CA COLMAR (1re ch. civ. A), 5 octobre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9879
CA COLMAR (1re ch. civ. A), 5 octobre 2022 : RG n° 20/02481 ; arrêt n° 477/22
Publication : Judilibre
Extrait : « En l'espèce, il n'est pas contesté, d'une part que le contrat a été conclu hors établissement, celui-ci portant, d'ailleurs, la mention « Fait (…) à [Localité 5] », qui est le lieu d'exploitation de la société ACG et non le siège de la société Veliacom. Il est également non contesté que la société ACG, SAS à associé unique en exploitation directe, emploie cinq salariés ou moins, en l'espèce deux, selon les affirmations non contredites de la société intimée.
Concernant la nature du service en cause, il est mentionné à l'article 1 des conditions générales du contrat que « la cession n'emportera transfert que de la propriété des Produits et des loyers afférents, à l'exception de tous les autres services, prestations et accessoires. Le Bailleur Cessionnaire intervient à titre purement financier, celui-ci ne prendra en charge que l'obligation de laisser au Locataire la jouissance paisible des Produits. En conséquence, malgré cette cession, le suivi commercial et technique continuera à être assuré par le Loueur initial qui reste dès lors l'Interlocuteur du Locataire. »
Cela étant, est en cause un mécanisme prévoyant l'acquisition du matériel par le bailleur qui le loue au preneur, sans que celui-ci ne dispose d'une option d'achat, de sorte qu'il s'agit d'une opération de location simple, non assimilable à un crédit et ne relevant pas des services financiers au sens où l'entend le code monétaire et financier, notamment pour l'application des articles L. 341-1 et suivants de ce code. Partant, le présent contrat n'entre pas dans le champ de l'exclusion prévue à l'article L. 221-2 du code de la consommation.
Par ailleurs, pour déterminer si l'objet du contrat entrait dans le champ de l'activité principale de la société ACG, la cour estime que, sur ce point, si cette société est bien une professionnelle, et si le matériel commandé est destiné à l'exercice de son activité, cette société ne dispose d'aucune compétence particulière en matière de téléphonie, fax et internet, de sorte que l'objet du contrat conclu avec la société Grenke Location, qui ne participe pas à proprement parler à l'exercice de l'activité de contrôle technique automobile de la société ACG, n'entre donc pas dans le champ de son activité principale, au sens des dispositions ci-dessus rappelées.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'application des dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation. [N.B. le tribunal a retenu la solution inverse] »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 5 OCTOBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A 20/02481. Arrêt n° 477/22. N° Portalis DBVW-V-B7E-HMKF. Décision déférée à la Cour : 10 juillet 2020 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG - Chambre commerciale.
APPELANTE - INTIMÉE INCIDEMMENT :
SAS GRENKE LOCATION
prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 1], [Localité 3], Représentée par Maître Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour
INTIMÉE - APPELANTE INCIDEMMENT :
SAS AUTO CONTROLE G.
prise en la personne de son représentant légal, [Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Charline LHOTE, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 janvier 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, M. FREY, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE
ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'assignation délivrée le 27 juillet 2018, par laquelle la SAS Grenke Location, ci-après également dénommée « Grenke » a fait citer la SAS Auto Contrôle G., ci-après également dénommée « ACG », devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Strasbourg,
Vu le jugement rendu le 10 juillet 2020, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Strasbourg a :
- déclaré la rétractation de la société Auto Contrôle G. en date du 31 octobre 2017 irrecevable,
- dit n'y avoir lieu à annuler le contrat conclu le 29 septembre 2017 avec la société Veliacom faute de mise en cause de celle-ci,
- dit et jugé que la société Grenke Location a fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution du contrat,
- constaté l'inopposabilité à la société Auto Contrôle G. du contrat cédé à la société Grenke Location,
- débouté la société Grenke Location de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Grenke Location à payer à la société Auto Contrôle G. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Grenke Location aux entiers dépens,
- ordonné l'exécution provisoire,
aux motifs, notamment, que :
- le matériel entrait incontestablement dans le cadre de l'activité principale de la société Auto Contrôle G., la société Grenke Location soulevant, en conséquence, à bon droit, l'inapplicabilité des dispositions du droit de la consommation,
- la société Auto Contrôle G. n'ayant pas appelé à la cause la société Veliacom Invest à qui elle reproche des manœuvres propres à tromper son discernement, le tribunal ne pouvait statuer sur la demande d'annulation du contrat conclu entre les parties,
- la société Grenke Location ayant accepté une cession de contrat avec une légèreté blâmable, et tenté de poursuivre l'exécution du contrat avec une mauvaise foi caractérisée, il y avait lieu de constater l'inopposabilité du contrat à la société Auto Contrôle G.,
- le grief articulé par la société Grenke Location à l'appui de sa demande de réparation de préjudice liée à l'hypothèse de résiliation du contrat de location découlant en réalité des pratiques commerciales commises lors de la conclusion du contrat, par un fournisseur de la société Grenke Location, la demande indemnitaire de celle-ci ne pouvait être admise, étant observé, de surcroît, que le matériel lui avait été restitué quelques semaines plus tard, de sorte que son préjudice n'était pas établi à la hauteur prétendue.
Vu la déclaration d'appel formée par la SAS Grenke Location contre ce jugement, et déposée le 27 août 2020,
Vu la constitution d'intimée de la SAS Auto Contrôle G. en date du 22 septembre 2020,
[*]
Vu les dernières conclusions en date du 29 mars 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Grenke Location demande à la cour de :
« Sur l'appel de la société GRENKE LOCATION
DIRE l'appel bien fondé,
Y faisant droit,
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
- DIT et JUGÉ que la société GRENKE LOCATION a fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution du contrat
- CONSTATÉ l'inopposabilité a la société AUTO CONTROLE G. du contrat cédé à la société GRENKE LOCATION
- DÉBOUTÉ la société GRENKE LOCATION de l'ensemble de ses demandes
- CONDAMNÉ la société GRENKE LOCATION à payer à la société AUTO CONTROLE G. la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- CONDAMNÉ la société GRENKE LOCATION aux entiers dépens,
et statuant à nouveau :
CONDAMNER la société AUTO CONTROLE G. à payer à la société GRENKE LOCATION la somme en principal de 20.161,78 € augmentée des intérêts au taux légal triplés sur la somme de 18.506,88 € à compter du 16.03.2018, date de la dernière mise en demeure extrajudiciaire jusqu'au complet paiement.
ORDONNER la capitalisation des intérêts
DÉBOUTER la société AUTO CONTROLE G. de toutes conclusions contraires et de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions,
A titre subsidiaire, en cas de résiliation du contrat de location financière,
CONDAMNER, pour légèreté blâmable, la société AUTO CONTROLE G. à rembourser à la société GRENKE LOCATION la somme de 17.142,85 € TTC correspondant au prix du matériel
CONDAMNER la société AUTO CONTROLE G. à payer à GRENKE LOCATION la somme de 4.181,17 € au titre de la perte de marge escomptée au titre du contrat de location
DÉBOUTER la société AUTO CONTROLE G. de toutes conclusions contraires et de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions,
CONDAMNER la société AUTO CONTROLE G. aux entiers frais et dépens de première instance, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de la procédure de première instance,
CONFIRMER pour le surplus le jugement entrepris,
En tout état de cause :
CONDAMNER la société AUTO CONTROLE G. aux entiers frais et dépens d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 4.000 € au titre de la procédure d'appel en faisant application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Sur l'appel incident de la société AUTO CONTROLE G. :
Le DIRE mal fondé,
En DEBOUTER la société AUTO CONTROLE G.,
La CONDAMNER aux frais de son appel incident.'
et ce, en invoquant, notamment :
- l'irrecevabilité, en confirmation du jugement entrepris, de la rétractation de la société Auto Contrôle G., faute d'application des dispositions invoquées du code de la consommation, dès lors que le contrat porte exclusivement sur des services financiers, et dans lequel le bailleur cessionnaire intervient à titre purement financier, le matériel loué étant, en tout état de cause, à usage professionnel et entrant donc incontestablement dans le cadre de l'activité principale de la société, qu'il lui permet d'exploiter,
- la confirmation, également du jugement entrepris, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation du contrat à défaut de mise en cause de la société Veliacom Invest à laquelle la société Auto Contrôle G. reprocherait des manœuvres propres à tromper son discernement, et compte tenu de la faute inexcusable commise par la société intimée, qui a confirmé à la concluante avoir reçu livraison du matériel conformément à l'accord intervenu avec le fournisseur,
- l'absence de mauvaise foi de la concluante dans l'exécution du contrat, qui aurait été conclu puis cédé conformément aux conditions générales, dont la partie adverse aurait reconnu avoir pris connaissance, et mentionnerait explicitement les conditions de la location, tandis que la livraison du matériel a été confirmée par la société Auto Contrôle G. et que la concluante, en qualité de bailleur, aurait satisfait à l'ensemble de ses obligations, en acquérant le matériel aux conditions fixées entre l'intimée et le fournisseur et en le donnant en location, tout en informant l'intimée de la cession, avec transmission des documents contractuels, de sorte que le jugement entrepris serait contraire à une jurisprudence constante retenant la validité d'une clause de cession de contrat comprise dans les conditions générales, le tribunal se voyant, en outre, reprocher d'avoir statué ultra petita en prononçant l'inopposabilité du contrat qui n'était pas demandée, outre qu'il ne pouvait simultanément la prononcer et se prononcer sur les conditions d'exécution du contrat,
- l'absence d'exécution, par la partie adverse, de son obligation contractuelle de paiement des loyers, impliquant la mise en compte des sommes prévues en application des conditions générales, la restitution du matériel, non contestée, ne mettant pas fin au contrat,
- subsidiairement, dans l'hypothèse d'une résiliation du contrat de location, l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de la légèreté blâmable de la société Auto Contrôle G., sans incidence de la restitution du matériel que la concluante avait vocation à récupérer, l'intervention d'une société tierce, fournisseur, n'ayant, par ailleurs, aucun emport sur la validité du procès-verbal de réception/livraison signé par la société Auto Contrôle G. qui n'établit pas qu'il ait été usé de manœuvres frauduleuses pour obtenir sa signature, et qui serait donc redevable de sommes au titre du remboursement du prix du matériel, et de la perte de marge escomptée au titre du contrat de location ;
[*]
Vu les dernières conclusions en date du 29 novembre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SAS Auto Contrôle G. demande à la cour de :
« Vu l'article liminaire du Code de la consommation,
Vu les articles L. 221-1, L. 221-3 et L. 221-18 du même Code,
Vu les articles 13211 et 1324 du Code civil,
Vu l'article 1183 du Code civil et les articles 1130, 1132 et suivants du même Code,
Vu les articles 1104 et 1118 du Code civil,
(...)
Sur l'appel principal :
- Confirmer les dispositions du jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de STRASBOURG le 10 juillet 2020 en ce qu'il a :
Constaté l'inopposabilité à la société AUTO CONTROLE G. du contrat cédé à la société GRENKE LOCATION,
Débouté la société GRENKE LOCATION de l'ensemble de ses demandes,
Condamné la société GRENKE LOCATION à payer à la société AUTO CONTROLE G. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société GRENKE LOCATION aux entiers dépens.
Sur l'appel incident :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
Déclaré la rétractation de la société AUTO CONTROLE G. en date du 31 octobre 2017 irrecevable ;
Dit n'y avoir lieu à annuler le contrat conclu le 29 septembre 2017 avec la société VELIACOM faute de mise en cause de celle-ci.
- Statuant à nouveau :
A titre principal,
Déclarer recevable la rétractation de la société AUTO CONTROLE G. en date du 31 octobre 2017 ;
A titre subsidiaire,
Annuler le contrat conclu le 29 septembre 2017 avec la société VELIACOM et cédé à la société GRENKE LOCATION en raison de l'erreur commise par la société AUTO CONTROLE G. ;
A titre infiniment subsidiaire,
Déclarer incomplète l'offre commerciale émise par la société VELIACOM et ayant conduit à la conclusion du contrat avec la société AUTO CONTROLE G.
Dire et juger que la société GRENKE LOCATION a fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution du contrat ;
Dire et juger que la résiliation du contrat à l'initiative de la société AUTO CONTROLE G. est intervenue dès le 31 octobre 2018 ;
En tout état de cause,
Débouter la société GRENKE LOCATION de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner la société GRENKE LOCATION à régler à la société AUTO CONTROLE G. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel. »
et ce, en invoquant, notamment :
- la recevabilité de sa rétractation en date du 31 octobre 2017, le code de la consommation étant applicable, dès lors que la société Grenke est propriétaire du matériel, que le contrat a été conclu « hors établissement », en vue d'une prestation sans rapport avec son activité professionnelle proprement dite, les communications téléphoniques étant déjà existantes au moment de la conclusion du contrat, et le gérant de la société, qui travaille seul, n'ayant aucune connaissance en matière de téléphonie, fax et internet, et la rétractation étant, en conséquence, intervenue dans les formes, soit 8 jours après la livraison du matériel, et point de départ du délai de rétractation, en l'absence de toute exécution du contrat, et en particulier d'installation du matériel,
- subsidiairement, la nullité du contrat cédé par la société Veliacom à Grenke, cette exception devant être admise, dans la mesure où le contrat a fait l'objet d'une cession de créance, les risques et conséquences de cette cession ayant été transférés à la société Grenke, et qu'est en cause un moyen de défense au fond, n'impliquant pas la mise en cause des protagonistes à la conclusion du contrat, et la nullité étant encourue du fait d'une erreur sur l'objet même du contrat, la concluante s'étant trouvée engagée dans un contrat de location de matériel pendant 63 mois, et sans abonnement fixe et internet, alors que c'était pourtant son besoin, ce qui ressortirait de l'offre commerciale, les conditions générales de vente ne lui ayant été communiquées que bien après la conclusion du contrat,
- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté Grenke de ses demandes, en raison de l'inopposabilité de la cession de créance au profit de Grenke, qui n'a pas été portée à la connaissance de la concluante préalablement à la signature du bon de livraison, le contrat ayant ainsi été exécuté de mauvaise foi par Grenke, cette mauvaise foi résultant également de la différence entre l'offre et les stipulations contractuelles, sans information de la cocontractante quant aux réelles obligations qui découlaient de cette souscription, qui n'a pas été accompagnée de celle d'un contrat d'entretien ou d'un contrat opérateur, et cette mauvaise foi justifiant la résiliation pure et simple du contrat,
- le mal fondé des demandes subsidiaires de Grenke, également en confirmation du jugement, en l'absence de justification de son préjudice au titre d'une légèreté blâmable de la concluante, elle-même non établie s'agissant en réalité des conséquences des pratiques commerciales commises lors de la conclusion du contrat, et ayant amené la concluante à signer une convention de location de matériel en pensant signer un abonnement fixe et internet, le contrat n'ayant, en outre, jamais trouvé à s'appliquer et le matériel ayant été restitué.
[*]
Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 décembre 2021,
Vu les débats à l'audience du 12 janvier 2021,
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur la rétractation de la société Auto Contrôle G. en date du 31 octobre 2017 :
La société ACG expose avoir entendu rétracter son engagement, exposant s'être engagée sur un contrat de location de matériel et non sur un contrat d'abonnement fixe et internet.
Il est produit le courrier du 31 octobre 2017, aux termes duquel « je soussigné M. X., gérant de la société AUTO CONTROLE G., déclare et fait savoir à VELIACOM, après avoir reçu son contrat du 23 octobre 2017, ne pas être d'accord avec ce qui a été apposé après signature.
J'ai signé un contrat pour une prestation téléphonique de 270 euros mensuels et non pas une location de matériel. Veuillez donc prendre cette lettre comme la résiliation de ce contrat qui ne correspond pas à ce qui a été demandé. A RESILIER. »
Elle invoque le bénéfice des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation, et plus particulièrement de l'article L. 221-18 de ce code, prévoyant un droit de rétractation au profit du consommateur, arguant de ce que serait en cause un contrat conclu « hors établissement » et sans lien avec son activité de contrôle technique automobile, elle-même n'ayant aucune connaissance particulière en matière de téléphonie, ce à quoi la société Grenke Location objecte que le contrat porterait exclusivement sur des services financiers, le matériel loué l'étant, en outre, pour des besoins strictement professionnels.
Sur ce, la cour rappelle que l'article L. 221-3 du code de la consommation prévoit, dans sa version applicable à la cause, que les dispositions des sections 2, 3, 6 du chapitre de ce code régissant les contrats établis à distance et hors établissement, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
En application de l'article L. 221-1 dudit code, est considéré comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.
L'article L. 221-2 du même code dispose, pour sa part, que sont exclus du champ d'application du chapitre les contrats portant sur les services financiers.
En l'espèce, il n'est pas contesté, d'une part que le contrat a été conclu hors établissement, celui-ci portant, d'ailleurs, la mention « Fait (…) à [Localité 5] », qui est le lieu d'exploitation de la société ACG et non le siège de la société Veliacom. Il est également non contesté que la société ACG, SAS à associé unique en exploitation directe, emploie cinq salariés ou moins, en l'espèce deux, selon les affirmations non contredites de la société intimée.
