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CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 7 octobre 2022

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 7 octobre 2022
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 1
Demande : 21/04033
Date : 7/10/2022
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Référence bibliographique : 5852 (domaine, subrogé), 5838 (domaine, contrat synallagmatique inversé), 5985 (logique des sanctions)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9873

CA PARIS (pôle 4 ch. 1), 7 octobre 2022 : RG n° 21/04033 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Attendu que faute pour les vendeurs d'avoir libéré l'appartement litigieux pour le 31 décembre 2017, il y a lieu d'indemniser la société Elogie-Siemp du préjudice qu'elle a subi ; que la clause pénale évalue ce préjudice à la somme de 123.800 euros ; que cette clause pénale qui a seulement pour objet d'évaluer le préjudice subi par la société Elogie-Siemp au cas où l'appartement litigieux ne serait pas libéré à la date convenue ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et ne revêt donc pas un caractère abusif, le juge ayant d'ailleurs la faculté de réduire le montant des dommages-intérêts prévus s'ils apparaissent manifestement excessifs ; que la société Elogie-Siemp n'ayant pas contesté le caractère manifestement excessif de cette évaluation, il convient de réduire le montant des dommages-intérêts à la somme de 40.000 euros et de condamner les consorts Z. à payer cette somme à la société Elogie-Siemp. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 1

ARRÊT DU 7 OCTOBRE 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/04033. N° Portalis 35L7-V-B7F-CDGOZ. Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 février 2021 - Tribunal judiciaire de Paris : RG n° 18/14175.

 

APPELANTE :

Société ELOGIE- SIEMP

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro XXX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux y domiciliés, [Adresse 13], [Localité 11], Représentée par Maître Emmanuel LANCELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2020, assistée Maître Sarah KRYS, de L'AARPI kosma, avocat au barreau de Paris, toque : G0517

 

INTIMÉS :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [Localité 11], [Adresse 12], [Localité 2]

Madame W. Z.

née le [date] à [Localité 11], ayant droit de V. Z., [Adresse 10], [Localité 15]

Madame R. Z.

née le [date] à [Localité 11], ayant droit de V. Z., [Adresse 8], [Localité 15]

Madame G. Z.

née le [date] au [Localité 14], ayant droit de V. Z., [Adresse 6], [Localité 14]

Madame W.

née le [date] à [Localité 11], [Adresse 5], [Localité 7]

Toutes représentées par Maître Claude VAILLANT de la SCP VAILLANT ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0257 assistées de Maître Nathalie NEIMAN la SCP VAILLANT ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0257

Mademoiselle V.

née le [date] à [Localité 14] ayant droit [N] [B], [Adresse 3], [Localité 11]

Représentée et assistée de Maître Jacqueline CLEMENCON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0147

Maître U.

[Adresse 1], [Localité 4], Représenté par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Claude CRETON, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Claude CRETON, président de chambre, Mme Monique CHAULET, conseillère, Mme Muriel PAGE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Marylène BOGAERS.

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Claude CRETON, président de chambre et par Mme Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte du 19 septembre reçu par Mme A. avec la participation de M. U., V. Z., Mme X. épouse Y., Mmes R., W. et G. Z., Mmes W., N. et V. ont vendu à la ville de [Localité 11] au prix de 6.900.000 euros un immeuble situé à [Localité 11], [Adresse 9].

Mme X. et Mme T. occupant à titre gracieux deux appartements du 2ème étage, les vendeurs se sont engagés à libérer ces appartements de toute occupation et de tous meubles et objets meublants au plus tard le 31 décembre 2017. Il a été stipulé qu'à défaut ils devront régler à l'acquéreur une indemnité journalière forfaitaire de 200 euros à titre de pénalité, cette indemnité n'étant pas réductible même en cas de libération partielle du logement.

Les parties ont convenu d'un séquestre de 150.000 euros par appartement soit la somme de 300.000 euros.

Par acte notarié du 29 septembre 2017, la ville de [Localité 11] a conclu un bail emphytéotique sur l'immeuble au profit de la société d'économie mixte locale Elogie-Siemp et a subrogé cette dernière dans ses droits.

Suivant constat d'huissier du 29 mars 2018, il a été constaté que l'appartement occupé par Mme T. était encombré. Mme T. a été expulsée, les meubles laissés sur place et déclarés abandonnés par le juge de l'exécution.

La société Elogie Siemp a assigné V. Z., Mme Y., Mmes X., W., R. et G. Z., Mmes W., N. et V. (les consorts Z.) à lui payer la somme de 123.000 euros en application de la clause pénale.

V. Z. étant décédé, ses héritières, Mmes R., W. et G. Z. sont intervenues à l'instance en cette qualité.

Mme V. a appelé en garantie M. U.

Les consorts Z. ont conclu à la restitution de la somme de 150.000 euros à Mme W. qui a conclu à la nullité de la clause pénale du fait de son caractère abusif.

Par jugement du 24 février 2021, le Tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté la demande de nullité de la clause pénale ;

- débouté la société Elogie-Siemp de sa demande en paiement de la somme de 123.800 euros ;

- condamné la société Elogie-Siemp à restituer à Mme V. la somme de 150.000 euros séquestrée entre les mains du notaire ;

- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme V. ;

- condamné la société Elogie-Siemp à payer aux consorts Z. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour rejeter la demande de nullité de la clause pénale, les premiers juges ont retenu que la notion de clause abusive n'est applicable qu'en présence d'un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Pour rejeter la demande de condamnation des vendeurs en raison du défaut de restitution de l'appartement situé au deuxième étage, le tribunal a retenu que les vendeurs ont subrogé la ville de Paris dans tous leurs droits et actions résultant de toutes procédure à l'encontre des locataires et éventuels occupants même antérieurement à la vente et que par conséquent il ne peut être reproché aux vendeurs de ne pas avoir expulsé l'occupante sans droit ni titre puisque seule la ville de Paris était en droit d'intenter une telle action. Le tribunal a condamné la société Elogie-Siemp à restituer à Mme V. la somme de 150.000 €, séquestrée entre les mains du notaire.

[*]

La société Elogie-Siemp a interjeté appel. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau :

- à titre principal, de condamner solidairement Mme X, Mmes Z. et Mmes [W. et V.] au paiement de la somme de 123.800 euros correspondant à l'indemnité prévue dans l'acte de vente du 19 septembre 2017 ;

- à titre subsidiaire, si la cour considérait que cette indemnité ne peut être accordée, de condamner les vendeurs à payer à la société Elogie-Siemp la somme de 123.800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice pour retard dans la délivrance du bien acheté et débouter Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts.

La société Elogie-Siemp soutient qu'elle n'aurait pas pu être subrogée dans les droits de Mme Y. et de Mme V. car il n'y a pas eu délivrance des biens ni même transfert en pleine propriété et qu'ainsi il revenait à ces dernières de diligenter les procédures nécessaires pour libérer les lieux de l'occupante sans droit ni titre.

[*]

Mmes X., W., R. et G. Z., W. concluent à la confirmation du jugement et, à titre subsidiaire sollicitent la condamnation de Mme V., qui a reconnu avoir remis les clefs d'un appartement à Mme T., à les garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elles.

Elles réclament en outre la condamnation de la société Elogie-Siemp et de Mme V. à leur payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Mme V. a conclu à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts. Elle demande à la cour de déclarer nulle la clause pénale au motif que la libération de l'appartement par Mme T. ne dépendait pas de sa volonté. Elle ajoute que par l'effet des clauses de subrogation, il appartenait à la société Elogie-Siemp d'engager les actions en libération des locaux. A titre subsidiaire, elle sollicite la réduction de l'indemnité prévue par la clause pénale, la société Elogie-Siemp ne justifiant pas avoir subi un préjudice, et la condamnation de M. U. à la garantir des condamnations qui seraient prononcées contre elle.

Elle conclut en outre à la condamnation de la société Elogie-Siemp à lui payer la somme de 2.000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi pour n'avoir pas été en mesure de récupérer les biens entreposés dans l'appartement qu'elle occupait.

Elle réclame enfin la condamnation solidaire de M. U. et de la société Elogie-Siemp à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

M. U. conclut au rejet de la demande formée contre lui par Mme V. et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu qu'il convient d'écarter des débats les conclusions déposées par Mme V. le 1er septembre 2022 la veille de l'ordonnance de clôture, ces conclusions de dernière minute n'ayant pas permis aux autres parties d'y répondre ;

 

1 - Sur les demandes de la société Elogie-Siemp :

Attendu que si dans l'acte de vente, les vendeurs déclarent subroger « la VILLE DE [Localité 11] dans tous ses droits et actions résultant de toutes procédures à l'encontre des locataires et éventuels occupants », permettant à la ville de [Localité 11] de « se prévaloir notamment de toutes décisions de justice en expulsion de ceux-ci », l'acte réserve la jouissance jusqu'au 31 décembre 2017 d'un appartement occupé par Mme Y. et d'un appartement occupé sans droit ni titre par une voisine de Mme V. (Mme T.) et stipule qu'à défaut de restitution par le vendeur des ces appartements au plus tard le 31 décembre 2017, celui-ci s'engage à régler à la ville de [Localité 11] une indemnité journalière forfaitaire de 200 euros ; qu'il en résulte que les actions à engager afin de libérer pour cette date ces appartements de leurs occupants et des biens qui y sont entreposés restaient à la charge des vendeurs, la clause de subrogation générale à laquelle il est ainsi dérogé ne s'appliquant qu'aux appartements dont la jouissance avait été immédiatement transmise à l'acquéreur dans les conditions prévues par les paragraphes 1 à 3 de l'article 14.2.2 du contrat ;

Attendu que faute pour les vendeurs d'avoir libéré l'appartement litigieux pour le 31 décembre 2017, il y a lieu d'indemniser la société Elogie-Siemp du préjudice qu'elle a subi ; que la clause pénale évalue ce préjudice à la somme de 123.800 euros ; que cette clause pénale qui a seulement pour objet d'évaluer le préjudice subi par la société Elogie-Siemp au cas où l'appartement litigieux ne serait pas libéré à la date convenue ne crée pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et ne revêt donc pas un caractère abusif, le juge ayant d'ailleurs la faculté de réduire le montant des dommages-intérêts prévus s'ils apparaissent manifestement excessifs ; que la société Elogie-Siemp n'ayant pas contesté le caractère manifestement excessif de cette évaluation, il convient de réduire le montant des dommages-intérêts à la somme de 40.000 euros et de condamner les consorts Z. à payer cette somme à la société Elogie-Siemp

 

2 - Sur l'action en garantie formée contre Mme V. :

Attendu que pour fonder cette action en garantie Mme X., Mmes W., R. et G. Z. (agissant en leur nom personnel et en qualité d'héritières de V. Z.), Mme W. (agissant en son nom personnel et en qualité d'héritière de V., se bornent à indiquer que Mme V. a placé sous séquestre du notaire une somme de 150.000 euros qui lui permettra de faire face à la condamnation prononcée au profit de la société Elogie-Siemp ; que faute de justifier le recours qu'elles exercent contre Mme V., il convient de le rejeter ;

 

3 - Sur les demandes de Mme V. :

- Sur l'appel en garantie formé contre M. U.

Attendu que la clause pénale prévue par l'acte de vente n'avait pour objet que la fixation forfaitaire du montant des dommages-intérêts dus par les vendeurs dans le cas où les l'appartement occupé par Mme T. au jour de la vente ne serait pas libéré au plus tard le 31 décembre 2017 ; que la faute alléguée n'est pas à l'origine du préjudice subi par Mme V., tenue d'indemniser la société Elogie-Siemp du préjudice qu'elle a elle-même subi faute de libération de l'appartement à la date prévue ; qu'il convient de rejeter la demande de Mme V. ;

- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts formée contre la société Elogie-Siemp

Attendu que Mme V. ne justifie ni la faute qu'elle reproche à la société Elogie-Siemp pour ne pas lui avoir permise de récupérer les meubles qu'elle avait entreposé dans l'appartement ni le préjudice allégué ; que sa demande sera donc rejetée ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

statuant publiquement

Écarte des débats les conclusions de Mme V. du 1er septembre 2022 ;

Infirme le jugement sauf en ce qu'il rejette la demande de nullité de la clause pénale ;

Statuant à nouveau ;

Condamne Mme X., Mmes W., R. et G. Z. agissant en leur nom personnel et en qualité d'héritières de V. Z., Mme W. et Mme V. agissant en leur nom personnel et en qualité d'héritière de N. W. à payer à la société Elogie-Siemp la somme de 40.000 euros ;

Déboute Mme X., Mmes W., R. et G. Z. agissant en leur nom personnel et en qualité d'héritières de V. Z., Mme W. agissant en son nom personnel et en qualité d'héritière de N. W. de leur action en garantie contre Mme V. ;

Déboute Mme V. de son action en garantie contre M. U. et de sa demande en paiement de dommages-intérêts formée contre la société Elogie-Siemp ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les différentes des demandes ;

Condamne Mme X., Mmes W., R. et G. Z. agissant en leur nom personnel et en qualité d'héritières de V. Z., Mme W. et Mme V. agissant en leur nom personnel et en qualité d'héritière de N. W. aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,                                          LEPRÉSIDENT,