CA GRENOBLE (ch. com.), 15 septembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9800
CA GRENOBLE (ch. com.), 15 septembre 2022 : RG n° 21/02526
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « 34. La cour indique, s'agissant de l'application de l'article L. 442-1 du code de commerce, que selon l'article L. 442-4, les litiges relatifs à l'application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. Selon l'article D. 442-3, pour l'application du III de l'article L. 442-4, le siège et le ressort des tribunaux judiciaires compétents en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-2. La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. L'annexe 4-2-2 dispose que pour les juridictions situées sur le ressort de la cour d'appel de Grenoble, le tribunal judiciaire de Lyon a compétence exclusive pour connaître de ces litiges. En conséquence, le tribunal de commerce de Romans sur Isère n'a pu fonder sa décision sur les dispositions de l'article L. 442-1 précité pour écarter les conditions générales de vente stipulées par l'appelante. »
2/ « 37. Ces conditions générales de vente ne s'inscrivent pas dans un contrat d'adhésion, puisque si l'article 1er prévoit que toute commande entraîne acceptation sans réserve de ces restrictions, c'est cependant sous réserve de toute convention contraire écrite entre les parties. Une possibilité de négociation est ainsi ouverte afin que les parties puissent les écarter. En conséquence, les dispositions de l'article 1171 du code civil, ne concernant qu'un contrat d'adhésion non négociable, ne peuvent être retenues. »
3/ « 38. S'agissant de l'application de l'article 1170 du code civil, selon lequel toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite, tel est le cas de clauses limitatives de responsabilité lorsqu'elles portent sur l'obligation essentielle du contrat et contredisent la portée de l'engagement pris, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
39. En l'espèce, il résulte des confirmations de commandes que l'appelante s'est engagée à livrer les produits commandés respectivement les 21 et 25 février 2020. Les conditions générales prévoyant que la société LIV s'engage, dans la mesure du possible, à expédier tous les produits commandés par l'acheteur, sans pour autant encourir une quelconque responsabilité du fait de ces expéditions ou du fait qu'elles soient incomplètes, que les délais d'expédition indiqués dans la confirmation de commande n'ont qu'un caractère purement indicatif et que les retards éventuels ou livraisons partielles ne donnent en aucun cas à l'acquéreur le droit d'annuler la vente, de refuser la marchandise ou de réclamer des dommages et intérêts, vident l'obligation de délivrance de la société LIV de sa substance, alors qu'il s'agit d'une obligation essentielle du contrat de vente. Aucune contrepartie n'étant offerte à l'acheteur, qui a cependant réglé un acompte important afin de valider la commande, il en résulte ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. En conséquence, ces conditions doivent être réputées non écrites. L'argument opposé par la société LIV tiré des conditions générales de vente imposées par l'intimée à ses propres clients est inopérant, ne concernant pas le présent litige.
40. Il en résulte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que les clauses 2 et 6 des conditions générales de vente de la société LIV vident de leur substance l'obligation essentielle du débiteur, en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et ainsi en ce qu'elles sont réputées non écrites. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/02526. N° Portalis DBVM-V-B7F-K5A2. Appel d'un jugement (N° RG 2020J117) rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS-SUR-ISERE, en date du 12 mai 2021, suivant déclaration d'appel du 4 juin 2021.
APPELANTE :
SASU LABORATOIRE D'INNOVATION VEGETALE
immatriculée au RCS de ROMANS sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualité audit siège, [Adresse 2], [Localité 1], représentée par Maître Jean Christophe QUINOT, avocat au barreau de la DROME, et Maître Paul-Olivier RAULT, avocat au barreau de RENNES, plaidant par Maître Jean Christophe QUINOT, avocat au barreau de la DROME,
INTIMÉE :
SAS LES PATTES DOUCES
immatriculée au RCS de NEVERS sous le numéro YYY, représentée par Mme X., en sa qualité de Présidente de la SAS, [Adresse 3], [Localité 4], représentée par Maître Laurence TRIQUET-DUMOULIN de la SCP MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOULIN - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître Simon CLEMENCEAU, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente, Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère, M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Sarah DJABLI, Greffier placé.
DÉBATS : A l'audience publique du 25 mai 2022, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport, Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
1. La société Les Pattes Douces est spécialisée dans la vente de compléments alimentaires sous la marque Unaé. Dans le cadre de son activité, elle s'est rapprochée de la société LIV, Laboratoire d'Innovation Végétale, spécialisée dans la fabrication de compléments alimentaires, notamment pour la fabrication de deux produits Elite et Essentiel. Le 17 juillet 2018, les deux sociétés ont signé un contrat d'ouverture de compte.
2. Le 4 novembre 2019, puis le 17 novembre 2019, la société LIV a établi deux devis pour les deux produits commandés par la société Les Pattes Douces sur la base des demandes de cette dernière. Ces devis comportaient le détail de la composition des produits et le prix unitaire. Sur la base de ces devis, la société Les Pattes Douces a passé commande le 27 novembre 2019 de 8.000 pots du produit Elite et le 30 décembre 2019 de 6.000 pots du produit Essentiel. La livraison était prévue au 21 février 2020 pour le premier et au 25 février 2020 pour le deuxième produit, sous réserve du règlement de 50 % du montant de la commande. La société Les Pattes Douces a procédé au paiement de 50 % du montant des deux ventes. Au titre de ces deux commandes, 3.940 pots du produit Elite ont été livrés le 24 avril 2020, soit avec un retard de plus de deux mois et après de multiples relances, et 2.000 pots du produit Essentiel ont été livrés le 27 mai 2020, avec également près de trois mois de retard.
3. Faute de livraison, la société Les Pattes Douces a mis en demeure la société LIV, par lettre recommandée du 29 mai 2020, de lui livrer les commandes dans les meilleurs délais et de lui verser un dédommagement correspondant au préjudice subi soit la somme de 425.650 euros. La société LIV n'ayant pas donné suite à cette mise en demeure, la société Les Pattes Douces a alors saisi le tribunal de commerce de Romans sur Isère.
4. Par jugement du 12 mai 2021, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a :
- dit que les clauses 2 et 6 des conditions générales de vente de la société LIV vident de leur substance l'obligation essentielle du débiteur ;
- dit que ces conditions générales de vente créent un déséquilibre entre les droits et obligations des parties ;
- écarté l'application de la force majeure ;
- dit en conséquence que les articles 2 et 6 des conditions générales de vente de la société LIV sont réputés non écrits ;
- constaté l'inexécution des obligations contractuelles de la société LIV ;
- condamné la société LIV à payer à la société Les Pattes Douces la somme de 202.814 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait du retard de livraison de ses produits ;
- débouté la société Les Pattes Douces du reste de ses demandes ;
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- mis les dépens à la charge de la société LIV.
5. La société LIV a interjeté appel de cette décision le 4 juin 2021, sauf en ce que le tribunal a :
- débouté la société Les Pattes Douces du reste de ses demandes ;
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;
- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- mis les dépens à la charge de la société LIV.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 5 mai 2022.
6. Lors de l'audience du 25 mai 2022 lors de laquelle l'affaire a été examinée, la cour a attiré l'attention de l'appelante sur l'irrecevabilité de ses conclusions n° 2 figurant dans son dossier de plaidoirie adressé à la cour, conclusions n'ayant pas été remises par voie électronique conformément à l'article 930-1 du code de procédure civile.
Prétentions et moyens de la société LIV :
7. La société LIV a remis par voie électronique ses conclusions d'appelante le 31 août 2021. Cependant, elle a versé à son dossier adressé à la cour et reçu au greffe le 18 mai 2022, des conclusions n°2, lesquelles n'ont pas été remises par voie électronique. Selon l'article 930-1 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. En l'espèce, les conclusions n°2 n'ayant pas été remises par le système RPVA doivent être déclarées irrecevables. Seules les conclusions d'appelantes régulièrement remises le 31 août 2021 seront ainsi prises en compte par la cour.
8. Selon ses conclusions d'appelante remises le 31 août 2021, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1119 et 1231-3 du code civil :
- de la recevoir en ses demandes ;
- de réformer le jugement déféré selon les termes de sa déclaration d'appel ;
- statuant à nouveau, de juger que toutes les clauses insérées dans les conditions générales de vente de la concluante sont opposables et qu'elles doivent produire leurs effets ;
- de débouter l'intimée de toutes ses demandes contraires ;
- de juger que l'intimée ne rapporte pas la preuve de quelconques manquements de la concluante ;
- de juger que l'intimée ne rapporte pas la preuve d'un préjudice en lien avec les quelconques manquements de la concluante :
- de débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes ;
- de condamner l'intimée à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de la condamner aux dépens, en ce compris les éventuels frais d'exécution.
Elle expose :
9. - que le 17 juillet 2018, un contrat de compte client a été ouvert entre les parties, précisant que toute vente à intervenir sera soumise aux conditions générales de vente de la concluante ; qu'ainsi, selon ces conditions approuvées par l'intimée, la concluante s'est engagée, dans la mesure du possible, à expédier tous les produits commandés par l'acheteur, sans pour autant encourir une quelconque responsabilité du fait de ces expéditions ou du fait qu'elles soient incomplètes ; qu'il a été prévu que l'indisponibilité d'un produit résultant d'une interruption de fabrication, d'une pénurie ou d'une toute autre circonstance, ne peut avoir d'effet sur le reste de la commande, ni engager la responsabilité de la société ; qu'il a été stipulé que les délais d'expédition indiqués dans la confirmation de la commande n'ont qu'un caractère indicatif et que les retards éventuels ou les livraisons partielles ne donnent pas le droit à l'acheteur d'annuler la vente, de refuser la marchandise ou de réclamer une indemnisation ; que ces conditions ont également indiqué que la concluante est libérée de son obligation de livraison pour les cas fortuits et de force majeure, dans les difficultés d'approvisionnement ou les retards provoqués par un sous-traitant ou fournisseur ;
10. - qu'il résulte de l'article 1321-3 du code civil que le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive ;
11. - que les stipulations limitatives insérées dans les conditions générales de vente ne vident pas les obligations essentielles du contrat puisque la concluante a toujours été tenue à l'égard de l'intimée de produire et livrer les produits commandés ;
12. - que les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité dans les contrats entre professionnels de même spécialité sont opposables et doivent recevoir application, pourvu qu'elles aient été acceptées, ce qui est le cas en l'espèce en raison de la signature du contrat de compte client par l'intimée ; qu'en outre, l'intimée insère le même type de clause dans ses propres conditions générales de vente, alors que ses clients sont des particuliers, dégageant toute responsabilité en cas de retard de livraison pour quelque cause que ce soit ;
13. - que le tribunal a exclu à tort la force majeure, en indiquant que les commandes passées en novembre et décembre 2019 étaient prévues pour une livraison en février et mars 2020, donc avant la crise sanitaire, alors que la concluante a précisé que cette crise n'a eu que peu d'impact sur le fonctionnement de ses usines et que le retard est principalement dû au manque de matières premières et à des analyses conformes de sorte que la production n'avait pas commencé en mars 2020 ;
14. - qu'en réalité, la concluante n'a jamais indiqué que la crise sanitaire n'avait pas eu d'impact, puisqu'elle a conclu avoir indiqué à l'intimée le notable ralentissement de son activité à partir de mars 2020, étant impactée par les règles imposées par la crise sanitaire ; qu'en raison de cette crise, toute la chaîne de professionnels avec lesquels elle travaille a subi des conséquences en termes de logistique, d'absentéisme, de retards de livraison ; qu'ainsi, la concluante s'est trouvée confrontée à la force majeure ;
15. - concernant les demandes indemnitaires formées par l'intimée, que celles-ci sont d'abord irrecevables en raison des conditions générales de vente ; qu'en outre, la concluante n'a commis aucune faute ; que si le tribunal a retenu que la concluante n'a pas informé sa cliente dès le mois de janvier 2020 des retards prévisibles de livraison, les échanges de mails prouvent le contraire ; qu'à compter du 17 mars 2020, l'intimée a été particulièrement informée de l'allongement des délais de livraison imputable à la crise sanitaire ; que plusieurs dizaines milliers de piluliers ont été livrés en avril et mai 2020 ; que cette crise a empêché la concluante de réduire les délais, alors que les dates de livraison n'étaient qu'indicatives ; que l'ordonnance du 25 mars 2020 a prorogé de nombreux délais jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire ;
16. - que si l'intimée reproche à la concluante de ne pas avoir respecté ses engagements, notamment parce qu'elle ne disposait pas des stocks nécessaires à la production des commandes, cela ne peut caractériser un manquement contractuel, alors que la concluante travaille sur commande ; qu'elle s'approvisionne après réception des demandes de ses clients ; que la concluante n'a jamais prétendu disposer de toutes les matières premières en stock, alors que les produits commandés par l'intimée comprennent entre 22 et 32 ingrédients ; que les commandes en cause portaient sur plus de 100.000 euros, de sorte qu'aucun fournisseur ne peut avoir constamment en stock les matières nécessaires sans savoir si une commande sera effectivement passée ; qu'il s'avère que l'intimée était, avant la période en cause, régulièrement en rupture de stocks sans qu'elle puisse imputer ce fait à la concluante, ces ruptures s'inscrivant dans sa stratégie commerciale et résultant de son imprévoyance;
17. - que si l'intimée reproche également à la concluante de ne pas avoir mis en œuvre les moyens nécessaires pour s'assurer de la disponibilité des matières premières, une part des retards de livraison résulte de la non-conformité de certains ingrédients, ce qui est apparu au mois de février 2020, dans le cadre d'analyse de contrôle ; que la concluante a pris les mesures nécessaires afin d'obtenir de nouveaux ingrédients, mais que les effets de la crise sanitaire se sont alors fait connaître y compris au niveau des laboratoires d'analyse ; qu'en outre, l'intimée a refusé de prendre livraison de commandes partiellement disponibles en avril et mai 2020, au motif qu'elles ne remplissaient pas un camion ;
18. - que l'article 1231-2 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; que l'article 1231-3 prévoit que seul est réparable le dommage qui était prévu ou prévisible lors de la conclusion du contrat ; qu'en l'espèce, tous les produits livrés ont pu être commercialisés, de sorte que l'intimée ne subit en réalité aucun préjudice ; qu'il est établi que l'intimée disposait de produits pour la vente dans l'attente de son réapprovisionnement par la concluante ; que ses clients ont attendu le réassort et ont alors massivement passé leurs commandes, ainsi que cela ressort sur la période de mai 2020, puisqu'après une livraison le 5 mai, tous les produits avaient été vendus le 11 mai, ce qui représente l'équivalent de deux mois de vente ;
19. - que le montant du préjudice invoqué est fantaisiste, puisque concernant le produit Elite, la rupture d'approvisionnement n'a été que de 2,3 mois, alors que l'intimée a refusé des livraisons et qu'ultérieurement, l'intimée a vendu l'intégralité des produits livrés, rattrapant ses pertes ; que l'intimée évalue son préjudice sur la base de la totalité de son chiffre d'affaires, alors que ce chiffre englobe le coût de fabrication et de livraison ; qu'elle ne réalise ainsi sur le produit Elite qu'une marge de 39'% du prix de vente ;
20.- que s'agissant du produit Essentiel, la rupture de livraison n'a été que de 1,8 mois, alors que l'intimée raisonne de la même façon que précédemment, bien que son taux de marge représente 38'% du prix de vente.
Prétentions et moyens de la société Les Pattes Douces :
21. Selon ses conclusions d'intimée remises le 23 novembre 2021, elle demande à la cour, au visa des articles 1110, 1170, 1217, 1231-2 et 1231-3 du code civil :
- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les articles 2 et 6 des conditions générales de vente soumises par la société LIV vident de leur substance l'obligation essentielle du débiteur ; en ce qu'il a dit que les conditions générales de vente soumises par la société LIV créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; en ce qu'il a écarté l'application de la force majeure ; en ce qu'il a déclaré les articles 2 et 6 des conditions générales de vente soumises par la société LIV non écrits ;
- d'infirmer ce jugement en qu'il a condamné la société LIV à régler à la concluante la somme de 202.814 euros ;
- de condamner la société LIV au paiement de la somme de 425.650 euros au titre de la réparation du préjudice subi par la concluante ;
- de condamner la société LIV au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société LIV aux entiers dépens ;
- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- de condamner la société LIV au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société LIV aux entiers dépens.
Elle soutient :
22. - concernant les clauses exonératoires figurant dans les conditions générales de vente, que selon l'article 1170 du code civil, toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ; que cela s'applique notamment à l'obligation de délivrance ;
23. - qu'en l'espèce, le bons de commandes ont prévu une date précise et ferme pour le départ des produits ; que l'inexécution résulte de l'incapacité de l'appelante à fournir les matières premières nécessaires et à son incapacité de procéder à leur contrôle suivant un plan déterminé, puis à fabriquer les produits et à les livrer, ce que reconnaît l'intimée ; qu'ainsi, au mois de mai 2020, elle était encore dans l'impossibilité de livrer intégralement les commandes ; qu'en raison de l'antériorité des relations contractuelles, elle ne pouvait ignorer que le délai de livraison constituait une obligation essentielle du contrat, en raison de la stratégie commerciale de la concluante ; qu'ainsi, les conditions générales de vente de l'appelante ont vidé le contrat de sa substance, comme retenu par le tribunal ;
24. - qu'en outre, l'article L. 442-1 du code de commerce prévoit qu'engage sa responsabilité la partie qui soumet ou tente de soumettre l'autre à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations respectifs ; que l'article 1171 du code civil dispose que, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ;
25. - qu'en l'espèce, la lecture des conditions générales de vente permet de constater le déséquilibre créé par l'appelante, l'absence de réciprocité des obligations mises à la charge des parties, la dérogation systématique au droit commun, l'imprécision et l'opacité de ces clauses ; qu'elles n'ont été acceptées que dans le cadre d'un contrat d'adhésion, sans possibilité de négociation ; qu'elles sont ainsi non écrites ;
26. - que l'appelante ne peut invoquer la force majeure ou le cas fortuit, puisque les commandes ont été passées en novembre et décembre 2019, pour des livraisons devant intervenir en février et mars 2020 ; qu'elle ne peut ainsi invoquer la crise sanitaire qui a débuté le 16 mars 2020 ; qu'elle précise elle-même que cette crise n'a eu aucun impact sur son fonctionnement ; qu'au mois de mars 2020, la fabrication des produits n'avait pas démarré, sans que l'appelante n'informe la concluante d'une quelconque difficulté ; que l'appelante tente de faire peser ses carences sur ses fournisseurs ;
27. - concernant le préjudice subi, que la concluante est spécialisée dans la vente de compléments alimentaires notamment en ligne, de sorte que son activité n'a que peu été impactée par la crise sanitaire ; qu'elle a avisé l'appelante dès le mois de mars 2020 de l'impact du retard des livraisons ; qu'elle s'est trouvée en rupture d'approvisionnement à partir du 11 février 2020 pour le produit Elite, et le 11 mars 2020 pour le produit Essentiel, alors que les livraisons devaient intervenir respectivement les 21 et 25 février 2020 ; que les produits sont utilisés au long cours par le clientèle, laquelle, en cas d'indisponibilité, se tourne vers d'autres fournisseurs ; que la concluante a ainsi reçu des messages de mécontentement ;
28. - que la concluante a ainsi subi, sur la base des ventes de la fin d'année 2019, pour la période du 21 février au 1er juin 2020, un manque à gagner de 343.500 euros sur le produit Elite, et à compter du 11 mars 2020 pour le produit Essentiel de 82.300 euros ; que son préjudice total est ainsi de 425.650 euros.
* * *
29. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
Titrage Demande tendant à obtenir la livraison de la chose ou à faire sanctionner le défaut de livraison.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
1) Sur la validité des conditions générales de vente de la société LIV :
30. Le tribunal de commerce a rappelé que selon l'article 1170 du code civil, toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite, et que selon l'article 1171 du même code, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite, l'appréciation du déséquilibre significatif ne portant ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
31. Le tribunal a également énoncé que l'article L 442-1 du code du commerce précise qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services d'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ou de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
32. Les premiers juges ont constaté que selon l'article 2 des conditions générales de vente, la société LIV s'engage, dans la mesure du possible, à expédier tous les produits commandés par l'acheteur, sans pour autant encourir une quelconque responsabilité du fait de ces expéditions ou du fait qu'elles soient incomplètes, et que l'indisponibilité d'un produit résultant d'une interruption de fabrication, d'une pénurie ou d'une toute autre circonstance, ne peut avoir d'effet sur le reste de la commande, ni engager de quelque manière que ce soit sa responsabilité. Ils ont également indiqué que selon l'article 6 des conditions générales de vente, les délais d'expédition indiqués dans la confirmation de commande n'ont qu'un caractère purement indicatif et que les retards éventuels ou livraisons partielles ne donnent en aucun cas à l'acheteur le droit d'annuler la vente, de refuser la marchandise ou de réclamer des dommages et intérêts ; que la société LIV est libérée de son obligation de livraison pour tous les cas fortuits, et de force majeure.
33.Le tribunal de commerce en a déduit que ces conditions générales de vente créent un déséquilibre significatif entre les parties, la société Les Pattes Douces ayant été soumise aux conditions fixées par la société LIV sans possibilité de les négocier. Il en a retiré que ces articles 2 et 6 vident le contrat de vente de sa substance, en ce que ces clauses ont pour objet de permettre à la société LIV de ne pas procéder ni à la fabrication, ni à l'expédition des produits objet du contrat. Il a ainsi déclaré que les clauses invoquées sont réputées non-écrites en ce qu'elles vident le contrat de son obligation essentielle.
34. La cour indique, s'agissant de l'application de l'article L. 442-1 du code de commerce, que selon l'article L. 442-4, les litiges relatifs à l'application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret. Selon l'article D. 442-3, pour l'application du III de l'article L. 442-4, le siège et le ressort des tribunaux judiciaires compétents en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-2. La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. L'annexe 4-2-2 dispose que pour les juridictions situées sur le ressort de la cour d'appel de Grenoble, le tribunal judiciaire de Lyon a compétence exclusive pour connaître de ces litiges. En conséquence, le tribunal de commerce de Romans sur Isère n'a pu fonder sa décision sur les dispositions de l'article L. 442-1 précité pour écarter les conditions générales de vente stipulées par l'appelante.
35. Concernant l'application des articles 1170 et 1171 du code civil, il résulte de ces textes que toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite, et que dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
36. Selon l'article 1er de ces conditions, toute commande entraîne acceptation sans réserve par l'acheteur des conditions générales de vente stipulées dans les confirmations de commande. Ainsi, selon l'article 2, la société LIV s'engage, dans la mesure du possible, à expédier tous les produits commandés par l'acheteur, sans pour autant encourir une quelconque responsabilité du fait de ces expéditions ou du fait qu'elles soient incomplètes. L'indisponibilité d'un produit résultant d'une interruption de fabrication, d'une pénurie ou d'une toute autre circonstance, ne peut avoir d'effet sur le reste de la commande, ni engager de quelque manière que ce soit la responsabilité de la société LIV. L'article 6 stipule que les délais d'expédition indiqués dans la confirmation de commande n'ont qu'un caractère purement indicatif et les retards éventuels ou livraisons partielles ne donnent en aucun cas à l'acquéreur le droit d'annuler la vente, de refuser la marchandise ou de réclamer des dommages et intérêts. La société LIV est libérée de son obligation de livraison pour tous les cas fortuits et de force majeure, notamment en cas d'interruption de transport, d'accident technique affectant la bonne marche des installations, de difficulté d'approvisionnement due par exemple à une pénurie de matières premières.
37. Ces conditions générales de vente ne s'inscrivent pas dans un contrat d'adhésion, puisque si l'article 1er prévoit que toute commande entraîne acceptation sans réserve de ces restrictions, c'est cependant sous réserve de toute convention contraire écrite entre les parties. Une possibilité de négociation est ainsi ouverte afin que les parties puissent les écarter. En conséquence, les dispositions de l'article 1171 du code civil, ne concernant qu'un contrat d'adhésion non négociable, ne peuvent être retenues.
38. S'agissant de l'application de l'article 1170 du code civil, selon lequel toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite, tel est le cas de clauses limitatives de responsabilité lorsqu'elles portent sur l'obligation essentielle du contrat et contredisent la portée de l'engagement pris, créant ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
39. En l'espèce, il résulte des confirmations de commandes que l'appelante s'est engagée à livrer les produits commandés respectivement les 21 et 25 février 2020. Les conditions générales prévoyant que la société LIV s'engage, dans la mesure du possible, à expédier tous les produits commandés par l'acheteur, sans pour autant encourir une quelconque responsabilité du fait de ces expéditions ou du fait qu'elles soient incomplètes, que les délais d'expédition indiqués dans la confirmation de commande n'ont qu'un caractère purement indicatif et que les retards éventuels ou livraisons partielles ne donnent en aucun cas à l'acquéreur le droit d'annuler la vente, de refuser la marchandise ou de réclamer des dommages et intérêts, vident l'obligation de délivrance de la société LIV de sa substance, alors qu'il s'agit d'une obligation essentielle du contrat de vente. Aucune contrepartie n'étant offerte à l'acheteur, qui a cependant réglé un acompte important afin de valider la commande, il en résulte ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. En conséquence, ces conditions doivent être réputées non écrites. L'argument opposé par la société LIV tiré des conditions générales de vente imposées par l'intimée à ses propres clients est inopérant, ne concernant pas le présent litige.
40. Il en résulte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que les clauses 2 et 6 des conditions générales de vente de la société LIV vident de leur substance l'obligation essentielle du débiteur, en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et ainsi en ce qu'elles sont réputées non écrites.
2) Concernant la responsabilité de la société LIV au regard du retard apporté dans la livraison des produits commandés :
41. Il est constant que les commandes effectuées par la société Les Pattes Douces ont été validées par le règlement d'un acompte de 50 %, et en conséquence, les produits concernés devaient être expédiés le 21 février 2020 pour la moitié de la commande Elite, le 25 février 2020 pour la commande Essentiel, puis le 20 mars 2020 pour la seconde moitié de la commande Elite. Les commandes ont porté sur 92.586,80 euros TTC pour le produit Elite et sur 33.773,80 euros TTC pour le produit Essentiel. Ainsi que soutenu par l'intimée, ces confirmations de commande ont prévu une date précise et ferme pour le départ des produits, et au regard de l'antériorité des relations contractuelles entre les deux sociétés, la société LIV ne pouvait ignorer que le délai de livraison constituait une obligation essentielle du contrat compte-tenu du caractère stratégique des produits commandés pour la bonne marche de la société Les Pattes Douces, ce que confirme le montant des commandes en cause.
42. Il est constant que les délais de livraison indiqués par la société LIV n'ont pas été respectés, les premières livraisons partielles n'étant effectuées qu'à partir du 24 avril 2020 pour le produit Elite avec la livraison d'une quantité de produits représentant moins de 50 % de la commande, puis le 27 mai 2020 pour le produit Essentiel avec la livraison du tiers de la quantité de produits commandés.
43. Les stipulations de l'article 6 des conditions générales de vente de l'appelante, selon lesquelles elle est libérée de son obligation de livraison pour tous les cas fortuits et de force majeure, ne peuvent être réputées non écrites, ne correspondant qu'au droit commun de la responsabilité contractuelle. Il appartient cependant à l'appelante de rapporter la preuve du cas fortuit ou de la force majeure l'ayant mis dans l'impossibilité d'exécuter, de bonne foi, son obligation de délivrance.
44. A ce titre, le tribunal de commerce a justement retenu que les commandes passées au mois de novembre et décembre 2019 ont prévues une livraison en février et en mars 2020, donc avant la crise sanitaire, alors que la société LIV a précisé dans ses conclusions que cette crise n'a pas eu ou peu d'impact sur le fonctionnement de ses usines. Il a exactement observé que le retard est dû principalement au manque de matières premières et aux analyses non conformes de ces dernières, et qu'en mars 2020, la production n'avait pas commencé.
45. La cour ne peut qu'approuver ces motifs, l'appelante indiquant dans ses conclusions développées devant elle que ce n'est qu'à partir du mois de mars 2020 que son activité a été notablement ralentie en raison de la crise sanitaire. La cour, comme le tribunal, constate qu'à cette époque les produits commandés auraient dû être déjà livrés. L'appelante ne peut ainsi invoquer ni un cas fortuit, ni la force majeure. Elle est de même mal fondée à invoquer l'absence de stock des matières premières nécessaires à la composition des gélules, en raison de commandes finalisés fin novembre et fin décembre 2019, alors qu'elle s'était engagée pour des livraisons devant intervenir sous trois mois, ne justifiant pas avoir mis en œuvre les moyens nécessaires pour s'assurer de la disponibilité de ces matières en temps utile, alors qu'elle a indiqué que c'est en février 2020 qu'elle a constaté l'absence de conformité de certains composants suite à des analyses de contrôle, ce qui démontre que la production a commencé tardivement, ne lui permettant pas ainsi de tenir les délais indiqués à sa cliente. Elle ne peut pas plus invoquer l'ordonnance du 25 mars 2020 ayant prorogé de nombreux délais jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire, puisque les dernières livraisons auraient dû être effectuées un mois avant cette date. En conséquence, le tribunal de commerce a exactement écarté la force majeure, et le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a constaté l'inexécution fautive des obligations de la société LIV.
3) Sur le préjudice subi par la société Les Pattes Douces :
46. Ainsi que soutenu par la société LIV, au regard des articles 1231-2 et 1231-3 du code civil, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé. Seul est réparable le dommage qui était prévu ou qui était prévisible lors de la conclusion du contrat.
47. Concernant le préjudice subi pour les produits Elite, le tribunal de commerce a constaté que la société Les Pattes Douces a été réapprovisionnée le 16 mai 2020 ce qui correspond à 2,3 mois de rupture de stocks de son produit. Il a retenu que le chiffre d'affaires de cette société a été de 232.000 euros sur la période de février à juin 2020 et que la rupture de stocks a entraîné un manque de chiffre d'affaires de 162.000 euros. Il a indiqué que la vente de 3.940 pots aurait procuré un chiffre d'affaires de 208.000 euros, auquel il faut déduire les frais directs de la composition d'un lot soit la somme de 64,69 euros par lot. Il en a déduit que la marge correspond à 41,29 euros par lot soit pour 4.000 pots livrés, la somme de 165.160 euros. Il a en conséquence condamné la société LIV au paiement de cette somme.
48. Concernant le préjudice subi pour les produits Essentiel, le tribunal a constaté que la société Les Pattes Douces a été réapprovisionnée le 1er juin 2020 et qu'elle a refusé une livraison le 5 mai, ce qui a retardé de 10 jours la réception des produits. Il a retenu que la rupture de stock imputable à la société LIV est de 1,8 mois, ce qui correspond à un manque de chiffre d'affaires de 60.733,71 euros, auquel il faut déduire les frais directs de la composition d'un lot soit la somme de 14,18 euros. Le tribunal a considéré que la marge correspond à 38% par lot soit la somme de 37.654 euros, et il a ainsi condamné la société LIV au paiement de cette somme.
49. La cour relève que l'intimée est spécialisée dans la vente de compléments alimentaires en ligne, et ainsi qu'elle le soutient, son activité n'a pas été affectée par la crise sanitaire, compte tenu de sa spécificité. Il est établi qu'elle s'est retrouvée en rupture d'approvisionnement à la mi-février 2020 pour le produit Elite, et à la mi-mars 2020 pour le produit Essentiel, alors que ces produits devaient être livrés respectivement fin février et mars 2020. Elle justifie d'informations mises en ligne sur son site de vente et de l'annulation de commandes de la part de sa clientèle, se tournant vers d'autres sites marchands. Les dernières livraisons promises par l'appelante ne sont intervenues que le 18 juin 2020.
50. Selon les tableaux établis par l'intimée au sujet des ventes réalisées sur les produits Elite et Essentiel entre janvier 2019 et mai 2020, la cour constate qu'à partir des mois de mars et avril 2020, la société Les Pattes Douces n'a plus réalisé de vente, à la différence de l'année précédente. A ce titre, l'appelante est mal fondée à soutenir que l'intimée entretient une politique consistant à organiser une certaine pénurie par l'absence de stocks suffisants, puisque les ventes réalisées au début de l'année 2020 ont été importantes, alors que selon ces tableaux, les livraisons promises étaient de nature à permettre la poursuite de l'activité normale de l'intimée.
51. Il résulte de ces éléments qu'au regard des résultats réalisés en 2019, la société Les Pattes Douces a perdu, entre début mars et fin mai 2020, la possibilité de vendre 731 produits Essentiel, et 919 produits Elite. En termes de chiffre d'affaires, la cour note que l'intimée a ainsi subi une perte de 25.822,73 euros sur le produit Essentiel, et de 94.775,71 euros sur le produit Elite. Il n'est pas établi qu'à partir du mois de juin 2020 l'intimée a continué à subir une perte sur les ventes antérieurement réalisées, d'autant que les dernières livraisons sont intervenues pendant ce mois. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a retenu des pertes liées aux retards de livraison pour un total de 202.814 euros, et l'intimée est mal fondée à invoquer un préjudice de 425.650 euros, ne produisant aucune pièce étayant cette demande, les seuls éléments comptables produits par elle étant les deux tableaux reportant les ventes effectuées, ainsi que le chiffre d'affaires ainsi dégagé, desquels il ressort que 120.598,44 euros de chiffre d'affaires ont ainsi été perdus sur trois mois, par rapport à la même période de l'année précédente.
52. Le tribunal a exactement retenu un taux de marge de 38 % applicable aux produits distribués par la société Les Pattes Douces, et la cour relève que l'intimée ne produit pas d'éléments comptables (comme un compte d'exploitation) permettant de déterminer le manque à gagner effectivement subi au regard des articles 1231-2 et 1231-3 du code civil, puisque les chiffres figurant dans les deux tableaux produits par elle ne concernent que le chiffre d'affaires manqué, et non le gain effectivement perdu. Au regard de ce taux de marge, la cour ramènera l'indemnité allouée à l'appelante à la somme de 45.827,41 euros. Le jugement déféré sera infirmé en conséquence.
53. En raison du sens du présent arrêt, il est équitable de laisser à chacune des parties la charge des frais qu'elles ont engagés devant la cour par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre leurs propres dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, Les parties en ayant été préalablement avisées dans Les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l'article 930-1 du code de procédure civile ;
Déclare irrecevables les conclusions n° 2 de la société LIV, Laboratoire d'Innovation Végétales ;
Vu les articles 1170, 1171, 1231-1 et 1231-3 du code civil, L 442-1 du code de commerce ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société LIV à payer à la société Les Pattes Douces la somme de 202.814 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait du retard de livraison de ses produits ;
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions déférées à la cour ;
statuant à nouveau ;
Condamne la société LIV à payer à la société Les Pattes Douces la somme de 45.827,41 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait du retard de livraison de ses produits ;
y ajoutant ;
Laisse à chacune des parties la charge des frais qu'elles ont engagés devant la cour par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre leurs propres dépens exposés en cause d'appel ;
Signé par Madame FIGUET, Présidente et par Madame RICHET, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
- 6242 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Compétence territoriale
- 6390 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs - Obligation essentielle
- 8261 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 -Loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Domaine d'application