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CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 6 octobre 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 6 octobre 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 5
Demande : 19/15969
Décision : 22/183
Date : 6/10/2022
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 31/07/2019
Numéro de la décision : 183
Référence bibliographique : 6181 (L. 442-1, réciprocité), 6225 (vente)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9872

CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 6 octobre 2022 : RG n° 19/15969 ; arrêt n° 183

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont en premier lieu la soumission ou la tentative de soumission et en second lieu l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif. Le déséquilibre significatif est le plus souvent caractérisé par une absence de réciprocité des prérogatives contractuelles ou par une disproportion entre les droits et obligations des parties. Le déséquilibre significatif, doit être examiné au regard de l'analyse des clauses imposées dans la convention en tenant compte des contreparties accordées, et de l'équilibre économique de l'opération. L'absence de pouvoir réel de négociation de celui qui se prétend victime d'une soumission ou d'une tentative de soumission à un déséquilibre significatif doit être prouvée, par exemple en démontrant l'exclusion de toute possibilité de négociation. »

2/ « Il ne résulte pas de ces échanges une absence de possibilité de négociation de la part de la société Les Chais Saint Laurent.

En outre, la fin de la gratuité de bouteilles de vin, 162 bouteilles offertes au-delà de 1002 bouteilles achetées, soit environ 16 % de remise pour 1.000 bouteilles, a été en partie compensée par une remise de 10 % pour 600 bouteilles. L'existence d'un déséquilibre significatif n'est pas démontrée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 6 OCTOBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/15969. Arrêt n° 183 (6 pages). N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQQM. Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 juillet 2019 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2018F01296.

 

APPELANTE :

SAS LES CHAIS SAINT LAURENT

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro XXX, [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître François DUMOULIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 196, avocat postulant, Assistée de Maître Céline MOULY, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

 

INTIMÉE :

LA SOCIETE CHATEAU DE [Localité 2]

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de BOURGES sous le numéro YYY, [Adresse 3], [Localité 2], Représentée par Maître Sandra CHIRAC KOLLARIK, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, Assistée de Maître Etienne DE MASCUREAU de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS, avocat plaidant

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre, et Madame Christine SOUDRY, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5-5, Madame Nathalie RENARD, Présidente de chambre, Madame Christine SOUDRY, Conseillère, qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Madame Yulia TREFILOVA-PIETREMONT

ARRÊT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Les Chais Saint Laurent distribue et commercialise auprès de professionnels de la restauration et des cavistes une gamme de vins sur le territoire français.

La société Château de [Localité 2] est une exploitante viticole, dont la société mère était la société des Produits Marnier-Lapostolle, jusqu'à son rachat en juin 2017 par la société Ackerman.

Les deux sociétés ont été en relation commerciale, la société Les Chais Saint Laurent achetant du vin à la société Château de [Localité 2].

Le 14 juin 2018, la société Château de [Localité 2] a mis en demeure la société Les Chais Saint Laurent de lui payer la somme de 48.453,06 euros TTC, correspondant à des commandes de vin, outre une indemnité de 128,40 euros au titre des intérêts de retard, soit la somme totale de 48.581,46 euros.

Le 11 septembre 2018, la société Les Chais Saint Laurent a procédé à un règlement partiel à hauteur de 10 238,98 euros.

Par acte du 13 septembre 2018, la société Château de [Localité 2] a assigné la société Les Chais Saint Laurent en paiement.

La société Les Chais Saint Laurent a procédé à des règlements partiels.

Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal de commerce de Bobigny a :

- condamné la société Les Chais Saint Laurent à payer à la société Château de [Localité 2] la somme en principal de 26.658,58 euros, outre les intérêts calculés au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points à compter du 14 juin 2018, jusqu'au parfait paiement ;

- débouté la société Les Chais Saint Laurent de ses demandes reconventionnelles ;

- condamné la société Les Chais Saint Laurent à payer à la société Château de [Localité 2] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Les Chais Saint Laurent aux entiers dépens.

Par déclaration du 31 juillet 2019, la société Les Chais Saint Laurent a interjeté appel de ce jugement en visant tous ces chefs de dispositif.

[*]

Par ses dernières conclusions notifiées le 30 juillet 2020, la société Les Chais Saint Laurent demande, au visa des articles 1104, 1217 et suivants, 1240, 1347 et 1347-1 du code civil, et L 441-6 du code du commerce dans sa version en vigueur au moment des faits, d'infirmer le jugement et de :

- condamner la société Château de [Localité 2] à l'indemniser de son entier préjudice à hauteur de la somme de 39 505 euros TTC ;

- lui donner acte qu'elle ne conteste pas devoir la somme de 26.658,58 euros TTC à la société Château de [Localité 2] ;

- ordonner la compensation judiciaire entre ces sommes et condamner la société Château de [Localité 2] à lui verser la somme de 12.846,42 euros TTC ;

- condamner la société Château de [Localité 2] à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

[*]

Par ses dernières conclusions notifiées le 24 mars 2022, la société Château de [Localité 2] demande, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, de confirmer le jugement et de :

- débouter la société Les Chais Saint Laurent de ses demandes ;

- condamner la société Les Chais Saint Laurent à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Les Chais Saint Laurent aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 mars 2022.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à « dire et juger », « constater », « donner acte », lorsqu'elles ne sont pas des prétentions, mais uniquement des moyens.

 

Sur la demande en paiement du solde des factures :

La société Les Chais Saint Laurent ne conteste pas être débitrice d'un solde de factures à hauteur de 26.658,58 euros TTC.

Le jugement, en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Château de [Localité 2] la somme en principal de 26.658,58 euros, outre intérêts, sera confirmé.

 

Sur la demande indemnitaire reconventionnelle :

La société Les Chais Saint Laurent invoque une soumission à un déséquilibre significatif, la rupture partielle des relations commerciales préétablies et un détournement de clientèle.

 

* Sur la faute invoquée au titre d'un déséquilibre significatif :

Aux termes de l'article L. 442-6 du code de commerce dans sa version applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont en premier lieu la soumission ou la tentative de soumission et en second lieu l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif.

Le déséquilibre significatif est le plus souvent caractérisé par une absence de réciprocité des prérogatives contractuelles ou par une disproportion entre les droits et obligations des parties.

Le déséquilibre significatif, doit être examiné au regard de l'analyse des clauses imposées dans la convention en tenant compte des contreparties accordées, et de l'équilibre économique de l'opération.

L'absence de pouvoir réel de négociation de celui qui se prétend victime d'une soumission ou d'une tentative de soumission à un déséquilibre significatif doit être prouvée, par exemple en démontrant l'exclusion de toute possibilité de négociation.

La société Les Chais Saint Laurent reproche à la société Château de [Localité 2] d'avoir revu sa politique commerciale en supprimant la gratuité de bouteilles, qui équivalait à une remise de 16 %, et en augmentant les tarifs en 2018, et de refuser la reprise de marchandises invendues.

Il ressort des correspondances entre les parties que le changement de politique commerciale a fait l'objet d'une réunion le 23 novembre 2017.

La société Les Chais Saint Laurent soutient que cette réunion n'a été qu'une réunion d'information et non pas de négociation.

Par courriel du 15 janvier 2018, la société Les Chais Saint Laurent a demandé à la société Château de [Localité 2] d'étudier « un budget spécifique » pour « pouvoir conserver le client Dysney » et « lui faire une tarification 2018 avec une hausse raisonnable », compte tenu de « la perte de la remise en vin équivalent à 16 % ».

Par courriel du 16 janvier 2018, la société Château de [Localité 2] a confirmé la suppression de « la gratuité »et indiqué que les nouvelles conditions tarifaires prévoyaient une remise sur facture de 10 % pour une commande de 600 bouteilles panachées.

Par lettre du 4 juin 2018, la société Les Chais Saint Laurent a proposé un règlement amiable du différend portant sur ces deux points, la modification unilatérale des conditions d'achat par la suppression du budget « gratuité » et le refus de reprise d'une marchandise, par le versement d'une indemnité transactionnelle d'un montant de 25.000 euros et la reprise des marchandises avec émission d'un avoir, et en contrepartie le règlement du solde de factures.

Par courriel du 15 juin 2018 adressé à la société Les Chais Saint Laurent, il a été rappelé qu'il lui avait été proposé la reprise des vins en stock et son engagement de solder les factures en cours et de mettre fin à toute demande d'indemnisation, proposition qui avait été refusée par la société Les Chais Saint Laurent.

Il ne résulte pas de ces échanges une absence de possibilité de négociation de la part de la société Les Chais Saint Laurent.

En outre, la fin de la gratuité de bouteilles de vin, 162 bouteilles offertes au-delà de 1002 bouteilles achetées, soit environ 16 % de remise pour 1.000 bouteilles, a été en partie compensée par une remise de 10 % pour 600 bouteilles.

L'existence d'un déséquilibre significatif n'est pas démontrée.

 

* Sur la faute invoquée au titre d'une rupture brutale des relations commerciales :

La société Les Chais Saint Laurent argue d'une hausse tarifaire substantielle et inacceptable, atteignant 25,34 %, constitutif d'une rupture brutale des relations commerciales.

Cependant, son calcul d'augmentation prend en compte une remise de 16,2 % résultant de l'offre de gratuité, mais pas celle de 10 % appliquée à compter de 2018.

Elle invoque en outre un refus abusif de reprise des produits invendus contrairement à un usage.

Cependant, il résulte du courriel du 15 juin 2018 adressé à la société Les Chais Saint Laurent que la reprise des vins en stock lui a été proposée en contrepartie de son engagement de solder les factures en cours et de mettre fin à toute demande d'indemnisation, proposition que la société Les Chais Saint Laurent a refusée.

 

* Sur la faute invoquée au titre d'un comportement déloyal :

La société Les Chais Saint Laurent soutient que la société Château de [Localité 2] a démarché, sans l'en informer, la société Eurodisney avec une offre tarifaire plus attractive, faisant ainsi preuve d'une déloyauté à son égard alors qu'elle lui avait permis de référencer ses produits auprès des restaurants Disney, et a détourné ce client.

Elle invoque un effondrement de sa marche brute auprès de la société Disneyland Paris entre 2017 et 2018, qui n'est cependant pas attesté par des éléments comptables certifiés.

Elle ne produit aucun élément établissant le démarchage déloyal allégué.

En conséquence, la société Les Chais Saint Laurent ne démontre pas une faute commise par la société Château de [Localité 2] de nature à engager sa responsabilité délictuelle.

Le jugement, qui a rejeté la demande indemnitaire de la société Les Chais Saint Laurent, sera confirmé.

Il n'y a pas lieu d'ordonner une compensation.

 

Sur les demandes accessoires :

La société Les Chais Saint Laurent succombant, sera tenue aux dépens d'appel, et le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il apparaît équitable de condamner la société Les Chais Saint Laurent à payer à la société Château de [Localité 2] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du 9 juillet 2019 du tribunal de commerce de Bobigny en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Les Chais Saint Laurent à payer à la société Château de [Localité 2] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Les Chais Saint Laurent aux dépens.

LA GREFFIERE                                         LA PRESIDENTE