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CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 19 janvier 2023

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 19 janvier 2023
Pays : France
Juridiction : Aix-en-Provence (CA), ch. 3 - 3
Demande : 19/04309
Décision : 2023/5
Date : 19/01/2023
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 14/03/2019
Numéro de la décision : 5
Référence bibliographique : 6638 (prêt immobilier, TEG), 9744 (prêt, année lombarde), 5984 (preuve attendue du consommateur)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 10027

CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-3), 19 janvier 2023 : RG n° 19/04309 ; arrêt n° 2023/5 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « S'agissant d'une action en responsabilité pour manquement à une obligation d'information quant à la nature et l'étendue de l'engagement de la CAMCA, le point de départ du délai de prescription court à compter du moment où l'emprunteuse a eu connaissance du défaut de prise en charge par cette dernière de son obligation à paiement dans l'hypothèse de sa propre défaillance[…]

Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit prescrites les demandes de Mme X., dont il est observé que la dernière argumentation qui tendrait à assimiler à une clause abusive le contrat de cautionnement lui-même ne peut qu'être écartée comme dépourvue de tout fondement. »

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 3-3

ARRÊT DU 19 JANVIER 2023

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/04309. Arrêt n° 2023/5. N° Portalis DBVB-V-B7D-BD6O7. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 31 Janvier 2019 enregistrée au répertoire général sous le R.G. n° 16/04324.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [Date naissance 1] à [Localité 7] (pays), demeurant [Adresse 4], représentée par Maître Julie ROUILLIER de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Maître Chloé LOPEZ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

 

INTIMÉES :

CAISSE D'ASSURANCES MUTUELLE DU CRÉDIT AGRICOLE

prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 3], représentée par Maître Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Maître Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Philippe BARBIER, avocat au barreau de TOULON

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL PROVENCE CÔTE D'AZUR

venant aux droits de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Var, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, dont le siège social est sis [Adresse 6], représentée par Maître Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Maître Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Philippe BARBIER, avocat au barreau de TOULON

 

PARTIE(S) INTERVENANTE(S) :

SA CAMCA ASSURANCE

partie intervenante, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, dont le siège social est sis [Adresse 2], représentée par Maître Layla TEBIEL de la SCP BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Philippe BARBIER, avocat au barreau de TOULON

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre, Madame Gwenael KEROMES, Présidente, Madame Françoise PETEL, Conseillère.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023.

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023, Signé par Madame Valérie GERARD, Première Présidente de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Selon offre du 17 janvier 2006, acceptée le 29 janvier 2006, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur a consenti à M. Y. et Mme X. un prêt, destiné à financer l'acquisition d'un terrain et la construction d'une villa à [Adresse 4], d'un montant de 780.000 euros, se décomposant en :

- un prêt relais de 560.000 euros,

- un prêt amortissable de 220.000 euros pour solder le capital restant dû sur l'emprunt contracté pour l'acquisition de leur résidence située à la [Adresse 5] alors mise en vente.

Une erreur s'étant révélée quant au montant du capital restant dû qui était libellé en francs et non en euros, les époux X.-Y ont renoncé au prêt amortissable de 220.000 euros.

Le prêt relais leur a donc été consenti à hauteur de 560.000 euros, couvrant l'achat du terrain pour 272.500 euros, le montant des travaux pour 209.000 euros, outre les frais et le capital restant dû sur le prêt de la Société Générale pour la somme de 43.2l2,99 euros.

Pour financer des travaux supplémentaires, la banque a, le 10 octobre 2006, consenti aux époux X.-Y un second prêt d'un montant de 101.936 euros.

Le remboursement de chacun de ces prêts était garanti par un engagement de caution de la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole.

Par exploit du 27 janvier 2009, M. Y. et Mme X., estimant qu'elle avait manqué à son devoir de mise en garde, ont fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Toulon.

Suivant jugement du 28 octobre 2010, confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 12 septembre 2013, ce tribunal a débouté de l'ensemble de leurs demandes les emprunteurs, qui en outre ont été condamnés à payer à la banque les sommes dues au titre des deux emprunts, soit en dernier lieu les sommes de 833.265,95 euros, outre intérêts au taux de 7.20 % l'an à compter du 9 novembre 2012, en ce qui concerne le prêt relais, et de 47.501,61 euros, outre intérêts au taux de 3,5% l'an à compter du 31 octobre 2012, pour les arriérés du prêt n°006YY27.

Par exploits des 27 et 29 juillet 2016, Mme X. a fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur et la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole en responsabilité, pour défaut à l'obligation d'information, devant le tribunal de grande instance de Toulon.

Par jugement du 31 janvier 2019, ce tribunal a :

- dit que les demandes de Mme X. sont prescrites,

- condamné Mme X. à payer à titre de dommages et intérêts 3.000 euros à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, 3.000 euros à la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et 3.000 euros à la CAMCA Assurance SA,

- condamné Mme X. à payer 1.500 euros à chacun des défendeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme X. aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

Suivant déclaration du 14 mars 2019, Mme X. a interjeté appel de cette décision.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 19 septembre 2022, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'appelante demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par elle,

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulon, en date du 31 janvier 2019, en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il :

* a dit que ses demandes sont prescrites,

* l'a condamnée à payer, à titre de dommages et intérêts, 3.000 euros à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, 3.000 euros à la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et 3.000 euros à la CAMCA Assurance SA,

* l'a condamnée à payer 1.500 euros à chacun des défendeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamnée aux dépens,

statuant à nouveau,

- dire que ses demandes ne sont pas prescrites,

- annuler l'acte de « cautionnement » souscrit entre elle et la CAMCA,

* sur le préjudice financier :

- à titre principal, condamner solidairement la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et la CAMCA Assurance à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 1.415.426,31 euros, outre les intérêts au taux de 7,20 % l'an à compter du 3 juillet 2020 au jour du complet règlement et la somme de 61.790,97 euros, outre les intérêts au taux de 3,5 % l'an à compter du 3 juillet 2020 au jour du complet règlement, avec capitalisation,

- subsidiairement, condamner solidairement la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et la CAMCA Assurance à lui payer, à titre de dommages-intérêts, concernant les prêts n°006XX509 et n°006YY27, le montant des intérêts conventionnels dus, par elle, à compter de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 12 septembre 2013,

- plus subsidiairement, condamner solidairement la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et la CAMCA Assurance à lui payer, à titre de dommages et intérêts, concernant les prêts n°006XX509 et 006YY27, le différentiel entre le montant des intérêts conventionnels dus à compter de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 12 septembre 2013 et le montant des intérêts qui auraient été calculés, sur la base du taux légal, pour la même période, si la CAMCA Assurance avait été actionnée à cette date,

* en toute hypothèse :

- condamner solidairement la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et la CAMCA Assurance à la somme de 50.000 euros, au titre du préjudice moral,

- condamner solidairement la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et la CAMCA Assurance à lui rembourser le coût de la garantie à hauteur de 5.524,70 euros,

- condamner in solidum la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et la CAMCA Assurance à lui payer, respectivement, la somme de 10.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et la CAMCA de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et la CAMCA aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

Par conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 20 juillet 2022, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et la CAMCA Assurance SA demandent à la cour de :

- mettre à néant l'appel interjeté par Mme X. et confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

en conséquence,

- accueillir la société CAMCA Assurance S.A dont le siège est [Adresse 2] en son intervention volontaire et mettre hors de cause la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole dont le siège social est [Adresse 3], non sans condamner Mme X. divorcée Y. à payer à cette dernière la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme X. divorcée Y. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, comme irrecevable et subsidiairement mal fondée, non sans la condamner à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur et à CAMCA Assurance SA la somme de 9.000 euros à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1240 du code civil, outre celle de 1.500 euros chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile et entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Philippe Barbier, avocat, sur son affirmation de droit,

- condamner la même à payer à la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole, la société CAMCA Assurance SA et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur la somme de 3.000 euros chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, outre entiers dépens dont distraction au profit de Maître Layla Tebiel, avocat, sur son affirmation de droit.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la prescription :

L'appelante fait grief au tribunal d'avoir considéré qu'elle aurait eu connaissance de son obligation à partir de sa condamnation à payer au Crédit Agricole la somme de 669.069,94 euros, outre intérêts, par décision du tribunal de grande instance de Toulon du 28 octobre 20l0.

Elle soutient qu'une telle motivation mérite la censure, que la prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en aurait jusque-là pas eu connaissance, que le point de départ de la prescription de cinq ans est donc le jour de la révélation du dommage à la victime, qu'en l'espèce, le jugement précité du 28 octobre 20l0 n'était pas assorti de l'exécution provisoire, qu'elle en a relevé appel, qu'elle a ensuite été déboutée de ses demandes et condamnée, par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 12 septembre 2013, à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur une somme majorée de près de 900.000 euros au titre des prêts contractés.

Mme X. expose qu'elle n'a pas été éclairée de façon précise et complète sur la nature de l'engagement de la CAMCA, ni sur les modalités de sa mise en œuvre par la banque, qu'elle a légitimement cru, au vu de la volontaire confusion des terminologies de l'assurance et du cautionnement, que l'engagement de la CAMCA s'apparentait à une assurance dommage, ce qui avait déterminé son engagement dans une opération bancaire fort coûteuse, qu'elle a donc pensé que, dès lors qu'elle était défaillante dans le règlement des prêts, la CAMCA indemniserait le prêteur, que le dommage qui lui a été causé ne s'est donc pas manifesté dès la souscription du crédit mais s'est révélé à elle postérieurement, et ce, après sa condamnation par la cour le 12 septembre 20l3, date à compter de laquelle elle s'attendait, puisqu'elle était défaillante, à ce que la CAMCA soit actionnée en paiement par la banque, ce qui n'a pas été le cas.

Elle fait ainsi valoir que le point de départ de la prescription doit se situer postérieurement à l'arrêt de la cour, lorsque son obligation de payer est devenue définitive, et qu'elle a pris conscience que la banque n'avait nullement l'intention d'actionner la caution CAMCA, laissant ainsi volontairement croître de manière indécente les intérêts dus par elle, que, ayant fait délivrer les assignations les 27 et 29 juillet 20l6, ses demandes ne sont donc pas prescrites.

Elle ajoute qu'en toute hypothèse, est imprescriptible l'action du consommateur tendant à caractériser une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur et à la réputer non écrite, qu'elle entend par la suite démontrer le caractère abusif de l'acte de cautionnement CAMCA.

Rappelant à leur tour les dispositions de l'article 2224 du code civil, les intimées répliquent que, lorsque le dommage consiste en une perte de chance de ne pas contracter, telle que manifestement alléguée par l'appelante, il se manifeste dès la signature du contrat.

Elles indiquent qu'en tout état de cause, les informations dont Mme X. estime avoir été privée ressortent très clairement de l'engagement de caution de la CAMCA, acte annexé aux offres de prêt litigieuses, que l'emprunteuse ne pouvait ignorer cette garantie, que, par ailleurs, à supposer ces informations insuffisantes ou de nature à tromper cette dernière sur la nature de l'acte litigieux, l'inexécution alléguée pour les besoins de la cause et par conséquent le dommage, résultant de l'acceptation d'offres de prêt qu'elle n'aurait prétendument pas acceptées à défaut, se sont donc manifestés dès l'octroi des crédits.

Elles font valoir que, dans ces conditions, l'appelante est d'autant moins recevable comme prescrite à venir rechercher leur responsabilité plus de dix ans après cet octroi, qu'à cet égard, le premier juge a parfaitement caractérisé sa mauvaise foi, qu'en dépit des modifications substantielles apportées à son argumentation, la prescription de son action indemnitaire est toujours caractérisée.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur et la CAMCA précisent qu'il est effectivement évident que, même en imaginant pour les besoins du raisonnement que Mme X. n'avait pas compris la portée de l'engagement de la CAMCA avant d'être condamnée à payer le solde de ses prêts, le jugement de condamnation du 28 octobre 2010 ne laissait plus de place au doute sur son obligation de payer, que le caractère suspensif de son recours ne retirait naturellement rien à l'autorité de chose jugée par le tribunal et, au plus fort de son argumentation, à la révélation du fait qu'elle était toujours engagée à titre principal.

Elles déclarent que l'argumentation adverse visant à repousser opportunément le point de départ du délai de prescription est particulièrement artificielle, qu'elles sont curieuses de connaître le mécanisme assurantiel auquel fait référence l'appelante, qui permettrait une prise en charge des échéances d'un prêt lorsque l'emprunteur cesse de payer sans raison et surtout, sans survenance d'un risque déterminé dans une police d'assurance, que cette explication démontre au contraire que Mme X. avait parfaitement conscience du type de garantie souscrite qui ne pouvait être qu'une caution, sûreté par nature accessoire.

 

Sur ce, aux termes de l'article 2224 du code civil dont se prévaut chacune des parties, actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

S'agissant d'une action en responsabilité pour manquement à une obligation d'information quant à la nature et l'étendue de l'engagement de la CAMCA, le point de départ du délai de prescription court à compter du moment où l'emprunteuse a eu connaissance du défaut de prise en charge par cette dernière de son obligation à paiement dans l'hypothèse de sa propre défaillance.

Or, des pièces versées aux débats, il résulte qu'aux termes d'un document intitulé « acte de cautionnement » qu'elle a signé le 29 janvier 2006, annexé à l'offre de prêt immobilier qu'elle a acceptée à cette même date, Mme X. a « déclar(é) avoir pris connaissance des conditions générales du contrat d'assurance caution de CAMCA Assurance », lesdites conditions générales, qu'elle a également paraphées, prévoyant, notamment, que :

« La caution de CAMCA Assurance est donnée en couverture du remboursement de prêts (…).

Elle garantit au Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur « Prêteur », en cas de défaillance de l'Emprunteur, le paiement de toutes les sommes qui lui sont dues (…).

La mise en jeu de la caution par CAMCA Assurance interviendra à la seule initiative du « Prêteur » bénéficiaire de la garantie.

L'existence de la caution CAMCA Assurance n'a pas pour effet de libérer l'Emprunteur de sa propre obligation de remboursement.

La garantie accordée par CAMCA Assurance est un engagement de caution simple régi par les articles 2011 et suivants du code civil, c'est à dire qu'il ne pourra être mis en jeu qu'après épuisement de tous les recours du « Prêteur » contre l'Emprunteur et le Coemprunteur.

(…) ».

De la même manière, s'agissant de l'offre de prêt acceptée le 10 octobre 2006 par l'appelante, celle-ci a, à cette date, également signé un « acte de cautionnement » contenant déclaration de ce qu'elle avait connaissance des conditions générales du contrat d'assurance caution de CAMCA Assurance, et paraphé les conditions générales y annexées comportant des mentions identiques à celles ci-dessus rappelées.

Dès lors, il apparaît qu'à la seule lecture des actes soumis à sa signature, Mme X. a personnellement connu, ou aurait dû connaître, les conditions d'intervention de la CAMCA, de sorte que le point de départ de son action à l'encontre de cette dernière ou de la banque pour manquement à une obligation d'information se situe à la date de son acceptation des actes litigieux.

La prescription étant ainsi acquise, respectivement, les 29 janvier 2011 et 10 octobre 2011, l'action engagée par l'appelante selon assignations des 27 et 29 juillet 2016 est en conséquence irrecevable.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit prescrites les demandes de Mme X., dont il est observé que la dernière argumentation qui tendrait à assimiler à une clause abusive le contrat de cautionnement lui-même ne peut qu'être écartée comme dépourvue de tout fondement.

 

Sur les demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts :

Exposant qu'il ressort clairement des éléments du dossier que l'appelante multiplie vainement et abusivement procédures et voies de recours à leur encontre pour tenter d'échapper à ses engagements, que son comportement les contraint à provisionner le risque même improbable d'une condamnation, et qu'il en découle un préjudice financier certain dès lors que leurs fonds propres, sur la base desquels sont calculés leur ratio d'endettement et leur capacité d'intervention sur leur marché respectif, se trouvent comptablement réduits, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur et la SA CAMCA Assurance sollicitent sa condamnation à leur payer, par application de l'article 1240 du code civil, la somme de 9.000 euros, correspondant à environ 1 % des sommes qu'elle leur réclame injustement, à laquelle peut être raisonnablement évalué ce préjudice financier.

Cependant, les intimées ne justifiant pas du préjudice particulier qu'elles invoquent en lien avec l'acharnement procédural reproché à X. dans le cadre de la présente action, leur demande en paiement de dommages et intérêts est rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné Mme X. à payer à titre de dommages et intérêts 3.000 euros à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur, 3.000 euros à la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole et 3.000 euros à la CAMCA Assurance SA,

L'infirme de ce chef, et statuant à nouveau,

Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur et la SA CAMCA Assurance de leur demande de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

Condamne X. à payer à la Caisse d'Assurances Mutuelle du Crédit Agricole, la SA CAMCA Assurance et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Provence Côte d'Azur la somme de 3.000 euros, chacune, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT