CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 19 octobre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9896
CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 19 octobre 2022 : RG n° 19/07819
Publication : Judilibre
Extrait : « Toutefois, les premiers juges, par une motivation pertinente en fait et en droit que la cour adopte ont justement analysé que l'usage d'un photocopieur/numériseur/télécopieur n'entrait pas dans le champ de l'activité principale de diététicienne exercée par Mme X.
L'exercice à titre individuel de la profession d'orthophoniste n'a conféré à Mme X. qui justifie en 2019 n'employer aucun salarié et exerce en nom propre, en cohérence employant moins de cinq salariés au jour du contrat, aucune compétence pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans la location du photocopieur et dans le partenariat en cause, dans la mesure où les services qui lui ont été proposés étaient étrangers à son champ de compétence professionnelle et n'ont été appréhendés par elle que pour faciliter l'exercice de son activité de diététicienne.
L'usage par la société Locam d'un formulaire préimprimé selon lequel son cocontractant atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle, formule destinée à la protéger en l'état de la législation applicable antérieurement au contrat, n'exclut en rien l'application des dispositions nouvelles qui évoquent l'activité principale du cocontractant.
Locam poursuit ensuite la réformation en soulignant que la location financière est exclue du champ d'application des dispositions du code de la consommation relative aux contrats hors établissement. Elle se décrit comme une société de financement, soumise au code monétaire et financier, agréée pour exercer à titre habituel l'activité de location avec option d'achat. L'opération de location simple est une activité connexe autorisée par l'article L. 311-2 de ce code. C'est ainsi que le contrat rappelle que sont exclus du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement du code de la consommation les contrats portant sur les services financiers.
Cependant, l'application des règles du droit de la consommation tant au bon de commande qu'au contrat de partenariat, dépourvus de formulaire de rétractation, donc nuls, cumulée avec l'interdépendance des contrats entre ceux-ci et le contrat de location affecte ab initio la validité de ce dernier, la nullité des premiers entrainant la nullité du dernier. L'interdépendance des contrats a été très exactement analysée par les premiers juges dont la cour adopte les motifs.
Mais encore, l'analyse proposée par Locam procède d'une assimilation entre opérations de banque et services financiers que le code monétaire et financier différencie en les traitant par des dispositions spécifiques insérées : - au Titre 1 du Livre III, articles L. 311-1à L. 318-5 pour les opérations de banque, - au Titre IV du Livre III, articles L. 341 à L. 343-6 pour les services financiers. Les dispositions relatives aux locations simples de mobilier sont insérées dans le titre 1 mais dans la définition des opérations connexes aux opérations de banque énumérées à l'article L.311-2 du code monétaire et financier.
S'il est ensuite exact, que l'article L. 222-1 du code de la consommation prévoit que le chapitre « Dispositions particulières au contrat conclu à distance portant sur des services financiers » s'applique aux services mentionnés au Livre Ier à III (...) du code monétaire et financier, (le Livre III contenant l'article L.311-2), il n'en demeure pas moins que l'exclusion de l'article L. 221-2 ne peut concerner que les services financiers du Livre III dudit code.
La société Locam ne prétend d'ailleurs pas avoir mis en œuvre le formalisme prévu aux articles L. 222-1 et suivants prévoyant notamment l'envoi au client des informations énoncées à l'article L. 222-5 en temps utile et avant qu'il ne soit lié par le contrat. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/07819. N° Portalis DBVK-V-B7D-ONOT. Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 OCTOBRE 2019, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 17/05177.
APPELANTE :
SAS Locam
prise en la personne de son représentant légal en exercice [Adresse 4], [Localité 7], Représentée par Maître Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour la SELARL LEXI Conseil & Défense, avocats au barreau de SAINT ETIENNE
INTIMÉS :
Madame X.
née le [Date naissance 2] à [Localité 8] ([Localité 8]), de nationalité Française, [Adresse 6], [Localité 1], Représentée par Maître Jean-Michel ARCHIMBAUD substituant Maître Madeleine ARCHIMBAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant ayant plaidé pour Maître Frédéric LECLERC avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
Monsieur V. P. es qualité de mandataire liquidateur de la SARL IME
[Adresse 3], [Localité 5], assigné à domicile le 11 mars 2020
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, M. Frédéric DENJEAN, Conseiller.
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRÊT : - par défaut - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Démarchée par la société Chrome Bureautique, désormais dénommée Impressions Multifonctions et Equipements (IME), Mme X., exerçant la profession d'orthophoniste a signé le 30 avril 2015 un bon de commande d'un photocopieur de marque Olivetti ainsi que le même jour un contrat de maintenance, et un contrat de partenariat client référent.
Un contrat de location financière du même jour était conclu avec la SA Locam prévoyant le règlement de 21 loyers trimestriels de 747€ HT chacun jusqu'en février 2021.
Le matériel était livré selon procès-verbal de livraison et de conformité daté du 19 juin 2015.
Locam payait le matériel à Chrome Bureautique selon facture du 22 juin 2015 et émettait l'échéancier.
Alertée sur le fonctionnement d'arnaques au photocopieur, Mme X. notifiait sa rétractation à la société Locam le 10 avril 2016.
Par actes d'huissier du 22 juin 2017, Mme X. a fait assigner les sociétés IME et Locam devant le tribunal de grande instance de Montpellier sur le fondement des dispositions du code de la consommation, subsidiairement du code civil pour dol.
Par jugement du tribunal de commerce du 4 septembre 2017, une procédure de redressement judiciaire de la société IME était ouverte et Mme X. déclarait sa créance auprès de Maître P., mandataire judiciaire. Un jugement du même tribunal de commerce de Montpellier du 24 novembre 2017 convertissait la procédure en liquidation judiciaire.
Par jugement du 23 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- dit que les contrats de fourniture et maintenance Chrome bureautique devenue IME, de partenariat client référent et de location financière des 30 avril 2015 entrent dans le champ d'application des dispositions prévues aux articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation
- constaté l'anéantissement de ces trois contrats par l'effet de l'exercice du droit de rétractation par Mme X.
- dit que la société Locam devra récupérer à ses frais, au lieu cabinet d'orthophonie de Mme X. le photocopieur de marque Olivetti
- condamné la société Locam à restituer à Mme X. l’intégralité des loyers qu'elle a perçus en exécution de location dudit photocopieur
- débouté la société Locam et Maître Pernaud, ès-qualités, de leurs demandes reconventionnelles
- condamné la société Locam à payer à Mme X. la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société Locam aux dépens et ordonné l'exécution provisoire de la décision.
[*]
Vu la déclaration d'appel du 4 décembre 2019 par la société Locam.
Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 septembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur ses moyens, au terme desquelles elle demande de réformer le jugement et de condamner Mme X. à lui payer la somme de 14.354,34 € ; subsidiairement, en cas de nullité ou de caducité du contrat de location, de condamner Mme X. à lui payer la somme de 1.864,20 € au titre d'une indemnité de jouissance ;
en tout état de cause, de la condamner à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
[*]
Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 août 2022 auxquelles il est renvoyé pour de plus amples développements sur ses moyens, au terme desquelles Mme X. demande à titre principal, de confirmer le jugement et décline à titre subsidiaire, très subsidiaire, infiniment subsidiaire des demandes sur des fondements textuels différents tendant à l'annulation ou à la caducité des contrats, de réduire la clause pénale à la somme de 1 euro, en tout état de cause de condamner la société Locam à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
[*]
Maître P., à qui la déclaration d'appel et les conclusions initiales de la société Locam ont été signifiées à domicile par acte d'huissier du 10 mars 2020 en sa qualité de liquidateur de la société IME n'a pas constitué avocat.
[*]
Vu l'ordonnance de clôture du 16 août 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
La société Locam soutient que c'est à tort que les premiers juges ont fait application des dispositions du code de la consommation, particulièrement des articles L. 121-16 et suivants devenus L. 221-3 et suivants alors que Mme X. a reconnu avoir contracté dans le cadre et pour les besoins de son activité professionnelle. Cette application est pour elle contraire aux dispositions de l'article liminaire du même code et Locam cite diverses jurisprudences refusant d'appliquer les dispositions du code de la consommation à des professionnels commerçants. Elle souligne de surcroît que Mme X. ne justifie pas qu'elle employait moins de cinq salariés au jour du contrat.
Toutefois, les premiers juges, par une motivation pertinente en fait et en droit que la cour adopte ont justement analysé que l'usage d'un photocopieur/numériseur/télécopieur n'entrait pas dans le champ de l'activité principale de diététicienne exercée par Mme X.
L'exercice à titre individuel de la profession d'orthophoniste n'a conféré à Mme X. qui justifie en 2019 n'employer aucun salarié et exerce en nom propre, en cohérence employant moins de cinq salariés au jour du contrat, aucune compétence pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans la location du photocopieur et dans le partenariat en cause, dans la mesure où les services qui lui ont été proposés étaient étrangers à son champ de compétence professionnelle et n'ont été appréhendés par elle que pour faciliter l'exercice de son activité de diététicienne.
L'usage par la société Locam d'un formulaire préimprimé selon lequel son cocontractant atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle, formule destinée à la protéger en l'état de la législation applicable antérieurement au contrat, n'exclut en rien l'application des dispositions nouvelles qui évoquent l'activité principale du cocontractant.
Locam poursuit ensuite la réformation en soulignant que la location financière est exclue du champ d'application des dispositions du code de la consommation relative aux contrats hors établissement. Elle se décrit comme une société de financement, soumise au code monétaire et financier, agréée pour exercer à titre habituel l'activité de location avec option d'achat. L'opération de location simple est une activité connexe autorisée par l'article L. 311-2 de ce code. C'est ainsi que le contrat rappelle que sont exclus du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement du code de la consommation les contrats portant sur les services financiers.
Cependant, l'application des règles du droit de la consommation tant au bon de commande qu'au contrat de partenariat, dépourvus de formulaire de rétractation, donc nuls, cumulée avec l'interdépendance des contrats entre ceux-ci et le contrat de location affecte ab initio la validité de ce dernier, la nullité des premiers entrainant la nullité du dernier. L'interdépendance des contrats a été très exactement analysée par les premiers juges dont la cour adopte les motifs.
Mais encore, l'analyse proposée par Locam procède d'une assimilation entre opérations de banque et services financiers que le code monétaire et financier différencie en les traitant par des dispositions spécifiques insérées :
- au Titre 1 du Livre III, articles L.311-1à L.318-5 pour les opérations de banque,
- au Titre IV du Livre III, articles L.341 à L.343-6 pour les services financiers.
Les dispositions relatives aux locations simples de mobilier sont insérées dans le titre 1 mais dans la définition des opérations connexes aux opérations de banque énumérées à l'article L.311-2 du code monétaire et financier.
S'il est ensuite exact, que l'article L. 222-1 du code de la consommation prévoit que le chapitre « Dispositions particulières au contrat conclu à distance portant sur des services financiers » s'applique aux services mentionnés au Livre Ier à III (...) du code monétaire et financier, (le Livre III contenant l'article L.311-2), il n'en demeure pas moins que l'exclusion de l'article L. 221-2 ne peut concerner que les services financiers du Livre III dudit code.
La société Locam ne prétend d'ailleurs pas avoir mis en œuvre le formalisme prévu aux articles L. 222-1 et suivants prévoyant notamment l'envoi au client des informations énoncées à l'article L. 222-5 en temps utile et avant qu'il ne soit lié par le contrat.
Il en résulte que Mme X. peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-16-1 III du code de la consommation (devenu l'article L. 221-3) précité, renvoyant aux articles L.121-17 (devenu L. 221-5 à L. 221-7) et L.121-18-1 (devenu L. 221-9) insérés aux sous-sections 2 et 3 prévoyant notamment que le contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I-2° de l'article L. 121-17 au nombre desquelles l'indication du délai et des modalités d'exercice du droit de rétractation ainsi que le formulaire type de rétractation accompagnant le contrat (...).
Enfin, la société Locam fait état d'un jugement du tribunal correctionnel de Saint Etienne du 28 juillet 2020 prononçant sa relaxe, de chefs d'infraction ignorés, sans autorité de chose jugée dans le présent litige.
C'est donc à juste titre que les premiers juges, ayant constaté que les dispositions du code de la consommation étaient applicables au litige, que Mme X. avait exercé son droit de rétractation dans le délai d'un an suivant la date des contrats, lesquels étaient dépourvus de tout formulaire de rétractation, ont constaté l'anéantissement de l'ensemble contractuel et remis les parties dans leur état antérieur.
Le jugement sera confirmé dans toutes ses dispositions.
S'agissant de la demande d'indemnité de jouissance, la référence au loyer contractuel manque de pertinence en l'état de l'anéantissement du contrat. Il est acquis aux débats que Mme X. a eu la jouissance du photocopieur devenu propriété de la société Locam suite à facturation du 22 juin 2015. Le principe d'une indemnité est acquis mais son quantum sera modérée à la somme mensuelle de 11,04 €. En l'état de la demande de la société Locam de ce chef, son terme sera arrêté au 30 novembre 2017, soit 198,72 €.
Il sera ajouté au jugement de ce chef, compensation étant ordonnée avec la créance de restitution de Mme X.
Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Locam supportera les dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant par arrêt rendu par défaut, par mise à disposition au greffe
Confirme le jugement en toutes ses dispositions
statuant à nouveau,
Y ajoutant,
Condamne Mme X. à payer à la société Locam la somme mensuelle de 11,04 euros au titre d'indemnité de jouissance du 10 mai 2016 au 30 novembre 2017.
Ordonne la compensation entre cette indemnité de jouissance et la créance de restitution des loyers de Mme X. envers la société Locam.
Condamne la société Locam aux dépens d'appel.
Condamne la société Locam à payer à Mme X. la somme de 2.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale