CA MONTPELLIER (ch. com.), 27 septembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9834
CA MONTPELLIER (ch. com.), 27 septembre 2022 : RG n° 20/02442
Publication : Judilibre
Extrait : « L'analyse de la société Locam procède d'une assimilation entre opérations de banque et services financiers que le code monétaire et financier différencie en les traitant par des dispositions spécifiques insérées d'une part, au Livre III Titre I (articles L.311-1 à L.318-5) pour les opérations de banque et, d'autre part, au Livre III Titre IV (articles L.341 à L.343-6) pour les services financiers.
Le contrat de location de longue durée prévoyant la mise à disposition de la société Château les Palais d'un photocopieur moyennant paiement d'un loyer sur 21 trimestres n'est pas assimilable à une opération de crédit faute d'option d'achat à son terme ; il s'agit d’une location simple non soumise, à ce titre, à la réglementation bancaire. Les dispositions relatives aux locations simples de mobilier sont insérées dans le Titre I du Livre III dans la définition des opérations connexes aux opérations de banque énumérées à l'article L.311-2 du code monétaire et financier. Par ailleurs, les services financiers, tels que définis par les articles L. 341 et suivants du code monétaire et financier, sont régis par le chapitre 'Dispositions particulières aux contrats conclus à distance portant sur des services financiers', figurant aux articles L. 222-1 et suivants du code de la consommation, qui renvoie aux services mentionnés aux livres I à III (...) du code monétaire et financier et l'exclusion de l'article L.221-2 4°(anciennement article L. 121-16-1 I 4°) ne concerne bien que les services financiers du Livre III Titre IV dudit code. La société Locam ne prétend d'ailleurs pas avoir mis en oeuvre le formalisme prévu aux articles L.222-1 et suivants prévoyant notamment l'envoi au client des informations énoncées à l'article L.222-5 en temps utile et avant qu'il ne soit lié par le contrat.
De même, la société Locam conteste l'application des dispositions de l'article L. 121-16-III du code de la consommation, qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 applicable au litige (devenu l'article L.2 21-3), inséré au chapitre 1er 'contrats conclus à distance et hors rétablissement', ouvre au professionnel, employant cinq salariés au plus ayant souscrit hors établissement un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, le bénéfice des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code, notamment aux sous-sections 2, 3, 6 et 7, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels.
Il n'est pas discuté que la société Château Les Palais, ayant pour activité la commercialisation de boissons spiritueuses, employait moins de cinq salariés (concrètement un salarié) lors de la conclusion du contrat et que l'exercice d'une telle activité ne lui conférait aucune compétence particulière pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans une opération englobant la location d'un photocopieur, sa maintenance et son renouvellement éventuel dans le cadre du partenariat mis en place sans que la clause dactylographiée insérée au contrat de location selon laquelle « le client atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ne puisse faire échec à cette analyse, puisque le seul critère applicable, est celui de « l'objet du contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel ».
Dès lors que les services proposés étaient étrangers à son champ de compétence professionnelle et n'avaient été appréhendés par elle qu'en vue de faciliter l'exercice de son activité, il en résulte qu'elle peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation (devenu l'article L. 221-3) précité, renvoyant aux articles L.121-17 (devenu L. 221-5 à L. 221-7) et L.121-18-1 (devenu L. 221-9) insérés aux sous-sections 2 et 3 prévoyant notamment que le contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au 2 ° I de l'article L. 121-17 au nombre desquelles l'indication du délai et des modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire-type de rétractation accompagnant le contrat (...). »
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/02442. N° Portalis DBVK-V-B7E-OTIY. Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 JANVIER 2020, TRIBUNAL DE COMMERCE DE NARBONNE : R.G. n° 2018003824.
