CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 13 octobre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9882
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 13 octobre 2022 : RG n° 20/05140 ; arrêt n° 191
Publication : Judilibre
Extraits :1/ « L'avenant au contrat conclu le 24 janvier 2014 entre la société Smartfocus et la société SPOHRE, aux droits de laquelle vient la société Dupont, stipule, en son article 2 intitulé « durée du contrat-résiliation », que « le présent avenant prend effet le 1er février 2014 » et qu'à 'compter de cette date, le contrat est conclu pour une durée initiale d'un an, renouvelable par tacite reconduction, chacune des parties ayant la possibilité d'en faire cesser l'effet à la fin de chaque période anniversaire de contrat, à la condition expresse de prévenir l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception, moyennant le respect d'un préavis de trois mois avant le 1er février de chaque année. »
Par lettre recommandée du 28 janvier 2016, la société Smartfocus a résilié le contrat de fourniture de repas conclu le 14 décembre 2012, à effet au 30 avril 2016. La société Smartfocus a ainsi résilié le contrat sans respecter les stipulations contractuelles de l'avenant du 24 janvier 2014 qui ne prévoyait une résiliation que pour le 1er février de chaque année.
La société Smartfocus a motivé la résiliation par une réduction considérable de ses activités et son départ au 30 avril 2016 des locaux dans lesquels était situé le restaurant d'entreprise. Par lettre du 17 septembre 2015, elle avait informé la société Dupont d'un projet de réorganisation de la société et d'une réduction d'effectifs.
Elle ne justifie pas d'un empêchement à respecter les stipulations contractuelles relatives aux conditions de résiliation du contrat ni d'un événement imprévisible, irrésistible et extérieur constitutif d'un cas de force majeure, alors que la résiliation était envisagée en septembre, soit plus de quatre mois avant l'échéance annuelle du contrat, compte tenu d'impératifs financiers et économiques connus. Il ne résulte pas des pièces du dossier que le bail portant sur les locaux qu'elle occupait, aurait été résilié par le bailleur et de manière imprévisible.
Le contrat de fourniture de repas avait pour objet la restauration du personnel de la société Smartfocus. Elle ne démontre pas que la résiliation de ce bail commercial entrainerait ipso facto la caducité du contrat de fourniture de repas, dont les termes ne révèlent pas une interdépendance de ces deux contrats ou une volonté des parties de les rendre indissociables.
La résiliation du contrat de fourniture des repas à l'initiative de la société Smartfocus sans avoir respecté les conditions contractuelles est dès lors fautive.
Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de la société Dupont sur le fondement de la responsabilité délictuelle. »
« 2/ Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont en premier lieu la soumission ou la tentative de soumission et en second lieu l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif.
La société Smartfocus, qui se contente d'alléguer que les dispositions contractuelles présentent les caractéristiques d'un contrat d'adhésion, ne démontre pas avoir été dans une situation de soumission à l'égard de la société Dupont, lui ôtant toute possibilité de négociation, lorsque l'avenant, modifiant les conditions de résiliation du contrat, a été conclu entre les parties. Il est relevé qu'aux terme de cet avenant, la possibilité de résilier le contrat à la fin de chaque période anniversaire est ouverte à chacune des parties moyennant le respect d'un préavis de trois mois. L'existence d'un déséquilibre significatif n'est pas prouvée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/05140. Arrêt n° 191 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBVAA. Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 février 2020 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2019028213.
APPELANTE :
SAS SMARTFOCUS FRANCE
agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro XXX [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque L0056, avocat postulant, Assistée de Maître Thomas RUBIN, avocat au barreau de PARIS, toque A 938, avocat plaidant
INTIMÉE :
SASU DUPONT RESTAURATION
agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège, immatriculée au RCS d'ARRAS sous le numéro YYY, [Adresse 2], [Adresse 5], [Localité 3], Représentée par Maître Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque L0050, avocat postulant, Assistée de Maître Guillaume BOUREUX de la SELARL QUINTUOR, avocat au barreau de LILLE, toque 0237, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie RENARD, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre, Madame Nathalie RENARD, Présidente de chambre, Madame Christine SOUDRY, Conseillère.
Greffière, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT : - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 14 décembre 2012, la société Smartfocus France (la société Smartfocus), anciennement dénommée Emailvision, a conclu avec la société SPOHRE, aux droits de laquelle vient la société Dupont restauration (la société Dupont), un contrat de prestations de services de restauration prenant effet le 2 janvier 2013.
Un avenant a été conclu le 20 janvier 2014 avec effet au 1er février 2014.
Par lettre recommandée du 28 janvier 2016, la société Smartfocus a notifié à la société Dupont la résiliation du contrat avec effet au 30 avril 2016.
Par acte du 13 mai 2019, la société Dupont a assigné la société Smartfocus en paiement de factures et de sommes au titre de la marge perdue entre le 1er mai 2016 et le 31 janvier 2017, de salaires et charges salariales supportés sans contrepartie entre le 1er mai 2016 et le 11 juillet 2016, et des investissements non amortis au jour de la rupture du contrat.
Par jugement du 3 février 2020, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société Smartfocus à payer à la société Dupont la somme de 38.339,24 euros TTC outre les intérêts à une fois et demi le taux légal à compter de leur date d'exigibilité, au titre des factures restées impayées depuis le 30 novembre 2015 avec capitalisation des intérêts ;
- condamné la société Smartfocus à payer à la société Dupont la somme de 1.444,26 euros TTC au titre des investissements réalisés par la société Dupont augmentée de l'intérêt au taux légal depuis le 1er mai 2016 avec capitalisation des intérêts ;
- condamné la société Smartfocus à payer à la société Dupont la somme de 85.160 euros augmentée de l'intérêt au taux légal depuis la mise en demeure du 30 juin 2016, avec capitalisation des intérêts ;
- condamné la société Smartfocus à payer à la société Dupont la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la société Smartfocus aux dépens, liquidés à la somme de 74,50 euros.
Par déclaration du 10 mars 2020, la société Smartfocus a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il :
- a assorti la condamnation de 38.339,24 euros du paiement des intérêts à une fois et demi le taux légal à compter de leur exigibilité, au titre des factures restées impayées depuis le 30 novembre 2015 avec capitalisation des intérêts ;
- a assorti de la condamnation de 1.144,26 euros du paiement des intérêts depuis le 1er mai 2016 avec capitalisation des intérêts, au titre des investissements réalisés par la société Dupont ;
- l'a condamnée à payer à la société Dupont la somme de 85.160 euros augmentée de l'intérêt au taux légal depuis la mise en demeure du 30 juin 2016, avec capitalisation des intérêts ;
- l'a déboutée de ses demandes ;
- l'a condamnée à payer à la société Dupont la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a ordonné l'exécution provisoire ;
- l'a condamnée aux dépens.
[*]
Par ses dernières conclusions notifiées le 13 avril 2022, la société Smartfocus demande, au visa des articles 1137 et 1147, 1131 du code civil, L. 442-6 du code de commerce, 1382, 1343-5, et 1231-5 du code civil, 563 et 700 du code de procédure civile, de :
- infirmer partiellement le jugement ;
- débouter la société Dupont de ses demandes ;
- confirmer le jugement en ce qu'il
* l'a condamnée à payer à la société Dupont la somme de 38.339,24 euros TTC outre les intérêts à une fois et demi le taux légal à compter de leur date d'exigibilité, au titre des factures restées impayées depuis le 30 novembre 2015 avec capitalisation des intérêts, et celle de 1.144,26 euros TTC au titre des investissements réalisés par la société Dupont augmentée de l'intérêt au taux légal depuis le 1er mai 2016 avec capitalisation des intérêts,
* débouté la société Dupont de sa demande indemnitaire au titre de la prise en charge de salariés dédiés au restaurant d'entreprise entre mai et le 11 juillet 2016 et de celle de 10.000 euros pour résistance abusive ;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Dupont la somme de 85 160 euros augmentée de l'intérêt au taux légal depuis le 30 juin 2016 avec capitalisation des intérêts et celle de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- à titre principal, débouter la société Dupont de ses demandes de condamnation du chef de la responsabilité contractuelle ;
- condamner la société Dupont à lui rembourser les montants versés à ce titre en exécution du jugement ;
- sur la demande subsidiaire, débouter la société Dupont de ses demandes du chef de la responsabilité délictuelle ;
- débouter la société Dupont de ses demandes présentées au titre des charges salariales ;
- condamner la société Dupont à rembourser les montants versés en exécution du jugement ;
- à titre subsidiaire, fixer le montant des dommages et intérêts contractuels à la somme de 0 euro et condamner la société Dupont à rembourser les montants versés à ce titre en exécution du jugement ;
- infiniment subsidiairement, débouter la société Dupont de toute demande indemnitaire et condamner la société Dupont à rembourser les montants versés à ce titre en exécution du jugement ;
- en tout état de cause, débouter la société Dupont de sa demande indemnitaire au titre d'une quelconque résistance abusive ;
- accorder le cas échéant les délais de règlement les plus larges à l'égard de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, conformément aux dispositions de l'article 1343-5 du code civil ;
- condamner la société Dupont à lui verser la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H avocats, en la personne de Maître Patricia Hardouin, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Par ses dernières conclusions notifiées le 6 mai 2022, la société Dupont demande, au visa des articles 1134 et 1147 anciens, 1231-5, 1343-2 et 1343-5 nouveau du code civil, L. 442-6-I-2° et L. 442-6-I-5° du code de commerce, 695 et 700 du code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a
* condamné la société Smartfocus France à lui payer la somme de 38.339,24 euros TTC outre les intérêts à une fois et demie le taux égal à compter de leur date d'exigibilité, au titre des factures impayées depuis le 30 novembre 2015 et celle de 1.444,26 euros TT au titre des investissements réalisés augmentée de l'intérêt au taux légal depuis le 1er mai 2016 avec capitalisation des intérêts,
* condamné la société Smartfocus France à lui payer une indemnité augmentée de l'intérêt au taux légal depuis la mise en demeure du 30 juin 2016, avec capitalisation des intérêts au titre de la rupture sauf en ce qu'il a limité cette indemnisation à 85.160 euros augmentée de l'intérêt au taux légal depuis la mise en demeure du 30 juin 2016, avec capitalisation des intérêts,
* condamné la société Smartfocus à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* débouté la société Smartfocus de ses demandes,
* ordonné l'exécution provisoire,
* condamné la société Smartfocus France aux dépens ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Dupont de certaines de ses demandes ;
- à titre principal, condamner la société Smartfocus France à lui payer la somme de 184.256 euros au titre de la marge perdue sur la période du 1er mai 2016 au 31 janvier 2017 augmentée de l'intérêt au taux légal depuis la mise en demeure du 30 juin 2016, avec capitalisation des intérêts, aux lieu et place des 85 160 euros prononcés en première instance ;
- condamner la société Smartfocus France à lui payer la somme de 15/742,58 euros au titre des salaires et charges salariales supportées sans contrepartie entre le 1er mai et le 11 juillet 2016 augmentée de l'intérêt au taux légal depuis le mise en demeure du 30 juin 2016, avec capitalisation des intérêts,
- à titre subsidiaire, sur le fondement de la rupture brutale de la relation commerciale, condamner la société Smartfocus à lui payer ces 2 sommes avec intérêts capitalisés ;
- condamner la société Smartfocus France à lui payer la somme de 15.742,85 euros, au titre des charges salariales supportées sans contrepartie entre le 1er mai et le 11 juillet 2016 augmentée de l'intérêt au taux légal depuis le 1er mai 2016 avec capitalisation des intérêts ;
- en tout état de cause, déclarer irrecevables car nouvelles en appel les demandes de la société Smartfocus tendant à la réduction d'une prétendue clause pénale, à ce que certaines clauses du contrat soient réputées non écrites et à l'engagement de la responsabilité civile délictuelle sur le fondement du déséquilibre significatif ;
- débouter la société Smartfocus de toutes ses demandes liées à un prétendu déséquilibre significatif tendant à ce que certaines clauses de l'avenant du 20 janvier 2014 soient réputées non écrites et tendant à la réparation d'un prétendu préjudice subi de ce chef ;
- débouter la société Smartfocus de ses demandes ;
- condamner la société Smartfocus à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de la résistance abusive ;
- condamner la société Smartfocus à lui verser la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance en appel ;
- condamner la société Smartfocus aux entiers frais et dépens.
