CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 7 décembre 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9982
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 7 décembre 2022 : RG n° 19/10449 ; arrêt n° 2022/308
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Madame X. exerce la profession de médecin dermatologue. Or l'exercice d'une telle activité ne lui confère aucune compétence particulière pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans une opération englobant la location d'appareils de téléphonie. Dès lors que les services proposés sont étrangers à son champ de compétence professionnelle, elle peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-16-I-III du code de la consommation, le critère de l'utilité du matériel loué n'étant nullement retenu par les textes et la jurisprudence.
La SAS Locam s'oppose à ces demandes en invoquant le caractère de services financiers du contrat et donc son exclusion à ce titre des dispositions de l'article L. 127-17 du code de la consommation.
Toutefois, il est constant que le contrat location en cause, prévoyant la mise à disposition d'appareils de téléphonie moyennant le paiement de loyers, n'est pas assimilable à une opération de crédit et qu'il s'agit d'une location simple non soumise à la réglementation bancaire. Il en résulte que madame X. peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions relatives au droit de rétractation. Le contrat de location conclu avec la société Locam ne figure pas au nombre des contrats visés à l'article L. 121-16-1 du code de la consommation pour lesquels l'exercice du droit de rétractation est exclu.
Il convient de constater, ainsi que l'a relevé le tribunal de première instance avec raison, que le contrat de location financière ne comporte ni bon de rétractation ni informations relatives aux conditions, modalités et délai pour l'exercice du droit de rétractation.
Ainsi en application des dispositions de l'article L. 121-18-2 du code de la consommation, il convient de confirmer la nullité du contrat souscrit le 13 janvier 2016 par Madame X. »
2/ « La SAS Locam sollicite la condamnation de Madame X. à lui payer une indemnité de jouissance versée en contrepartie de l'utilisation du bien entre le jour de la livraison et celui de la restitution.
Faute de précision sur la somme sollicitée à ce titre, il convient de considérer que la SAS Locam formule une demande relative à une éventuelle condamnation de Madame Y. au paiement d'une indemnité de jouissance non chiffrée et non chiffrable. La SAS Locam n'a pas dans le dispositif de ses conclusions, chiffré sa demande, sollicitant uniquement le paiement d'une indemnité de jouissance, sans fournir aucun élément permettant au juge d'évaluer son montant. De sorte que la Cour n'est saisie d'aucune demande à ce titre. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3-4
ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/10449. Arrêt n° 2022/308. N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQII. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 11 avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le R.G. n° 17/00909.
APPELANTE :
SAS LOCAM
prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 2], représentée par Maître Alain KOUYOUMDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
Madame Y. veuve X.
née le [date] à [Localité 4], demeurant [Adresse 1], représentée par Maître Thibaut BREJOUX, avocat au barreau de TOULON
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Laure BOURREL, Président, Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022 ; Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président pour le Président empêché et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits, Prétentions et Procédure :
Le 13 janvier 2016, Madame Y. épouse X., a souscrit un contrat de location avec la SAS Locam pour des appareils de téléphonie, moyennant le versement de 36 mensualités de 214,80euros TTC, la société Next Telecom étant le fournisseur des appareils.
Le 1er février 2016, Madame X. a signé un procès-verbal de réception du matériel sans réserve.
Par acte du 2 février 2017, Madame X. a fait citer la SAS Locam devant le tribunal de grande instance de Toulon afin de voir ordonner l'annulation du dit contrat.
Par jugement contradictoire du 11 avril 2019, le tribunal de grande instance de Toulon a prononcé la nullité du contrat de location conclu le 13 janvier 2016 et condamné la SAS Locam à payer à Madame X. la somme de 7.322,02 euros au titre de la remise en état des parties, dit que Madame X. tiendra le matériel à la disposition de la SAS Locam et a condamné la SAS Locam à payer à Madame X. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La juridiction a retenu que le contrat litigieux ne comporte pas les mentions relatives au droit de rétractation en violation des dispositions de l'article L. 121-17 du code de la consommation applicable au contrat.
Le 28 juin 2019, la SAS Locam a interjeté appel de cette décision.
[*]
Par conclusions déposées et notifiées le 24 septembre 2019, la SAS Locam demande à la Cour de :
- Réformer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Toulon,
- Juger inapplicable les dispositions du code de la consommation,
- Dire et juger inapplicables les dispositions de l'article L. 121-16-I-III du code de la consommation (L. 221-3)
A défaut :
- Dire qu'en sa qualité de professionnelle, Madame X. s'est engagée dans son champ d'activité principale et non à des fins personnelles,
- La débouter de ses demandes d'annulation du contrat et de restitution des loyers,
A titre subsidiaire :
- La condamner à verser une indemnité compensatrice de jouissance pour dépréciation du matériel à la SAS Locam au jour du terme du contrat en l'absence de restitution antérieure nonobstant la radiation de Madame X. auprès de l'Urssaf,
- La condamner aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
Par conclusions déposées et notifiées le 28 novembre 2019, Madame X. demande à la Cour de :
- Confirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a limité la restitution des sommes dues par la SAS Locam à la somme de 7.322,02 euros,
- Condamner la SAS Locam à lui restituer la somme de 8.511,12 euros,
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que le contrat liant Madame X. à la SAS Locam est limité à une durée de 26 échéances mensuelles,
- Condamner la SAS Locam à lui payer la somme de 2.364,20 euros en restitution de 10 échéances indues,
- Débouter la SAS Locam de ses demandes et la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2022.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs :
Sur l'application des dispositions du code de la consommation :
Madame X., qui exerce une activité de dermatologue, a souscrit en janvier 2016 un contrat de location relatif à des appareils de téléphonie.
En application des dispositions de l'article L. 121-21 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat en cours « Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle. »
Aux termes de l'article L. 121-17 du code de la consommation relatif à l'obligation d'information pré contractuelle, il est précisé que « Préalablement à la conclusion d'un contrat vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : ...
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État ».
Il résulte de l'article L. 121-16-1 du code de la consommation que la faculté de rétractation ouverte aux consommateurs par l'article L. 121-21 du code de la consommation en vigueur jusqu'en juillet 2016 est étendue aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Il n'est pas contesté que Madame Y. emploie moins de 5 salariés.
En l'espèce, le contrat conclu le 13 janvier 2016 mentionne que le document est signé à [Localité 5]. Madame Y. ayant ses locaux [Adresse 3] et la société Locam ayant son siège social [Adresse 2], il est acquis que le contrat a été conclu hors du lieu où la société Locam exerce habituellement et en permanence son activité au sens de l'article L. 121-16 du code de la consommation.
Madame X. exerce la profession de médecin dermatologue. Or l'exercice d'une telle activité ne lui confère aucune compétence particulière pour apprécier l'intérêt tant matériel que financier à s'engager dans une opération englobant la location d'appareils de téléphonie. Dès lors que les services proposés sont étrangers à son champ de compétence professionnelle, elle peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-16-I-III du code de la consommation, le critère de l'utilité du matériel loué n'étant nullement retenu par les textes et la jurisprudence.
La SAS Locam s'oppose à ces demandes en invoquant le caractère de services financiers du contrat et donc son exclusion à ce titre des dispositions de l'article L. 127-17 du code de la consommation.
Toutefois, il est constant que le contrat location en cause, prévoyant la mise à disposition d'appareils de téléphonie moyennant le paiement de loyers, n'est pas assimilable à une opération de crédit et qu'il s'agit d'une location simple non soumise à la réglementation bancaire. Il en résulte que madame X. peut valablement invoquer le bénéfice des dispositions relatives au droit de rétractation. Le contrat de location conclu avec la société Locam ne figure pas au nombre des contrats visés à l'article L. 121-16-1 du code de la consommation pour lesquels l'exercice du droit de rétractation est exclu.
Il convient de constater, ainsi que l'a relevé le tribunal de première instance avec raison, que le contrat de location financière ne comporte ni bon de rétractation ni informations relatives aux conditions, modalités et délai pour l'exercice du droit de rétractation.
Ainsi en application des dispositions de l'article L. 121-18-2 du code de la consommation, il convient de confirmer la nullité du contrat souscrit le 13 janvier 2016 par Madame X.
Conformément aux dispositions de l'article L. 121-21-3 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, pour les contrats conclus hors établissement, lorsque les biens sont livrés au domicile du consommateur au moment de la conclusion du contrat, le professionnel récupère les biens à ses frais s'ils ne peuvent pas être renvoyés normalement par voie postale en raison de leur nature. Tel est le cas en l'espèce. La SAS Locam devra donc récupérer à ses frais le matériel loué à l'adresse de livraison.
Madame X. a versé la somme de 8.511,12 euros au titre des échéances échues. Il convient de condamner la SAS Locam à lui restituer cette somme
Il convient de confirmer les conséquences juridiques que la juridiction de premier degré a retenues, en raison de la nullité des contrats uniquement sur le principe, mais de statuer à nouveau sur le montant de la somme à restituer.
Sur l'indemnité de jouissance :
La SAS Locam sollicite la condamnation de Madame X. à lui payer une indemnité de jouissance versée en contrepartie de l'utilisation du bien entre le jour de la livraison et celui de la restitution.
Faute de précision sur la somme sollicitée à ce titre, il convient de considérer que la SAS Locam formule une demande relative à une éventuelle condamnation de Madame Y. au paiement d'une indemnité de jouissance non chiffrée et non chiffrable. La SAS Locam n'a pas dans le dispositif de ses conclusions, chiffré sa demande, sollicitant uniquement le paiement d'une indemnité de jouissance, sans fournir aucun élément permettant au juge d'évaluer son montant. De sorte que la Cour n'est saisie d'aucune demande à ce titre.
Il convient d'infirmer la décision de première instance à ce titre
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
La SAS Locam succombant doit supporter les entiers dépens et payer la somme de 2.500 euros à Madame X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs, la Cour statuant par arrêt contradictoire :
Confirme la décision de première instance rendue le 11 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Toulon sauf en ce qu'elle a condamné la SAS Locam à payer une somme de 7.322,02 euros au titre de la restitution des loyers,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SAS Locam à payer à Madame Y. la somme de 8.511,12 euros au titre de la restitution des loyers,
Constate qu'aucune demande chiffrée n'est formulée au titre de l'indemnité de jouissance par la SAS Locam,
Condamne la SAS Locam aux dépens d'appel et à payer la somme de 2.500 euros à Madame Y. X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5889 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Contrats conclus hors établissement ou à distance (après la loi du 17 mars 2014 - art. L. 221-3 C. consom.)
- 5945 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Téléphonie et télécopie