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CASS. CIV. 1re, 28 septembre 2022

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 28 septembre 2022
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 21-11221
Décision : 22-690
Date : 28/09/2022
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:C100690
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA LIMOGES (ch. civ.), 12 décembre 2019
Numéro de la décision : 690
Référence bibliographique : 9742 (prêt en monnaie étrangère)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9824

CASS. CIV. 1re, 28 septembre 2022 : pourvoi n° 21-11221 ; arrêt n° 690 

Publication : Legifrance

 

Extrait : « 8. Pour écarter le caractère abusif de la clause de révision du taux d'intérêt, l'arrêt retient que celle-ci définit l'objet principal du contrat et que celui-ci expose de manière parfaitement claire et compréhensible les conditions de variation du taux de l'intérêt et ses conséquences sur le plan de remboursement, en fixant une double limite de la durée supplémentaire de remboursement et de la majoration des règlements en euros.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni à l'emprunteur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de cette clause dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus par rapport à la monnaie de compte sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : F 21-11.221. Arrêt n° 690 F-D.

DEMANDEUR à la cassation : Madame X.

DÉFENDEUR à la cassation : Société BNP Paribas Personal Finance

M. CHAUVIN, président.

Aide juridictionnelle totale en demande au profit de Mme X. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 27 novembre 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mme X., domiciliée [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° F 21-11.221 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Limoges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de Mme X., de la SCP Spinosi, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 12 décembre 2019), suivant offre de prêt acceptée le 20 juillet 2008, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à M. X. et à Mme [U] un prêt, dénommé Helvet Immo, libellé en francs suisses, remboursable en euros et destiné à financer l'acquisition d'un appartement à usage locatif. A la suite du prononcé de leur divorce, le bien financé a été attribué à Mme X. (l'emprunteur), qui n'a pu acquitter des échéances à compter de janvier 2010.

2. Le 27 mai 2016, la banque a assigné l'emprunteur en paiement, lequel a soutenu que la clause stipulant la révision du taux d'intérêt en fonction de la variation du taux de change était abusive et devait être déclarée non écrite.

 

Examen du moyen :

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé :

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

 

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Enoncé du moyen :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

4. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer la banque et de rejeter ses demandes, alors « qu'aux fins de respecter l'exigence de transparence d'une clause contractuelle fixant un taux d'intérêt variable, dans le cadre d'un contrat de prêt, cette clause doit permettre qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d'évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières ; qu'en se bornant à relever, pour dire que la clause fixant les conditions de variation du taux d'intérêt était claire et compréhensible, qu'elle fixait une double limite de la durée supplémentaire de remboursement et de la majoration des règlements en euros, sans rechercher si la clause litigieuse avait mis en mesure l'emprunteur, de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d'évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

5. Selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, l'appréciation du caractère abusif des clauses ne portant ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

6. Il incombe au juge national d'examiner d'office si, au regard des critères posés par les décisions de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), les clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ne revêtent pas un caractère abusif.

7. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la CJUE a dit pour droit que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

8. Pour écarter le caractère abusif de la clause de révision du taux d'intérêt, l'arrêt retient que celle-ci définit l'objet principal du contrat et que celui-ci expose de manière parfaitement claire et compréhensible les conditions de variation du taux de l'intérêt et ses conséquences sur le plan de remboursement, en fixant une double limite de la durée supplémentaire de remboursement et de la majoration des règlements en euros.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni à l'emprunteur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de cette clause dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus par rapport à la monnaie de compte sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes de dommages-intérêts pour manquement de la banque à son obligation de mise en garde et d'information, l'arrêt rendu le 12 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance et la condamne à payer à Mme X. la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par Maître Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour Mme X.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mme X. fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance de la société BNP Paribas Personal Finance à la somme de 238.472,09 euros, outre intérêts, de l'avoir condamnée à lui payer cette somme et de l'avoir déboutée de sa demande tendant à ce que la clause prévoyant la révision du taux d'intérêt en fonction des variations du taux de change soit réputée non écrite ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°) ALORS QUE dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; qu'en se bornant à relever, pour écarter la demande de Mme X. au titre du caractère abusif de la clause « remboursement de votre crédit » du contrat de prêt, que ce contrat exposait de manière claire et compréhensible les conditions de variation du taux de l'intérêt et que le risque lié à la variation du taux de l'intérêt ne pesait pas exclusivement sur l'emprunteur, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les stipulations relatives à la variation du taux de change, dont il était soutenu qu'elle faisait peser sur le seul emprunteur le risque de change, n'était pas abusive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;

2°) ALORS QUE, en tout état de cause, le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose ; que bien qu'il résultait des éléments de fait et de droit débattus devant elle que, selon le mécanisme de change prévu par le contrat de prêt litigieux, les mensualités étaient susceptibles d'augmenter, sans plafond, lors des cinq dernières années du crédit, la cour d'appel qui s'est abstenue de rechercher d'office, notamment, si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur l'emprunteur et si, en conséquence, la clause relative au mécanisme de change n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur, a violé les articles L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation ;

3°) ALORS QUE aux fins de respecter l'exigence de transparence d'une clause contractuelle fixant un taux d'intérêt variable, dans le cadre d'un contrat de prêt, cette clause doit permettre qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d'évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières ; qu'en se bornant à relever, pour dire que la clause fixant les conditions de variation du taux d'intérêt était claire et compréhensible, qu'elle fixait une double limite de la durée supplémentaire de remboursement et de la majoration des règlements en euros, sans rechercher si la clause litigieuse avait mis en mesure Mme X., emprunteuse, de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d'évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation.