CA VERSAILLES (16e ch.), 7 juillet 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9732
CA VERSAILLES (16e ch.), 7 juillet 2022 : RG n° 21/04249
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Ceci étant indiqué, il doit être rappelé que la société Crédit logement a fondé son recours en paiement exclusivement sur l'article 2305 du code civil, selon lequel « la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais. Néanmoins la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur les poursuites dirigées contre elle. Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts s'il y a lieu ».
Sur ce fondement, le débiteur ne peut pas opposer à la caution qui a payé, les exceptions dont il aurait pu se prévaloir contre la banque, qu'il n'a d'ailleurs pas attrait à la cause. Contrairement à ce qu'il suggère dans ses conclusions, le paiement de sa dette fait par la caution ne le privait nullement de son action en responsabilité contre la banque, ni à titre principal dans le cadre d'une autre instance, ni en l'appelant en intervention à la présente procédure que ce soit à l'appui d'une demande de dommages et intérêts ou d'un recours en garantie, ce dont il s'est abstenu.
M X. tire aussi argument des mêmes faits ci-dessus exposés, pour reprocher à la société Crédit logement de ne pas l'avoir averti de son paiement dans des conditions lui permettant de s'y opposer, ce qui doit selon lui conduire à la déchéance de tout recours personnel à l'encontre du débiteur principal sur le fondement de l'article 2308 alinéa 2 du code civil, et qui emporterait par voie de conséquence privation du fondement juridique du paiement fait le 15 février 2019 uniquement au titre de la purge des hypothèques sur la vente de son bien, à l'appui de sa demande de remboursement de la somme qu'il estime indument perçue par le Crédit logement.
L'article 2308 alinéa 2 du code civil dispose que « Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n 'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, sauf son action en répétition contre le créancier ».
C'est à bons droits que le tribunal a rappelé que les conditions tenant à l'absence d'avertissement du débiteur principal et à l'existence de moyens pour le débiteur de faire déclarer sa dette éteinte sont cumulatives.
Si le court délai écoulé entre le courrier d'information du débiteur du 17 mai 2017 (reçu le 24 mai 2017 concernant la première tranche du prêt et dont il a été avisé le 22 mai 2017 concernant la deuxième tranche) et le paiement effectif fait par la caution et ayant donné lieu à l'émission des deux quittances du 24 mai 2017 peut en effet être reproché à la société Crédit logement, la déchéance de son recours contre le débiteur n'est acquise que si ce dernier disposait de moyens pour faire déclarer sa dette éteinte.
A cet égard, il reprend le moyen qu'il avait défendu devant le tribunal relativement à l'action en responsabilité qu'il prétendait détenir à 1'encontre du Crédit Agricole Financements (Suisse) pour manquement à son obligation d'information sur le risque de change. Cependant, une telle action, qu'il n'était pas privé d'exercer contre la banque, ainsi qu'énoncé plus avant, ne pouvait donner lieu qu'à des dommages et intérêts, au titre de la perte de chance de ne pas contracter le crédit litigieux et non à l'extinction de la dette de M. X. Le tribunal ne peut qu'être approuvé d'avoir rejeté à ce titre l'application de l'article 2308 du code civil. »
2/ « Sur la fin de non-recevoir, il sera répondu que le jugement du 29 novembre 2019 ne statuait que sur la quittance subrogative du 30 mai 2016 portant sur des échéances impayées avant déchéance du terme, et que l'exception de l'article 2308 du Code civil n'a été rejetée que parce qu'il a été jugé que le Crédit logement n'avait pas manqué à cette occasion, à son devoir d'avertissement du débiteur préalable au paiement. Il n'y a donc pas identité de cause opposable.
Sur la clause abusive, la jurisprudence dont se réclame M X., permettant de faire sanctionner une clause relative au risque de change qui exige qu'une telle clause soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu'il puisse avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise dans laquelle le prêt a été libellé, s'applique au cas où la convention comporte une clause dont la rédaction permette de la déclarer abusive, si étant obscure, et portant sur un élément essentiel du contrat, elle crée un déséquilibre significatif entre les parties au détriment du consommateur. En pareil cas, si l'annulation d'une telle clause ne ferait pas disparaitre l'obligation de rembourser le prêt, M X. serait fondé à demander à se voir appliquer la conversion selon la parité applicable lors de la souscription du prêt, ce qui constituerait un moyen de faire déclarer la créance partiellement éteinte.
En l'espèce, il est constant que le contrat de prêt, ni aux conditions générales, ni aux conditions particulières, ne comprend en réalité aucune une clause de change, la convention étant muette sur ce point, ce qui résulte de l'économie du concours financier, accordé en francs suisses et ne devant être remboursé que dans cette devise. M X. a cependant été informé que le cautionnement de la société Crédit logement était consenti en euros, pour 337.500 € au titre du prêt n°M0907XX02 de 540.000 CHF, et pour 81.250 € au titre du prêt n°M0907YY01 de 130.000 CHF. Il pouvait mesurer lui-même qu'à cette date, la parité s'établissait à 0,625. Or, en page 2 de chaque engagement de caution, figurent les mentions suivantes sous lesquelles il a donné son « bon pour accord » :
« Nous attirons votre attention sur le fait qu'à la première réalisation du financement sollicité, nous débiterons votre compte EUROS ouvert chez Crédit Agricole Financements (Suisse) du montant total des participations financières Crédit Logement.
A cet effet, nous laissons le soin de bien vouloir approvisionner suffisamment votre compte pour le montant en EUROS afin que nous puissions sans difficulté verser cette somme à Crédit Logement ».
A défaut de pouvoir faire annuler une clause relative au risque de change qui ne correspondrait pas aux critères ci-dessus évoqués tels que fixés par la CJUE, puisqu'elle est inexistante, son seul recours résidait donc bien dans la poursuite de la responsabilité contractuelle de la banque pour un éventuel défaut de mise en garde contre les aléas liés aux variations de la parité entre les deux monnaies, qui, si les conditions en étaient remplies se résoudrait en dommages et intérêts, et ainsi qu'il a été dit plus avant, ne permet pas de faire jouer la sanction prévue par l'article 2308 du code civil.
Il en résulte que la caution, qui a exécuté son engagement en euros conformément aux prévisions contractuelles, et donc nécessairement au taux de change applicable au jour de son paiement, n'a commis aucune faute personnelle distincte, et n'est pas déchue de son recours contre le débiteur. Il en découle que le paiement perçu au titre de la purge des hypothèques inscrites sur le bien vendu n'était pas indu, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M X. de toutes ses demandes. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
SEIZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 7 JUILLET 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/04249 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UTUY. Code nac : 53J. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 mai 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE : R.G. n° 17/11481.
LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] à [Localité 6], de nationalité Française, [Adresse 3], [Localité 5], Représentant : Maître Gérard PICOVSCHI de la SELASU AVOCATS PICOVSCHI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0228 Représentant : Maître Vanessa TRAN-THIEN, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 409 - N° du dossier 20360
INTIMÉE :
SA CRÉDIT LOGEMENT
N° Siret : XXX (RCS de Paris), [Adresse 2], [Localité 4], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Céline RANJARD-NORMAND, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 136 - N° du dossier 17040-GD
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 juin 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Fabienne PAGES, Président, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller, Madame Florence MICHON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre émise le 11 août 2009, acceptée le 4 septembre 2009, la société Crédit agricole financements (Suisse) a consenti à M. X. pour financer un investissement locatif portant sur un bien situé en France à la frontière suisse, un crédit immobilier soumis au droit français et aux dispositions des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation français, d'un montant de 670.000 CHF scindé en deux tranches :
- une première tranche de 540.000 CHF prenant la forme d'un prêt classique (n° M0907XX02) remboursable sur 25 ans par échéances d'un montant maximum de 2.343,45 CHF, avec un différé d'amortissement et d'intérêts de 12 mois,
- une deuxième tranche de 130.000 CHF sous forme d'un prêt in fine (n° M0907YY01) remboursable sur 21 ans, moyennant 251 échéances d'intérêts d'un montant maximum de 173,35 CHF calculés au taux au taux Libor 3 mois CHF de 0,96 % donc une marge fixe de 0,60 %.
Ce prêt est garanti notamment par le cautionnement solidaire la société Crédit logement auquel celle-ci a consenti par acte du 22 juillet 2009 pour 337.500 € au titre du prêt n°M0907XX02, et pour 81.250 € au titre du prêt n°M0907YY01.
Des incidents de paiement se sont produits à partir de l'année 2015.
La société Crédit logement s'est substituée à l'emprunteur en réglant les mensualités impayées d'août 2015 à mars 2016 représentant un total de 15.977,38 € selon une première quittance subrogative du 30 mai 2016. A l'issue d'une instance entamée par assignation du 1er décembre 2016, la société Crédit logement a obtenu par jugement contradictoire du 29 novembre 2019 la condamnation de M X. à lui rembourser cette somme de 15.977,38 €, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2016, correspondant à cette quittance du 30 mai 2016.
Après la déchéance du terme prononcée par la banque le 18 avril 2017 (courrier reçu le 29 avril suivant) avec effet au 30 avril 2017, le Crédit logement a versé au prêteur la somme de 406.251,64 €, correspondant aux échéances impayées entre avril 2016 et mars 2017, au capital restant dû et aux pénalités de retard, selon une deuxième quittance subrogative du 24 mai 2017.
La banque a également prononcé la déchéance du terme du prêt in fine par lettre recommandée avec avis de réception du 18 avril 2017, reçue le 29 avril 2017, le solde du prêt ayant été pris en charge par la société Crédit logement à hauteur de 89.613,93 € correspondant aux échéances impayées de décembre 2016 à mars 2017, au capital restant dû ainsi qu'aux pénalités de retard, aux termes d'une troisième quittance subrogative également du 24 mai 2017.
La mise en demeure du 17 mai 2017, reçue le 24 mai suivant, est demeurée vaine, et la caution a assigné M X. en paiement par acte du 21 novembre 2017.
La société Crédit logement a régularisé une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire autorisée le 10 novembre 2017, en vertu de quoi, le 15 février 2019, la société Crédit Logement a perçu aux fins de purge des hypothèques, la somme de 463.480 € sur la vente du bien financé le 14 février 2019 qui a entièrement soldé la quittance fondée sur la première tranche du prêt, et partiellement la quittance fondée sur la seconde.
Statuant sur la demande en paiement, après actualisation de la créance, du solde restant dû sur le prêt in fine, le tribunal judiciaire de Nanterre, par jugement contradictoire du 7 mai 2021 a :
- Condamné M. X. à payer à la société Crédit logement les sommes de :
* 32.385,57 €, assortie des intérêts au taux légal sur la somme de 495.865,57 € à compter du 24 mai 2017, puis sur celle de 32 385,57 € à compter du 15 février 2019,
* 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice (21 novembre 2017) commenceront eux-mêmes à produire des intérêts à compter du 21 novembre 2018,
- Débouté M. X. de toutes ses demandes,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné M. X. aux dépens de l'instance, en ce non compris les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire, avec distraction au profit de Maître Céline Ranjard-Normand dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Rappelé que les frais d'inscription d'hypothèque demeurent à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge de l'exécution.
Le 2 juillet 2021, M X. a interjeté appel du jugement.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 25 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelant demande à la cour, au visa des articles 1147 du Code civil (ancien), 1302, 1302-1, 1343-5 et 2308 du Code civil, de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
À titre principal,
- Constater que le Crédit logement ne justifie pas avoir averti Monsieur X. d'avoir été poursuivi en qualité de caution par le Crédit Agricole Financements Suisse S.A. au titre des échéances impayées de la première tranche du prêt de 540.000 francs suisses, ni d'avoir averti Monsieur X. de son règlement, tel que figurant aux termes de la quittance subrogative en date du 24 mai 2017,
- Constater qu'au moment du paiement effectué par le Crédit logement en sa qualité de caution, Monsieur X. disposait du moyen pour engager la responsabilité contractuelle du Crédit Agricole Financements Suisse S.A., tiré de la violation de ses devoirs d'information et de mise en garde ainsi qu'au titre de l'action imprescriptible visant à faire déclarer nulle les clauses abusives du contrat de prêt,
- Constater qu'en ayant ainsi privé Monsieur X. de la faculté d'opposer ce moyen au Crédit Agricole Financements Suisse S.A., le Crédit logement est déchu de tout recours personnel à l'encontre du débiteur principal sur le fondement de l'article 2308 alinéa 2 du code civil,
- Constater que le paiement opéré par Monsieur X. au Crédit logement de 463.480 € le 15 février 2019 se trouve de ce fait sans cause et que le Crédit Logement devra restituer le paiement indûment perçu par Monsieur X.,
En conséquence,
- Débouter le Crédit logement de l'intégralité de ses demandes formulées à l'encontre de Monsieur X.,
- Déclarer le Crédit logement mal fondé en son appel incident et l'en débouter,
- Condamner le Crédit logement à restituer, sans délai, à Monsieur X. la somme de 463.480 € indûment réglée sur le fondement des engagements de caution en date du 22 juillet 2009, dès lors que lesdits engagements devront être déclarés nuls [sic] et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, sans préjudice des intérêts de retard au taux légal, avec anatocisme,
À titre subsidiaire,
- Accorder à Monsieur X., un délai de grâce de 24 mois, à compter de la décision à intervenir,
En toute hypothèse,
- Condamner le Crédit logement à verser à Monsieur X. la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner le Crédit Logement aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Vanessa Tran-Thien, Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
[*]
Par dernières conclusions transmises au greffe le 29 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Crédit logement intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris sur la recevabilité de l'action de la société Crédit Logement et sur son bien-fondé et sur le principe des condamnations prononcées, ainsi que sur la capitalisation des intérêts et l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Infirmer le jugement entrepris quant au quantum des sommes allouées à la société Crédit logement,
- Statuant à nouveau,
Vu l'article 2305 du Code Civil,
Vu l'article 1343-1 du Code Civil,
- Imputer les paiements partiels d'abord sur les intérêts,
- Actualiser la créance de la société Crédit logement comme suit :
- Condamner Monsieur X. à payer à la société Crédit Logement la somme de :
* 43.935,19 € en principal, intérêts et accessoires arrêtés au 21/11/2019, outre les intérêts au taux légal sur le principal de 39.189,26 € à compter du 22/11/2019 jusqu'à parfait paiement au titre de la deuxième tranche du prêt n° M0907YY01,
Y ajoutant,
- Condamner Monsieur X. à payer à la société Credit logement la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sus des sommes allouées par les premiers juges,
- Le condamner en tous les dépens, les dépens d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
[*]
La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 juin 2022.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 15 juin 2022 et le prononcé de l'arrêt au 7 juillet 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions et que les « constater » qui sont des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas - hormis les cas prévus par la loi - de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points.
Sur le fondement du recours de la caution contre le débiteur :
M X. ne conteste pas qu'il a cessé le remboursement des prêts en cause, à partir du mois d'août 2015 pour le premier. Il expose les difficultés rencontrées auxquelles il a été confronté tenant aux malfaçons de l'immeuble ayant conduit à une longue procédure en responsabilité contre les constructeurs, le manque à gagner sur les revenus locatifs escomptés, le bien ne pouvant pas être mis en location, et la remise en état de l'appartement qu'il a assumée pour pouvoir le revendre, ceci pour expliquer qu'il n'a plus été en mesure de respecter ses engagements à l'égard de la banque, laquelle parfaitement informée de cette situation a alimenté le flou sur les perspectives de renégocier les prêts souhaitées par l'emprunteur, tout en se faisant régler les échéances impayées de ces prêts par le Crédit logement à son détriment. Ce faisant, il ne conteste plus la validité de l'engagement de caution du Crédit logement.
Il reproche à la banque de s'être engagée au vu d'échanges de courriels d'octobre 2016, sur un rachat de crédit, et de l'avoir en agissant ainsi, privé d'anticipation sur la prise en charge opérée par le Crédit logement et le prononcé de la déchéance du terme dans le même temps, alors qu'il estime que c'est à la même époque qu'il a découvert à ses dépens qu'il était soumis à un risque de change lié à la conversion entre francs suisses et euros, l'euro ayant été fortement dévalué, et qu'il pouvait dès lors lui opposer d'une part un manquement à son devoir d'information et de mise en garde, puisque que le contrat de prêt pas plus que le contrat de cautionnement ne contiennent une clause d'indexation, ni de précisions sur la devise dans laquelle la caution pourrait être appelée, et d'autre part, son droit imprescriptible à faire déclarer non écrites les clauses abusives au titre du risque de change consacré par la CJUE dans son arrêt du 20 septembre 2018 sur le fondement de l'article 4 §2 de la directive 93/13.
De son côté la société Crédit logement rappelle que les allégations se rapportant à la quittance du 30 mai 2016 au paiement de laquelle le débiteur a été définitivement condamné n'entrent pas dans l'objet du présent débat. Elle souligne que les griefs qu'il articule en faveur de son droit d'engager la responsabilité de la banque lui sont inopposables son recours étant fondé sur l'article 2305 du code civil, et M X. n'ayant pas engagé une procédure contre le dispensateur de crédit. Elle ajoute que les conditions de la déchéance du recours de la caution par application de l'article 2308 du code civil ne sont pas remplies, l'action en responsabilité contre la banque sur le fondement de l'article 1147 (ancien) du code civil n'étant pas de nature à faire déclarer la dette éteinte. Elle affirme au demeurant qu'elle a respecté son obligation d'information préalable à son paiement par son courrier du 17 mai 2017, déposé le 22 mai 2017.
Ceci étant indiqué, il doit être rappelé que la société Crédit logement a fondé son recours en paiement exclusivement sur l'article 2305 du code civil, selon lequel « la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur. Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais. Néanmoins la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur les poursuites dirigées contre elle. Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts s'il y a lieu ».
Sur ce fondement, le débiteur ne peut pas opposer à la caution qui a payé, les exceptions dont il aurait pu se prévaloir contre la banque, qu'il n'a d'ailleurs pas attrait à la cause. Contrairement à ce qu'il suggère dans ses conclusions, le paiement de sa dette fait par la caution ne le privait nullement de son action en responsabilité contre la banque, ni à titre principal dans le cadre d'une autre instance, ni en l'appelant en intervention à la présente procédure que ce soit à l'appui d'une demande de dommages et intérêts ou d'un recours en garantie, ce dont il s'est abstenu.
M X. tire aussi argument des mêmes faits ci-dessus exposés, pour reprocher à la société Crédit logement de ne pas l'avoir averti de son paiement dans des conditions lui permettant de s'y opposer, ce qui doit selon lui conduire à la déchéance de tout recours personnel à l'encontre du débiteur principal sur le fondement de l'article 2308 alinéa 2 du code civil, et qui emporterait par voie de conséquence privation du fondement juridique du paiement fait le 15 février 2019 uniquement au titre de la purge des hypothèques sur la vente de son bien, à l'appui de sa demande de remboursement de la somme qu'il estime indument perçue par le Crédit logement.
L'article 2308 alinéa 2 du code civil dispose que « Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n 'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, sauf son action en répétition contre le créancier ».
C'est à bons droits que le tribunal a rappelé que les conditions tenant à l'absence d'avertissement du débiteur principal et à l'existence de moyens pour le débiteur de faire déclarer sa dette éteinte sont cumulatives.
Si le court délai écoulé entre le courrier d'information du débiteur du 17 mai 2017 (reçu le 24 mai 2017 concernant la première tranche du prêt et dont il a été avisé le 22 mai 2017 concernant la deuxième tranche) et le paiement effectif fait par la caution et ayant donné lieu à l'émission des deux quittances du 24 mai 2017 peut en effet être reproché à la société Crédit logement, la déchéance de son recours contre le débiteur n'est acquise que si ce dernier disposait de moyens pour faire déclarer sa dette éteinte.
A cet égard, il reprend le moyen qu'il avait défendu devant le tribunal relativement à l'action en responsabilité qu'il prétendait détenir à 1'encontre du Crédit Agricole Financements (Suisse) pour manquement à son obligation d'information sur le risque de change. Cependant, une telle action, qu'il n'était pas privé d'exercer contre la banque, ainsi qu'énoncé plus avant, ne pouvait donner lieu qu'à des dommages et intérêts, au titre de la perte de chance de ne pas contracter le crédit litigieux et non à l'extinction de la dette de M. X. Le tribunal ne peut qu'être approuvé d'avoir rejeté à ce titre l'application de l'article 2308 du code civil.
Devant la cour, il se prévaut en outre du caractère abusif de la clause de change, au regard des critères posés par un arrêt de la CJUE du 20 septembre 2018. Il fait valoir qu'il n'a jamais été averti qu'au cas où la caution serait activée, celle-ci règlerait en euros, et qu'elle se retournerait contre M X. dans cette devise ni selon quel taux de change, fixe ou variable, et qu'il n'a pris conscience du risque de change lié à la conversion entre francs suisses et euros qu'en 2016. En, l'absence de clause d'indexation, il estime que la conversion ne devrait avoir lieu que selon les taux de change applicables lors de la souscription du prêt.
La société Crédit logement soutient que cette argumentation aurait été rejetée par le jugement du 29 novembre 2019, portant sur le remboursement de la quittance subrogative du 30 mai 2016, et elle oppose la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée. Elle souligne en outre que l'accord de cautionnement accepté par M X. stipule bien que le remboursement à verser la société Crédit logement sera effectué en euros.
Sur la fin de non-recevoir, il sera répondu que le jugement du 29 novembre 2019 ne statuait que sur la quittance subrogative du 30 mai 2016 portant sur des échéances impayées avant déchéance du terme, et que l'exception de l'article 2308 du Code civil n'a été rejetée que parce qu'il a été jugé que le Crédit logement n'avait pas manqué à cette occasion, à son devoir d'avertissement du débiteur préalable au paiement. Il n'y a donc pas identité de cause opposable.
Sur la clause abusive, la jurisprudence dont se réclame M X., permettant de faire sanctionner une clause relative au risque de change qui exige qu'une telle clause soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu'il puisse avoir conscience de la possibilité de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise dans laquelle le prêt a été libellé, s'applique au cas où la convention comporte une clause dont la rédaction permette de la déclarer abusive, si étant obscure, et portant sur un élément essentiel du contrat, elle crée un déséquilibre significatif entre les parties au détriment du consommateur. En pareil cas, si l'annulation d'une telle clause ne ferait pas disparaitre l'obligation de rembourser le prêt, M X. serait fondé à demander à se voir appliquer la conversion selon la parité applicable lors de la souscription du prêt, ce qui constituerait un moyen de faire déclarer la créance partiellement éteinte.
En l'espèce, il est constant que le contrat de prêt, ni aux conditions générales, ni aux conditions particulières, ne comprend en réalité aucune une clause de change, la convention étant muette sur ce point, ce qui résulte de l'économie du concours financier, accordé en francs suisses et ne devant être remboursé que dans cette devise. M X. a cependant été informé que le cautionnement de la société Crédit logement était consenti en euros, pour 337.500 € au titre du prêt n°M0907XX02 de 540.000 CHF, et pour 81.250 € au titre du prêt n°M0907YY01 de 130.000 CHF. Il pouvait mesurer lui-même qu'à cette date, la parité s'établissait à 0,625. Or, en page 2 de chaque engagement de caution, figurent les mentions suivantes sous lesquelles il a donné son « bon pour accord » :
« Nous attirons votre attention sur le fait qu'à la première réalisation du financement sollicité, nous débiterons votre compte EUROS ouvert chez Crédit Agricole Financements (Suisse) du montant total des participations financières Crédit Logement.
A cet effet, nous laissons le soin de bien vouloir approvisionner suffisamment votre compte pour le montant en EUROS afin que nous puissions sans difficulté verser cette somme à Crédit Logement ».
A défaut de pouvoir faire annuler une clause relative au risque de change qui ne correspondrait pas aux critères ci-dessus évoqués tels que fixés par la CJUE, puisqu'elle est inexistante, son seul recours résidait donc bien dans la poursuite de la responsabilité contractuelle de la banque pour un éventuel défaut de mise en garde contre les aléas liés aux variations de la parité entre les deux monnaies, qui, si les conditions en étaient remplies se résoudrait en dommages et intérêts, et ainsi qu'il a été dit plus avant, ne permet pas de faire jouer la sanction prévue par l'article 2308 du code civil.
Il en résulte que la caution, qui a exécuté son engagement en euros conformément aux prévisions contractuelles, et donc nécessairement au taux de change applicable au jour de son paiement, n'a commis aucune faute personnelle distincte, et n'est pas déchue de son recours contre le débiteur. Il en découle que le paiement perçu au titre de la purge des hypothèques inscrites sur le bien vendu n'était pas indu, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M X. de toutes ses demandes.
Sur le quantum de la créance de la société Crédit logement :
La caution qui a payé le créancier a droit par application de l'article 2305 du code civil au remboursement de la somme déboursée, assortie des intérêts au taux légal à compter de son paiement et des frais faits par elle depuis qu'elle a dénoncé au débiteur les poursuites dirigées contre elle.
Sur le prêt (n°M0907XX02), la société Crédit logement a réglé la somme de 406.251,64 €, correspondant aux échéances impayées entre avril 2016 et mars 2017, au capital restant dû au 30 avril 2017 et aux pénalités de retard. Les intérêts au taux légal arrêtés au 10 octobre 2017 lui avaient permis de liquider sa demande en paiement lors de l'assignation du 21 novembre 2017 à la somme de 407.156,80 €.
Il est démontré que son décompte s'établissait au 15 février 2019 à la somme de 412.003,78 € intérêts compris de sorte que la créance constatée par la quittance du 24 mai 2017 au titre de ce prêt, a été entièrement soldée à cette date du 15 février 2019, par le versement au titre de la purge des hypothèques sur le bien grevé, d'une somme de 463.480 €. Le solde du fruit de l'hypothèque de 51.476,22 € a été affecté au remboursement de la seconde quittance portant sur le prêt in fine.
Sur le prêt in fine (n°M0907YY01) la société Crédit logement a réglé une somme de 89.613,93 € correspondant aux échéances impayées de décembre 2016 à mars 2017, au capital restant dû ainsi qu'aux pénalités de retard. Elle avait chiffré sa demande en paiement au moment de son assignation du 21 novembre 2017 à la somme de 89.598,85 €, tenant compte d'un règlement de 326,13 € le 10 juillet 2017, et incluant les intérêts au taux légal au 10 octobre 2017. Il est démontré que son décompte s'établissait au 15 février 2019 à la somme de 90.665,48 € intérêts inclus de sorte qu'après déduction de la somme de 51.476,22 € le 15 février 2019, il restait dû en principal à celle date, une somme de 39.189,26 €.
La société Crédit logement reproche avec raison au tribunal d'avoir chiffré le principal du solde de sa créance après avoir déduit le versement du 15 février 2019 sur le principal des quittances subrogatives du 24 mai 2017, omettant les intérêts ayant couru entre ces périodes au mépris des prescriptions de l'article 1343-1 du code civil.
La société Crédit logement réitère sa demande en paiement de sa créance arrêtée à son décompte du 21 novembre 2019, date à laquelle les intérêts au taux légal ayant courus depuis le 15 février 2019 étaient chiffrés à 260,09 €.
Par ailleurs, elle justifie des frais engagés depuis son paiement dont elle est fondée à obtenir le remboursement, à hauteur de 3 819 €, s'agissant des frais d'exécution de la mesure conservatoire non contestée en son temps par le débiteur devant le juge de l'exécution. Les frais qu'elle ajoute à sa demande à hauteur de 404,04 € et 262,80 € ne sont quant à eux pas justifiés. Dans ces conditions sa demande en paiement est fondée à hauteur de la somme 43 268,35 €. Il convient de faire droit à son appel incident dans cette limite, le jugement étant réformé sur le quantum de la créance, réparant par la même occasion l'omission de statuer sur le montant des frais engagés depuis le paiement par la caution et entrant dans les prévisions de l'article 2305 du code civil, que le tribunal a fait figurer au dispositif du jugement comme un simple rappel.
Sur la demande de délais de paiement :
M X. réitère sa demande telle qu'il l'avait présentée devant le tribunal en invoquant sa situation obérée tenant à la disparition de ses revenus locatifs et une garantie prise par le créancier sur le bien constituant son domicile. Cependant il produit pour tout justificatif de sa situation ses avis d'imposition concernant les revenus 2016 et 2017, impropres par conséquent à dresser l'état de sa situation actuelle, et ne présente devant la cour aucune perspective de règlement de la somme due au terme du délai de grâce de 24 mois qu'il sollicite, alors que depuis le règlement conséquent du 15 février 2019, il a bénéficié de trois années pour s'engager dans un processus d'apurement de sa dette.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
M X. supportera les dépens d'appel et l'équité commande d'allouer à société Crédit Logement la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise sauf au titre du montant résiduel de la créance ;
Réformant de ce chef,
Condamne Monsieur X. à payer à la société Crédit Logement la somme de 43.268,35 € en principal, intérêts et accessoires arrêtés au 21/11/2019, outre les intérêts au taux légal sur le principal de 39.189,26 € à compter du 22/11/2019 jusqu'à parfait paiement de la quittance subrogative du 24 mai 2017 au titre du solde du prêt n° M0907YY01 ;
Condamne M X. à payer à la société Crédit Logement la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M X. aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions posées par l'article 699 alinéa 2 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,