Concernant la nature du service en cause, il est mentionné à l'article 1 des conditions générales du contrat que « la cession n'emportera transfert que de la propriété des Produits et des loyers afférents, à l'exception de tous les autres services, prestations et accessoires. Le Bailleur Cessionnaire intervient à titre purement financier, celui-ci ne prendra en charge que l'obligation de laisser au Locataire la jouissance paisible des Produits. En conséquence, malgré cette cession, le suivi commercial et technique continuera à être assuré par le Loueur initial qui reste dès lors l'Interlocuteur du Locataire. »
Cela étant, est en cause un mécanisme prévoyant l'acquisition du matériel par le bailleur qui le loue au preneur, sans que celui-ci ne dispose d'une option d'achat, de sorte qu'il s'agit d'une opération de location simple, non assimilable à un crédit et ne relevant pas des services financiers au sens où l'entend le code monétaire et financier, notamment pour l'application des articles L. 341-1 et suivants de ce code. Partant, le présent contrat n'entre pas dans le champ de l'exclusion prévue à l'article L. 221-2 du code de la consommation.
Par ailleurs, pour déterminer si l'objet du contrat entrait dans le champ de l'activité principale de la société ACG, la cour estime que, sur ce point, si cette société est bien une professionnelle, et si le matériel commandé est destiné à l'exercice de son activité, cette société ne dispose d'aucune compétence particulière en matière de téléphonie, fax et internet, de sorte que l'objet du contrat conclu avec la société Grenke Location, qui ne participe pas à proprement parler à l'exercice de l'activité de contrôle technique automobile de la société ACG, n'entre donc pas dans le champ de son activité principale, au sens des dispositions ci-dessus rappelées.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'application des dispositions du code de la consommation relatives au droit de rétractation. [N.B. le tribunal a retenu la solution inverse]
À ce titre, il sera rappelé que l'article L. 221-18 du code de la consommation, dans sa version applicable en la cause, dispose que :
« Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Dans le cas d'une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d'une commande d'un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce.
Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien. »
En l'espèce, il ressort du courrier précité en date du 31 octobre 2017 que, quels que soient les termes employés, la société ACG a bien exprimé sans équivoque sa volonté de se rétracter, et ce huit jours après la réception du matériel, et donc dans le délai de rétractation prévu par les dispositions susmentionnées, étant, au demeurant observé que la société Grenke Location ne conteste pas les conditions dans lesquelles la société ACG a été amenée à exercer son droit de rétractation.
Il en résulte que la résiliation du contrat de location financière est intervenue à la date du 31 octobre 2017, sans qu'à cet égard une légèreté blâmable ne puisse être reprochée à la société Auto Contrôle G., qui n'a fait qu'exercer le droit de rétractation dont elle disposait légalement, les demandes de la société Grenke Location à ce titre, qui s'analyse comme tendant à l'octroi de dommages-intérêts devant donc être rejetées.
En conséquence de ce qui précède, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Grenke Location de l'ensemble de ses demandes.
Le constat de l'inopposabilité à la société ACG du contrat cédé se trouvant privé d'objet au regard des conclusions auxquelles est parvenue la cour, de même que celui de la mauvaise foi de la société Grenke Location dans l'exécution du contrat, le jugement entrepris sera donc, en revanche, infirmé de ces chefs.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Succombant pour l'essentiel, la société Grenke Location sera condamnée aux dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.
L'équité commande en outre de mettre à la charge de la société Grenke Location une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de la société Auto Contrôle G., tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 10 juillet 2020 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de STRASBOURG en ce qu'il a :
- déclaré la rétractation de la société Auto Contrôle G. en date du 31 octobre 2017 irrecevable,
- dit n'y avoir lieu à annuler le contrat conclu le 29 septembre 2017 avec la société Veliacom faute de mise en cause de celle-ci,
- dit et jugé que la société Grenke Location a fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution du contrat,
- constaté l'inopposabilité à la société Auto Contrôle G. du contrat cédé à la société Grenke Location,
Et statuant à nouveau des chefs de demande infirmés,
Déclare la SAS Auto Contrôle G. recevable en sa rétractation en date du 31 octobre 2017,
Dit, en conséquence, que la résiliation du contrat de location financière est intervenue à la date du 31 octobre 2017,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboute la SAS Grenke Location de ses demandes en dommages-intérêts pour légèreté blâmable de la SAS Auto Contrôle G.,
Condamne la SAS Grenke Location aux dépens de l'appel,
Condamne la SAS Grenke Location à payer à la SAS Auto Contrôle G. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS Grenke Location.
La Greffière : la Présidente :
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5945 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Téléphonie et télécopie