APPELANTE :
SARL CHATEAU LES PALAIS,
prise en la personne de Mme H. J., liquidateur amiable, Château-les-Palais, [Localité 1], Représentée par Maître Victor ETIEVANT, avocat au barreau de NARBONNE
INTIMÉS :
Maître Philippe PERNAUD ès qualités de liquidateur de la SARL IMPRESSIONS MULTIFONCTIONS & EQUIPEMENTS
[Adresse 2], [Localité 4], Assigné le 20 août 2020 à domicile
SAS LOCAM
prise en la personne de son représentant légal en exercice [Adresse 3], [Localité 6], Représentée par Maître Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
SARL IMPRESSIONS MULTIFONCTIONS & EQUIPEMENTS
prise en la personne de son liquidateur judiciaire [Adresse 7], [Localité 5], Assignée le 20 août 2020 en Procès-verbal de recherches infructueuses
Ordonnance de clôture du 17 mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller, Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO
ARRÊT : - Rendue par défaut - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SARL Château Les Palais exerce une activité relative aux produits agricoles alimentaires transformés ou bruts à [ville S.].
Par acte sous seing privé du 10 février 2015, elle a signé :
- un contrat de maintenance concernant un photocopieur Olivetti MF 3100 auprès de la SARL Impressions Multifonctions & Equipements (IME- anciennement Chrome Bureautique), qui le lui fournissait (selon un bon de commande du même jour) et,
- un « contrat de partenariat client référent » auprès de la SARL SEPM-Chrome Communication, prévoyant notamment une « participation commerciale de 3.200 euros » ainsi qu'un « changement du matériel tous les 21 mois», une prise en charge du «solde du contrat en cours au renouvellement de celui-ci (nouvelle participation identique 3.200 euros) et «aucun prélèvement lors du 1er trimestre et ce à chaque renouvellement».
Le contrat de partenariat prévoit qu'il est « solidaire et indivisible du bon de commande de matériel et du contrat de maintenance signés ce jour ».
Par acte sous seing privé du même jour, elle a signé un contrat de location financière n°1171154, auprès de la SAS Locam, prévoyant pour ce matériel un loyer mensuel de 570 euros HT sur une durée de 21 trimestres.
Le 26 février 2015, elle a signé le procès-verbal de réception du matériel.
Par jugement en date du 4 septembre 2017 rendu par le tribunal de commerce de Montpellier, la société IME a fait l'objet d'un redressement judiciaire, M. [L] étant désigné en qualité d'administrateur et M. Pernaud en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 24 novembre. 2017, ce même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société IME et désigné M. Pernaud en qualité de liquidateur judiciaire.
Par lettre recommandée du 15 juin 2018 (avis de réception signé le 21 juin suivant), la société Locam a mis en demeure la société Château Les Palais de lui régler trois loyers impayés, outre la clause pénale et des intérêts de retard sous huit jours et l'a informée qu'à défaut, elle prononcerait la déchéance du terme, le montant total des sommes dues étant de 8.341,91 euros.
Par ordonnance portant injonction de payer du président du tribunal de commerce de Narbonne en date du 6 août 2018, la société Château Les Palais a été condamnée à payer à la société Locam les sommes de 7 524 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2018, 7 524,40 euros au titre de la clause pénale, 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire et aux dépens.
Statuant sur opposition et après avoir joint l'assignation en date du 15 mars 2019 en intervention forcée délivrée par la société Château Les Palais à la société IME, son liquidateur et la société SEPM, le tribunal de commerce de Narbonne a, par jugement du 7 janvier 2020, a :
« - vu les articles 1130 et suivants du code civil, l'article L. 121-16-1 du code de la consommation,
- Dit non fondée l'opposition formée par la SARL Château Les Palais (...),
- Dit que le consentement de la SARL Château Les Palais n'est pas vicié par le dol,
- En conséquence, rejeté la demande de la SARL Château Les Palais en nullité du contrat de location signé avec la SAS Locam,
- Dit que la société Château Les Palais a agi en tant que commerçante dans le cadre et pour le compte de son activité professionnelle,
- Dit que le présent jugement se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer (...) et condamné la SARL Château Les Palais à régler à la SAS Locam la somme principale de 8 276,40 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2018,
- Débouté la SARL Château Les Palais de toutes ses demandes,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- Condamné la SARL Château Les Palais à payer à la SAS Locam la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens (...). »
[*]
La société Château Les Palais a régulièrement relevé appel, le 19 juin 2020, de ce jugement.
Elle demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 3 mai 2022 par voie électronique, de :
«- vu les articles 1109 et suivants anciens du code civil, les articles L. 121-6, L. 111-1 et L.212-1 du code de la consommation,
- Rejetant toute argumentation contraire comme étant infondée, infirmer le jugement (...) en ce qu'il a dit non fondée son opposition, dit que son consentement n'a pas été vicié par dol, rejeté sa demande en nullité du contrat de location, qu'elle a agi en tant que commerçante dans le cadre et pour le compte de son activité professionnelle (...) et l'a condamnée à payer diverses sommes à la société Locam et aux entiers dépens,
- Dire et juger que son opposition est recevable et bien fondée ; débouter la SAS Locam de ses demandes,
- à titre principal, prononcer la nullité du contrat signé entre elle et la S.A.R.L Impressions Multifonctions & Equipements et du contrat signé avec la SAS Locam pour dol et pour non-respect des dispositions du code de la consommation concernant le droit de rétractation,
- Condamner la SAS Locam à lui payer à titre de remboursement des mensualités prélevées la somme totale de 5.700 euros,
- à titre subsidiaire, interpréter le contrat compte tenu du désaccord sur le sens de la clause suivante :'Changement du matériel tous les 21 mois et solde du contrat en cours par nos soins au renouvellement de celui-ci (nouvelle participation identique). (xxxx euros) » ;
- Dire et juger que la clause prévoit le versement d'une participation commerciale tous les 21 mois ;
- Prononcer la résiliation de l'ensemble des contrats compte tenu du défaut d'exécution ;
- En toute hypothèse, condamner en outre, la SAS Locam à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'artic1e 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.»
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
- son consentement a été vicié par le dol de son cocontractant tenant à la rédaction ambiguë d'une clause contractuelle qui prévoit le changement du matériel et le versement d'une nouvelle participation commerciale tous les 21 mois,
- de nombreux clients ont été ainsi trompés par le discours mensonger des commerciaux de cette société, elle n'aurait jamais signé le contrat sans participation commerciale compte tenu du coût exorbitant de location,
- les contrats signés avec la société Chrome bureautique (IME) et Chrome communication (SEPM) sont nuls et le contrat signé avec la société Locam est caduc,
- les dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation sont applicables compte tenu de celles de l'article L. 221-3 : l'objet des contrats n'entre pas dans le champ de son activité principale, elle disposait de moins de 5 salariés ; elles n'ont pas été respectées concernant l'obligation d'information préalable et le droit de rétractation par la société IME et la société Locam, ces contrats sont nuls.
[*]
Par conclusions déposées et notifiées le 18 novembre 2020, la société Locam demande de voir :
« - vu les articles 1134 et suivants, et 1149 anciens du code civil, vu les articles 1108 ancien et suivants du code civil, vu les articles L. 121-16 et suivants du code de la consommation (...),
- Dire non fondé l'appel, débouter la société Château Les Palais de toutes ses demandes,
- Confirmer le jugement entrepris ;
- Condamner la société Château Les Palais à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens d'instance et d'appel. »
Elle fait essentiellement valoir que :
- aucun dol n'est caractérisé,
- les éventuels manquements de la société IME, selon l'appelante, ne seraient constitutifs que d'une inexécution contractuelle et non d'un dol,
- elle n'avait aucune connaissance de l'engagement de la société IME au regard notamment de l'article 1er des conditions générales de location,
- le nouveau droit des obligations consacre d'ailleurs la nécessité de la connaissance de l'opération d'ensemble,
- l'engagement prétendument souscrit par la société IME est dénaturé ; le renouvellement de la participation commerciale impliquant celui des contrats pour la même durée de 21 trimestres,
- le contrat de location est clair sur ses points essentiels relatifs au nombre, périodicité, date d'exigibilité et montant des loyers, elle s'est engagée en toute connaissance de cause,
- les dispositions du code de la consommation dans leur version antérieure à celles des articles L. 111-1, L. 221-3 et L. 221-5 ne s'appliquent pas ; elle a conclu pour les besoins de son activité professionnelle et a reconnu en signant le contrat que celui-ci était en rapport direct avec son activité professionnelle et cette reconnaissance est parfaitement efficiente,
- le contrat de location financière est exclu du champ d'application du code de la consommation (article L. 212-2), étant soumis au code monétaire et financier, s'agissant d'une opération connexe de location simple participant aux services financiers qu'elle dispense en tant que société de financement,
- la demande de résolution ne peut prospérer, car aucune faute contre le fournisseur n'est rapportée et elle-même n'a pas contracté l'obligation contractuelle imputée à la société IME,
- la résiliation du contrat est acquise du fait de la clause résolutoire pour défaut de paiement de loyers.
[*]
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
[*]
La société IME, destinataire par acte d'huissier en date du 20 août 2020, ayant donné lieu à un procès-verbal de recherches infructueuses, de la déclaration d'appel, n'a pas constitué avocat.
[*]
M. Pernaud, en qualité de liquidateur judiciaire de la société IME, destinataire par acte d'huissier en date du 20 août 2020 remis à domicile, de la déclaration d'appel, n'a pas constitué avocat.
[*]
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 17 mai 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS de la DÉCISION :
1 - Sur la nullité pour dol :
L'article 1116 du code civil dans son ancienne rédaction applicable en l'espèce, dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume point et doit être prouvé.
La société Château Les Palais soutient que la rédaction de la clause selon laquelle il est prévu un 'changement du matériel tous les 21 mois et solde du contrat en cours par nos soins au renouvellement de celui-ci avec rachat identique (nouvelle participation identique) (xxx euros)’participe d'une manœuvre dolosive et est ambiguë, sa compréhension (erronée) ayant été confortée par le discours trompeur que lui a tenu le commercial.
Selon elle, cette disposition contractuelle signifie clairement que le matériel sera changé tous les 21 mois avec le versement sans condition de la participation commerciale afin qu'elle ne conserve que la charge des frais de maintenance, la mention « solde du contrat en cours » ne se confondant pas avec le terme dudit contrat.
Selon les dispositions des articles 1161 et 1162 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016'131 du 10 février 2016, applicables en l'espèce, toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier et, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
La stipulation en cause concrétise sans ambiguïté un engagement unilatéral de la société IME concernant le changement de matériel, la prise en charge du solde du contrat de financement et une nouvelle participation commerciale.
La prise en charge du solde du contrat de financement est rattachée expressément, dans un même corps de phrase, au renouvellement de ce contrat et, par voie de conséquence (l'un permettant le financement de l'autre) à celui du contrat de fourniture avec maintenance ; cette prise en charge d'un solde ne peut exister que pendant l'exécution du contrat de financement, et non à son terme (en l'absence de tout reliquat à l'échéance) ; ainsi, l'engagement unilatéral de la société IME concernant le changement du matériel, la prise en charge du solde du contrat de financement et la nouvelle participation commerce devait s'opérer à l'issue d'une période minimale de 21 mois afin d'inciter le client à prolonger la relation contractuelle.
Mais cette participation financière, cette prise en charge du solde et le changement de matériel à l'issue de 21 mois n'avaient vocation à intervenir que dans le cadre d'un nouveau contrat de location financière.
Le contrat est d'ailleurs expressément conclu «sous réserve de l'acceptation du dossier de financement par notre partenaire financier», ce qui établit bien que la nouvelle participation financière au bout de 21 mois, en cours d'exécution du contrat de location initial, se trouve nécessairement subordonnée, outre au changement du matériel et au règlement du solde du contrat en cours, à la conclusion d'un nouveau contrat de location financière avec la société Locam ou toute autre partenaire financier.
Ainsi, la société Château Les Palais n'aurait pu prétendre à l'issue du délai de 21 mois, soit en novembre 2016, à un changement de matériel avec participation financière sans qu'un nouveau contrat de location financière ne soit signé.
Si elle étaye, à l'appui, notamment, d'attestations d'autres clients pareillement démarchés par la société IME ainsi que celle d'un ancien salarié de ladite société, le prétendu discours trompeur du commercial de celle-ci, portant sur un renouvellement sans condition de la participation commerciale, elle n'établit pas avoir personnellement été victime de propos mensongers tenus par ce commercial lors de la conclusion du contrat le 10 février 2015, qui l'auraient déterminée à contracter.
Elle sollicite dans le dispositif de ses conclusions, la nullité du contrat de location financière pour dol sans développer aucun moyen au soutien de cette prétention.
La preuve de manœuvres dolosives n'étant, ainsi, pas rapportée, il convient en conséquence de rejeter la demande de nullité pour dol, formée par la société Château Les Palais tant à l'égard du contrat de maintenance qu'à l'égard du contrat de location financière (la demande de caducité subséquente du contrat de location financière figurant dans les motifs des conclusions, n'étant, par ailleurs, pas reprise au dispositif).
2 - Sur la nullité pour violation des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus à distance et hors établissement :
Pour s'opposer à la demande de nullité de la société Château Les Palais, la société Locam soutient que les dispositions du code de la consommation ne s'appliquent pas au contrat de location financière, invoquant l'ancien article L. 121-16-1-I-4° (devenu L. 221-2 4°) du code de la consommation, issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, applicable en l'espèce, qui exclut les contrats portant sur les services financiers du champ d'application du chapitre « contrats conclus à distance et hors établissement » et fait valoir que le contrat de location financière conclu avec la société Château Les Palais relève d'un service financier.
Au préalable, il sera constaté que les contrats conclus le 10 février 2015 sont des contrats hors établissement au sens de l'article L. 221-1, n'étant pas discuté qu'ils ont été signés dans les locaux de la société Château Les Palais.
L'analyse de la société Locam procède d'une assimilation entre opérations de banque et services financiers que le code monétaire et financier différencie en les traitant par des dispositions spécifiques insérées d'une part, au Livre III Titre I (articles L.311-1 à L.318-5) pour les opérations de banque et, d'autre part, au Livre III Titre IV (articles L.341 à L.343-6) pour les services financiers.
Le contrat de location de longue durée prévoyant la mise à disposition de la société Château les Palais d'un photocopieur moyennant paiement d'un loyer sur 21 trimestres n'est pas assimilable à une opération de crédit faute d'option d'achat à son terme ; il s'agit d’une location simple non soumise, à ce titre, à la réglementation bancaire. Les dispositions relatives aux locations simples de mobilier sont insérées dans le Titre I du Livre III dans la définition des opérations connexes aux opérations de banque énumérées à l'article L.311-2 du code monétaire et financier.
Par ailleurs, les services financiers, tels que définis par les articles L. 341 et suivants du code monétaire et financier, sont régis par le chapitre 'Dispositions particulières aux contrats conclus à distance portant sur des services financiers', figurant aux articles L. 222-1 et suivants du code de la consommation, qui renvoie aux services mentionnés aux livres I à III (...) du code monétaire et financier et l'exclusion de l'article L.221-2 4°(anciennement article L. 121-16-1 I 4°) ne concerne bien que les services financiers du Livre III Titre IV dudit code.
La société Locam ne prétend d'ailleurs pas avoir mis en oeuvre le formalisme prévu aux articles L.222-1 et suivants prévoyant notamment l'envoi au client des informations énoncées à l'article L.222-5 en temps utile et avant qu'il ne soit lié par le contrat.
De même, la société Locam conteste l'application des dispositions de l'article L. 121-16-III du code de la consommation, qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 applicable au litige (devenu l'article L.2 21-3), inséré au chapitre 1er 'contrats conclus à distance et hors rétablissement', ouvre au professionnel, employant cinq salariés au plus ayant souscrit hors établissement un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, le bénéfice des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code, notamment aux sous-sections 2, 3, 6 et 7, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels.
Il n'est pas discuté que la société Château Les Palais, ayant pour activité la commercialisation de boissons spiritueuses, employait moins de cinq salariés (concrètement un salarié) lors de la conclusion du contrat et que l'exercice d'une telle activité ne lui conférait aucune compétence particulière pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans une opération englobant la location d'un photocopieur, sa maintenance et son renouvellement éventuel dans le cadre du partenariat mis en place sans que la clause dactylographiée insérée au contrat de location selon laquelle « le client atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ne puisse faire échec à cette analyse, puisque le seul critère applicable, est celui de « l'objet du contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel ».
Dès lors que les services proposés étaient étrangers à son champ de compétence professionnelle et n'avaient été appréhendés par elle qu'en vue de faciliter l'exercice de son activité, il en résulte qu'elle peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation (devenu l'article L. 221-3) précité, renvoyant aux articles L.121-17 (devenu L. 221-5 à L. 221-7) et L.121-18-1 (devenu L. 221-9) insérés aux sous-sections 2 et 3 prévoyant notamment que le contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au 2 ° I de l'article L. 121-17 au nombre desquelles l'indication du délai et des modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire-type de rétractation accompagnant le contrat (...).
Il est établi qu'aucun des contrats signés par la société Château Les Palais avec la société IME d'une part et la société Locam d'autre part ne comporte ni bordereau de rétractation ni information quant à ce droit. Il n'est pas rapporté que la société Château Les Palais ait eu autrement connaissance de son droit à rétractation et qu'elle aurait ainsi renoncé à en faire usage de sorte que la sanction de la nullité du contrat prévue par l'article L. 121-18 dans sa rédaction issue de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, est encourue.
La nullité de chaque contrat, qui rend superfétatoire tout débat sur leur interdépendance, étant observé que le contrat de partenariat est lui-même indivisible du contrat de maintenance, entraîne leur effacement rétroactif et les parties doivent être remises dans leur situation initiale.
La société Locam ne pourra ainsi qu'être condamnée à restituer à la société Château Les Palais l'intégralité des loyers perçus depuis le 30 mai 2015 jusqu'au 30 août 2017 (date du dernier versement), soit la somme de 5 700 euros (10 trimestres x 570 euros HT) et de reprendre possession du matériel à ses seuls frais après avoir l'avisée préalablement selon les modalités spécifiées au dispositif.
En conséquence, les demandes en paiement de la société Locam ne pourront prospérer.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a jugé inapplicables les dispositions du code de la consommation, rejeté les demandes de la société Château Les Palais et l'a condamnée à payer diverses sommes à la société Locam ainsi qu'aux frais répétibles.
3 - Sur les autres demandes :
La société Locam, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 1 500 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,
Réforme le jugement du tribunal de commerce de Narbonne en date du 7 janvier 2020 seulement en ce qu'il a dit l'opposition formée par la SARL Château Les Palais non fondée (...), dit que la société Château Les Palais a agi en tant que commerçante dans le cadre et pour le compte de son activité professionnelle et l'a condamnée à régler à la SAS Locam la somme principale de 8.276,40 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2018 et la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, la déboutant de toutes ses demandes,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Dit que les dispositions de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation dans sa rédaction, issue de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 (devenu L. 221-3), sont applicables à la cause,
Prononce la nullité du contrat de maintenance avec fourniture d'un photocopieur Olivetti MF 3100 conclu le 10 février 2015 entre la SARL Château Les Palais et la SARL Impressions Multifonctions & Equipements-IME et du contrat de location longue durée n°1171154 conclu le même jour entre la SARL Château Les Palais et la SAS Locam pour violation de ces dispositions,
Condamne la SAS Locam à restituer à la SARL Château Les Palais la somme de 5.700 euros au titre des loyers perçus entre le 30 mai 2015 et le 30 août 2017,
Dit que la SAS Locam devra reprendre, à ses frais, le photocopieur Olivetti MF 3100, objet du contrat de location, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, après avoir avisé la SARL Château Les Palais, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, expédié trente jours avant, de la date à laquelle cette reprise interviendra,
Rejette l'ensemble des demandes de la SAS Locam,
Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
Condamne la SAS Locam à payer à la SARL Château Les Palais une somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société Locam fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Locam aux dépens de première instance et d'appel.
le greffier, le président,
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale