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TJ PARIS (3e ch. 2e sect.), 15 avril 2022

Nature : Décision
Titre : TJ PARIS (3e ch. 2e sect.), 15 avril 2022
Pays : France
Juridiction : T.jud. Paris
Demande : 19/12628
Date : 15/04/2022
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 2/10/2019
Référence bibliographique : 5787 (action en concurrence déloyale), 6147 (omission de la possibilité de recourir au médiateur)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9907

TJ PARIS (3e ch. 2e sect.), 15 avril 2022 : RG n° 19/12628

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur.

Constitue un acte de concurrence déloyale le non-respect d'une règlementation dans l'exercice d'une activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur (Cass. com., 17 mars 2021, n° 01-10414). »

2/ « Ces dispositions, qui ont pour objectif la protection du consommateur contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, sont en l'espèce invoquées par la société PLAISANCE EQUIPEMENTS pour caractériser un acte de concurrence déloyale à son égard, de sorte que c'est vainement que la société CARBTECH soutient qu'elles n'ont pas lieu de s'appliquer au présent litige.

Toutefois, bien que la société PLAISANCE EQUIPEMENTS soutienne qu'à l'occasion des salons et foires auxquels la société CARBTECH participe, celle-ci ne justifie pas de leur respect, force est de constater qu'elle ne produit elle-même aucun élément de preuve alors qu'il lui appartient de l'établir.

En revanche c'est à bon droit que la demanderesse fait valoir que le site internet de la défenderesse ne mentionne pas la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation comme l'exige l'article L. 616-1 du code de la consommation sur son site internet, conformément aux dispositions de l'article R.616-1 du même code. Il en est de même de l'obligation d'insérer un lien vers la plateforme de règlement des litiges en ligne prévue à l'article L. 616-2 du même code. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

TROISIÈME CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

JUGEMENT DU 15 AVRIL 2022

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/12628. N° Portalis 352J-W-B7D-CRAEU. Assignation du : 2 octobre 2019.

 

DEMANDERESSE :

SAS PLAISANCE EQUIPEMENTS

[Adresse 2], [Localité 4], représentée par Maître Bertrand PAUTROT de la SELARL PAUTROT & HENRY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0138

 

DÉFENDERESSES :

SARL CARBTECH

[Localité 5]

ATWT INTERNATIONAL B.V.

[adresse]

représentées par Maître Alban CURRAL de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0400

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Madame Catherine OSTENGO, Vice-présidente, Madame Elise MELLIER, Juge, Madame [L] [V], Juge, assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier

DÉBATS : A l'audience du 17 février 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 15 avril 2022.

JUGEMENT : Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, Contradictoire, en premier ressort

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

PRÉSENTATION DES PARTIES :

La société PLAISANCE EQUIPEMENTS se présente comme une entreprise familiale fondée en 1976 à [Localité 6] en (54) dont l'activité est notamment, la réparation de machines agricoles.

Elle est titulaire de la marque verbale de l'Union européenne n° 16784985 « [Localité 7] » déposée le 30 mai 2017 en classes 7, 12 et 37 pour désigner « une machine automotrice sur laquelle s'adaptent des broyeurs forestiers ou des broyeurs de pierres ou des malaxeurs ou des turbines à neige ou des broyeurs de sol ou des broyeurs récupérateurs ainsi que les marteaux qui s'adaptent à ces machines ».

Elle est également titulaire de deux brevets :

- le brevet FR 2967009 (ci-après FR 009), déposé le 9 novembre 2010 et délivré le 21 février 2014 intitulé « Porte-outil et outil pour dispositif de broyage et de malaxage de sol »,

- le brevet français FR 3043881 (ci-après FR 881), déposé le 19 novembre 20 et délivré le 17 août 2018 intitulé « Porte-outil pour dispositif de broyage ou de malaxage de sol ».

La société de droit néerlandais A.T.W.T INTERNATIONAL B.V. (ci-après « A.T.W.T »), se présente comme un fabricant de pièces d'usure adaptables, notamment de pièces destinées à des broyeurs, à des machines industrielles, agricoles et forestières utilisées principalement dans l'industrie du traitement des déchets et du recyclage et dans l'industrie forestière.

La société CARBTECH a été créée au mois de mars 2013 pour distribuer en France les produits d'A.T.W.T. Elle édite le site internet accessible à l'adresse « http://www.carbtech.fr ».

 

LE LITIGE :

Ayant découvert que la société CARBTECH commercialisait en France au moyen de son site internet, des pièces de rechange sous sa marque PLAISANCE reproduisant, selon elle, les caractéristiques des revendications de ses deux brevets, la société PLAISANCE EQUIPEMENTS a fait procéder à l'établissement par huissier de justice de plusieurs procès-verbaux de constat et d'achat les 21 décembre 2017, 3 juillet 2017, 4 juillet 2018 et 27 septembre 2018.

Puis, elle a vainement fait adresser le 24 septembre 2018 à la société CARBTECH une mise en demeure d'avoir à cesser ses agissements et en a parallèlement informé la société A.T.W.T.

C'est dans ces conditions que la société PLAISANCE EQUIPEMENTS a, par actes séparés des 16 octobre 2019 et 17 janvier 2020, fait assigner devant ce tribunal les sociétés CARBTECH et A.T.W.T en contrefaçon des revendications de ses brevets et de sa marque, ainsi que concurrence déloyale.

Suivant ordonnance du 16 avril 2021, le juge de la mise en état a constaté que les défenderesses n'avaient pas maintenu devant ce magistrat la demande de mise hors de cause de la société A.T.W.T et l'a condamnée à payer 2 500 euros à la société PLAISANCE EQUIPEMENTS sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

EXTRAIT                                                                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

7 - Sur la concurrence déloyale par manquement à la loi et à la réglementation :

La société PLAISANCE EQUIPEMENTS fait valoir qu'étant une concurrente de la société CARBTECH sur le « marché des pièces d'usure », l'action en concurrence déloyale exclusivement fondée sur les manquements à la réglementation en vigueur sont générateurs d'une rupture d'égalité dans la concurrence, indépendamment de tout risque de confusion. Elle observe à cet égard que la société CARBTECH ne respecte pas la réglementation applicable à un site internet marchand, ni le droit de la consommation, ni le RGPD.

La société CARBTECH, qui conteste être une concurrente de la demanderesse, réplique que les obligations, à la charge des professionnels, prévues aux articles L. 616-1, R. 616-1 et L. 616-2 du code de la consommation, ne s'appliquent qu'envers les consommateurs personnes physiques, n'agissant pas dans le cadre de leur activité professionnelle. Elle ajoute respecter les dispositions de l'article 6, III, 1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 relatives à l'identification du directeur de la publication et du fournisseur d'hébergement, ainsi que celle de l'article 19 du même texte. Elle fait enfin valoir que la preuve n'est pas rapportée de la violation du RGPD. Elle conclut en conséquence au rejet des demandes en rappelant que la société PLAISANCE ne justifie ni d'actes distincts de ceux qui sont invoqués dans le cadre de l'action en contrefaçon, ni d'un préjudice qui serait en lien avec les fautes alléguées.

Sur ce,

La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur.

Constitue un acte de concurrence déloyale le non-respect d'une règlementation dans l'exercice d'une activité commerciale, qui induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur (Cass. com., 17 mars 2021, n° 01-10414).

Par ailleurs et comme le relève justement la demanderesse, une situation de concurrence directe ou effective n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale, qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice (Cass. com., 13 mai 2016, n° 14-24905).

En tout état de cause, au cas d'espèce, la société CARBTECH ne peut pertinemment soutenir qu'elle ne peut être considérée comme la concurrente de la société PLAISANCE EQUIPEMENTS, dès lors que celle-ci commercialise également sous sa marque des pièces de rechange destinées aux broyeuses qu'elle conçoit.

Enfin, dès lors qu'il est argué d'une violation de la règlementation étrangère au code de la propriété intellectuelle, il est bien justifié d'actes distincts de la contrefaçon.

La demanderesse reproche à la société CARBTECH la violation :

- 1/ des articles 6-III-1 c) et d) de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économique numérique qui imposent aux personnes dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne de mettre à disposition du public, dans un standard ouvert : le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction et le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse et le numéro de téléphone du prestataire mentionné au 2 du I de cet article 6 ainsi que des dispositions de l'article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 qui impose à tout service de communication au public par voie électronique d'avoir un directeur de la publication et enfin, de celles de l'article 19 de loi du 21 juin 2004 précitée, qui impose au professionnel de préciser son numéro individuel d'identification.

A l'examen des procès-verbaux de constat d'huissier des 7 septembre 2019 et 5 novembre 2020, les « mentions légales » du site « carbtech.fr » n'intègrent pas les informations précitées. La société CARBTECH ne le conteste d'ailleurs pas et elle ne peut pertinemment soutenir remplir les conditions légales d'édition d'un site internet au prétexte que son site précise le nom de la société, celui de son gérant, les adresses postale et électronique ainsi que son numéro de téléphone et qu'elle cumule les fonctions d'éditeur et d'hébergeur, toute personne ayant selon elle, la faculté de lui notifier ou de déclarer tout contenu ou agissement illicite. Il en est de même de ses arguments relatifs au numéro de TVA intra-communautaire français, qui doit apparaître non seulement sur les factures éditées par le commerçant – comme elle le revendique – mais également, aux termes de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, sur son site internet.

- 2/ des dispositions du code de la consommation et plus précisément, des articles L. 221-5 1° et L. 111-1-6° qui prévoient que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques du bien ou du service ainsi que des éléments d'identification du vendeur, étant précisé que selon l'article L. 221-3 du même code, les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Ces dispositions, qui ont pour objectif la protection du consommateur contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, sont en l'espèce invoquées par la société PLAISANCE EQUIPEMENTS pour caractériser un acte de concurrence déloyale à son égard, de sorte que c'est vainement que la société CARBTECH soutient qu'elles n'ont pas lieu de s'appliquer au présent litige.

Toutefois, bien que la société PLAISANCE EQUIPEMENTS soutienne qu'à l'occasion des salons et foires auxquels la société CARBTECH participe, celle-ci ne justifie pas de leur respect, force est de constater qu'elle ne produit elle-même aucun élément de preuve alors qu'il lui appartient de l'établir.

En revanche c'est à bon droit que la demanderesse fait valoir que le site internet de la défenderesse ne mentionne pas la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation comme l'exige l'article L. 616-1 du code de la consommation sur son site internet, conformément aux dispositions de l'article R.616-1 du même code. Il en est de même de l'obligation d'insérer un lien vers la plateforme de règlement des litiges en ligne prévue à l'article L. 616-2 du même code.

- 3/ de la législation relative à la protection des données à caractère personnel, à savoir, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 sur l'informatique et les libertés, ainsi que le règlement européen n° 2016/679 en date du 27 avril 2016, dit règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur le 25 mai 2018.

La société PLAISANCE EQUIPEMENTS relève en effet que la société CARBTECH procède à une collecte de données à caractère personnel portant notamment sur le nom, l'email et le numéro de téléphone des personnes concernées sans fournir aucune information sur les conditions de ce ou ces traitements et en se limitant en réalité à un paragraphe d'information dans l'onglet « mentions légales ».

Il incombe pourtant à tout responsable de traitement ou sous-traitant d'assurer la confidentialité et la sécurité des données personnelles collectées et traitées, c'est-à-dire de veiller à ce que ces données ne soient ni altérées ni communiquées à des tiers non autorisés or, au cas d'espèce, s'il est indiqué dans l'onglet « mentions légales » du site internet de la société CARBTECH que les informations enregistrées sont uniquement réservées à l'usage du service concerné et ne peuvent être communiquées à des sociétés tierces, aucune charte de confidentialité n'est cependant mise à la disposition du public, le lien dédié renvoyant en réalité à une page d'erreur comme cela ressort du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 25 janvier 2019.

Au regard de l'ensemble de ces éléments et dans la mesure où tout manquement à la réglementation dans l'exercice d'une activité commerciale induit nécessairement un avantage concurrentiel indu pour son auteur, il convient de juger que la société CARBTECH s'est rendue coupable d'acte de concurrence déloyale au préjudice de la demanderesse. »