CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 6 octobre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9871
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 6 octobre 2022 : RG n° 20/00069 ; arrêt n° 185
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Il incombe à la cour d'appel, saisie conformément à ces règles, d'examiner la recevabilité des demandes formées devant le tribunal, puis, le cas échéant, de statuer dans les limites de son propre pouvoir juridictionnel.
En l'espèce, il sera relevé que le tribunal de commerce d'Evry ne figure pas parmi les juridictions commerciales compétentes pour connaître de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce. Ainsi la demande présentée de ce chef devant ledit tribunal était irrecevable comme excédant son pouvoir juridictionnel. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déclaré recevable cette demande et a statué sur ce point.
La cour d'appel de Paris, juridiction d'appel des décisions rendues par le tribunal de commerce d'Evry et ayant le pouvoir de statuer sur les demandes formées en application de l'article L. 442-6 du code de commerce, doit néanmoins vider sa saisine de ce chef étant précisé que les parties ont conclu au fond. »
2/ « Il résulte de ce qui précède qu'aucun avantage sans contrepartie n'a été obtenu de la part de la société R. dès lors que des livraisons de marchandises ont été effectuées auprès de la société BMD.
Par ailleurs, il convient d'observer que la société BMD n'articule aucun moyen permettant d'établir une pratique restrictive de concurrence au titre du 8° de l'article précité. La demande en responsabilité de ce chef sera rejetée.
Enfin il sera relevé que la demande de communication des conditions générales de vente formulée par la société BMD s'inscrivait dans le cadre du présent litige et non pour l'exercice de son activité professionnelle de sorte que les conditions de la responsabilité visée à l'article L. 442-6 9° précité ne sont pas réunies. La demande sur ce point sera écartée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 6 OCTOBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/00069. Arrêt n° 185 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBGAK. Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 octobre 2019 - Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2018F00389.
APPELANTE :
SARL BMD
agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS D'EVRY sous le numéro XXX, [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Sabrina BOUAOU, avocat au barreau de l'ESSONNE, avocat postulant, Assistée de Maître Christine POUYET, avocat au barreau de l'ESSONNE, avocat plaidant
INTIMÉE :
SARL RUFFIN ET FILS
agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de REIMS sous le numéro YYY, [Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Maître Sébastien BUSY de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et Madame Christine SOUDRY, Conseillère, chargée du rapport
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5-5, Madame Nathalie RENARD, Présidente de chambre, Madame Christine SOUDRY, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA-PIETREMONT
ARRÊT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société BMD, exerçant sous l'enseigne « Le Comptoir des B. », exploite un restaurant situé sur la commune de [Localité 4] (91).
La société R. et Fils (ci-après société R.) est une société de négoce de champagne. Elle était l'employeur de M. T. qui était chargé de vendre, en son nom et pour son compte, des champagnes, vins et spiritueux en qualité de VRP dans les départements de Seine et Marne et de l'Essonne.
La société BMD se fournissait auprès de la société R. depuis plusieurs années et achetait du vin et des champagnes par l'intermédiaire de M. T.
La société BMD, invoquant diverses irrégularités dans la facturation, a cessé de payer les factures reçues à compter du mois d'août 2017.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 août 2017, la société R. a, par l'intermédiaire d'une société de recouvrement de créances, mis en demeure la société BMD de lui payer la somme de 11.550,78 euros correspondant à des factures impayées entre le 10 mai et le 2 août 2017.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 septembre 2017, la société BMD a, par l'intermédiaire de son conseil, demandé à la société R. de lui communiquer les bons de commande et de livraison depuis le mois de janvier 2017 ainsi que ses conditions générales de vente.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 octobre 2017, la société R. a répondu à la société BMD qu'elle était manifestement victime d'un commercial indélicat et qu'elle allait procéder à un audit de ses comptes et factures. Elle a néanmoins contesté l'absence de toute dette de la société BMD à son égard et a sollicité qu'elle produise la liste des livraisons reçues de M. T. sur les quatre dernières années.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 février 2018, la société BMD a mis en demeure la société R. de lui rembourser une somme de 7.647 euros au titre d'un paiement indu pour la période de janvier à mai 2017.
Par acte du 17 mai 2018, la société BMD a assigné la société R. devant le tribunal de commerce d'Evry en vue de la voir condamner au paiement de la somme de 7.647 euros.
En cours d'instance, la société BMD a élevé le montant de ses prétentions à la somme de 18.352,89 euros au titre des sommes indûment versées à la société R. entre les mois de janvier et août 2017.
Par jugement du 30 octobre 2019, le tribunal de commerce d'Evry a :
- Débouté la société BMD de sa demande de remboursement de la somme de 18.352,89 euros au titre de la répétition de l'indu,
- Débouté la société BMD de sa demande de remboursement de la somme de 18.852,89 euros au titre de l'enrichissement sans cause,
- Débouté la société BMD de sa demande au titre de la réparation du préjudice subi de l'article L. 442-6 du code de commerce,
- Débouté la société R. et Fils de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Condamné la société BMD à verser à la société R. et Fils la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 699 du code de procédure civile,
- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- Condamné la société BMD aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 euros TTC.
Par déclaration du 16 décembre 2019, la société BMD a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- Débouté la société BMD de sa demande de remboursement de la somme de 18.352,89 euros au titre de la répétition de l'indu,
- Débouté la société BMD de sa demande de remboursement de la somme de 18.852,89 euros au titre de l'enrichissement sans cause,
- Débouté la société BMD de sa demande au titre de la réparation du préjudice subi de l'article L. 442-6 du code de commerce,
- Débouté la société R. et Fils de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Condamné la société BMD à verser à la société R. et Fils la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 699 du code de procédure civile,
- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- Condamné la société BMD aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 euros TTC.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 13 mars 2020, la société BMD demande à la cour de :
Vu l'article 12 du code de procédure civile,
Vu l'article 1104 du code civil,
Vu les articles 1302 et suivants du code civil,
Vu l'article 9 du code de procédure civil et 1353 du code civil,
Vu l'article L. 131-2 du code de procédure civile d'exécution,
Vu l'article L. 442-6 du code de commerce,
- Réformer purement et simplement le jugement du tribunal de commerce d'Evry en date du 30 octobre 2019 en ce qu'il a :
* Débouté la société BMD de sa demande de remboursement de la somme de 18.352,89 euros au titre de la répétition de l'indu,
* Débouté la société BMD de sa demande de remboursement de la somme de 18.852,89 euros au titre de l'enrichissement sans cause,
* Débouté la société BMD de sa demande au titre de la réparation du préjudice subi de l'article L. 442-6 du Code de commerce,
* Débouté la société R. et Fils de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
* Condamné la société BMD à verser à la société R. et Fils la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du CPC
* Débouté les parties de toutes leurs autres demandes
* Condamné la société BMD aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 euros TTC
A titre principal sur le fondement de la répétition de l'indu,
- Condamner la société R. et Fils à rembourser à la société BMD la somme de 18.352,89 euros en vertu de l'action en répétition de l'indu, correspondant à l'intégralité des sommes versées par la société BMD durant la période litigieuse,
- Le cas échéant, condamner la société R. et Fils à verser la somme de 12.051,79 euros en retenant le calcul fixant une fourchette de prix moyenne ou à la somme de 8.030,63 euros en retenant le calcul déterminé sur la base de la bouteille la plus chère, conformément à l'équité,
A titre subsidiaire, sur le fondement de l'enrichissement dans cause,
- Condamner la société R. et Fils à rembourser à la société BMD la somme de 18.352,89 euros sur le fondement de l'action de l'enrichissement injustifiée,
- Le cas échéant, condamner la société R. et Fils à verser la somme de 12.051,79 euros en retenant le calcul fixant une fourchette de prix moyenne ou à la somme de 8.030,63 euros en retenant le calcul déterminé sur la base de la bouteille la plus chère, conformément à l'équité,
A titre infiniment subsidiaire, sur le manquement à l'obligation de bonne foi,
- Juger que la société R. et Fils a manqué à son obligation de bonne foi,
- Juger que la société R. et Fils engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, et 1104 du code civil,
- Condamner la société R. et Fils à réparer le préjudice financier de la société BMD à concurrence de la somme 18.352,89 euros,
- Le cas échéant, condamner la société R. et Fils à verser la somme de 12.051,79 euros en retenant le calcul fixant une fourchette de prix moyenne ou à la somme de 8.030,63 euros en retenant le calcul déterminé sur la base de la bouteille la plus chère, conformément à l'équité,
En tout état de cause,
- Ordonner la remise de facture rectifiée par la société R. et Fils, sous astreinte de 50 euros par jours de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- Condamner la société R. et Fils à payer la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Condamner la société R. et Fils à payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société R. et Fils aux entiers dépens, en ce compris le coût des dépens de la précédente instance, et les éventuels coûts d'exécution de la décision à intervenir.
[*]
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 12 juin 2020, la société R. & Fils demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du tribunal de commerce d'Evry en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
- Débouter la société BMD de toutes ses demandes, celle-ci ne justifiant pas des faits qu'elle allègue,
- Dire et juger irrecevable la demande fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce
- Compte tenu de l'aveu judiciaire de la société BMD sur la somme qui lui serait due, dire qu'en tout état de cause la demande de l'appelant se limite à 7.647 euros.
Et y ajoutant,
- Condamner la société BMD à payer à la société R. & Fils la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
- Condamner la société BMD à payer à la société R. & Fils la somme de 2.500 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP ACG qui en a fait l'avance, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 mars 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la demande en répétition de l'indu :
La société BMD affirme que l'ensemble des sommes versées à la société R. entre les mois de janvier et août 2017 pour un montant de 18.352,89 euros était indu. Elle soutient en effet avoir payé des factures qui ne correspondaient à aucune commande ni à aucune livraison.
A défaut, elle considère qu'il faut se référer aux bons de livraison émis par la société Transvins en qualité de transporteur pour déterminer les marchandises qui lui ont été livrées. Elle estime ainsi qu'au regard des bons de livraisons produits, 486 bouteilles lui ont été livrées, ce qui correspondrait à une somme de 10.322,26 euros, si l'on retient le prix des bouteilles les plus chères, et au moins à une somme de 6.301,1 euros, si l'on retient un prix moyen. Elle affirme que l'indu pourrait dès lors être estimé entre 8.030,63 euros et 12.051,79 euros.
Elle prétend que l'indu est établi dans la mesure où la société R. n'a pas déféré à ses sommations de communiquer les bons de commandes et les bons de livraison correspondant aux factures émises pendant la période litigieuse. Elle observe encore que le montant facturé pendant la période litigieuse est largement supérieur aux années précédentes. Elle affirme encore que plusieurs factures ne peuvent pas correspondre à des commandes de sa part dans la mesure où elles ont été émises pour le même produit dans un court laps de temps, où elles ont été émises simultanément à une commande du même produit auprès d'un autre fournisseur, où elles ont été émises pour des quantités supérieures à ce qui était habituellement commandé ou encore où elles correspondent à un produit qui ne figurait pas sur sa carte
La société R. prétend que la société BMD ne rapporte pas la preuve de l'indu qu'elle allègue. Elle soutient tout d'abord que le fait pour la société BMD d'avoir réclamé 7.647 euros dans un premier temps correspond à un aveu judiciaire et limiterait le litige à cette somme. Elle ajoute que les bons de livraisons émanant de la société Transvins produits aux débats démontrent que des livraisons de marchandises ont bien été effectuées pendant la période litigieuse. Elle affirme par ailleurs que les livraisons n'étaient pas uniquement effectuées par la société Transvins mais l'étaient la plupart du temps par M. T. lui-même de sorte qu'il ne peut pas être tenu compte exclusivement des bons de livraison émis par le transporteur. Elle conteste les calculs de la société BMD estimant les marchandises qui lui auraient été livrés par la société Transvins en faisant valoir que les bons de transport n'indiquent pas la quantité de bouteilles livrées ni ne détaillent leur contenu.
Elle fait encore valoir que la société BMD, avant de payer les factures, a nécessairement vérifié qu'elles correspondaient aux commandes passées et aux livraisons reçues et que le paiement équivaut à la reconnaissance de la créance et ce, d'autant plus que les paiements ont été effectués par lettre de change relevée.
En vertu de l'article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
En application de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.
Il appartient au demandeur en restitution des sommes qu'il prétend avoir indûment payées de démontrer le caractère indu du paiement.
En l'espèce, la société BMD, à l'appui de sa demande en restitution, se contente d'alléguer avoir payé des factures ne correspondant à aucune commande de sa part ou encore correspondant à des ventes de marchandises qui ne lui auraient pas été livrées. Toutefois il sera relevé qu'elle se trouve dans l'incapacité de chiffrer avec précision le montant de l'indu dont elle se prévaut, l'estimant à la totalité des versements effectués entre les mains de la société R. entre les mois de janvier et d'août 2017, soit 18.352,89 euros, ou encore à une somme de 8.030,63 euros ou de 12.051,79 euros, correspondant aux prix des marchandises qui lui auraient été livrées par l'intermédiaire du transporteur Transvins.
Or les lettres de voitures de la société Transvins produites aux débats datées des 9 mars 2017, 6 avril 2017, 9 juin 2017 et 15 juin 2017 établissent la livraison de marchandises pendant la période litigieuse et contredisent l'existence d'un indu. En outre, contrairement à ce que soutient la société BMD, il est impossible de déterminer la quantité de bouteilles livrées ou leur contenu par le simple examen desdites lettres de voiture qui ne font état que du nombre de colis livrés, soit 81 colis. Par ailleurs, l'absence de réponse de la société R. aux sommations de communiquer délivrées par la société BMD ne saurait démontrer l'existence d'un indu. De même, le fait que le montant facturé entre les mois de janvier et juillet 2017 se soit révélé bien supérieur aux années précédentes ne peut à lui-seul caractériser un indu. Le fait que plusieurs factures aient été émises pour le même produit dans un court laps de temps ou qu'une facture ait été émise simultanément à une commande du même produit auprès d'un autre fournisseur n'est pas davantage de nature à établir l'existence d'un indu. La société BMD ne démontre pas plus qu'elle ne peut pas être à l'origine d'une commande de Côtes de Provence rosé. Enfin le courrier du 2 octobre 2017 dans lequel la société R. a indiqué avoir été victime d'un commercial indélicat ne saurait rapporter la preuve du paiement indu allégué étant précisé que ledit courrier a été rédigé en réponse à une contestation de la société BMD portant sur le paiement d'une autre somme d'un montant de 11.550,78 euros correspondant à des factures du 10 mai au 2 août 2017 auquel la société R. a finalement renoncé. En tout état de cause, il sera relevé que la société BMD a payé pendant plusieurs mois les factures qui lui ont été adressées par la société R. sans élever la moindre contestation alors même qu'elle estime, dans ses conclusions, que leur inexactitude ou leur fausseté étaient flagrantes.
Dans ces conditions, la société BMD succombe à la charge de la preuve de l'indu invoqué et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande en restitution de ce chef.
Sur la demande d'indemnité au titre d'un enrichissement sans cause :
A titre subsidiaire, la société BMD invoque un enrichissement sans cause de la société R. qui a reçu une somme de 18.352,89 euros sans que cette somme ne corresponde à des commandes ou des livraisons.
La société R. réplique que les paiements effectués par la société BMD reposent bien sur une cause, qui est le contrat de fourniture de bouteilles de vin et champagnes, et qui sont la contrepartie de livraisons qui sont démontrées par les bons de transport produits aux débats.
L'article 1303 du code civil prévoit que : « En dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement ».
Il incombe à la partie qui invoque l'enrichissement sans cause d'établir que l'appauvrissement par elle subi et l'enrichissement corrélatif du défendeur ont eu lieu sans cause.
Il résulte de ce qui précède que des livraisons de marchandises par la société R. à la société BMD ont eu lieu entre les mois de janvier et juillet 2017 de sorte qu'aucun enrichissement et appauvrissement sans cause n'est établi et que la société BMD échoue à rapporter la preuve de paiements qui ne correspondraient pas à la livraison de marchandise.
Dans ces conditions, la demande d'indemnisation de la société BMD sur le fondement de l'enrichissement sans cause ne peut pas prospérer et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la responsabilité de la société R. :
A titre infiniment subsidiaire, la société BMD considère que la société R. n'a pas exécuté le contrat de bonne foi en violation de l'article 1104 du code civil. Elle lui reproche d'avoir établi des fausses factures pour justifier les détournements opérés par son salarié.
Elle lui fait encore grief d'avoir refusé de communiquer les éléments permettant d'établir le montant des paiements indus.
La société R. dénie toute mauvaise foi dans l'exécution du contrat. Elle prétend que les commandes étaient passées par simple appel téléphonique, que M. T. procédait lui-même la plupart du temps à la livraison des marchandises et que la société BMD s'est toujours acquittée des factures établies à la suite de telles livraisons.
Aucune mauvaise foi ne peut être reprochée à la société R. pour ne pas avoir déféré aux sommations de communiquer les bons de commandes et les bons de livraison afférents aux factures litigieuses. Il sera à cet égard relevé que la société BMD, qui a procédé au paiement de ces factures, avait nécessairement en sa possession les éléments lui permettant de vérifier qu'elles correspondaient à des commandes de sa part et à des marchandises livrées sauf à faire preuve d'une négligence fautive. Aucune mauvaise foi ne peut être caractérisée à l'encontre de la société R. pour ne pas avoir répondu à la sommation de communiquer ses conditions générales de vente alors même qu'il n'est pas démontré que la société R. en a établi et que leur production aurait eu une incidence sur la solution du litige.
La société BMD revendique encore l'engagement de la responsabilité de la société R. pour violation de l'article L. 442-6-I, 1°, 8° et 9° du code de commerce. Elle estime que la violation de ces dispositions lui a causé un préjudice équivalent à une somme de 18.352,89 euros.
La société R. invoque l'irrecevabilité de cette demande qui ne relevait pas du pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce d'Evry.
Sur le fond, la société R. dénie les manquements allégués ainsi que le lien de causalité avec le préjudice revendiqué.
En vertu de l'article D. 442-3 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre.
L'inobservation de ces dispositions est sanctionnée par une fin de non-recevoir.
Il résulte des articles L. 442-6, III, D. 442-3 du code de commerce et R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, que seules les juridictions du premier degré spécialement désignées par le deuxième texte sont investies du pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l'application du premier, que les recours formés contre les décisions rendues par ces juridictions spécialisées sont portés devant la cour d'appel de Paris et que ceux formés contre les décisions rendues par des juridictions non spécialement désignées, quand bien même elles auraient statué sur de tels litiges, sont portés devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle elles sont situées.
Il incombe à la cour d'appel, saisie conformément à ces règles, d'examiner la recevabilité des demandes formées devant le tribunal, puis, le cas échéant, de statuer dans les limites de son propre pouvoir juridictionnel.
En l'espèce, il sera relevé que le tribunal de commerce d'Evry ne figure pas parmi les juridictions commerciales compétentes pour connaître de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce. Ainsi la demande présentée de ce chef devant ledit tribunal était irrecevable comme excédant son pouvoir juridictionnel. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a déclaré recevable cette demande et a statué sur ce point.
La cour d'appel de Paris, juridiction d'appel des décisions rendues par le tribunal de commerce d'Evry et ayant le pouvoir de statuer sur les demandes formées en application de l'article L. 442-6 du code de commerce, doit néanmoins vider sa saisine de ce chef étant précisé que les parties ont conclu au fond.
Aux termes de l'article L 442-6 du code commerce dans sa rédaction applicable au litige, « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. (…)
8° De procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur n'ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant.
9° De ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l'article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l'exercice d'une activité professionnelle ».
Il résulte de ce qui précède qu'aucun avantage sans contrepartie n'a été obtenu de la part de la société R. dès lors que des livraisons de marchandises ont été effectuées auprès de la société BMD.
Par ailleurs, il convient d'observer que la société BMD n'articule aucun moyen permettant d'établir une pratique restrictive de concurrence au titre du 8° de l'article précité. La demande en responsabilité de ce chef sera rejetée.
Enfin il sera relevé que la demande de communication des conditions générales de vente formulée par la société BMD s'inscrivait dans le cadre du présent litige et non pour l'exercice de son activité professionnelle de sorte que les conditions de la responsabilité visée à l'article L. 442-6 9° précité ne sont pas réunies. La demande sur ce point sera écartée.
Sur la demande de remise de facture rectifiée :
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société BMD de ce chef et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :
Eu égard à ce qui précède, aucune résistance abusive n'est démontrée à l'encontre de la société R. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
Aucun abus du droit d'agir en justice n'est caractérisé à l'encontre de la société BMD. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société BMD succombe à l'instance. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées. La société BMD sera condamnée aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP ACG selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile. La société BMD sera condamnée à payer à la société R. une somme supplémentaire de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la société BMD de ce chef sera rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande de dommages et intérêts de la société BMD sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce et l'en a déboutée ;
Statuant à nouveau,
Vu l'article D. 442-3 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige,
Dit que la demande de dommages et intérêts de la société BMD sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce excédait les pouvoirs du tribunal de commerce d'Evry et était irrecevable ;
Rejette la demande de dommages et intérêts de la société BMD sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce ;
Y ajoutant,
Condamne la société BMD à payer à la société R. et fils une somme supplémentaire de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande présentée par la société BMD sur ce fondement ;
Condamne la société BMD aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP ACG selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE