CA PAU (1re ch.), 5 juillet 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9728
CA PAU (1re ch.), 5 juillet 2022 : RG n° 19/00905 ; arrêt n° 22/02679
Publication : Judilibre
Extrait : « Le contrat de location conclu entre M. X. et la société Locadour GLR indique que le loueur, agissant tant pour son compte que pour celui du locataire, a souscrit, pour les dommages occasionnés au matériel loué, une « assurance DTA/VL (véhicules légers) ». La société Locadour GLR justifie, par la production d'une attestation de son assureur Gallia Assurances, que cette assurance DTA n'est applicable qu'aux véhicules légers, d'un poids inférieur à 3,5 tonnes. Il est donc établi, par application du contrat d'assurance et sans qu'il y ait lieu à interprétation du contrat de location souscrit par les parties, que l'accident subi par la pelle sur pneus n'est pas susceptible d'être couvert par la garantie souscrite par le loueur. Les dispositions du contrat de location liant M. X. à la société Locadour GLR doivent donc s'appliquer, et M. X., tenu de restituer le matériel dans l'état où il l'a reçu, doit répondre des dommages occasionnés au matériel loué.
M. X. ne peut soutenir que l'article 4 dont la société Locadour GLR demande l'application est abusive par application de l'article L. 212-l du code de la consommation. Cette clause prévoit que le locataire est tenu, en cas de restitution d'un matériel endommagé, d'assister à un premier constat contradictoire des dommages apparents dans les cinq jours de la restitution, et qu'à défaut de constat contradictoire un devis de réparation détaillé lui est adressé par courrier recommandé. Cette clause organise ainsi la constatation contradictoire des dommages, et met le locataire en mesure de critiquer, s'il le souhaite, l'imputabilité des dommages et l'évaluation des réparations. Elle ne crée donc pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 212-l du code de la consommation.
En l'espèce, le tribunal a retenu à juste titre que M. X., présent lors de la récupération du matériel à son domicile, a été mis à même de participer à la constatation contradictoire des dommages, et été informé, dès le lendemain de sa restitution, de l'endroit où le matériel était entreposé. M. X. était ainsi à même de constater les dommages et de faire évaluer les réparations. De même le tribunal, par des motifs que la cour adopte, a constaté que M. X. ne rapportait pas la preuve d'éléments propres à l'exonérer de sa responsabilité. M. X. ne peut donc utilement contester ni sa responsabilité, ni le montant des réparations.
Enfin, le tribunal a caractérisé la faute imputable au loueur, qui n'a pas attiré l'attention du locataire sur les limites de l'assurance couvrant les dommages occasionnés au matériel, et spécialement sur le fait que le matériel loué ne bénéficiait pas de la garantie DTA (dommages tous accidents), pour être d'un poids supérieur à 3,5 tonnes. La perte d'une chance de s'assurer et de ne pas supporter le coût des réparations résultant pour M. X. de ce défaut d'information et de conseil a été justement évaluée à 70 % du montant des dommages. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PAU
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 5 JUILLET 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/00905. Arrêt n° 22/02679. N° Portalis DBVV-V-B7D-HGIG. Nature affaire : Autres demandes relatives à un contrat de prestation de services.
ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 05 Juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
APRÈS DÉBATS à l'audience publique tenue le 23 mai 2022, devant : Madame ASSELAIN, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport et Monsieur SERNY, Magistrat honoraire, assistés de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière, présente à l'appel des causes.
Madame ASSELAIN, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Monsieur SERNY et en a rendu compte à la Cour composée de : Madame DUCHAC, Présidente, Madame ASSELAIN, Conseillère, Monsieur SERNY, Magistrat honoraire, qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SA LOCADOUR GLR
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège [adresse], Représentée par Maître PIAULT, avocat au barreau de PAU, Assistée de Maître DARRIGADE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
Monsieur X.
[adresse], Représenté et assisté de Maître AZAVANT, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision en date du 17 JANVIER 2019, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBES : RG numéro : 17/01179
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant contrat du 16 août 2016, la société Locadour GLR a donné en location à M. X. une pelle sur pneus.
Le 17 août 2016, M. X. a informé la société Locadour GLR du renversement de la pelle sur son chantier.
Le 27 janvier 2017, la société Locadour GLR a adressé à M. X. une facture de réparation d'un montant de 28.118,48 euros, que ce dernier a refusé de régler.
Par acte d'huissier du 20 juillet 2017, la société Locadour GLR a fait assigner M. X. devant le tribunal de grande instance de Tarbes, pour obtenir paiement, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, d'une somme de 35.206,02 euros, représentant le coût des réparations majoré de l'indemnité prévue par la clause pénale.
Par jugement du 17 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Tarbes, retenant un manquement de la société Locadour GLR à son devoir de conseil, a :
- Condamné M. X. à payer à la société Locadour GLR la somme de 8.435,54 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2017,
- Condamné M. X. à payer à la société Locadour GLR la somme de 1.295,57 euros,
- Débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,
- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.
La société Locadour GLR a relevé appel de ce jugement par déclaration du 26 février 2019. L'instance a été enrôlée sous le numéro 19/905.
M. X. a également interjeté appel, par déclaration du 18 mars 2019. Cette instance, enrôlée sous le numéro 19/931, a fait l'objet d'une radiation par ordonnance du 1er juillet 2020, faute pour M. X. d'avoir exécuté le jugement.
Par arrêt du 21 septembre 2021, la cour d'appel de Pau a, avant dire droit sur l'ensemble des demandes, ordonné la réouverture des débats, et invité les parties à présenter leurs observations sur l'application en l'espèce de l'article V, Assurances, B) du contrat de location.
[*]
La société Locadour GLR demande à la cour d'appel, par conclusions notifiées le 21 mars 2022, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, de :
- Juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Locadour GLR,
- Juger recevable mais mal fondé l'appel incident interjeté par M. X.,
En conséquence,
- Confirmer le jugement du 17 janvier 2019 en ce qu'il a retenu l'imputabilité à M. X. de la détérioration de la pelle sur pneus engageant sa responsabilité à l'égard de la société Locadour GLR,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'absence de manquement contractuel relatif à l'absence de constatations contradictoires de la société Locadour GLR,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré opposable à M. X. le devis de réparation,
- Réformer le jugement en ce qu'il a retenu un manquement contractuel de la société Locadour GLR à son obligation d'information et de conseil à l'égard de M. X. s'analysant en une perte de chance,
En conséquence,
- Juger que la société Locadour GLR a parfaitement respecté l'ensemble de ses obligations contractuelles à l'égard de M. X.,
- Juger n'y avoir lieu à l'application de la garantie telle qu'issue de l'article V Assurance B) prévue au contrat et subsidiairement faire application de son exclusion en raison du non-respect du gabarit et de la mauvaise appréciation du passage par M. X.,
- Débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes à ce titre en ce compris la demande de condamnation de la société Locadour à des dommages et intérêts,
- Juger en conséquence que la société Locadour GLR peut prétendre à une réparation intégrale de son préjudice,
- Condamner M. X. à payer à la société Locadour GLR la somme de 30.368,25 euros (28.118,48 euros + 2.249,77 euros) en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 février 2017, outre 4.555,24 euros au titre de la clause pénale, et 282,53 euros au titre des frais et intérêts, soit la somme totale de 35.206,02 euros ;
- Condamner M. X. à payer à la société Locadour GLR une indemnité de 3.900 euros sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Y ajoutant,
- Condamner M. X. à payer à la société Locadour GLR une indemnité de 4.200 euros sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance et frais d'exécution.
[*]
M. X. demande à la cour d'appel, par conclusions notifiées le 2 novembre 2021, de :
- Débouter la société Locadour GLR de l'ensemble de ses demandes ;
- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la société Locadour GLR la somme de 8.435.54 euros avec intérêt légal à compter du 27 février 2017 ;
- Réformer le jugement en ce qu'il a condamné M. X. à payer à la société Locadour GLR la somme de 1.284.57 euros au titre de la clause pénale ;
- Vu l'article 1732 du code civil, réformer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. X. dans les dommages subis sur les matériels loués ;
- Vu l'article L. 212-1 du code de la consommation, réformer le jugement et dire que la clause 4 restitution, détérioration, réparation du contrat de location est abusive ;
- Débouter la société Locadour GLR de sa demande de réparation faute de preuve de son dommage ;
- Vu les articles 1147 et 1719 du code civil, et L 111-1 du code de la consommation,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Locadour GLR avait manqué à son obligation de conseil et d'information,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Locadour GLR avait engagé sa responsabilité,
- Condamner la société Locadour GLR à réparer le préjudice subi par M. X.,
- Dire que le préjudice de M. X. sera analysé en une perte de chance de ne pas avoir à rembourser les frais de réparation de la pelle louée,
- Evaluer cette perte de chance à 99 % des frais de réparation mis à la charge de M. X.,
- Dire que la clause pénale prévue au contrat est excessive, la réduire en conséquence,
- Vu les articles 1156 anciens et suivants du code civil et en particulier 1'article 1162 du code civil, et l'article L. 133-2 du code de la consommation,
- Réformer le jugement entrepris.
- Faire application de l'article V, Assurance B) prévue au contrat de location,
- Dire par conséquent que M. X. ne sera tenu que de la franchise à savoir l.500 euros HT,
- Vu 1'article 1147 ancien du code civil,
- Condamner la société Locadour GLR à un montant de dommages intérêts compensant le montant de la franchise laissée à la charge de M. X. ;
- Condamner la société Locadour GLR à la somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.
[*]
La clôture de la mise en état a été prononcée le 20 avril 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Le tribunal a fait droit à la demande en paiement du bailleur à hauteur de 30 % des dommages occasionnés à la pelle sur pneus louée, en considérant qu'il incombait au locataire de s'assurer concernant les dommages aux biens loués, et en imputant au bailleur un manquement à son devoir de conseil ayant fait perdre au locataire une chance de s'assurer, dont la valeur est estimée à 70 % du dommage.
Avant dire droit sur le recours de la société Locadour GLR, la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats pour recueillir les observations des parties sur l'application en l'espèce de l'assurance DTA (dommages tous accidents), souscrite par le loueur auprès de son assureur, seule la franchise de 1.500 euros pouvant en ce cas être facturée au locataire.
Le contrat de location conclu entre M. X. et la société Locadour GLR indique que le loueur, agissant tant pour son compte que pour celui du locataire, a souscrit, pour les dommages occasionnés au matériel loué, une « assurance DTA/VL (véhicules légers) ». La société Locadour GLR justifie, par la production d'une attestation de son assureur Gallia Assurances, que cette assurance DTA n'est applicable qu'aux véhicules légers, d'un poids inférieur à 3,5 tonnes. Il est donc établi, par application du contrat d'assurance et sans qu'il y ait lieu à interprétation du contrat de location souscrit par les parties, que l'accident subi par la pelle sur pneus n'est pas susceptible d'être couvert par la garantie souscrite par le loueur.
Les dispositions du contrat de location liant M. X. à la société Locadour GLR doivent donc s'appliquer, et M. X., tenu de restituer le matériel dans l'état où il l'a reçu, doit répondre des dommages occasionnés au matériel loué.
M. X. ne peut soutenir que l'article 4 dont la société Locadour GLR demande l'application est abusive par application de l'article L. 212-l du code de la consommation. Cette clause prévoit que le locataire est tenu, en cas de restitution d'un matériel endommagé, d'assister à un premier constat contradictoire des dommages apparents dans les cinq jours de la restitution, et qu'à défaut de constat contradictoire un devis de réparation détaillé lui est adressé par courrier recommandé. Cette clause organise ainsi la constatation contradictoire des dommages, et met le locataire en mesure de critiquer, s'il le souhaite, l'imputabilité des dommages et l'évaluation des réparations. Elle ne crée donc pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 212-l du code de la consommation.
En l'espèce, le tribunal a retenu à juste titre que M. X., présent lors de la récupération du matériel à son domicile, a été mis à même de participer à la constatation contradictoire des dommages, et été informé, dès le lendemain de sa restitution, de l'endroit où le matériel était entreposé. M. X. était ainsi à même de constater les dommages et de faire évaluer les réparations.
De même le tribunal, par des motifs que la cour adopte, a constaté que M. X. ne rapportait pas la preuve d'éléments propres à l'exonérer de sa responsabilité.
M. X. ne peut donc utilement contester ni sa responsabilité, ni le montant des réparations.
Enfin, le tribunal a caractérisé la faute imputable au loueur, qui n'a pas attiré l'attention du locataire sur les limites de l'assurance couvrant les dommages occasionnés au matériel, et spécialement sur le fait que le matériel loué ne bénéficiait pas de la garantie DTA (dommages tous accidents), pour être d'un poids supérieur à 3,5 tonnes. La perte d'une chance de s'assurer et de ne pas supporter le coût des réparations résultant pour M. X. de ce défaut d'information et de conseil a été justement évaluée à 70 % du montant des dommages.
Le jugement est donc confirmé, étant précisé que M. X. a réglé le coût de la location des deux pelles.
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application.
En cause d'appel, il n'y a pas davantage lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre partie.
Chacune des parties conservera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 17 janvier 2019 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens d'appel qu'elle a exposés.
Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline DUCHAC
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