 mars 2020 en ce qu'il a :
En ce qui concerne Monsieur X.,
' jugé que les engagements de caution de Monsieur X. n'étaient pas disproportionnés à ses capacités patrimoniales
' en ce qu'il n'a pas déchargé Monsieur X. de son obligation de caution du fait de la perte du bénéfice de subrogation
En ce qui concerne les sociétés appelantes,
' en ce qu'il a jugé que la banque n'avait pas manqué à son obligation de réalisation des tranches supplémentaires du prêt
' en ce qu'il a jugé que la banque n'avait pas rompu de manière brutale et abusive les crédits consentis aux sociétés appelantes
' en ce que la banque n'avait pas octroyé de crédits excessifs
' en ce que la banque n'avait pas manqué à son obligation de conseil
' en ce que les sociétés appelantes ont été déboutées de leur demande de dommages et intérêts
' omis de statuer sur la nullité de la stipulation conventionnelle des intérêts pour les prêts litigieux
ET STATUANT A NOUVEAU :
Sur les demandes de Monsieur X., appelant
- DÉBOUTER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC de l'intégralité de ses demandes dirigées à l'encontre de [U] [T], en sa qualité de caution ;
Sur les demandes des sociétés appelantes :
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à la SAS VIGACHA des dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi, à hauteur de l'endettement de cette société à l'égard de la banque CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC, à savoir :
' La somme de 2.000.000 d'euros correspondant au capital emprunté au titre du prêt consenti en mai 2004 à la SAS VIGACHA, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
' La somme de 390.000 euros correspondant au capital emprunté au titre du prêt octroyé en octobre 2005 à la SAS VIGACHA, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à la SAS THIRIX des dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi, à hauteur de l'endettement de cette société à l'égard de la banque CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC, à savoir :
' La somme de 1 200.000 euros correspondant au capital emprunté au titre du prêt octroyé le 6 octobre 2005 à la société THIRIX, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à la SCI DU MOULIN des dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi, à hauteur de l'endettement de cette société à l'égard de la banque CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC, à savoir :
' La somme de 280.000 euros correspondant au capital emprunté au titre de l'octroi du prêt accordé à la SCI DU MOULIN en novembre 2006, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à la SCI LA PIERRE PLANTÉE des dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi, à hauteur de l'endettement de cette société à l'égard de la banque CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC, à savoir :
' La somme de 2 227 580 euros correspondant au capital emprunté au titre de l'octroi du prêt accordé à la SCI LA PIERRE PLANTÉE, en date d'août 2006, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
' La somme de 800.000 euros correspondant au capital emprunté au titre du prêt consenti en juin 2007 à la SCI LA PIERRE PLANTÉE, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
' La somme de 2.000.000 d'euros correspondant au capital emprunté au titre de l'octroi du prêt accordé à la SCI LA PIERRE PLANTÉE en date du 1er octobre 2010, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à la SCI DU VILLAGE des dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi, à hauteur de l'endettement de cette société à l'égard de la banque CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC, à savoir :
' La somme de 320.000 euros correspondant au capital emprunté au titre du prêt consenti le 22 décembre 2006 à la SCI DU VILLAGE, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
' La somme de 676 500 euros correspondant au capital emprunté au titre de l'octroi du prêt accordé en février 2007 à la SCI DU VILLAGE, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
' La somme de 290.000 euros correspondant au capital emprunté au titre de l'octroi du prêt de mars 2007, consenti sur une durée de 168 mois à la SCI DU VILLAGE, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
' La somme de 230.000 euros correspondant au capital emprunté au titre du prêt consenti le 9 août 2007 à la SCI DU VILLAGE, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
' La somme de 4.000.000 d'euros correspondant au capital emprunté au titre de l'octroi du prêt notarié en date du 27 avril 2009, accordé à la SCI DU VILLAGE, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
' La somme de 800.000 euros correspondant au capital emprunté au titre du prêt octroyé le 22 juillet 2009 à la SCI DU VILLAGE, augmentée des intérêts dus jusqu'au jour de l'exécution de la décision à intervenir et, le cas échéant, des indemnités contractuelles de recouvrement.
En toute hypothèse :
Pour la SAS VIGACHA, appelante :
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à rembourser à la SAS VIGACHA :
' le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° 529675011PR, soit la somme de 117 995,02 euros.
' le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G01P8C015PR, soit la somme de 4 796.05 euros.
- ASSORTIR :
' le prêt n° 529675011PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
' le prêt n° G01P8C015PR soit assorti du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
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Pour la SAS THIRIX, appelante :
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à rembourser à la SAS THIRIX le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G01CCX012PR, soit la somme de 35 429.27 euros.
- ASSORTIR le prêt n° G01CCX012PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
Pour la SCI DU MOULIN, appelante :
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à lui rembourser le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G03UU1010PR, soit la somme de 34 819.69 euros.
- ASSORTIR le prêt n° G03UU1010PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
Pour la SCI LA PIERRE PLANTÉE, appelante :
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à rembourser à la SCI LA PIERRE PLANTÉE :
' le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G03CYW019PR, soit la somme de 266 057.95 euros.
' le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G05CJC014PR, soit la somme de 79 439.64 euros
- ASSORTIR :
' le prêt n° G03CYW019PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
' le prêt n° G05CJC014PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
' le prêt n° 016K1P011PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
Pour la SCI DU VILLAGE, appelante :
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à rembourser à la SCI DU VILLAGE :
' le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° 01BV1B015PR, soit la somme de 22 900,81 Euros
' le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° 01WY0701SPR, soit la somme de 76 436 Euros
' le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G04P7E014PR, soit la somme de 32 870,63 Euros
' le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G05AW8018PR, soit la somme de 75 277.21 euros.
' le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G052R3012PR, soit la somme de 32 155,80 Euros.
' le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° 01UZRX012PR, soit la somme de 180 588,97 euros.
- ASSORTIR :
' le prêt n° 01BV1B015PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
' le prêt n° 01WY0701SPR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
' le prêt n° G04P7E014PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
' le prêt n° G05AW8018PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
' le prêt n° G052R3012PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
' le prêt n° 01UZRX012PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
- ORDONNER la compensation entre ces condamnations et toutes sommes dont chacune des sociétés appelantes ainsi que Monsieur X. en sa qualité de caution seraient débiteurs au profit de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC ;
- ASSORTIR les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation du 20 août 2012 ;
- ORDONNER la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an.
- DÉBOUTER en tout état de cause la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à chacune des appelants la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et DIRE que ceux-ci pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Les appelants informent tout d'abord la cour, qui pourrait d'office surseoir à statuer, de ce qu'elle a déposé une plainte pénale le 18 mars 2022 pour escroquerie en bande organisée.
Ils précisent avoir notifié leurs écritures et pièces les 12 et 15 avril 2022 pour une clôture au 21 avril 2022, de sorte qu'elles sont recevables. Pour autant, ils ne s'opposent pas à une révocation de l'ordonnance de clôture avec renvoi de l'affaire à une date ultérieure.
Sur le fond, Monsieur X. soutient que l'engagement de caution du 30 juin 2004 pour un montant de 1 200.000 euros représentant 60% du capital emprunté est manifestement disproportionné car il représentait près de 7 fois la valeur de ses biens et revenus. Le second engagement de caution d'un montant de 468.000 euros est également manifestement disproportionné, ses biens et revenus étant similaires mais son endettement s'étant aggravé avec le précédent cautionnement et un autre cautionnement souscrit le 20 septembre 2005 pour un montant de 720.000 euros.
Il indique ne pas être revenu à meilleure fortune, étant titulaire du RSA et en état de surendettement.
Il soutient être déchargé de son obligation sur un autre fondement, celui de la perte du bénéfice de subrogation car la banque n'a pas déclaré ses créances au passif de la procédure collective de la société Vigacha
Il considère que la banque a engagé sa responsabilité contractuelle pour inexécution de son obligation de réalisation des tranches supplémentaires du prêt, sans que l'on ne puisse lui opposer l'article L.650-1 du code de commerce qui régit les octrois fautifs de concours mais non les ruptures abusives de crédit. En tout état de cause, la banque s'était immiscée fautivement dans le fonctionnement de ses sociétés. La faute de la banque consiste à ne pas avoir débloqué une tranche d'un crédit accordé en connaissance du fait que ce financement était destiné au paiement des échéances des crédits souscrits par les SCI. En refusant ce déblocage, la banque a conduit la SCI du Village dans une impasse de trésorerie et a coupé court au projet immobilier en cours.
La banque a manqué à ses obligations contractuelles en prononçant la déchéance des termes des concours consentis en violation des obligations de cohérence, de coopération et de loyauté car la banque avait donné son accord pour accompagner les sociétés du groupe Vigacha jusqu'au terme du projet d'extension de l'hypermarché et Monsieur X. a toujours été d'une transparence totale vis-à-vis de son banquier. En définitive, la dénonciation des concours bancaires suite à des impayés qui étaient prévisibles n' a constitué qu'un prétexte pour se désengager du projet de construction que la banque s'était clairement engagée à soutenir et une mesure de rétorsion à l'égard de Monsieur X. qui voulait privilégier un plan de financement du projet pour préserver l'intégralité de ses droits dans le capital du groupe Vigacha. Non seulement cette rupture des crédits était abusive mais elle était aussi brutale, le délai de préavis n'étant que de 8 jours.
Les appelants développent également un moyen nouveau en appel fondé sur l'article L.442-6 I 2° du code de commerce en reprenant les mêmes arguments que précédemment.
Subsidiairement, les appelants invoquent un manquement au devoir de conseil de la banque et l'octroi de crédits excessifs. Il s'avérait en effet, dès l'origine, que les charges de la dette, de plusieurs millions d'euros, étaient insupportables pour les deux SCI, les autres sociétés du groupe Vigacha étant elles-mêmes endettées, de sorte que l'endettement global du groupe atteignait la somme de 13 625 188,60 euros. La banque devait donc mettre en garde la caution et les emprunteurs, étant précisé que Monsieur X. n'est pas une caution avertie ;
Les appelants concluent à l'irrégularité de la stipulation conventionnelle des intérêts et font valoir que leur demande est recevable car la prescription ne court qu'à compter de la connaissance de la nullité, qui est apparue avec le dépôt du rapport de l'expert le 2 avril 2013. Or les demandes sur ce point ont été formées par conclusions du 11 janvier 2014 et ne sont donc pas prescrites. L'expert établissant que Le TEG mentionné par la banque est erroné, il doit y avoir soit restitution d'un différentiel lorsque le prêt est terminé, soit substitution du taux d'intérêt légal si le prêt est en cours.
Dans ses dernières conclusions, Me [M] es qualités de liquidateur judiciaire de la société Thirix, intimé et appelant incident, Me [M] es qualités de liquidateur judiciaire de la SCI du Village et de la SCI de la Pierre Plantée, appelant, de la SELARL SBCMJ es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Thirix, de la SCI du Village et de la SCI La Pierre Plantée, intervenante volontaire, de la SELARL SBCMJ es qualités de mandataire judiciaire de la SAS Vigacha, intervenante volontaire, demandent à la cour de :
PRENDRE acte de l'ordonnance du Conseiller de la Mise en l'Etat, ayant prononcé, la
recevabilité de l'appel incident formé par Maître I. M., ès-qualités de Liquidateur Judiciaire de la SAS THIRIX, ainsi que celle de l'appel interjeté par Maître I. M., ès qualités de Liquidateur judiciaire des SCI DU VILLAGE et SCI LA PIERRE PLANTEE,
RECEVOIR ET FAIRE DROIT à l'intervention volontaire de la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], en sa qualité de Liquidateur judiciaire des sociétés THIRIX, DU VILLAGE et LA PIERRE PLANTEE, en remplacement de Maître I. M., ès qualités, suivant ordonnances du Président du Tribunal de Commerce de Nîmes des 5 et 12 décembre 2020, et la recevoir en ses demandes fins et conclusions en conséquence.
ORDONNER la mise hors de cause de Maître I. M., ès-qualités, en l'état de
l'intervention volontaire, en lieu et place, de la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], en sa qualité de Liquidateur judiciaire des sociétés THIRIX, DU VILLAGE et LA PIERRE PLANTEE,
RECEVOIR ET FAIRE DROIT à l'intervention volontaire de la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], agissant ès-qualités de Mandataire judiciaire de la SAS VIGACHA, fonction à laquelle il a été nommé suivant jugement du Tribunal de commerce de Nîmes en date du 22 mars 2022., et la recevoir en ses demandes fins et conclusions en conséquence.
PRENDRE acte que la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], agissant ès-qualités de Mandataire judiciaire de la SAS VIGACHA, s'en rapporte à justice, sur les demandes formulées par la SAS VIGACHA, prise en ses représentants légaux,
INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Nîmes du 03 mars 2020 en ce qu'il a débouté les sociétés appelantes de leurs demandes à l'encontre de la banque,
ET STATUANT A NOUVEAU :
Vu les anciens articles 1134, 1147 et l'article 1154 du Code civil,
Vu l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier,
Vu les articles L. 313-1 et R313-1 du Code de la consommation,
DEBOUTER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], ès-qualités de Liquidateur judiciaire de la SAS THIRIX, en remplacement de Maître I. M., ès-qualités, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par son administrée, à hauteur de l'endettement de cette société à l'égard de la banque CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC, à savoir :
- La somme de 281 245,60 euros, outre intérêts au taux de 3,60 % + 3 points, à compter du 26 juillet 2016, au titre du prêt octroyé le 6 octobre 2005.
CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], ès-qualités de Liquidateur judiciaire de la SCI LA PIERRE PLANTÉE, en remplacement de Maître I. M., ès-qualités, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par son administrée, à hauteur de l'endettement de cette société à l'égard de la banque CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC, à savoir :
- La somme de 2 761 233,57 euros, outre intérêts au taux de 4,84 %, à compter du 28
février 2017, au titre de l'octroi du prêt en date d'août 2006.
- La somme de 845.000 euros, outre intérêts au taux de 4,79 %, à compter du 28
février 2017, au titre du prêt consenti en juin 2007.
- La somme de 2 500 351,31 euros, outre intérêts au taux de 3,82 %, à compter du 28
février 2017, au titre de l'octroi du prêt accordé en date du 1er octobre 2010.
CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], ès-qualités de Liquidateur judiciaire de la SCI DU VILLAGE, en remplacement de Maître I. M., ès qualités, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par son administrée, à hauteur de l'endettement de cette société à l'égard de la banque CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC, à savoir :
- La somme de 369 858,94 euros, outre intérêts au taux de 4,56 %, à compter du 28
février 2017, au titre du prêt consenti le 22 décembre 2006.
- La somme de 788 120,30 euros, outre intérêts au taux de 4,79 %, à compter du 28
février 2017, au titre de l'octroi du prêt accordé en février 2007.
- La somme de 344 171,79 euros, outre intérêts au taux de 4,84 %, à compter du 28
février 2017, au titre de l'octroi du prêt de mars 2007, consenti sur une durée de 168
mois.
- La somme de 240 203,93 euros, outre intérêts au taux de 5,43 %, à compter du 28
février 2017, au titre du prêt consenti le 9 août 2007.
- La somme de 3 017 718,14 euros, outre intérêts au taux de 5,35 %, à compter du 28
février 2017, au titre de l'octroi du prêt notarié en date du 27 avril 2009.
- La somme de 995 514,23 euros, outre intérêts au taux de 5,33 %, à compter du 28
février 2017, au titre du prêt octroyé le 22 juillet 2009.
CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à rembourser à la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], ès-qualités de Liquidateur judiciaire de la SCI LA PIERRE PLANTÉE, en remplacement de Maître I. M., ès-qualités :
- Le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G03CYW019PR, soit la somme de 266
057.95 euros.
- Le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G05CJC014PR, soit la somme de 79 439.64 euros
ASSORTIR :
- Le prêt n° G03CYW019PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir
jusqu'à son terme.
- Le prêt n° G05CJC014PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à
son terme.
- Le prêt n° 016K1P011PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à
son terme.
CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à rembourser à la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], ès-qualités de Liquidateur judiciaire de la SCI DU VILLAGE, en remplacement de Maître I. M. :
- Le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° 01BV1B015PR, soit la somme de 22
900,81 Euros
- Le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° 01WY0701SPR, soit la somme de 76
436 Euros
- Le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G04P7E014PR, soit la somme de 32
870,63 Euros
- Le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G05AW8018PR, soit la somme de 75
277.21 euros.
- Le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° G052R3012PR, soit la somme de 32
155,80 Euros.
- Le différentiel d'intérêts d'emprunt entre le taux de l'intérêt légal et le taux non conventionnel qu'elle a appliqué pour le prêt n° 01UZRX012PR, soit la somme de 180
588,97 euros.
ASSORTIR :
- Le prêt n° 01BV1B015PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à
son terme.
- Le prêt n° 01WY0701SPR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à
son terme.
- Le prêt n° G04P7E014PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à
son terme.
- Le prêt n° G05AW8018PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à son terme.
- Le prêt n° G052R3012PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à
son terme.
- Le prêt n° 01UZRX012PR du taux annuel légal, pour la période restant à courir jusqu'à
son terme.
ASSORTIR les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de
l'assignation du 20 août 2012,
ORDONNER la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'un an,
CONDAMNER la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC à payer à la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], ès-qualités, la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de leurs prétentions, ces parties exposent que la responsabilité de la banque est engagée car :
Elle a refusé de débloquer le solde du prêt de 4.000.000 euros accordé à la SCI du Village alors qu'elle était engagée contractuellement à fournir cette somme, l'objet du financement portant sur la trésorerie et les besoins en trésorerie ; ce faisant la banque, qui ne voulait pas limiter l'aggravation du passif, puisqu'elle a accordé un nouveau prêt par la suite, a bloqué l'opération commerciale avec le groupe Auchan ; l'application de l'article L.650-1 du code de commerce, retenue par le tribunal, étrangère au cas d'espèce car il ne s'agit pas d'un octroi fautif de crédit mais d'un refus de libération des fonds d'un crédit consenti ;
Elle a rompu abusivement et brutalement les crédits accordés aux sociétés du groupe Vigacha, en ne donnant qu'un délai de préavis de 8 jours en violation des dispositions de l'article L.313-12 du code monétaire et financier,
Elle a manqué à son devoir de mise en garde et octroyé des crédits excessifs de l'ordre de plusieurs millions d'euros.
L'argumentation de Monsieur X. sur l'erreur de TEG dans les prêts est en outre adoptée, sauf celle afférente au prêt accordé à la société Thirix en raison d'une admission de la créance par ordonnance du juge commissaire du 7 juillet 2016.
Dans ses dernières conclusions, la banque demande à la cour de :
A propos de l'incident sur les conclusions de dernière minute de M. [U] [T], la SAS VIGACHA, la SCI DU MOULIN, la SCI DU VILLAGE, la SCI LA PIERRE PLANTEE, la SAS THIRIX :
Vu les articles 15, 16, 135 du code de procédure civile
Ecarter des débats et dire irrecevables les conclusions notifiées le 12 avril 2022 et le 15 avril 2022 par M. [U] [T], la SAS VIGACHA, la SCI DU MOULIN, la SCI DU VILLAGE, la SCI LA PIERRE PLANTEE, la SAS THIRIX,
En tout état de cause, écarter et dire irrecevables, même si les écritures tardives sont admises, les pièces numérotées 144 et 146 à 149 communiquées le 12 avril 2022 par ces mêmes parties.
A propos de l'exception dilatoire de procédure suggérée, à supposer que la Cour statue :
Dire n'y avoir lieu à surseoir à statuer
Sur l'action en paiement de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc :
VU l'art 1103, 2288 et suivants du Code Civil,
Condamner M. [U] [T] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc :
- Au titre du prêt 529675011PR 1.539.619,21 € à majorer des intérêts au taux conventionnel de 3,9 % l'an du 10/05/2012 jusqu'à parfait paiement.
- Au titre du prêt G01P8C015PR de 291.667,20 € à majorer des intérêts au taux conventionnel de 3,5% l'an du 10/05/2012 jusqu'à parfait paiement.
Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,
Sur les actions de la SCI DU VILLAGE, SCI PIERRE PLANTEE, SAS VIGACHA, SAS THIRIX, en réparation des préjudices prétendument subis du fait des concours consentis,
Vu les articles L 110-4, L 650-1 du code de commerce,
Vu l'ordonnance d'irrecevabilité de la déclaration d'appel du liquidateur de la SAS THIRIX et le principe du dessaisissement,
LES DIRE ET JUGER IRRECEVABLES
Vu l'article 1147 du code civil alors applicable,
LES DIRE ET JUGER SANS FONDEMENT ET LES REJETER
Sur l'action de la SCI DU MOULIN en réparation des préjudices prétendument subis du fait du concours consenti le 19/12/2006
Dire et juger l'action irrecevable comme prescrite,
Dire et juger l'action infondée en l'absence de démonstration d'une faute du créancier et d'un préjudice indemnisable en lien de causalité avec la faute prétendue.
DEBOUTER en conséquence l'ensemble des sociétés VIGACHA, THIRIX, PIERRE PLANTEE, DU VILLAGE, DU MOULIN de leurs demandes, fins et conclusions comme étant injustes, infondées et en tous les cas irrecevables.
Sur les actions en contestation du TEG des prêts :
- Sur l'action de toutes les sociétés : VIGACHA, THIRIX, PIERRE PLANTEE, DU VILLAGE, DU MOULIN
Vu l'article 1304 du code civil alors applicable, 2224 du code civil,
Dire et juger l'action irrecevable tenant la prescription
Vu les articles L 313-1, L 313-2, R 313-1 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016,
Dire et juger sans base légale les actions en nullité des stipulations des intérêts des prêts et les rejeter, ainsi que toutes prétentions y attachées
- Sur l'action VIGACHA
Vu l'article L 622-26 du code de commerce, 31 du code de procédure civile,
Dire et juger l'action irrecevable tenant l'absence d'intérêt à agir
Sur le fond,
Vu les articles 16 cpc, 1353 c civil, R 313-1, L 313-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable,
Dire et juger l'action infondée, rejeter toutes les demandes, fins et conclusions
- Sur l'action THIRIX
Vu l'article 1355 du code civil,
Dire et juger l'action irrecevable tenant l'autorité de la chose jugée attachée à l'admission au passif
Sur le fond,
Vu les articles 16 cpc, 1353 c civil, R 313-1, L 313-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable,
Dire et juger l'action infondée, rejeter toutes les demandes, fins et conclusions
- Sur l'action SCI DU Village, SCI PIERRE PLANTEE
Sur le fond,
Vu les articles 16 cpc, 1353 c civil, R 313-1, L 313-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable,
Dire et juger l'action infondée, rejeter toutes les demandes, fins et conclusions
- Sur l'action SCI DU MOULIN
Vu l'article 1355 du code civil
Dire et juger l'action irrecevable tenant l'autorité de la chose jugée par jugement d'orientation
Sur le fond,
Vu les articles 16 cpc, 1353 c civil, R 313-1, L 313-1 du code de la consommation dans leur rédaction applicable,
Dire et juger l'action infondée, rejeter toutes les demandes, fins et conclusions
Sur les frais irrépétibles et les dépens
CONDAMNER M. [U] [T] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc la somme 6.000 € sur le fondement de l'art. 700 C.P.C. ainsi qu'aux dépens de l'instance.
La banque conclut au rejet des conclusions notifiées par Monsieur X. les 12 et 15 avril 2021 car elles comportent des moyens nouveaux et sont accompagnées d'une masse de pièces nouvelles communiquées seulement le 12 avril 2022 alors que Monsieur X. les détenait depuis longtemps. Elle réfute le bien-fondé d'un sursis à statuer, tel que suggérés par les appelants.
Elle soutient que les cautionnements ne sont pas manifestement disproportionnés, Monsieur X. ne rapportant pas la preuve qui lui incombe au moyen de quelques pièces éparses. C'est ainsi que son patrimoine immobilier est sous-évalué et qu'il est omis de prendre en considération les parts sociales qu'il détient dans ses sociétés. Si une exacte évaluation est faite, les biens et revenus de Monsieur X. lui permettent d'assumer la totalité de ses engagements, tant au moment de la souscription qu'au moment où il est assigné.
Elle fait valoir que sa déclaration de créance au passif de la société Vigacha n'était pas utile car même si sa créance était admise, la banque n'aurait pas été désintéressée
Elle invoque la fin de non-recevoir tirées de l'article L.650-1 du code de commerce, les sociétés étant sous procédure collective. Elle conteste s'être immiscée dans leur gestion, se limitant à étudier les demandes de financement. Elle prétend que les demandes relatives au manquement au devoir de mise en garde sont prescrites car le dommage invoqué apparaît à la date du concours. Or les crédits ont été accordés entre 2004 et 2007.
Sur le fond, la banque expose que les financements accordés n'avaient pas de lien avec le projet d'hypermarché et que les besoins de trésorerie ne peuvent se confondre avec une confusion des patrimoines et un état de cessation des paiements. La déchéance du terme en raison d'impayés ne se confond pas avec une rupture de concours et la banque a eu bien du mal à suivre le dirigeant dans ses demandes fluctuantes relatives à ce projet d'hypermarché dont elle n'a jamais pu véritablement connaître la teneur, le coût, les partenaires commerciaux et financiers, les capacités d'auto-financement etc
La banque indique encore que le texte de l'article L.442-6 I 2° du code de commerce ne concerne pas les établissements de crédit
Elle estime ne pas être tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'un emprunteur averti, Monsieur X. exploitait un supermarché, maîtrisait le foncier, déposait des dossiers devant la commission nationale d'aménagement commercial. L'endettement n'était pas excessif, les difficultés de paiement proviennent de l'incapacité de Monsieur X. à trouver des partenaires financiers et commerciaux. Les procédures en extension de procédure collective et en comblement de l'insuffisance d'actif démontrent les fautes de gestion du dirigeant, qui sont de nature à exclure toute faute du banquier. En tout état de cause, le préjudice n'est pas réparable, car il faudrait connaître le passif admis, déduire le montant de l'actif, les dettes résultant de la liquidation, les dettes de la banque elle-même, les frais de la procédure collective. Une fois ces calculs réalisés, il ne reste potentiellement qu'un passif de nature fiscale échu qui sera « certainement » éteint par la réalisation des actifs, de sorte que la preuve d'un préjudice fait défaut.
En ce qui concerne la stipulation conventionnelle de l'intérêt, la banque conclut à son irrecevabilité, la prescription étant acquise eu égard à la date de conclusion des contrats. En outre, la société Vigacha est irrecevable à agir, la banque n'ayant pas déclaré sa créance.L'autorité de la chose jugée s'oppose à la recevabilité de l'action de la société Thirix, le juge commissaire ayant admis la créance. La SCI du Moulin est irrecevable car la cour d'appel a déjà déclaré cette demande prescrite.
Sur le fond, la banque conclut au débouté des demandes des appelants en l'absence d'écart à la décimale, des frais étant inclus de manière erronée dans les calculs. L'expertise ayant été faite unilatéralement, les appelants ne peuvent fonder sur cette seule pièce.
Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION
Sur la procédure :
Il convient de recevoir l'intervention volontaire de la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], en sa qualité de Liquidateur judiciaire des sociétés THIRIX, DU VILLAGE et LA PIERRE PLANTEE, en remplacement de Maître I. M., ès qualités, suivant ordonnances du Président du Tribunal de Commerce de Nîmes des 5 et 12 décembre 2020, d'ordonner la mise hors de cause de Maître I. M., ès-qualités, en l'état de l'intervention volontaire, en lieu et place, de la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], en sa qualité de Liquidateur judiciaire des sociétés THIRIX, DU VILLAGE et LA PIERRE PLANTEE,
L'intervention volontaire de la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], agissant ès-qualités de Mandataire judiciaire de la SAS VIGACHA, fonction à laquelle il a été nommé suivant jugement du Tribunal de commerce de Nîmes en date du 22 mars 2022, sera également reçue.
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Il convient de rappeler que la cour va statuer sur les demandes de Monsieur X. formulées dans ses dernières conclusions déposées le 21 avril 2022, dont il n'est pas demandé le rejet.
Les moyens et pièces nouveaux ont été communiqués aux parties adverses les 12 et 15 avril 2022. La clôture étant fixée au 21 avril 2022, les autres parties avaient suffisamment de temps pour les examiner et y répondre. Les conclusions du 21 avril 2022 déposées par Monsieur X. ne font que répondre à la demande de la banque tendant à voir écarter les conclusions notifiées les 12 et 15 avril 2022 ainsi que les pièces numérotées 144 et 146 à 149.
Ainsi que l'indique justement Monsieur X. dans ses conclusions, la plainte pénale reprend pour partie l'argumentation développée dans la présente instance et des pièces qui avaient d'ores et déjà été communiquées.
S'il existe peut-être une stratégie à déposer une plainte pénale en 2022 pour des faits allégués datant de plusieurs années, il n'en demeure pas moins que le principe du contradictoire a été respecté et qu'il n'y a lieu à écarter ni les conclusions ni les pièces 144 et 146 à 149 déposées par Monsieur X. entre les 12 et 15 avril 2022.
La banque s'oppose à la demande de sursis à statuer « suggérée » par Monsieur X..
Il n'y a effectivement aucune demande de sursis à statuer mentionnée dans le dispositif de ses écritures, de sorte que la cour n'est pas saisie de cette exception.
Sur le fond :
Sur les cautionnements signés par Monsieur X.
La banque a prêté à la société Vigacha, le 30 juin 2004 la somme de 2.000.000 euros et Monsieur X. s'est porté caution solidaire de la société dans la limite de 1 200.000 euros.
La banque a ensuite prêté à la société Vigacha le 24 octobre 2005, la somme de 390.000 euros et Monsieur X. s'est porté caution solidaire de la société dans la limite de 468.000 euros.
Aucune fiche de situation patrimoniale n'a été remplie ou signée par la caution.
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L' ancien article L.341-4 du code de la consommation prévoit qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où elle est appelée, ne lui permettre de faire face à ses obligations.
La disproportion manifeste du cautionnement doit être évaluée lors de la conclusion du contrat, au regard du montant de l'engagement et en fonction des revenus et du patrimoine de la caution, en prenant également en considération l'endettement global de celle-ci. Il ne peut cependant être tenu compte d'un cautionnement antérieur que le juge aurait déclaré nul, car il est ainsi anéanti rétroactivement.
Si en vertu de ces dispositions, la sanction d'une disproportion manifeste entre la situation patrimoniale de la caution au moment de son engagement et le montant de celui-ci est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement souscrit, il incombe à la caution de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle allègue. Le créancier est quant à lui en droit de se fier aux informations qui lui ont été fournies dans la fiche de renseignements et de les opposer à la caution quand il est en possession d'une fiche certifiant exacts les renseignements donnés.
En tout état de cause, l'absence de fiche de patrimoine remplie et certifié exact le jour même de l'engagement de caution ne crée aucune présomption de disproportion manifeste de celui-ci, la preuve de la disproportion en incombant toujours à la caution.
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A la date des engagements, Monsieur X. était propriétaire de sa résidence principale acquise, selon acte authentique du 11 septembre 2001 pour une valeur de 70.000 euros grâce à un prêt immobilier accordé en 2001 par la banque (financement intégral). L'attestation immobilière produite par la banque n'est pas probante car il s'agit d'une évaluation d'un bien faite en 2020, alors qu'il convient de se placer au moment de l'engagement de la caution.
La société Vigacha a été créée le 25 juin 2004 pour acquérir les parts de la société Thirix. Il s'agit d'une société par actions simplifiées, dont le capital social est fixé à 266 192 euros. La banque ne peut être suivie lorsqu'elle indique que la société Vigacha est une société mère détenant soit par des sociétés d'exploitation, soit des sociétés civiles immobilièes des réserves financières valorisées à 12.000.000 euros par un expert. En effet à la date de souscription des engagements, les SCI n'avaient pas encore été créées.
Et s' il est exact que la société Vigacha a acquis en juin 2004 l'intégralité du capital social de la société Thirix, pour un montant de 2 600.000 euros, cette acquisition a été financée par le prêt de 2.000.000 euros dont Monsieur X. s'est portée caution dans la limite de 1 200.000 euros. Il est cependant indiqué dans la plainte pénale que le prix de cession a pu être partiellement financé par un capital propre de Monsieur X. d'un montant de 207 789 euros provenant d'une indemnité conventionnelle de licenciement.
Il s'en déduit donc qu'en juin 2004, le patrimoine de Monsieur X. est nul en ce que le bien immobilier est financé par un prêt. Ses revenus se sont élevés à la somme de 207 789 euros apportée à la société Vigacha, dont il détient les parts sociales d'un montant de 266 192 euros. Son avis d'imposition sur les revenus de 2004 établit que Monsieur X. a perçu un revenu annuel de 105 165 euros.
Soit un total de 579 146 euros.
Ces revenus et patrimoine sont donc manifestement disproportionnés face à un endettement de 1 200.000 euros
Il en est de même en ce qui concerne l'engagement de caution du 24 octobre 2005 car ses revenus et patrimoine sont sensiblement identiques alors que Monsieur X. doit faire face à un endettement antérieur de 1 200.000 euros auquel s'ajoute un engagement de caution du 20 septembre 2005, en garantie d'un emprunt de la société Thirix.
Contrairement à ce que soutient la banque, ces précédents engagements de caution, qui n'ont pas été annulés, doivent être pris en compte car ils redeviennent efficients en cas de retour à meilleure fortune de la caution. Il est donc indifférent que le tribunal judiciaire d'Alès ait retenu que le cautionnement de 720.000 euros du 20 septembre 2005 était manifestement disproportionné.
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La banque, qui invoque un retour à meilleure fortune de Monsieur X., a la charge de la preuve. Elle peut, à ce stade valablement invoquer la valeur du bien immobilier de Monsieur X., estimée entre 600.000 et 700.000 euros, qui correspond dans sa fourchette basse à l'estimation faite par l'agent immobilier mandaté par Monsieur X. en 2013 (590.000 euros). Monsieur X. disposant de revenus annuels en 2012 d'un montant de 205 482 euros a signé en 2009 et 2010 d'autres engagements de caution pour 1 040.000 euros et 600.000 euros, par actes notariés, pour garantir les emprunts de la SCI de la Pierre Plantée, avant qu'il ne soit assigné en paiement le 12 aout 2012.
La société Thirix est sous procédure de sauvegarde, de sorte que les parts sociales sont dévalorisées.
Monsieur X. est l'associé de la SCI du Village, avec la société Vigacha, laquelle est propriétaire d'un foncier, dont l'expert mandaté par la caution valorise le bien immobilier à la somme de 12.000.000 euros en octobre 2010. La réserve foncière existait encore au moment de l'assignation en justice de Monsieur X. à la requête de la banque qui démontre ainsi le retour à meilleure fortune de la caution. En effet, si les statuts de la SCI du Village ne sont pas communiqués, il ressort du jugement du 15 décembre 2016 prononcé par le tribunal de grande instance d'Alès que le capital de la SCI est détenu à 99,93% par la société Vigacha (elle-même détenue par Monsieur X.) et à 0,07% par Monsieur X.. Le patrimoine de la SCI, valorisant les parts sociales de la société Vigacha et de Monsieur X., au moment où il est appelé en justice, lui permettait par conséquent d'honorer ses engagement
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Monsieur X. soutient que le défaut de déclaration de la créance de la banque au passif de la société Vigacha le décharge de son engagement de caution.
La banque ne conteste pas le défaut de déclaration de sa créance au passif de la procédure de sauvegarde de la société Vigacha en 2012/2013.
Une créance non déclarée ne conduit pas à son extinction mais à l'inopposabilité à la procédure collective. Elle prive son titulaire des répartitions et des dividendes mais elle ne constitue pas une exception à la dette susceptible d'être opposée par la caution en vue de se soustraire à son engagement.
La décharge de la caution, au visa de l'article 2314 du code civil, ne se conçoit que si le créancier aurait pu tirer un avantage effectif du droit d'être admis dans les répartitions et les dividendes, susceptible d'être transmis à la caution par subrogation. La banque soutient que tel n'a pas été le cas.
Selon la banque, non contestée sur ce point, la procédure de sauvegarde de la société Vigacha a été ouverte le 8 août 2012 et clôturée le 5 avril 2016. Aucune indication n'est donnée sur l'arrêté d'un plan, le montant du passif et par voie de conséquence sur un avantage effectif du créancier d'être admis dans les répartitions. La société est à nouveau redevenue in bonis, a cessé son activité en 2019 avant d'être à nouveau placée en redressement judiciaire en 2022. Le mandataire judiciaire est intervenu volontairement à l'instance et s'en rapporte sur les demandes formulées par la banque.
La caution, qui invoque le bénéfice de subrogation, s'abstient de démontrer l'avantage effectif qu'aurait eu le créancier dans les répartitions et dividendes. Son moyen doit par conséquent être rejeté.
Il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la caution à payer à la banque la somme de 1 539 619,21 euros à majorer des intérêts au taux conventionnel de 3,9% l'an du 10 mai 2012 jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°529675011PR, celle de 291 667,20 euros à majorer des intérêts au taux conventionnel de 3,5% l'an du 10 mai 2012 jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°G01P8C015PR, le tout avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.
Sur la rupture abusive des crédits par la banque :
Sur l'application de l'article L.650-1 du code de commerce
La banque soutient que l'action en responsabilité pour rupture abusive est irrecevable en application de cet article qui soumet la responsabilité des banques à certaines conditions très strictes, non remplies en l'espèce.
Les emprunteurs et la caution réfutent cette argumentation. Ils exposent que la banque a accordé le 27 avril 2009 un prêt à la SCI du Village pour un montant de 4.000.000 euros, que le montant de ce prêt n'a été débloqué que partiellement et que l'emprunteur n'est pas parvenu à faire débloquer le solde résiduel de 1 587 391 euros malgré ses nombreuses sollicitations. C'est ce non-déblocage fautif qui est à l'origine de défauts de paiement ayant entraîné la rupture des divers concours bancaires. Leur moyen ne concerne donc pas l'octroi de ces crédits mais une rupture abusive desdits crédits, de sorte que l'article L.650-1 du code de commerce est inapplicable à l'espèce.
L'article L. 650-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, telle que par l'Ordonnance no2008-1345 du 18 décembre 2008 - art. 129, dispose :
'Lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.
Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge'.
- L'article L. 313-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable
en la cause, issue de la loi no2009-1255 du 19 octobre 2009 - art. 1 (version
applicable du 21/10/2009 au 1/01/2014), dispose :
'Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L'établissement de crédit ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d'autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.
L'établissement de crédit n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise.
Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit'.
Il ressort du libellé de ces textes que les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernent que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, en raison de l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, régi par l'article L.313-12 du code monétaire et financier.
L'article L.650-1 du code de commerce qui ne constitue pas le fondement juridique des prétentions des emprunteurs et n'est donc pas une cause d'irrecevabilité de leurs demandes.
Sur la prescription
La banque s'obstine à présenter les moyens des emprunteurs sur le fondement de l'octroi d'un concours ruineux ou excessif pour fixer le point de départ de la prescription à la date d'octroi desdits concours.
Or la responsabilité de la banque est invoquée pour rupture abusive de ses concours.
La banque a adressé des lettres de déchéance du terme de ses différents concours le 16 avril 2012, ce qui constitue le point de départ de la prescription. L'assignation en responsabilité de la banque datant d'août 2012, l'action n'est pas prescrite.
Sur le fond
Le prêt notarié d'un montant de 4.000.000 euros a pour objet le financement des « autres besoins de trésorerie », « trésorerie », « construction d'un bâtiment à usage professionnel », « bâtiment à usage commercial ». Il était accordé à la SCI du Village le 4 juin 2009.
C'est à la date du 28 octobre 2011 qu'a été réalisé le dernier déblocage partiel du prêt. Le solde à réaliser s'élevait effectivement à la somme de 1 587 391,40 euros et le montant des échéances de remboursement était porté à 16.000,30 euros.
Le 16 avril 2012, la banque adressait à l'emprunteur une lettre de mise en demeure, récapitulant ses divers impayés, dont un impayé de 105 423,39 euros au titre du prêt de 4.000.000 euros. Il était demandé à l'emprunteur de régulariser sa situation dans le délai de 8 jours à compter de la réception de la mise en demeure, sous peine d'acquisition de la déchéance du terme conventionnellement stipulée.
Les emprunteurs et la caution ne peuvent donc écrire en page 34 de leurs écritures que « la réalisation des tranches supplémentaires du prêt à ce stade, alors qu'aucun arriéré de paiement ne pouvait être imputé à la SCI du Village »' Cette allégation est en effet contraire à leur propre pièce 67.
Si l'objet du prêt comprenait le financement de la trésorerie de l'emprunteur (et non de toutes les sociétés du groupe), le déblocage de fonds est subordonné au respect par l'emprunteur de ses obligations, à savoir le paiement à bonne date de ses échéances, sauf à s'exposer à la déchéance du terme du prêt.
Les emprunteurs, caution, liquidateurs, administrateur judiciaire partent du principe que la banque ne peut se prévaloir de la clause d'exigibilité anticipée car elle a été mise en 'uvre de manière déloyale, pour couper court au projet d'une galerie commerciale dont les discussions avec les partenaires étaient pourtant bien avancées. Or, la banque s'était engagée à financer ce projet jusqu'à son terme.
Si la banque ne peut nier avoir été informée de ce projet et qu'il est établi que les nombreux concours financiers étaient accordés dans la perspective de la concrétisation dudit projet ' cf les nombreux courriels échangés entre Monsieur X. et la banque ' il ne peut lui être imputé une déloyauté dans la rupture des concours bancaires.
En effet, ainsi que le rappelle le jugement du 15 décembre 2016, relatif à la procédure collective de la SCI du Village (pièce 23 de la banque), la société Thirix a connu des difficultés financières croissantes. Elles sont même reconnues par les appelants qui indiquent en page 6 de leurs écritures « contre toute attente, le chiffre d'affaires de l'établissement ne dépassera jamais 12 500.000 euros malgré l'extension réalisée par Monsieur X. en 2006, ce qui génèrera des difficultés de trésorerie, outre un manque de résultat. De surcroît, l'implantation sur la zone de chalandise de la société Thirix d'un autre point de vente sous l'enseigne Intermarché, verra le potentiel de développement de l'intermarché acquis par [U] [T] fortement réduit ».
Le même jugement énonce que les différents prêts contractés par la SCI du Village avaient pour but de financer l'achat de diverses parcelles et biens immobiliers à proximité de l'Intermarché afin d'agrandir sa surface commerciale et de créer une galerie marchande. Mais la SCI n'a jamais pu donner à bail commercial à la société Thirix,( en raison des difficultés financières de cette dernière) la totalité de l'ensemble immobilier acquis.
Il ressort encore du jugement prononcé le 28 février 2017 par le tribunal de commerce de Nîmes qu'aucun bail n'aura été signé entre la société Thirix et la SCI du Village, hormis un bail dérogatoire en 2014, dont les loyers seront d'ailleurs irrégulièrement payés. Il est par contre caractérisé une confusion des patrimoines de la société Thirix et des deux SCI.
La banque, qui suivait effectivement de très près les comptes des sociétés du groupe, compte tenu de l'important montant des concours bancaires accordés, a constaté une accumulation des impayés liés aux difficultés sus-mentionnées et en a tiré les conséquences en mettant en demeure les emprunteurs de régulariser ces impayés, sous peine de déchéance des termes des prêts.
Elle a ainsi exécuté loyalement les contrats, constaté les défauts de paiement, déchu les emprunteurs de leur terme à défaut de régularisation, et si elle s'est, par voie de conséquence, désengagée du projet d'agrandissement de la surface commerciale porté par Monsieur X., elle n'a pas usé de mesure de rétorsion. Le désengagement est une conséquence de l'accumulation des impayés par les différentes sociétés du groupe Vigacha, non le but de la banque.
L'abus n'étant pas démontré, il y a lieu de rappeler que la banque n'était pas tenue du délai de 60 jours édicté par l'article L.313-12 du code monétaire et financier puisqu'elle appliquait la clause de déchéance du terme prévue dans des contrats à durée déterminée. Elle a d'ailleurs correctement appliqué le délai de préavis s'agissant de la dénonciation des soldes débiteurs des comptes.
La rupture des concours étant due à une situation globale d'impayés, conduisant à la déchéance des termes des prêts, ne peut être qualifiée de brutale. Elle résulte de l'application des clauses des contrats, qui font la loi entre les parties.
Sur le déséquilibre significatif
Ainsi que l'indique la banque, les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5o, du code de commerce relatives à la rupture brutale d'une relation commerciale établie sont inopposables au dispensateur de crédit, la rupture ou le non-renouvellement du crédit faisant l'objet de dispositions spécifiques et dérogatoires prévues par le code monétaire et financier.
Surabondamment, la rupture brutale d'une relation commerciale établie relève de la compétence de juridictions spécialisées.
Sur l'octroi de crédits excessifs
Les appelants fondent leur demande sur l'ancien article 1147 du code civil et développent des moyens tendant au manquement commis par la banque quant à son devoir de mise en garde à l'égard des emprunteurs (mais non de la caution).
Il appartient à l'emprunteur qui invoque le manquement de la banque à son obligation de mise en garde d'apporter la preuve de la disproportion de son engagement au regard de ses capacités financières ou du risque d'endettement né de l'octroi du crédit, et ce à la date de conclusion de son engagement.
Il appartient à la banque, lorsqu'elle est tenue d'une obligation de mise en garde, de démontrer qu'elle l'a exécutée. A défaut, elle engage sa responsabilité à l'égard de l'emprunteur et lui doit réparation de la perte de chance de ne pas contracter.
Lorsque l'emprunteur est averti, ce que soutient la banque, cette dernière n'est tenue de le mettre en garde que s'il est démontré qu'elle avait sur ses revenus et son patrimoine ou ses facultés de remboursement normalement prévisibles des informations que lui-même aurait ignorées.
En l'espèce, Monsieur X., dirigeant des diverses sociétés se présente ainsi dans le rappel des faits de ses écritures :
« [U] [T] est âgé de 53 ans.
Fort d'une solide expérience au sein du Groupe LECLERC en région parisienne, [U] [T] arrive à [Localité 8] en 1996 pour reprendre la direction générale de l'INTERMARCHÉ « Les Allemandes » situé au nord de la Ville. Ce point de vente appartenait à (') qui en possédait trois autres sur la Ville.
(')
En 2004, [U] [T] reprend donc l'INTERMARCHÉ (') qui appartient à la société THIRIX (').
Ce point de vente est d'une superficie de 1 800 m2 et le prix de 2 600.000 euros, avec la perspective d'une possible extension à environ 2 500 m2, (') ayant obtenu l'autorisation d'agrandir le point de vente de cette superficie et INTERMARCHÉ ayant réalisé une étude de potentiel donnant 18 millions d'euros de prévisionnel de chiffre d'affaires après réalisation de cette extension. »
Monsieur X. est donc un homme d'affaires expérimenté dans la direction des grandes surfaces, il en a dirigé plusieurs et il connaît le potentiel commercial de la ville d'[Localité 8] lorsqu'il débute ses acquisitions. Celles-ci se font dans son domaine de prédilection et de manière progressive à partir de 2004. Il n'a d'ailleurs pas de difficultés pour obtenir sa première autorisation d'urbanisme commerciale auprès de la Préfecture.
Toutes ses acquisitions financées par emprunt se font dans le même secteur d'activité, de sorte que Monsieur X., dirigeant des diverses sociétés emprunteuses doit être qualifié d'averti, quand bien même il ne soit détenteur d'aucun diplôme d'Etat.
La banque ne disposant, au moment de la conclusion des engagements financiers, aucune information que les emprunteurs ignoraient, n'était pas tenue de les mettre en garde.
Sur l'irrégularité des stipulations conventionnelles
Le 20 août 2012, la SCI DU VILLAGE, la SCI LA PIERRE PLANTEE, la SCI DU MOULIN, la SAS VIGACHA et la SAS THIRIX, ont assigné la banque, aux fins d'obtention de dommages intérêts, sa responsabilité étant engagée. Le moyen tiré de l'irrégularité des stipulations conventionnelles a été ajouté dans des conclusions déposées après jonction des deux instances. Mais il ne concerne que l'action précitée, car dans l'autre instance, la banque n'actionne que la caution, qui n'invoque pas cette irrégularité par voie d'exception.
Ainsi que le fait valoir la banque, la prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel exercée par un emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court, s'agissant d'un prêt, de la date de la convention.
Com., 3 décembre 2013, pourvoi n° 12-23.976
Les crédits ont été contractés entre le 29 juin 2004 et le 31 décembre 2011, mais seuls sont visés les crédits suivants :
- prêt n° 529675011PR du 29/06/2004, de la SAS VIGACHA
- prêt n° G01P8C015PR du 24/10/2005 de la SAS VIGACHA
- prêt n° G03UU1010PR du 19/12/2006 de la SCI DU MOULIN
- prêt n° G03CYW019PR du 5/10/2006 de la SCI LA PIERRE PLANTÉE
- prêt n°01BV1B015PR du 14/09/2007 de la SCI DU VILLAGE
- prêt n°01WY07013PR du 28/07/2009, de la SCI DU VILLAGE
- prêt n° G04P7E014PR de décembre 2006 de la SCI DU VILLAGE
- prêt n° G05AW8018PR débloqué partiellement le 6/02/2007 à la SCI DU VILLAGE
- prêt n° G052R3012PR du 16/04/2007 de la SCI DU VILLAGE
- prêt n°01UZRX012PR du 27/04/2009, de la SCI DU VILLAGE.
Les demandes de substitution du taux légal au taux conventionnel ont été faites par conclusions du 11 janvier 2014.
Elles sont donc prescrites, plus de 5 ans s'étant écoulés entre la date de signature des crédits et la demande portant sur l'irrégularité des stipulations conventionnelles.
Sur les frais de l'instance :
La SELARL SBCMJ es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Thirix, de la SCI du Village et de la SCI La Pierre Plantée, es qualités de mandataire judiciaire de la SAS Vigacha, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance.
L'équité ne commande pas d'allouer à l'une quelconque des parties une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit l'intervention volontaire de la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], en sa qualité de Liquidateur judiciaire des sociétés THIRIX, DU VILLAGE et LA PIERRE PLANTEE, en remplacement de Maître I. M., ès qualités, suivant ordonnances du Président du Tribunal de Commerce de Nîmes des 5 et 12 décembre 2020,
Ordonne la mise hors de cause de Maître I. M., ès-qualités, en l'état de l'intervention volontaire, en lieu et place, de la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], en sa qualité de Liquidateur judiciaire des sociétés THIRIX, DU VILLAGE et LA PIERRE PLANTEE,
Reçoit l'intervention volontaire de la SELARL SBCMJ, prise en la personne de Maître [L] [N], agissant ès-qualités de Mandataire judiciaire de la SAS VIGACHA, fonction à laquelle il a été nommé suivant jugement du Tribunal de commerce de Nîmes en date du 22 mars 2022,
Déclare recevables les conclusions notifiées par Monsieur X. les 12 et 15 avril 2022 ainsi que ses pièces 144 et 146 à 149 notifiées les 12 et 15 avril 2022 ;
Dit que les engagements de caution signés par Monsieur X. les 30 juin 2004 et 24 octobre 2005 sont manifestement disproportionnés aux revenus et patrimoine de la caution au moment de son engagement,
Dit que la caution est revenue à meilleure fortune au moment où elle est appelée et que la banque peut se prévaloir desdits engagements,
Dit que Monsieur X. ne justifie pas que la banque disposait d'un avantage effectif dans les répartitions et les dividendes si elle avait déclaré sa créance au passif de la procédure de sauvegarde de la société Vigacha,
Ne retient pas la responsabilité contractuelle de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Languedoc pour rupture abusive et brutale des concours, ou pour manquement au devoir de mise en garde,
Dit que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5o, du code de commerce sont inopposables au banquier dispensateur de crédit,
Dit que la demande tendant à voir prononcer l'irrégularité des stipulations conventionnelles des :
- prêt n° 529675011PR du 29/06/2004, de la SAS VIGACHA
- prêt n° G01P8C015PR du 24/10/2005 de la SAS VIGACHA
- prêt n° G03UU1010PR du 19/12/2006 de la SCI DU MOULIN
- prêt n° G03CYW019PR du 5/10/2006 de la SCI LA PIERRE PLANTÉE
- prêt n°01BV1B015PR du 14/09/2007 de la SCI DU VILLAGE
- prêt n°01WY07013PR du 28/07/2009, de la SCI DU VILLAGE
- prêt n° G04P7E014PR de décembre 2006 de la SCI DU VILLAGE
- prêt n° G05AW8018PR du 6/02/2007 à la SCI DU VILLAGE
- prêt n° G052R3012PR du 16/04/2007 de la SCI DU VILLAGE
- prêt n°01UZRX012PR du 27/04/2009, de la SCI DU VILLAGE.
est prescrite,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que la SELARL SBCMJ es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Thirix, de la SCI du Village et de la SCI La Pierre Plantée, es qualités de mandataire judiciaire de la SAS Vigacha supportera les dépens d'appel
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine CODOL, Présidente, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,