[*]
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 mai 2022.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à « juger » et « dire et juger » en ce qu'elles ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens.
Les chefs de dispositif du jugement ayant condamné la société Smartfocus à payer à la société Dupont la somme de 38.339,24 euros TTC outre les intérêts à une fois et demi le taux légal à compter de leur date d'exigibilité, au titre des factures restées impayées depuis le 30 novembre 2015 avec capitalisation des intérêts, et celle de 1.444,26 euros TTC au titre des investissements réalisés par la société Dupont augmentée de l'intérêt au taux légal depuis le 1er mai 2016 avec capitalisation des intérêts, ne sont plus attaqués aux termes des conclusions des parties.
La cour statuera dans les limites de sa saisine.
Sur la demande de la société Dupont au titre de la résiliation :
L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Le contrat de fourniture de repas conclu entre les parties le 14 décembre 2012 stipule, en son article 2 intitulé « durée du contrat-résiliation », que le « contrat prend effet à compter du 2 janvier 2013 », qu'à « compter de cette date, il est conclu pour une durée initiale d'un an, renouvelable par tacite reconduction, chacune des parties ayant la possibilité d'en faire cesser l'effet à tout moment, à la condition expresse de prévenir l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception, au moins trois mois au préalable », et qu'en « cas d'inexécution par l'une des parties de l'une quelconque de ses obligations contractuelles, le présent contrat sera résilié de plein droit et sans formalité, si un mois après l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception celle-ci est restée sans effet ».
L'avenant au contrat conclu le 24 janvier 2014 entre la société Smartfocus et la société SPOHRE, aux droits de laquelle vient la société Dupont, stipule, en son article 2 intitulé « durée du contrat-résiliation », que « le présent avenant prend effet le 1er février 2014 » et qu'à 'compter de cette date, le contrat est conclu pour une durée initiale d'un an, renouvelable par tacite reconduction, chacune des parties ayant la possibilité d'en faire cesser l'effet à la fin de chaque période anniversaire de contrat, à la condition expresse de prévenir l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception, moyennant le respect d'un préavis de trois mois avant le 1er février de chaque année. »
Par lettre recommandée du 28 janvier 2016, la société Smartfocus a résilié le contrat de fourniture de repas conclu le 14 décembre 2012, à effet au 30 avril 2016.
La société Smartfocus a ainsi résilié le contrat sans respecter les stipulations contractuelles de l'avenant du 24 janvier 2014 qui ne prévoyait une résiliation que pour le 1er février de chaque année.
La société Smartfocus a motivé la résiliation par une réduction considérable de ses activités et son départ au 30 avril 2016 des locaux dans lesquels était situé le restaurant d'entreprise.
Par lettre du 17 septembre 2015, elle avait informé la société Dupont d'un projet de réorganisation de la société et d'une réduction d'effectifs.
