CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 7 juillet 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9704
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 7 juillet 2022 : RG n° 19/12320 ; arrêt n° 2022/257
Publication : Jurica
Extrait : « La demande tendant à voir réputer non écrite la clause d'un contrat en raison de son caractère abusif ne s'analyse pas en une demande de nullité et n'est pas soumise à la prescription quinquennale. Elle doit en conséquence être examinée avant le moyen tiré de la prescription.
Les appelants soutiennent qu'au regard de la recommandation n° 05-02 paragraphe 8 de la Commission des clauses abusives, la stipulation d'intérêts calculés sur 360 jours et non sur une année civile de 365 jours les prive de la possibilité de calculer le coût réel de leur crédit. Or, cette recommandation de la Commission des clauses abusives ne concerne que les conventions de comptes de dépôt pour lesquelles les intérêts sont calculés quotidiennement et non pas les prêts remboursables par échéances mensuelles.
L'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Les époux Y.-X. n'ont fait aucun calcul sur l'incidence, selon eux plus onéreuse, du calcul des intérêts sur un mois de trente jours alors que cette clause n'instaure qu'un rapport d'équivalence en ce que les intérêts du prêt doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l'année civile, laquelle est définie comme comportant 365 ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés, un mois normalisé comptant 30,41666 jours (soit 365/12), que l'année soit bissextile ou non. Le calcul des intérêts effectué sur le rapport 30,41666/365, 30/360 ou 1/12 aboutit à un résultat équivalent, chaque période étant considérée comme égale, conformément à cette règle.
Or, pour apprécier le caractère abusif d'une telle clause, qui porte sur la définition de l'objet principal du contrat, il est nécessaire d'apprécier ses effets sur le coût du crédit et les appelants n'apportent pas la moindre preuve que le mode de calcul, par voie d'équivalence effectué par la banque, a généré, à leur détriment, une erreur supérieure à la décimale.
Le moyen tiré du caractère abusif de la clause figurant dans l'offre de prêt acceptée le 23 avril 2012 est rejeté. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3-3
ARRÊT DU 7 JUILLET 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/12320. ARRÊT AU FOND. Arrêt n° 2022/257.N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVYU. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 3 mai 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le RG n° 18/01045.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 6], demeurant [Adresse 3], représenté par Maître Frédéric CHAMBONNAUD de la SELARL CHAMBONNAUD BAGNOLI SECHER, avocat au barreau de NICE
Madame Y. épouse X.
née le [Date naissance 2] à [Localité 5], demeurant [Adresse 3], représentée par Maître Frédéric CHAMBONNAUD de la SELARL CHAMBONNAUD BAGNOLI SECHER, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE :
SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE COTE D'AZUR
prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 4], représentée par Maître Maxime ROUILLOT de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAXIME ROUILLOT- FRANCK GAMBINI, avocat au barreau de NICE substitué par Maître Laura AGNETTI, avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 mars 2022 en audience publique devant la cour composée de : Madame Valérie GERARD, Président de chambre, magistrat rapporteur, Madame Françoise PETEL, Conseiller, Mme Valérie GAILLOT-MERCIER, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 7 juillet 2022.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022, Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre émise le 3 avril 2012 et acceptée le 23 avril 2012, la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Côte d'Azur a consenti à Y. et X. :
- un prêt Primo n° 81XX26 d'un montant de 50.000 euros, remboursable en 300 mensualités au taux de 4,100 % l'an, le TEG étant fixé à 5,04 % ;
- un prêt Primo n° 81YY27 d'un montant de 400.000 euros, remboursable en 300 mensualités au taux de 4,100 % l'an, le TEG étant fixé à 5,00 %.
Soutenant que le calcul des intérêts n'était pas opéré conformément aux règles du Code de la consommation, les époux Y.-X. ont fait assigner la banque devant le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Nice en nullité de la stipulation d'intérêts par acte du 20 février 2018.
Par jugement du 3 mai 2019, le tribunal judiciaire de Nice a :
- déclaré irrecevables car prescrites les demandes formées par M. X. et Mme Y.,
- condamné solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Côte d'Azur la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné solidairement M. X. et Mme Y. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
M. X. et Mme Y. ont interjeté appel le 26 juillet 2019.
[*]
Par conclusions du 9 janvier 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. X. et Mme Y. demandent à la cour de :
- infirmer le jugement de première instance et statuant à nouveau :
1°/ - dire et juger que les époux X. sont des profanes non professionnels en matière de crédit, en sorte qu'ils ne pouvaient connaître l'impact des intérêts calculés sur l'année lombarde (360 au lieu de 365 ou 366 jours), en sorte que la prescription ne peut courir que du moment où ils ont vu un professionnel et ont obtenu une réponse de la banque ;
- annuler la stipulation d'intérêts conventionnels calculés sur l'année lombarde, celle-ci étant une clause abusive visée par la recommandation n° 05-02 de la commission des clauses abusives, et ce quelle que soit l'incidence sur le TEG,
- subsidiairement dire et juger cette clause réputée non écrite par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, (sic)
et en conséquence :
- dire que le taux légal à l'égard d'un créancier professionnel devra être substitué au taux conventionnel,
- condamner en conséquence la Caisse d'Épargne à rembourser les intérêts conventionnels payés par les époux X., qui représentent, à titre provisionnel arrêté au 31/12/2019 une somme de 2 058 euros pour le prêt de 50.000 euros, et 16.453 euros pour le prêt de 400.000 euros,
- dire que la Caisse d'Épargne ne pourra donc exiger le paiement des intérêts conventionnels mais sera fondée à solliciter le paiement de 1'intérêt au taux légal à 1'égard d'un créancier professionnel,
2°/ subsidiairement, si la stipulation d'intérêts n'était pas annulée ou la clause lombarde n'était pas réputée non écrite,
- dire et juger que 1'exécution du contrat conduit à ce que la Caisse d'Épargne doive appliquer 1'intérêt conventionnel sur 360 jours par an au lieu de 365, ce qui conduit à un écart de 125 jours sur la durée des crédits (25 ans), soit 4 mensualités,
- condamner en conséquence la Caisse d'Épargne à payer aux époux X. la somme de 760 euros pour le prêt de 50.000 euros (190 X 4) et de 6 088 euros (1522 X 4) pour le prêt de 400.000 euros,
3°/ infiniment subsidiairement, ordonner une expertise afin de :
- déterminer l'incidence de la clause lombarde sur le TEG,
- en cas de modification du TEG, chiffrer l'écart entre le taux annoncé et le taux réel,
- déterminer le montant du remboursement dû par la banque en raison de la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel et calculer le montant des échéances désormais dues sur la période restant à courir composées du capital restant dû et des intérêts au taux légal au jour du prononcé de l'arrêt, intérêts d'une créance professionnelle,
4°/ en toutes hypothèses,
- condamner la Caisse d'Épargne à payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la Caisse d'Épargne aux dépens ainsi qu'à la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
[*]
Par conclusions du 23 janvier 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Côte d'Azur demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ses dispositions non contraires au présent dispositif
à titre principal :
- déclarer irrecevable la demande principale en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels présentée par M. X. et Mme Y.,
- déclarer prescrite la demande en nullité de la stipulation des intérêts pour avoir été présentée plus de cinq ans à compter de l'offre de prêt du 3 avril 2012,
plus subsidiairement sur les demandes de M. X. et Mme Y. :
- juger qu'il ressort des dispositions de l'annexe de l'article R. 313-1 du Code de la consommation que le calcul du taux effectif global peut être effectué avec une exactitude d'au moins une décimale,
- juger que cette décimale est le premier chiffre après la virgule,
- juger que le taux effectif global figurant à l'offre du 3 avril 2012, tant sur le prêt de 50.000 € que le prêt de 400.000 € est proportionnel au taux de période de chacune de ces conventions,
- juger que la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Côte d'Azur établit avoir calculé les intérêts du prêt sur la base d'une année civile, tant pour le prêt de 50.000 € que le prêt de 400.000 €,
en conséquence,
- débouter M. X. et Mme Y. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
ajoutant au jugement entrepris
- condamner M. X. et Mme Y., solidairement entre eux, à payer à la Caisse d'Épargne et de Prévoyance Côte d'Azur la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner M. X. et Mme Y. aux entiers dépens de l'instance lesquels seront recouvrés au profit de Maître Maxime Rouillot, membre de la SELARL Rouillot Gambini, avocat aux offres de droit.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1. Sur l'irrecevabilité de la demande de nullité de la clause d'intérêt conventionnel :
La Caisse d'Épargne soutient que la demande en nullité de la stipulation est irrecevable, seule la déchéance du droit aux intérêts pouvant éventuellement être encourue.
Toutefois, la question de la sanction du caractère erroné du taux d'intérêts et du taux effectif global d'un prêt est une question de fond concernant le droit ou la sanction applicable et non une condition de recevabilité de l'action.
2. Sur le caractère abusif de la clause de calcul des intérêts conventionnels :
La demande tendant à voir réputer non écrite la clause d'un contrat en raison de son caractère abusif ne s'analyse pas en une demande de nullité et n'est pas soumise à la prescription quinquennale.
Elle doit en conséquence être examinée avant le moyen tiré de la prescription.
Les appelants soutiennent qu'au regard de la recommandation n° 05-02 paragraphe 8 de la Commission des clauses abusives, la stipulation d'intérêts calculés sur 360 jours et non sur une année civile de 365 jours les prive de la possibilité de calculer le coût réel de leur crédit.
Or, cette recommandation de la Commission des clauses abusives ne concerne que les conventions de comptes de dépôt pour lesquelles les intérêts sont calculés quotidiennement et non pas les prêts remboursables par échéances mensuelles.
L'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Les époux Y.-X. n'ont fait aucun calcul sur l'incidence, selon eux plus onéreuse, du calcul des intérêts sur un mois de trente jours alors que cette clause n'instaure qu'un rapport d'équivalence en ce que les intérêts du prêt doivent, comme le taux effectif global, être calculés sur la base de l'année civile, laquelle est définie comme comportant 365 ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés, un mois normalisé comptant 30,41666 jours (soit 365/12), que l'année soit bissextile ou non.
Le calcul des intérêts effectué sur le rapport 30,41666/365, 30/360 ou 1/12 aboutit à un résultat équivalent, chaque période étant considérée comme égale, conformément à cette règle.
Or, pour apprécier le caractère abusif d'une telle clause, qui porte sur la définition de l'objet principal du contrat, il est nécessaire d'apprécier ses effets sur le coût du crédit et les appelants n'apportent pas la moindre preuve que le mode de calcul, par voie d'équivalence effectué par la banque, a généré, à leur détriment, une erreur supérieure à la décimale.
Le moyen tiré du caractère abusif de la clause figurant dans l'offre de prêt acceptée le 23 avril 2012 est rejeté.
3. Sur l'action en nullité de la stipulation d'intérêts :
Le point de départ de la prescription quinquennale de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel formée en raison d'une erreur affectant le TEG, comme de la prescription, décennale désormais quinquennale en vertu de la loi du 17 juin 2008, de l'action en déchéance du droit aux intérêts fondée sur les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au présent litige, se situe, s'agissant d'un consommateur ou d'un non professionnel, au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux, soit à la date de la convention si l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, soit, lorsque tel n'est pas le cas, à la date à laquelle celle-ci a été révélée à l'emprunteur.
En l'espèce l'offre de prêt que les appelants ont acceptée le 23 avril 2012 comporte dans un encadré, en page 3 de l'offre, la clause prévoyant que durant la phase de préfinancement, de différé total et d'amortissement du prêt, les intérêts sont calculés selon une année bancaire de 360 jours, un semestre de 180 jours, un trimestre de 90 jours et un mois de 30 jours.
Il leur était ainsi clairement exposé le mode de calcul opéré par la banque et ils pouvaient dès lors, dès l'acceptation de l'offre, se convaincre aisément de l'erreur qu'ils prétendent n'avoir découvert que le 30 novembre 2016, lors de la réponse apportée par la banque à la lettre de leur conseil, alors que la Caisse d'Épargne ne fait que leur rappeler qu'il s'agit d'une année divisée en douze périodes mensuelles conformément à la règle d'équivalence rappelée ci-dessus.
La prescription a couru par conséquent depuis l'acceptation de l'offre le 23 avril 2012 et leur action en nullité de la stipulation d'intérêts était par conséquent prescrite lors de la délivrance de l'assignation le 20 février 2018, comme l'a exactement énoncé le tribunal judiciaire de Nice.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Dit que la clause de calcul des intérêts figurant dans l'offre acceptée le 23 avril 2012 par Mme Y. et M. X. n'est pas une clause abusive,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Nice du 3 mai 2019,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum Mme Y. et M. X. à payer à la SA Caisse d'Épargne et de Prévoyance Côte d'Azur la somme de trois mille euros,
Condamne in solidum Mme Y. et M. X. aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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