Elle ne justifie pas d'un empêchement à respecter les stipulations contractuelles relatives aux conditions de résiliation du contrat ni d'un événement imprévisible, irrésistible et extérieur constitutif d'un cas de force majeure, alors que la résiliation était envisagée en septembre, soit plus de quatre mois avant l'échéance annuelle du contrat, compte tenu d'impératifs financiers et économiques connus.
Il ne résulte pas des pièces du dossier que le bail portant sur les locaux qu'elle occupait, aurait été résilié par le bailleur et de manière imprévisible.
Le contrat de fourniture de repas avait pour objet la restauration du personnel de la société Smartfocus.
Elle ne démontre pas que la résiliation de ce bail commercial entrainerait ipso facto la caducité du contrat de fourniture de repas, dont les termes ne révèlent pas une interdépendance de ces deux contrats ou une volonté des parties de les rendre indissociables.
La résiliation du contrat de fourniture des repas à l'initiative de la société Smartfocus sans avoir respecté les conditions contractuelles est dès lors fautive.
Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de la société Dupont sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Sur la réparation du préjudice :
La société Smartfocus invoque une clause pénale excessive et un déséquilibre significatif pour conclure à la réduction des indemnités à la somme de 0 euro.
La société Dupont conclut à l'irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle en appel.
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, la demande de la société Smartfocus tend au rejet des demandes indemnitaires, et n'est dès lors pas irrecevable.
La société Dupont n'invoque pas l'application d'une clause pénale mais sollicite la réparation du préjudice résultant de la résiliation du contrat, réparation soumise à l'évaluation souveraine des juges du fond.
Il n'est allégué aucune clause du contrat fixant une peine stipulée en prévision du préjudice résultant du non-respect des conditions de résiliation.
Aux termes de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce. dans sa rédaction applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
Les deux éléments constitutifs de cette pratique restrictive de concurrence sont en premier lieu la soumission ou la tentative de soumission et en second lieu l'existence d'obligations créant un déséquilibre significatif.
La société Smartfocus, qui se contente d'alléguer que les dispositions contractuelles présentent les caractéristiques d'un contrat d'adhésion, ne démontre pas avoir été dans une situation de soumission à l'égard de la société Dupont, lui ôtant toute possibilité de négociation, lorsque l'avenant, modifiant les conditions de résiliation du contrat, a été conclu entre les parties.
Il est relevé qu'aux terme de cet avenant, la possibilité de résilier le contrat à la fin de chaque période anniversaire est ouverte à chacune des parties moyennant le respect d'un préavis de trois mois.
L'existence d'un déséquilibre significatif n'est pas prouvée.
Il n'y aura dès lors pas lieu de faire droit à la demande de la société Smartfocus en réduction des dommages et intérêts qui seront alloués à la société Dupont en réparation de ses préjudices résultant de la résiliation fautive du contrat.
Sur la demande de la société Dupont au titre des charges salariales :
Il résulte des échanges épistolaires des parties qu'à la suite de la résiliation du contrat par la société Smartfocus, un des trois salariés de la société Dupont a été reclassé sur un autre poste de travail au sein de la société Dupont.
Les contrats de travail des deux autres salariés ont été transférés à la société ayant repris l'activité de restauration sur le site, mais la société Dupont justifie, par des bulletins de paie, avoir exposé des charges salariales pour la période du 1er mai 2016 au 29 juillet 2016 à hauteur de :
- en ce qui concerne Mme X. (salaire brut + charges patronales) : 1.954,90 + 755,53 + 2.983,94 + 1.729,02 + 628,77 + 277,75 = 8.329,91 euros
- en ce qui concerne M. Y. (salaire brut + charges patronales) : 1.595,71 + 415,31 + 2.450,87 + 1.225,35 + 520,76 + 175,53 = 6.383,53 euros, soit une somme totale de 14.713,44 euros.
La société Smartfocus argue de travaux réalisés dans le restaurant par le nouvel occupant qui n'aurait ainsi repris l'activité qu'en juillet 2016.
Cependant, la société Dupont a supporté ces charges salariales en raison du non-respect des conditions de résiliation par la société Smartfocus. Ce préjudice ne résulte pas directement de la décision du repreneur d'effectuer des travaux mais de la résiliation fautive du contrat par la société Smartfocus.
En conséquence, le jugement qui a rejeté la demande de la société Dupont à ce titre, sera infirmé.
La société Smartfocus sera condamnée à payer à la société Dupont la somme de 14.713,44 euros en réparation du préjudice constitué des salaires et charges salariales résultant de la résiliation fautive du contrat.
Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 juin 2016, en application de l'article 1231-7 du code civil.
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et à compter du 13 mai 2019, date de la demande faite par acte d'assignation.
Sur la demande de la société Dupont au titre de la marge perdue :
La société Dupont a subi un préjudice constitué de la perte de marge entre le 1er mai 2016 et le 31 janvier 2017.
Elle produit une attestation de son commissaire aux comptes dont il résulte que la marge brute pour la période du 1er mai 2016 au 31 janvier 2017 se serait élevée à 184.337 euros, montant calculé à partir des neuf derniers mois d'exploitation (du 1er août 2015 au 30 avril 2016) et des trois dernières années d'exploitation sur la même période comparable, par soustraction du poste « consommation » du chiffre d'affaire.
Ce taux de marge brute ne tient pas compte des charges salariales, qui peuvent être évaluées à environ 66.210 euros pour 3 salariés (sur la base de 14.713,44 euros pour 2 salariés sur 3 mois), ni des autres charges fixes, alors que tant le contrat de fourniture de repas du 14 décembre 2012 que l'avenant du 20 janvier 2014 listent des frais fixes composés de frais de fonctionnement (évalués à 1.439 euros HT par mois dans l'avenant) et de frais de gestion et rémunération (1.300 euros HT par mois dans l'avenant) en sus des frais de personnel.
Ainsi, en l'absence d'autre élément comptable, l'estimation du tribunal de commerce de la marge perdue à 35,70 % sera retenue.
En conséquence, le jugement, qui a condamné la société Smartfocus à payer à la société Dupont la somme de 85 160 euros en réparation du préjudice constitué de la marge perdue résultant de la résiliation fautive, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 juin 2016 en application de l'article 1231-7 du code civil, sera confirmé.
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et à compter du 13 mai 2019, date de la demande faite par acte d'assignation.
Sur les délais de paiement :
L'article 1343-5 du code civil dispose que .le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues..
En l'espèce, la société Smartfocus ne fournit aucun élément actuel sur sa situation économique.
Compte tenu en outre de l'ancienneté du litige, la demande d'octroi de délais de paiement sera rejetée.
Sur la résistance abusive :
Il ne résulte pas des éléments du dossier l'existence d'un abus de droit commis par la société Smartfocus dans sa défense et l'exercice de son droit d'appel.
La demande en dommages et intérêts de la société Dupont sera donc rejetée, et le jugement sera confirmé.
Sur les demandes accessoires :
La société Smartfocus succombant, sera tenue aux dépens d'appel, et le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il apparaît équitable de la condamner à payer à la société Dupont la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,
La cour, dans les limites de sa saisine,
- Infirme le jugement du 3 février 2020 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la société Dupont Restauration au titre des salaires et des charges salariales ;
- Confirme le jugement pour le surplus ;
- Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
- Condamne la société Smartfocus France à payer à la société Dupont Restauration la somme de 14.713,44 euros, en réparation du préjudice constitué des salaires et charges salariales résultant de la résiliation fautive du contrat, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2016 ;
- Ordonne la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et à compter du 13 mai 2019 ;
- Rejette la demande de la société Smartfocus France d'octroi de délais de paiement ;
- Rejette la demande de la société Dupont Restauration en dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- Condamne la société Smartfocus France à payer à la société Dupont Restauration la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejette la demande de la société Smartfocus France à ce titre ;
- Condamne la société Smartfocus France aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE